Cour d’appel de Toulouse, 17 janvier 2025, RG n° 23/01632
Cour d’appel de Toulouse, 17 janvier 2025, RG n° 23/01632

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Toulouse

Thématique : Licenciement économique contesté : motifs et conséquences sur les droits du salarié

Résumé

Embauche et évolution de Mme [R]

Mme [B] [R] a été embauchée par la SAS Magellium en tant que responsable des ressources humaines à temps plein le 13 décembre 2010. Son contrat stipulait une rémunération basée sur 35 heures hebdomadaires, avec des heures supplémentaires. En juillet 2017, son temps de travail a été réduit à 37 heures, tout en lui permettant d’acquérir des jours de RTT.

Situation de l’entreprise

La SAS Magellium a traversé des difficultés financières, ayant été soumise à une procédure de sauvegarde judiciaire en mars 2015, suivie d’un plan de sauvegarde en juillet 2016. En novembre 2017, la procédure a été clôturée. En 2020, l’entreprise a envisagé une réorganisation, entraînant la suppression de plusieurs postes, y compris celui de Mme [R].

Consultation du comité social et économique

Le 13 novembre 2020, le comité social et économique a émis un avis défavorable à la réorganisation du service des ressources humaines, soulignant que la charge de travail de la responsable des ressources humaines était sous-estimée. Mme [R] a alors exprimé ses doutes quant à la légitimité du motif économique invoqué pour son éviction.

Proposition de reclassement et licenciement

La SAS Magellium a proposé à Mme [R] un reclassement en tant qu’assistante RH à temps partiel, proposition à laquelle elle n’a pas répondu. Le 18 novembre 2020, elle a été convoquée à un entretien préalable au licenciement, qui a été notifié le 10 décembre 2020, avec une indemnité de licenciement de 12.815,15 €.

Actions en justice de Mme [R]

Le 3 mai 2021, Mme [R] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse, demandant des dommages et intérêts pour licenciement injustifié et d’autres indemnités. Le jugement du 27 mars 2023 a reconnu que son licenciement n’était pas fondé sur une cause réelle et sérieuse, mais a débouté Mme [R] de ses demandes de dommages et intérêts pour comportement fautif.

Appel de Mme [R]

Mme [R] a interjeté appel le 4 mai 2023, demandant la confirmation de certains aspects du jugement tout en contestant d’autres, notamment les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle a également demandé des indemnités supplémentaires pour comportement fautif et vexatoire.

Réponse de la SAS Magellium

La SAS Magellium a demandé l’infirmation du jugement concernant les indemnités accordées à Mme [R] et a soutenu que son licenciement était justifié par des motifs économiques. Elle a également contesté les accusations de comportement fautif durant l’exécution du contrat de travail.

Jugement de la cour

La cour a confirmé que le licenciement de Mme [R] n’était pas fondé sur une cause réelle et sérieuse, et a ordonné à la SAS Magellium de verser des dommages et intérêts de 23.000 € pour licenciement injustifié, ainsi que d’autres indemnités. La cour a également ordonné le remboursement des indemnités de chômage versées à Mme [R] par l’employeur.

17/01/2025

ARRÊT N°25/23

N° RG 23/01632

N° Portalis DBVI-V-B7H-PNNT

FCC/ND

Décision déférée du 27 Mars 2023

Conseil de Prud’hommes

Formation paritaire de [Localité 5]

(21/00665)

M.PICCARDI

SECTION ENCADREMENT

[B] [R]

C/

S.A.S. MAGELLIUM

CONFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU DIX SEPT JANVIER DEUX MILLE VINGT » CINQ

***

APPELANTE

Madame [B] [R]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Emmanuelle DESSART de la SCP SCP DESSART, avocat POSTULANT au barreau de TOULOUSE et par Me Pauline GELBER de la SELARL LUMIO AVOCATS, avocat plaidant au barreau de TOULOUSE

