Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Nanterre
Thématique : Responsabilité bancaire en cas de vol de chèques déposés
→ RésuméExposé du litigeLa société [X] ET ASSOCIES, spécialisée dans l’exploitation d’un cabinet de chirurgiens-dentistes, a ouvert un compte courant professionnel au CRÉDIT LYONNAIS en mai 2019. En septembre 2021, sa gérante, Madame [I] [X], a signalé à la banque que son compte n’avait pas été crédité suite à un dépôt de chèques d’un montant total de 12.319,29 euros effectué le 28 août 2021. La banque a informé la société que son agence avait subi une effraction ce jour-là. Malgré plusieurs courriers demandant le crédit de la somme, la banque a conditionné ce crédit à la preuve de démarches auprès des émetteurs des chèques. En avril 2022, Madame [I] [X] a déposé plainte pour vol des chèques. La banque a finalement refusé de créditer le compte, entraînant une assignation en justice de la société [X] ET ASSOCIES contre le CRÉDIT LYONNAIS. Prétentions et moyens des partiesLa société [X] ET ASSOCIES demande au tribunal de condamner le CRÉDIT LYONNAIS à lui verser 12.319,29 euros, avec intérêts, ainsi qu’une indemnité de 2.500 euros pour couvrir ses frais de justice. Elle soutient que le dépôt des chèques constitue un contrat de dépôt, et que la banque est responsable de la perte des chèques. De son côté, le CRÉDIT LYONNAIS demande le rejet des demandes de la société [X] ET ASSOCIES, arguant qu’elle n’a pas prouvé le dépôt des chèques et que la banque n’est pas responsable de la perte. La banque souligne que la preuve du dépôt doit être apportée par le client et que la société [X] ET ASSOCIES n’a pas démontré avoir effectué les démarches nécessaires auprès des émetteurs des chèques. MotivationLe tribunal rappelle que le dépôt est un acte par lequel une personne remet une chose à une autre pour qu’elle la garde et la restitue. La société [X] ET ASSOCIES doit prouver la matérialité du dépôt des chèques. Bien que la banque ait reconnu le vol, la société [X] ET ASSOCIES a produit des éléments prouvant le dépôt, tels que le bordereau de remise de chèques et des échanges de courriels. Le tribunal conclut qu’un contrat de dépôt a été établi et que le CRÉDIT LYONNAIS avait une obligation de conservation. La banque n’a pas prouvé avoir pris les mesures nécessaires pour éviter le vol, et elle est donc responsable du préjudice subi par la société [X] ET ASSOCIES. Sur les frais du procès et l’exécution provisoireLe tribunal condamne le CRÉDIT LYONNAIS à payer à la société [X] ET ASSOCIES la somme de 10.471,40 euros, ainsi qu’une indemnité de 2.500 euros pour les frais de justice. La banque est également condamnée aux dépens. L’exécution provisoire de cette décision est de droit, ce qui signifie qu’elle doit être appliquée immédiatement, sans attendre l’éventuel appel. |
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE NANTERRE
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PÔLE CIVIL
6ème Chambre
JUGEMENT RENDU LE
17 Janvier 2025
N° RG 22/06958 – N° Portalis DB3R-W-B7G-XWUP
N° Minute : 25/
AFFAIRE
Société [X] ET ASSOCIES
C/
Société CREDIT LYONNAIS
Copies délivrées le :
DEMANDERESSE
Société [X] ET ASSOCIES
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Me Ivan ITZKOVITCH, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : 296
DEFENDERESSE
Société CREDIT LYONNAIS
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Maître Magali TARDIEU-CONFAVREUX de l’AARPI TARDIEU GALTIER LAURENT DARMON associés, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : R010
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 Décembre 2024 en audience publique devant :
Louise ESTEVE, Magistrat placé, magistrat chargé du rapport, les avocats ne s’y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries au tribunal composé de :
François BEYLS, Premier Vice-Président Adjoint
Caroline KALIS, Juge
Louise ESTEVE, Magistrat placé
qui en ont délibéré.
Greffier lors du prononcé : Sylvie CHARRON, Greffier.
