Résiliation de bail commercial et conséquences financières des impayés

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Résiliation de bail commercial et conséquences financières des impayés

L’Essentiel : La S.C.I. VABU a engagé une procédure contre Madame [G] [F] et Monsieur [H] [F] pour un arriéré locatif de 62.449,12 euros, entraînant leur expulsion en juillet 2020. En parallèle, Madame [G] [F] a contesté le montant de la créance, demandant sa limitation à 58.900 euros. Le tribunal a finalement constaté la clause résolutoire au 12 septembre 2019, déboutant la S.C.I. VABU de sa demande d’expulsion. Madame [G] [F] a été condamnée à verser 76.082,63 euros, tandis que Monsieur [H] [F] a dû payer 61.440,31 euros, avec des demandes de délais et de dommages-intérêts rejetées.

Contexte du litige

La S.C.I. VABU a conclu un bail commercial avec la société CEVA le 25 janvier 2016 pour des locaux à [Adresse 2], [Localité 4]. Le bail, d’une durée de neuf ans, stipule un loyer mensuel de 8.000 euros et une provision sur charges de 400 euros. En février 2017, CEVA a cédé son droit au bail à Madame [G] [F] et Monsieur [H] [F]. En février 2019, ces derniers ont sous-loué les locaux à la société HOLD-R pour une durée de 36 mois.

Commandement de payer et procédures judiciaires

En août 2019, la S.C.I. VABU a signifié un commandement de payer à Madame [G] [F] et Monsieur [H] [F] pour un arriéré locatif de 62.449,12 euros, menaçant de résilier le bail. En novembre 2019, la S.C.I. VABU a assigné ses locataires en référé. Le 16 décembre 2019, le juge a constaté l’acquisition de la clause résolutoire et a ordonné l’expulsion des locataires, tout en fixant une indemnité d’occupation.

Actions en justice et expulsion

Madame [G] [F] a contesté le commandement de payer et a assigné la S.C.I. VABU et Monsieur [H] [F] pour limiter la créance à 58.900 euros. En juillet 2020, la S.C.I. VABU a procédé à l’expulsion de Monsieur et Madame [F] conformément à l’ordonnance de référé. Des saisies-attributions sur leurs comptes ont également été tentées, mais se sont révélées infructueuses.

Demandes des parties

Madame [G] [F] a demandé le rejet des demandes de Monsieur [H] [F] et la limitation de la créance de la S.C.I. VABU. De son côté, la S.C.I. VABU a demandé la constatation de la clause résolutoire, l’expulsion des locataires et le paiement de 137.522,93 euros pour loyers et charges. Monsieur [H] [F] a demandé à limiter sa condamnation à 61.440,30 euros.

Décision du tribunal

Le tribunal a constaté l’acquisition de la clause résolutoire au 12 septembre 2019 et a débouté la S.C.I. VABU de sa demande d’expulsion. Madame [G] [F] a été condamnée à verser 76.082,63 euros à la S.C.I. VABU, tandis que Monsieur [H] [F] a été condamné à 61.440,31 euros. Les demandes de délais de paiement et de dommages-intérêts de Madame [G] [F] ont été rejetées, tout comme les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Enfin, Madame [G] [F] a été condamnée à verser 16.850 euros à Monsieur [H] [F].

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de la clause résolutoire dans le bail commercial ?

La clause résolutoire dans un bail commercial est une disposition qui permet au bailleur de résilier le contrat de bail de plein droit en cas de non-paiement des loyers ou d’inexécution des obligations contractuelles par le preneur.

Selon l’article L. 145-41 du Code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux.

Ce commandement doit mentionner ce délai, à peine de nullité.

Dans l’affaire en question, la S.C.I. VABU a signifié un commandement de payer à ses locataires, qui est resté infructueux.

Ainsi, la clause résolutoire a été acquise le 12 septembre 2019, entraînant la résiliation du bail commercial.

Il est donc essentiel pour le bailleur de respecter les formalités prévues par la loi pour que la clause résolutoire soit valide et opposable.

Quelles sont les conséquences de l’expulsion d’un locataire en vertu d’une clause résolutoire ?

L’expulsion d’un locataire en vertu d’une clause résolutoire a des conséquences juridiques significatives.