INTIM »E

S.A.S. MAGELLIUM

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Laurent NOUGAROLIS de la SELAS MORVILLIERS SENTENAC & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Novembre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme F. CROISILLE-CABROL conseillère chargée du rapport, et AF. RIBEYRON, conseillère. Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BRISSET, présidente

F. CROISILLE-CABROL, conseillère

AF. RIBEYRON, conseillère

Greffière, lors des débats : M. TACHON

Greffière, lors du prononcé : C.DELVER

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par C. BRISSET, présidente, et par C.DELVER, greffière de chambre

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [B] [R] a été embauchée selon un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein (38h30 par semaine) à compter du 13 décembre 2010 en qualité de responsable ressources humaines, statut cadre, par la SAS Magellium, ayant pour objet notamment les études et observations de la terre et la géo-information ; il était stipulé une rémunération sur une base de 35 heures hebdomadaires outre 3h30 supplémentaires.

Suivant avenant à compter du 1er juillet 2017, le temps de travail de Mme [R] a été réduit à 37 heures, avec une rémunération sur une base de 35 heures hebdomadaires et une acquisition de jours de RTT.

La convention collective applicable est celle des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils (Syntec).

La SAS Magellium a fait l’objet de plusieurs décisions du tribunal de commerce de Toulouse, et notamment :

– d’un jugement du 3 mars 2015 ouvrant une procédure de sauvegarde judiciaire ;

– d’un jugement du 26 juillet 2016 arrêtant le plan de sauvegarde ;

– d’une ordonnance du 13 novembre 2017 de clôture de la procédure.

La SAS Magellium, qui envisageait une réorganisation entraînant la suppression de plusieurs postes dont celui de Mme [R], a consulté le comité social et économique auquel elle a soumis une note d’information du 13 octobre 2020 ; le 13 novembre 2020, le comité social et économique a émis un avis défavorable à la réorganisation du service RH.

Entre-temps, par LRAR du 16 octobre 2020 adressé à M. [F] le président de la SAS Magellium, Mme [R] a estimé que le motif économique n’était qu’un prétexte pour l’évincer dans un contexte de mise à l’écart.

Par LRAR du 5 novembre 2020, la SAS Magellium a proposé à Mme [R] un reclassement sur un poste d’assistant RH, statut ETAM, à temps partiel (17h30), en son sein ; Mme [R] n’a pas répondu.

Par LRAR du 18 novembre 2020, la SAS Magellium a convoqué Mme [R] à un entretien préalable à un éventuel licenciement économique fixé le 27 novembre 2020, lors duquel elle a reçu la notification du motif économique et les documents relatifs au contrat de sécurisation professionnelle. Mme [R] a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle le 8 décembre 2020. La société lui a notifié son licenciement économique par LRAR du 10 décembre 2020 et le contrat de travail a pris fin au 18 décembre 2020. Elle lui a versé une indemnité de licenciement de 12.815,15 €.

Le 3 mai 2021, Mme [R] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse aux fins notamment de paiement de dommages et intérêts pour comportement fautif et vexatoire pendant l’exécution du contrat de travail, de dommages et intérêts pour licenciement injustifié, de l’indemnité compensatrice de préavis, de la prime de vacances et du solde de RTT.

Par jugement du 27 mars 2023, le conseil de prud’hommes de Toulouse a :

– fixé le salaire mensuel à 3.715 €,

– dit et jugé que la rupture du contrat de travail pour motif économique en date du 18 décembre 2020 n’est pas fondée sur une cause réelle et sérieuse,

– dit et jugé que la société Magellium n’a pas adopté un comportement fautif et vexatoire pendant l’exécution du contrat de travail,

– condamné la SAS Magellium à payer à Mme [R] les sommes suivantes :

* 11.145 € bruts pour l’indemnité compensatrice de préavis,

* 1.114 € bruts pour les congés payés afférents,

* 11.145 € pour les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 805,85 € bruts pour le solde de JRTT,

* 1.500 € pour l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté Mme [R] du surplus de ses demandes, fins et conclusions,

– condamné la société Magellium aux entiers dépens d’instance,

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire autre que de droit.