JUGEMENT
prononcé en premier ressort, par décision contradictoire et mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné à l’issue des débats.
EXPOSE DU LITIGE
Faits et procédure
La société [X] ET ASSOCIES, société d’exercice libéral ayant pour objet l’exploitation d’un cabinet de chirurgiens-dentistes dont le siège social est situé [Adresse 1] à [Localité 5], est titulaire, depuis le 31mai 2019, d’un compte courant professionnel dans les livres de la société CRÉDIT LYONNAIS, société anonyme ayant son siège social sis [Adresse 3] à [Localité 6].
Au cours du mois de septembre 2021, Madame [I] [X], gérante de la société [X] ET ASSOCIES, s’est rapprochée de sa banque afin de lui indiquer que le compte courant de sa société n’avait pas été crédité à la suite d’un dépôt, le 28 août 2021, de chèques établis par ses patients pour un montant total de 12.319,29 euros.
Par un courriel du 2 octobre 2021, la société CRÉDIT LYONNAIS a précisé à la société [X] ET ASSOCIES que l’agence du CRÉDIT LYONNAIS, située à [Localité 5], avait été victime d’une effraction du dépôt express de chèques le 28 août 2021.
Par courriers du 20 octobre 2021 et du 1er décembre 2021, la société [X] ET ASSOCIES a sollicité, par l’intermédiaire de son assureur, que la somme de 12.319,29 euros soit créditée sur son compte bancaire.
Par courrier du 1er mars 2022, la société CRÉDIT LYONNAIS a accepté de porter au crédit du compte bancaire de la société [X] ET ASSOCIES ladite somme, à condition que cette dernière justifie de démarches auprès de ses patients, émetteurs des chèques.
Le 8 avril 2022, Madame [I] [X] a déposé plainte pour le vol des chèques litigieux.
Faisant grief à la société [X] ET ASSOCIES de ne pas avoir apporté la preuve que les démarches sollicitées avaient été effectuées auprès des émetteurs des chèques, la société CRÉDIT LYONNAIS n’a finalement pas crédité le compte bancaire de sa cliente.
C’est dans ce contexte que par exploit en date du 2 août 2022, la société [X] ET ASSOCIES a assigné la société CRÉDIT LYONNAIS devant le tribunal judiciaire de NANTERRE aux fins d’obtenir sa condamnation à lui verser la somme de 12.319,29 euros.
La clôture est intervenue le 16 novembre 2023, par ordonnance du même jour.
Prétentions et moyens des parties
Dans son assignation signifiée le 2 août 2022, la société [X] ET ASSOCIES demande au tribunal de :
– Condamner la société CRÉDIT LYONNAIS à lui verser la somme de 12.319,29 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 20 octobre 2021,
– Condamner la société CRÉDIT LYONNAIS aux dépens,
– Condamner la société CRÉDIT LYONNAIS au versement d’une indemnité d’un montant de 2.500 euros, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de sa demande, la société [X] ET ASSOCIES se fonde sur les dispositions de l’article 1927 du code civil et explique que le 28 août 2021 elle a déposé des chèques dans une agence du CRÉDIT LYONNAIS, pour un montant de 12.319,29 euros, mais que cette somme n’a jamais été créditée par la défenderesse, laquelle a expressément reconnu qu’un vol avait été commis le jour-même au sein de l’agence de [Localité 5]. La demanderesse soutient que la remise des chèques vaut conclusion d’un contrat de dépôt et que, dans ces conditions, le dépositaire est tenu responsable des détériorations ou pertes des choses confiées à ses bons soins. Elle estime ainsi que le refus opposé par sa banque de créditer son compte courant et son invitation à se rapprocher des émetteurs des chèques sont injustifiés.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 13 septembre 2023 par RPVA, la société CRÉDIT LYONNAIS sollicite du tribunal de :
– Débouter la société [X] ET ASSOCIES de ses demandes,
– Condamner la société [X] ET ASSOCIES aux dépens,
– Condamner la société [X] ET ASSOCIES au paiement d’une somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de sa demande de rejet des prétentions adverses, la société CRÉDIT LYONNAIS se fonde sur l’article 1924 du code civil et expose qu’en vertu des dispositions générales de la banque, dûment acceptées et signées par Madame [I] [X], la preuve du dépôt résulte de l’inventaire ultérieur réalisé par les soins de la banque ou par ses mandataires, sauf preuve contraire. Dans ces conditions, la société CRÉDIT LYONNAIS soutient que la demanderesse ne rapporte pas la preuve de la réalité du dépôt des chèques litigieux et de leurs montants au moyen du seul bordereau de remise de chèque établi par elle-même de manière non-contradictoire lors du dépôt. La société CRÉDIT LYONNAIS en déduit qu’elle ne saurait être tenue de procéder à l’inscription de la somme réclamée au crédit du compte de sa cliente, sans avoir pu opérer diverses vérifications (adéquation entre les montants des chèques et ceux inscrits sur le bordereau, respect des mentions obligatoires, absence d’irrégularités matérielles, endossement des chèques par les clients bénéficiaires).