L’article L. 411-1 du Code des procédures civiles d’exécution stipule que l’expulsion d’un immeuble ne peut être poursuivie qu’en vertu d’une décision de justice ou d’un procès-verbal de conciliation exécutoire, après signification d’un commandement d’avoir à libérer les locaux.

Dans le cas présent, la S.C.I. VABU a obtenu une ordonnance de référé qui a constaté l’acquisition de la clause résolutoire et a ordonné l’expulsion de Monsieur [H] [F] et de Madame [G] [F].

L’expulsion a été réalisée le 27 juillet 2020, conformément à cette ordonnance.

Il est important de noter que l’expulsion entraîne la perte de la jouissance des locaux par le locataire, qui doit également payer une indemnité d’occupation au bailleur pour la période d’occupation postérieure à la résiliation du bail.

Comment se détermine le montant de l’indemnité d’occupation due par un locataire expulsé ?

L’indemnité d’occupation due par un locataire expulsé est généralement calculée sur la base du loyer contractuel.

L’ordonnance de référé en date du 16 décembre 2019 a fixé cette indemnité à un montant égal au loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires.

Cette indemnité a un caractère à la fois compensatoire et indemnitaire, visant à réparer le préjudice subi par le bailleur en raison de la privation de son bien immobilier.

Il est donc essentiel que le montant de l’indemnité soit clairement établi et justifié par le bailleur.

Dans cette affaire, le tribunal a retenu le montant de l’indemnité d’occupation fixé par le juge des référés, qui n’a pas été contesté par les locataires.

Quelles sont les obligations du preneur en matière de paiement des loyers ?

Les obligations du preneur en matière de paiement des loyers sont clairement définies par le Code civil.

L’article 1728 du Code civil stipule que le paiement du prix du bail aux termes convenus constitue l’une des deux obligations principales du preneur.

En cas de non-paiement, le bailleur peut invoquer la clause résolutoire et demander l’expulsion du locataire.

Dans l’affaire en question, il a été établi que Monsieur [H] [F] et Madame [G] [F] étaient débiteurs d’un arriéré locatif, ce qui a conduit à la mise en œuvre de la clause résolutoire.

Le tribunal a constaté que les locataires n’avaient pas contesté le montant de la créance, ce qui a permis de justifier les demandes de paiement formulées par la S.C.I. VABU.

Quelles sont les conditions pour obtenir un délai de paiement en cas de dettes locatives ?

Les conditions pour obtenir un délai de paiement en cas de dettes locatives sont régies par l’article 1343-5 du Code civil.

Cet article stipule que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et des besoins du créancier, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues, dans la limite de deux années.

Cependant, il incombe au débiteur de produire tous les éléments justifiant du bien-fondé de sa demande.

Dans le cas présent, Madame [G] [F] n’a pas fourni d’éléments sur sa situation financière, ce qui a conduit le tribunal à rejeter sa demande de délais de paiement.

Il est donc crucial pour le débiteur de démontrer sa capacité de remboursement pour bénéficier d’un tel délai.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] C.C.C. + C.C.C.F.E.
délivrées le:
à Me COMPEROT (G0421)
Me QNIA (133)
C.C.C.
délivrée le :
à Me DELAISSER (B0430)

18° chambre
2ème section

N° RG 20/00082
N° Portalis 352J-W-B7E-CRMSB

N° MINUTE : 1

Assignation du :
16 Octobre 2019

JUGEMENT
rendu le 20 Janvier 2025
DEMANDERESSE

Madame [G] [F]
[Adresse 3]
[Localité 5]

représentée par Me Jean-max DELAISSER, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #B0430

DÉFENDEURS

S.C.I. VABU (RCS de PARIS n°449 977 685)
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentée par Me Laurent COMPEROT, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #G0421

Monsieur [H] [F]
[Adresse 1]
[Localité 4]

Décision du 20 Janvier 2025
18° chambre 2ème section
N° RG 20/00082 – N° Portalis 352J-W-B7E-CRMSB

représenté par Me Fouad QNIA, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, avocat plaidant, vestiaire #133

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Par application des articles R.212-9 du code de l’organisation judiciaire et 812 du code de procédure civile, l’affaire a été attribuée au juge unique.

Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.

