Exécution loyale du contrat de travail : enjeux et responsabilités des parties

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Exécution loyale du contrat de travail : enjeux et responsabilités des parties

L’Essentiel : M. [H] [N] a été recruté par la SAS Somadis le 6 mars 2009 en tant que chauffeur-livreur préparateur. Son contrat à durée déterminée a été transformé en contrat à durée indéterminée le 2 novembre 2009. Le 9 juin 2016, il a été licencié pour inaptitude physique. En janvier 2018, il a saisi le conseil de prud’hommes, demandant des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat. Le jugement du 19 mars 2020 a condamné la SAS Prenot-Guinard à verser 10 000 euros, mais la société a interjeté appel, contestant la décision et demandant le déboutement de M. [N].

Engagement et évolution de la relation de travail

M. [H] [N] a été recruté par la SAS Somadis le 6 mars 2009 en tant que chauffeur-livreur préparateur, avec un contrat à durée déterminée saisonnier. Cette relation a été prolongée par un contrat à durée indéterminée à partir du 2 novembre 2009, sous les mêmes conditions. La convention collective applicable était celle du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire. Le 1er juillet 2010, la SAS Prenot-Guinard a pris en location-gérance la SAS Somadis, entraînant le transfert des contrats de travail, y compris celui de M. [N].

Licenciement et actions judiciaires

Le 9 juin 2016, M. [N] a été licencié pour inaptitude physique non professionnelle et impossibilité de reclassement. En janvier 2018, il a saisi le conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence, demandant 10 000 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail. Le jugement du 19 mars 2020 a condamné la SAS Prenot-Guinard à verser cette somme, ainsi qu’un montant de 1 080 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, tout en déboutant M. [N] du surplus de ses demandes.

Appel de la SAS Prenot-Guinard

La SAS Prenot-Guinard a interjeté appel du jugement le 2 juin 2020, demandant l’infirmation de la décision. Dans ses conclusions, elle a sollicité le déboutement de M. [N] de toutes ses demandes et a affirmé avoir exécuté loyalement le contrat de travail. Elle a également demandé à ce que M. [N] soit condamné à lui verser 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Arguments de M. [N]

M. [N] a, de son côté, demandé la confirmation du jugement initial et a réclamé 2 500 euros supplémentaires au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Il a soutenu que la SAS Prenot-Guinard avait manqué à ses obligations contractuelles, notamment en ce qui concerne la transmission d’attestations nécessaires à ses droits.

Motifs de la décision

La cour a examiné les griefs de M. [N], notamment la transmission d’une attestation erronée à Pôle emploi, la mauvaise volonté de l’employeur à fournir une attestation de salaire après un accident du travail, et le manquement à l’obligation de formation. Concernant l’attestation erronée, la cour a noté que M. [N] n’avait pas prouvé le préjudice allégué. Pour l’attestation de salaire, la cour a constaté que la demande était prescrite. Enfin, en ce qui concerne l’obligation de formation, la cour a jugé que M. [N] n’avait pas démontré que l’employeur avait manqué à cette obligation.

Conclusion de la cour

La cour a infirmé le jugement du conseil de prud’hommes, déclarant l’action en responsabilité contractuelle de M. [N] irrecevable et le déboutant de sa demande de dommages et intérêts. M. [N] a été condamné aux dépens de première instance et d’appel, tandis que chaque partie a conservé la charge de ses frais irrépétibles.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conséquences du manquement de l’employeur à son obligation de délivrer une attestation de travail correcte ?

Le manquement de l’employeur à son obligation de délivrer une attestation de travail correcte peut entraîner des conséquences sur le droit aux allocations chômage du salarié.

Selon l’article R.1234-9 du Code du travail, l’employeur doit délivrer au salarié, au moment de l’expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations nécessaires pour exercer ses droits aux prestations mentionnées à l’article L. 5421-2.

Il est précisé que l’employeur doit transmettre sans délai ces attestations à Pôle emploi.

En cas de défaut de remise ou de remise tardive, le salarié doit prouver l’existence d’un préjudice, comme le souligne l’article 1240 du Code civil, qui stipule que tout fait de l’homme causant un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Dans le cas présent, le salarié n’a pas pu prouver le préjudice allégué, à savoir la perte de deux mois d’indemnités de chômage, ce qui a conduit à la non-acceptation de sa demande d’indemnisation.

Quelles sont les implications de la prescription sur les actions en responsabilité contractuelle ?

La prescription joue un rôle crucial dans les actions en responsabilité contractuelle.

L’article 2224 du Code civil stipule que les actions personnelles se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Cependant, l’article L. 1471-1 du Code du travail, qui a été introduit par la loi n°2013-504 du 14 juin 2013, réduit ce délai à deux ans pour les actions portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail.

Dans le cas présent, le salarié a eu connaissance des faits lui permettant d’agir dès le 26 décembre 2011, mais son action a été jugée prescrite depuis le 18 juin 2015, date à laquelle le délai de prescription de deux ans était écoulé.

Ainsi, la cour a déclaré l’action en responsabilité contractuelle irrecevable en raison de la prescription.

Quelles sont les obligations de l’employeur en matière de formation professionnelle ?