Toutefois, la société CRÉDIT LYONNAIS explique que, compte tenu de l’impossibilité d’établir la réalité du dépôt de chèques ainsi que de leurs montants, elle a accepté de procéder à l’inscription au crédit du compte bancaire de sa cliente des sommes réclamées, à la seule condition que celle-ci prenne attache avec les émetteurs des chèques afin qu’ils vérifient si leurs comptes bancaires avaient été débités et qu’ils puissent, selon le cas, soit solliciter le rejet des chèques et le remboursement des sommes auprès de leurs banques respectives, soit former opposition avant d’émettre de nouveaux chèques. Or, la société CRÉDIT LYONNAIS indique que la société [X] ET ASSOCIES n’a jamais rapporté la preuve des diligences effectuées auprès de ses patients, émetteurs des chèques. La défenderesse en déduit qu’elle est bien fondée à refuser d’inscrire la somme réclamée au crédit du compte bancaire de sa cliente.
Par ailleurs, se fondant sur les articles 1231-1 et 1353 du code civil, la société CRÉDIT LYONNAIS explique qu’en matière de chèque, le préjudice né d’un manquement de la banque à son obligation d’encaisser le chèque présenté par son client s’analyse en une perte de chance de ne pas recouvrer les sommes dues par l’émetteur dudit chèque. Ainsi, la société CRÉDIT LYONNAIS indique que l’absence d’encaissement des chèques prétendument déposés auprès d’elle par la société [X] ET ASSOCIES ne fait pas disparaître la créance que détient cette dernière sur ses patients mais seulement la chance qu’elle avait d’obtenir le règlement des sommes dues par ces derniers. La banque ajoute qu’il n’est pas démontré, d’une part, que les chèques litigieux présentaient l’ensemble des mentions obligatoires précitées et ne comportaient pas d’irrégularités matérielles empêchant leur encaissement et, d’autre part, que les comptes bancaires des émetteurs des chèques étaient suffisamment provisionnés pour en permettre l’exécution et l’approvisionnement du compte bancaire de la demanderesse. Enfin, la société CRÉDIT LYONNAIS allègue que sa cliente a perdu une chance de voir créditée sur son compte bancaire la somme réclamée en n’apportant pas la preuve qu’elle a entrepris des démarches auprès de ses patients, émetteurs des chèques.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal,
CONDAMNE la société CRÉDIT LYONNAIS à payer à la société [X] ET ASSOCIES la somme de 10.471,40 euros, avec intérêts au taux légal à compter du jour du présent jugement,
CONDAMNE la société CRÉDIT LYONNAIS à verser à la société [X] ET ASSOCIES une indemnité de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
REJETTE la demande d’indemnité formulée par la société CRÉDIT LYONNAIS au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société CRÉDIT LYONNAIS aux dépens,
RAPPELLE que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit.
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition de la présente décision au greffe, le 17 janvier 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, la minute étant signée par Monsieur François BEYLS, premier vice-président adjoint, et par Madame Sylvie CHARRON, greffière.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
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