Maïa ESCRIVE, Vice-présidente, statuant en juge unique, assistée de Paulin MAGIS, Greffier.

DÉBATS

A l’audience du 13 Novembre 2024, tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 08 Janvier 2025, délibéré prorogé au 20 Janvier 2025.

JUGEMENT

Rendu publiquement
Contradictoire
en premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 25 janvier 2016, la S.C.I. VABU a donné à bail commercial à la société CEVA, en cours de création et représentée par ses co-gérants, Monsieur [H] [F] et Monsieur [L] [F], pour y exercer une activité de “café, restaurant traditionnel, salon de thé avec shisha nargila” des locaux dépendant de l’immeuble sis [Adresse 2] à [Localité 4] et désignés ainsi :

“local commercial situé [au] rez-de-chaussée sur rue, porte gauche pour une surface de 130 M2 (…) Le local dispose d’un sous-sol”.

Le bail a été conclu pour une durée de neuf années à compter du 1er février 2016, pour se terminer le 31 janvier 2025, et moyennant le versement d’un loyer mensuel de 8.000 euros, outre une provision sur charges mensuelle de 400 euros.

Par acte sous seing privé du 18 février 2017, la société CEVA a cédé son droit au bail à Madame [G] [F] et Monsieur [H] [F].

Par acte sous seing privé en date du 22 février 2019, Madame [G] [F] et Monsieur [H] [F] ont consenti un sous-bail dérogatoire portant sur les locaux susvisés à la société HOLD-R d’une durée de 36 mois du 1er mars 2019 au 28 février 2022, moyennant le versement d’un loyer annuel de 120.000 euros hors taxes et hors charges, payable mensuellement et d’avance.

Par acte extrajudiciaire délivré les 9 et 12 août 2019, la S.C.I. VABU a signifié à Madame [G] [F] et Monsieur [H] [F] un commandement de payer portant sur la somme de 62.449,12 euros au titre d’un arriéré locatif, outre le coût de l’acte, et visant la clause résolutoire du bail.

Par acte délivré le 5 novembre 2019, la S.C.I. VABU a fait assigner ses locataires devant le juge des référés de ce tribunal.

Par ordonnance en date du 16 décembre 2019, le juge des référés a notamment :
– constaté l’acquisition de la clause résolutoire du bail au 12 septembre 2019,
– ordonné à défaut de libération volontaire, l’expulsion de Monsieur [H] [F] et de Madame [G] [F] et de tous occupants de leur chef, des locaux litigieux,
– fixé à titre provisionnel l’indemnité d’occupation due par Monsieur [H] [F] et Madame [G] [F] à compter de la résiliation du bail et jusqu’à la libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires,
– condamné par provision Monsieur [H] [F] et Madame [G] [F] à payer à la S.C.I. VABU la somme de 86.049,12 euros au titre du solde des loyers, charges et accessoires et indemnités d’occupation arriérés au mois de novembre 2019 inclus, ainsi que les indemnités d’occupation postérieures,
– condamné Monsieur [H] [F] et Madame [G] [F] aux dépens, en ce compris le coût des commandements de payer des 9 et 12 août 2019, ainsi qu’à verser à la S.C.I. VABU la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Antérieurement à l’ordonnance, après avoir contesté le commandement par courrier de son conseil en date du 12 septembre 2019, Madame [G] [F] a, par actes délivrés le 16 octobre 2019, fait assigner la S.C.I. VABU et Monsieur [H] [F] devant ce tribunal aux fins de :

“Vu les articles 1240, 1358 et 1343-5 du code civil,
Vu l’article L 145-41 du code de commerce,
Vu les articles 6 et 700 du CPC,

A titre principal,
– Dire que la créance de la société VABU sera limitée à la somme de 58.900 € charges comprises
– Dire que l’indivision aura un délai de 8 mois pour régler cette somme

En tout état de cause,
– Condamner Monsieur [H] [F] à verser la somme de 58.900 € à la société VABU
– Condamner Monsieur [H] [F] à verser la somme de 25.000 € à Madame [G] [F] au titre de dommages et intérêts
– Condamner in solidum la société VABU et Monsieur [H] [F] à verser la somme de 3.000 € à Madame [G] [F] au titre de l’article 700 du CPC”.