Mme [R] a interjeté appel de ce jugement le 4 mai 2023, en énonçant dans sa déclaration d’appel les chefs critiqués.

Par conclusions n° 2 notifiées par voie électronique le 8 mars 2024, auxquelles il est fait expressément référence, Mme [R] demande à la cour de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a jugé que la rupture du contrat de travail pour motif économique n’est pas fondée sur une cause réelle et sérieuse, en ce qu’il a condamné la société Magellium au paiement des sommes de 11.145 € bruts d’indemnité compensatrice de préavis, outre 1.114 € bruts pour les congés payés afférents, 805,85 € bruts pour le solde de JRTT et 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

– infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Magellium au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de 11.145 € et en ce qu’il a débouté Mme [R] du surplus de ses demandes, fins et conclusions,

Faire droit à l’appel incident, et statuant à nouveau :

– condamner la société Magellium au paiement des sommes suivantes :

* 22.290 € à titre de dommages et intérêts pour comportement fautif et vexatoire pendant l’exécution du contrat de travail,

* 37.150 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 419,13 € bruts au titre de la prime de vacances,

* 3.000 € au titre de l’article 700 en cause d’appel, outre les entiers dépens,

– débouter la société de l’ensemble de ses demandes incidentes devant la cour.

Par conclusions n° 4 notifiées par voie électronique le 27 mai 2024, auxquelles il est fait expressément référence, la SAS Magellium demande à la cour de :- infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée au paiement de sommes au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, du licenciement sans cause réelle et sérieuse, des RTT et de l’article 700 du code de procédure civile, et l’a déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– confirmer l’ensemble des autres chefs de jugement à savoir en ce qu’il a débouté Mme [R] des demandes de dommages et intérêts pour comportement fautif et vexatoire durant l’exécution du contrat de travail, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de prime de vacances,

Et statuant à nouveau,

Sur les demandes au titre de l’exécution du contrat de travail :

– juger qu’aucun comportement fautif et/ou vexatoire n’a été adopté par la SAS Magellium durant l’exécution du contrat de travail, et que la SAS Magellium a respecté ses obligations en matière de versement de la prime de vacances et de JRTT,

– débouter Mme [R] de toutes ses demandes à ces titres,

Sur les demandes au titre de la rupture du contrat de travail :

À titre principal,

– juger que la rupture d’un commun accord du contrat de travail de Mme [R] intervenue le 18 décembre 2020 est fondée sur un motif économique et une cause économique réelle et sérieuse,

– débouter Mme [R] de toutes ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail,

A titre subsidiaire,

– juger que les demandes indemnitaires formulées par Mme [R] au titre d’un prétendu licenciement sans cause réelle et sérieuse sont exorbitantes,

– réduire à de plus justes proportions les demandes indemnitaires formulées par Mme [R] au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et dans la limite de 3 mois de salaire, soit 11.145 € bruts, En tout état de cause,

– débouter Mme [R] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l’instance,

– condamner Mme [R] au paiement de la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de la présente instance.

La clôture de la procédure a été prononcée selon ordonnance du 29 octobre 2024.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement, sauf sur le quantum des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et en ce qu’il a débouté Mme [B] [R] de sa demande au titre de la prime de vacances,

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y ajoutant,

Condamne la SAS Magellium à payer à Mme [B] [R] les sommes suivantes :

– 23.000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 419,13 € bruts au titre de la prime de vacances,

– 2.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en appel,

Ordonne le remboursement par la SAS Magellium à France travail des indemnités chômage versées à Mme [B] [R] du jour du licenciement au jour du jugement à hauteur de 6 mois, sous déduction de la contribution prévue à l’article L 1233-69 du code du travail,

Condamne la SAS Magellium aux dépens d’appel,

Rejette toute autre demande.

Le présent arrêt a été signé par C. BRISSET, présidente, et par C.DELVER, greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

C.DELVER C. BRISSET

.

 


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