En cours d’instance, la S.C.I. VABU a fait procéder à l’expulsion de Monsieur et Madame [F] suivant procès-verbal en date du 27 juillet 2020 en exécution de l’ordonnance de référé.

Elle a également fait procéder suivant procès-verbal en date du 9 avril 2020 à une saisie-attribution sur le compte ouvert au nom de Madame [G] [F] auprès de LA BANQUE POSTALE pour une créance de 61.358,02 euros qui s’est révélée infructueuse et suivant procès-verbal en date du 19 juin 2020 à une saisie-attribution sur le compte ouvert au nom de Monsieur [H] [F] auprès de LA BANQUE POSTALE pour une créance de 61.224,22 euros à hauteur de 14.642,32 euros et qui a été dénoncée à l’intéressé le 23 juin 2020.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 19 mars 2022, Madame [G] [F] demande au tribunal de :

Vu les articles 1104, 1240, 1358 et 1343-5 du code civil,
Vu l’article L. 245-9 du code de commerce,

A titre principal,

– Rejeter toutes les demandes, fins et prétentions de Monsieur [H] [F] dirigées à son encontre,
– Dire que la créance de la société VABU sera limitée à la somme de 58.900 euros, charges comprises,
– Dire que l’indivision aura un délai de 24 mois pour régler cette somme,

En tout état de cause,

– Condamner Monsieur [H] [F] à verser la somme de 58.900 euros à la société VABU,
– Condamner Monsieur [H] [F] à lui verser la somme de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts,
– Condamner in solidum la société VABU et Monsieur [H] [F] à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 janvier 2023, la S.C.I. VABU demande au tribunal de :

Vu l’article L. 145-41 du code de commerce,
Vu les commandements des 9 et 12 août 2019,

– Débouter Monsieur et Madame [F] de l’ensemble de leurs demandes,

Faisant droit aux demandes reconventionnelles de la S.C.I. VABU,

– Constater l’acquisition de la clause résolutoire du bail au 12 septembre 2019, soit un mois après le commandement ;
– Ordonner l’expulsion de Monsieur [H] [F] et Madame [G] [F] et celles de tous occupants de leur chef du local qu’ils exploitent ensemble à [Localité 4], [Adresse 2] ;
– Condamner ensemble Monsieur et Madame [F] au paiement de la somme de 137.522,93 euros représentant les loyers, charges et indemnités d’occupation suivant comptes arrêtés au 27 juillet 2020 inclus ;

Subsidiairement, vu l’article 1728 du code civil,

– Prononcer la résiliation du bail aux torts exclusifs de Monsieur et Madame [F] au 12 septembre 2019 ;
– Ordonner l’expulsion de Monsieur et Madame [F] du local litigieux ;
– Du 12 septembre 2019 jusqu’à parfaite libération des lieux, condamner Monsieur et Madame [F] au paiement d’une indemnité d’occupation égale au loyer majoré des charges ;
– Les condamner au paiement de la somme de 137.522,93 euros, représentant les loyers, charges et indemnités d’occupation selon comptes arrêtés au 27 juillet 2020 ;
– Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir ;
– Condamner Monsieur et Madame [F] ensemble aux entiers dépens comprenant le coût des commandements et des éventuelles dénonciations aux créanciers inscrits, ainsi qu’au paiement de la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 novembre 2021, Monsieur [H] [F] demande au tribunal de :

– En cas de condamnation de Monsieur [F] à l’égard de la S.C.I. VABU, la limiter à la somme de 61.440,30 euros,
– Débouter Madame [F] de l’ensemble de ses demandes,
– En cas de condamnation de Monsieur et Madame [F] à l’égard de la S.C.I. VABU, condamner Madame [F] au paiement à Monsieur [F] de la somme de 17.200 euros,
– Débouter la S.C.I. VABU de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,
– Débouter la S.C.I. VABU de sa demande d’exécution provisoire,
– Condamner Madame [F] au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.

* * *

Ainsi que le permet l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières conclusions des parties pour l’exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.

La clôture de la mise en état a été prononcée le 16 octobre 2023.

L’affaire a été appelée pour plaidoiries à l’audience tenue en juge unique du 13 novembre 2024 et mise en délibéré au 8 janvier 2025, prorogé au 20 janvier 2025. Les pièces de Monsieur [F] sont parvenues à la 18ème chambre civile le 6 janvier 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Pour une meilleure lisibilité de la décision, seront examinées en premier lieu les demandes reconventionnelles de la S.C.I. VABU dont dépendent ensuite les demandes de condamnations réciproques présentées par Monsieur et Madame [F].

Sur la demande reconventionnelle de constatation de l’acquisition de la clause résolutoire et les demandes subséquentes formées par la S.C.I. VABU

– Sur l’acquisition de la clause résolutoire

Aux termes des dispositions du premier alinéa de l’article L. 145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

En outre, en application des dispositions de l’article 500 du code de procédure civile, a force de chose jugée le jugement qui n’est susceptible d’aucun recours suspensif d’exécution. Le jugement susceptible d’un tel recours acquiert la même force à l’expiration du délai du recours si ce dernier n’a pas été exercé dans le délai.

Décision du 20 Janvier 2025
18° chambre 2ème section
N° RG 20/00082 – N° Portalis 352J-W-B7E-CRMSB

En l’espèce, la clause résolutoire insérée au contrat de bail commercial conclu entre la S.C.I. VABU d’une part et Monsieur et Madame [F] d’autre part, stipule qu’“il est expressément convenu, comme condition essentielle dudit bail, qu’à défaut de paiement d’un seul terme de loyer à son échéance, ou d’inexécution d’une seule des clauses ci-avant, et ce après simple commandement de payer resté infructueux, le présent bail sera résilié de plein droit si bon semble au bailleur, sans qu’il soit besoin de faire prononcer cette résiliation en justice (…)”.

Il est établi que par acte extrajudiciaire, la S.C.I. VABU a fait signifier à Monsieur [H] [F] le 9 août 2019 et à Madame [G] [F] le 12 août 2019 un commandement de payer portant sur la somme en principal de 62.449,19 euros au titre de l’arriéré de loyers et de charges arrêté au 12 juillet 2019 inclus, outre le coût de l’acte et visant la clause résolutoire du bail.
De plus, il est constant que par ordonnance contradictoire en date du 16 décembre 2019, le juge des référés de ce tribunal a notamment constaté l’acquisition de la clause résolutoire au 12 septembre 2019.

S’il est vrai que l’ordonnance de référé susvisée n’est pas revêtue de l’autorité de la chose jugée au principal, en application des dispositions du premier alinéa de l’article 488 du code de procédure civile, il n’est pas contesté que ladite ordonnance de référé a néanmoins force de chose jugée et que l’expulsion a eu lieu suivant procès-verbal en date du 27 juillet 2020.

En tout état de cause, le tribunal est saisi des demandes figurant dans le dispositif des dernières conclusions des parties et il convient de constater que Madame [G] [F] et Monsieur [H] [F] ne forment aucune demande tendant à voir déclarer de nul effet le commandement de payer visant la clause résolutoire qui leur a été signifié les 9 et 12 août 2019 par la S.C.I. VABU. Ils ne soutiennent pas non plus ni ne justifient avoir réglé la somme visée dans ledit commandement dans le délai d’un mois suivant sa délivrance.

Dès lors qu’il n’est pas contesté que le commandement de payer signifié les 9 et 12 août 2019 est demeuré infructueux dans le délai d’un mois à compter de sa signification, le tribunal ne peut que constater que la clause résolutoire est définitivement acquise depuis le 12 septembre 2019 à 24h00, et que le contrat de bail commercial est résilié de plein droit depuis cette date.

– Sur la demande d’expulsion

En vertu des dispositions de l’article L. 411-1 du code des procédures civiles d’exécution, sauf disposition spéciale, l’expulsion d’un immeuble ou d’un lieu habité ne peut être poursuivie qu’en vertu d’une décision de justice ou d’un procès-verbal de conciliation exécutoire et après signification d’un commandement d’avoir à libérer les locaux.

En l’espèce, il est établi qu’en exécution de l’ordonnance de référé en date du 16 décembre 2019, la S.C.I. VABU a, par acte d’huissier en date du 27 juillet 2020, fait procéder à l’expulsion de Monsieur et Madame [F] et de la société HOLD R occupant de leur chef, l’huissier instrumentaire indiquant : “à la fin de mes opérations, j’ai fait refermer les lieux et les ai déclarés repris au nom de la partie demanderesse”.

Dès lors, force est de constater qu’il ne peut être fait droit à la nouvelle demande d’expulsion formée par la S.C.I. VABU.

– Sur la condamnation à une indemnité d’occupation

L’indemnité d’occupation due par un occupant sans titre présente un caractère mixte à la fois compensatoire et indemnitaire, et a pour objet de réparer le préjudice subi par le bailleur propriétaire du fait de la privation de son bien immobilier.

Dans son ordonnance en date du 16 décembre 2019, le juge des référés a notamment fixé à titre provisionnel l’indemnité d’occupation due par Monsieur [H] [F] et Madame [G] [F] à compter de la résiliation du bail et jusqu’à la libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires.

Ce montant n’est pas contesté par Monsieur et Madame [F], apparaît pertinent et sera retenu.

Sur la créance de la S.C.I. VABU et sa demande en paiement

Il convient de constater que ni Madame [G] [F] ni Monsieur [H] [F] ne contestent être débiteurs d’un arriéré locatif auprès de la S.C.I. VABU. Leurs contestations portent sur le quantum de la créance et la répartition entre eux de la charge finale de la dette.

Madame [G] [F] soutient que le montant de la créance de la S.C.I. VABU doit être limité à la somme de 58.900 euros charges comprises, sans plus de précisions, tandis que Monsieur [H] [F] fait valoir que la somme de 14.642,32 euros a été saisie sur son compte, et qu’elle doit être déduite des sommes dues au bailleur.

L’article 1728 du code civil énonce que le paiement du prix du bail aux termes convenus constitue l’une des deux obligations principales du preneur.

En application de l’article 1315 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 entrée en vigueur le 1er octobre 2016 et applicable en l’espèce s’agissant d’un bail conclu le 25 janvier 2016, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

En l’espèce, il ressort du dernier décompte arrêté au 27 juillet 2020 produit aux débats par la S.C.I. VABU qu’à cette date, correspondant à la date de l’expulsion précédemment évoquée, la bailleresse se prévaut d’une créance de 137.522,93 euros. Elle justifie de la régularisation des charges pour les années 2017 et 2018.

Les parties ne discutent ni le décompte, ni les provisions sur charges pour les années 2019 et 2020 ou la conservation du dépôt de garantie par le bailleur.

Il en résulte que le montant des loyers et charges justifiés depuis l’entrée en jouissance de Monsieur et Madame [F] dans les locaux jusqu’à leur expulsion s’élève à :
10.857,14 +(8.000 x 21 mois) + (8.400 x 18 mois ) + 7.316,13 + 1.701,50 (charges 2017) + 2.990,48 (charges 2018) = 342.065,25 euros.
Les règlements listés par la S.C.I. VABU n’étant pas contestés, ils s’élèvent à 79.100 +67.200 + 43.600 = 189.900 euros.

Il est donc justifié d’une créance de 152.165,25 euros.

En application de l’article 1202 ancien du code civil, la solidarité ne se présume point ; elle doit être expressément stipulée. En l’absence de toute clause dans le contrat de bail, la dette de loyers est donc divisible entre les copreneurs.

Dès lors, Madame [G] [F] sera condamnée à verser à la S.C.I. VABU la somme de 76.082,63 euros au titre de l’arriéré de loyers, charges et indemnités d’occupation arrêté au 27 juillet 2020 et Monsieur [H] [F] sera quant à lui condamné à verser à la S.C.I. VABU la somme de (76.082,63 – 14.642,32 (saisie opérée sur le compte de Monsieur [F]) =) 61.440,31 euros au titre de l’arriéré de loyers, charges et indemnités d’occupation arrêté au 27 juillet 2020 après déduction de la saisie effectuée sur son compte suivant procès-verbal du 19 juin 2020.

Sur la demande de délais de paiement formée par Madame [G] [F]

L’ancien article 1244-1, devenu l’article 1343-5 du code civil, énonce que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Conformément à l’article 9 du code de procédure civile, il incombe au débiteur qui sollicite le bénéfice de ces dispositions de produire tous les éléments justifiant du bien fondé de sa demande ; l’octroi d’un délai de grâce exige du débiteur qu’il prouve non seulement sa situation financière et patrimoniale, mais également qu’un échelonnement ou un report est opportun.

En l’espèce, Madame [G] [F] ne produit aucun élément sur sa situation financière et ne justifie pas de sa capacité de remboursement de la dette en 24 mensualités.

Au vu de ces éléments, l’octroi de délais de paiement à Madame [G] [F] n’apparaît pas opportun. Elle sera dès lors déboutée de sa demande de délais de paiement.

Sur la demande de condamnation de Monsieur [H] [F] à verser la somme de 58.900 euros à la S.C.I. VABU formée par Madame [G] [F]

Madame [G] [F] soutient que son cousin, Monsieur [H] [F] est le gérant de fait de la S.C.I. VABU, ce que ces derniers contestent ; que Monsieur [H] [F] en cette qualité aurait laissé s’aggraver la dette du sous-locataire, la société HOLD-R, contre lequel il n’aurait entrepris aucune démarche et qu’il lui a fait délivrer un commandement de payer dans l’unique intention de lui nuire ; qu’alors que la S.C.I. VABU “pilotée par [H] [F]” bénéficiait d’une ordonnance de référé exécutoire depuis le mois de décembre 2019, elle a préféré attendre que la dette se creuse avant de faire exécuter la décision.

Il convient de constater qu’en qualité de copreneuse, Madame [G] [F] pouvait également engager une action à l’encontre de la sous-locataire ; que le commandement de payer a été signifié par la S.C.I. VABU à Madame [G] [F] mais aussi à Monsieur [H] [F], sur le compte duquel une saisie-attribution a été réalisée pour un montant non négligeable ; que les délais d’exécution de l’ordonnance de référé ne sont pas excessifs, le procès-verbal d’expulsion étant en date du 27 juillet 2020 et un confinement ayant été ordonné dans le cadre de la crise sanitaire.

Par conséquent, il ne peut être considéré que la dette locative dont l’existence n’est pas contestée, serait uniquement imputable à Monsieur [H] [F]. La demande de condamnation de Monsieur [H] [F] à verser la somme de 58.900 euros à la société VABU formée par Madame [G] [F] sera donc rejetée.

Sur la demande de dommages-intérêts formée par Madame [G] [F] à l’encontre de Monsieur [H] [F]

Selon l’article 1240 du code civil, quiconque par sa faute cause un dommage à autrui lui en doit réparation.

Il incombe à Madame [G] [F] de démontrer l’existence d’une faute, d’un préjudice et de leur lien de causalité.

Faute de toute démonstration d’une faute, d’un préjudice et de leur lien de causalité, cette demande ne peut qu’être rejetée.

Sur la demande reconventionnelle de condamnation de Madame [G] [F] au paiement de la somme de 17.200 euros formée par Monsieur [H] [F]

Monsieur [H] [F] expose que Madame [G] [F] est l’auteur des détournements qu’elle évoque ; que le sous-loyer facturé étant supérieur au loyer qu’ils devaient verser à la S.C.I. VABU, ils auraient dû se partager le disponible mensuel ; qu’il a assez vite dû veiller seul au bon paiement des loyers au bailleur ; que Madame [F] s’est appropriée davantage que la part de sous-loyers lui revenant, plaçant le compte commun en situation débitrice. Il fait valoir que Madame [F] s’est appropriée la somme de 54.205 euros, alors qu’il n’a prélevé que la somme de 19.805 euros sur le compte de dépôt associés ; qu’il convient de rééquilibrer la situation, la différence entre les sommes prélevées par les copreneurs s’élevant à 34.400 euros (54.205 – 19.805), il convient de diviser cette somme par deux et de condamner Madame [F] à lui rembourser la somme de 17.200 euros.

Madame [F] ne conteste pas avoir effectué lesdits virements depuis le compte de l’indivision vers son compte personnel, soutenant que ceux-ci ont été permis par Monsieur [H] [F] qui était le seul à gérer le compte bancaire ; qu’il a tiré profit de cette situation pour nuire à ses intérêts.

Néanmoins, il ressort des pièces versées au débat qu’un compte “INDIVISION M [H] [F] OU MELLE [G] [F]” a été ouvert auprès de la banque LCL. Il n’est pas justifié par Madame [F] que seul Monsieur [F] avait la possibilité d’effectuer des opérations sur ce compte.

En outre, Madame [F] ne conteste pas avoir effectué des virements vers son compte personnel, ce qui est étayé par :
– la production d’un courriel adressé par Madame [F] à Monsieur [H] [F] le 1er mars 2019 dans lequel elle écrit :
“en sachant que j’allais avoir un virement, sur l’improviste j’ai effectué des chèques personnel[s],
Et je risque d’avoir des impayés (…)
Pour cela j’avais informé notre locataire et la banque à que la moitié de se qui me revient soit transféré sur mon compte.
Par excitation je pense avoir fait n’importe quoi.
Je souhaite que ma moitié de loyer donc 5.000 euros soit transféré sur mon compte.
En ce qui est ma part de loyer à VABU, je ferai le virement ultérieurement c’est à dire avant la fin du mois de Mars 2019 (…)”,
– la communication des relevés de compte de l’“INDIVISION M [H] [F] OU MELLE [G] [F]” dont il ressort que Madame [G] [F] a procédé à des virements vers son compte personnel à hauteur de 53.505 euros et non de 54.205 euros comme soutenu et que Monsieur [H] [F] a quant à lui procédé à des virements vers son compte personnel à hauteur de 19.805 euros.

Il convient donc de condamner Madame [G] [F] à verser à Monsieur [H] [F] la somme de (53.505 – 19.805) / 2 = 16.850 euros.

Sur les demandes accessoires

Succombant, Madame [G] [F] et Monsieur [H] [F] sont condamnés aux dépens de la présente instance, comprenant le coût du commandement de payer signifié les 9 et 12 août 2019. Madame [G] [F] bénéficiant de l’aide juridictionnelle totale, elle supportera la charge de la moitié des dépens effectivement exposés par la S.C.I. VABU. Etant condamnés aux dépens, Madame [G] [F] et Monsieur [H] [F] sont en conséquence déboutés de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Compte tenu des liens familiaux qui unissent les parties, l’équité ne justifie pas qu’il soit fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la S.C.I. VABU. Sa demande de ce chef sera également rejetée.

Enfin aucun motif ne conduit à écarter l’exécution provisoire de droit.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et rendu en premier ressort,

Constate à la date du 12 septembre 2019 à 24h00 l’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail du 25 janvier 2016 liant la S.C.I. VABU d’une part, Monsieur [H] [F] et Madame [G] [F] d’autre part, portant sur des locaux sis [Adresse 2] à [Localité 4],

Déboute la S.C.I. VABU de sa demande d’expulsion,

Condamne Madame [G] [F] à verser à la S.C.I. VABU la somme de 76.082,63 euros (soixante-seize mille quatre-vingt-deux euros et soixante-trois centimes) au titre de l’arriéré de loyers, charges et indemnités d’occupation arrêté au 27 juillet 2020,

Condamne Monsieur [H] [F] à verser à la S.C.I. VABU la somme de 61.440,31 euros (soixante et un mille quatre cent quarante euros et trente et un centimes) au titre de l’arriéré de loyers, charges et indemnités d’occupation arrêté au 27 juillet 2020 après déduction de la saisie effectuée sur son compte suivant procès-verbal du 19 juin 2020,

Déboute Madame [G] [F] de ses demandes de délais de paiement, de condamnation de Monsieur [H] [F] à verser la somme de 58.900 euros à la S.C.I. VABU, de condamnation de Monsieur [H] [F] à lui verser des dommages-intérêts et au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Madame [G] [F] à verser à Monsieur [H] [F] la somme de 16.850 (seize mille huit cent cinquante) euros,

Condamne Madame [G] [F] et Monsieur [H] [F] aux dépens, comprenant le coût du commandement de payer signifié les 9 et 12 août 2019, et dit que Madame [G] [F] bénéficiant de l’aide juridictionnelle totale, elle supportera la charge de la moitié des dépens effectivement exposés par la S.C.I. VABU,

Déboute Monsieur [H] [F] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute la S.C.I. VABU de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit n’y avoir lieu d’écarter l’exécution provisoire de la présente décision.

Fait et jugé à Paris le 20 Janvier 2025

Le Greffier Le Président
Paulin MAGIS Maïa ESCRIVE


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