L’employeur a des obligations spécifiques en matière de formation professionnelle, comme le stipule l’article L. 6321-1 du Code du travail.

Cet article précise que l’employeur doit assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail et veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi.

Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences.

Cependant, il est également précisé que le salarié en arrêt maladie peut suivre des actions de formation, mais cela nécessite une demande adressée à la CPAM, l’accord du médecin traitant et l’avis du médecin-conseil.

Dans le cas de M. [N], il n’a pas prouvé avoir sollicité l’autorisation de la CPAM pour suivre des formations durant son arrêt maladie, ce qui a conduit à la conclusion que l’employeur n’avait pas manqué à son obligation de formation.

Ainsi, la cour a jugé que la SAS Prenot Guinard n’avait pas failli à ses obligations en matière de formation professionnelle.

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2

ARRÊT AU FOND

DU 17 JANVIER 2025

N° 2025/006

Rôle N° RG 20/05096 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BF3R6

S.A.S. PRENOT GUINARD

C/

[H] [N]

Copie exécutoire délivrée

le : 17/01/2025

à :

Me Pauline SERANDOUR, avocat au barreau d’AVIGNON

Me Geneviève ADER-REINAUD, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

(Vest 110)

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AIX-EN-PROVENCE en date du 19 Mars 2020 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 18/00030.

APPELANTE

S.A.S. PRENOT GUINARD, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Pauline SERANDOUR de la SELARL SERANDOUR AVOCAT, avocat au barreau d’AVIGNON

INTIME

Monsieur [H] [N]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2020/4416 du 18/09/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Geneviève ADER-REINAUD, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 13 Novembre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Guillaume KATAWANDJA, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre

M. Guillaume KATAWANDJA, Conseiller

Madame Muriel GUILLET, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Décembre 2024, délibéré prorogé au 17 janvier 2025

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 janvier 2025

Signé par Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre et Mme Cyrielle GOUNAUD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

M. [H] [N] a été engagé par la SAS Somadis selon contrat à durée déterminée saisonnier à temps complet en date 6 mars 2009, en qualité de chauffeur-livreur préparateur, moyennant une rémunération brute mensuelle de 1 417,52 euros.

La relation contractuelle s’est poursuivie dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée du 2 novembre 2009 et ce, aux mêmes conditions.

La relation de travail était régie par les dispositions de la convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.

Le 1er juillet 2010, la SAS Prenot-Guinard a pris en location-gérance la SAS Somadis, entraînant le transfert des contrats de travail des salariés de cette dernière, dont celui de M. [N], à son profit en application de l’article L. 1224-1 du code du travail.

Selon lettre du 9 juin 2016, M. [N] a été licencié pour inaptitude physique non professionnelle et impossibilité de reclassement.

Par requête en date du 19 janvier 2018, le susnommé a saisi le conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence aux fins de condamnation de la SAS Prenot-Guinard au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

Par jugement en date du 19 mars 2020, la juridiction prud’homale a :

– condamné la SAS Prenot-Guinard à payer à M. [H] [N] les sommes de:

* 10 000 euros au titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail;

* 1 080 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

– débouté M. [H] [N] du surplus de ses demandes;

– condamné la SAS Prenot-Guinard aux entiers dépens.

La décision a été notifiée à la SAS Prenot-Guinard le 12 mai 2020 et à M. [N] le 13 mai 2020.

Par déclaration enregistrée au greffe le 2 juin 2020, la SAS Prenot-Guinard a interjeté appel du jugement précité, sollicitant son infirmation dans chacun des chefs de son dispositif.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées par RPVA le 12 juillet 2024, la SAS Prenot-Guinard demande à la cour de:

– réformer et infirmer le jugement querellé;

statuant à nouveau,

– débouter M. [N] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions;

– juger que la société a exécuté loyalement le contrat de travail;

– débouter le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail;

– débouter le salarié de sa demande relative à l’article 700 du code de procédure civile;

– condamner le salarié au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

– condamner le salarié aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions déposées et enregistrées au RPVA le 7 octobre 2020, M. [H] [N] demande à la cour de:

– débouter la SAS Prenot-Guinard de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions;

– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a condamné la société Prenot-Guinard à lui payer la somme de 10 000 euros à titre des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et 1 080 euros au titre des frais irrépétibles;

– condamner la société Prenot-Guinard à la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

La clôture de l’instruction est intervenue le 13 août 2024.

MOTIFS

I. Sur la demande de dommages et intérêts

Le salarié considère que l’employeur n’a pas exécuté loyalement le contrat de travail invoquant à cette fin trois griefs:

– la transmission à Pôle emploi à l’occasion du licenciement d’une attestation visant une date d’embauche du salarié erronée et le défaut de transmission de l’attestation rectifiée;

– la mauvaise volonté de l’employeur pour lui transmettre l’attestation de salaire nécessaire à la perception d’indemnités journalières à la suite d’un accident du travail survenu le 3 février 2011;

– le manquement de l’employeur à son obligation de formation du salarié.

a) S’agissant de la transmission à Pôle emploi d’une attestation visant une date d’embauche du salarié erronée et du défaut de transmission de l’attestation rectifiée

Le salarié fait valoir que l’erreur concernant la date d’embauche sur l’attestation Pôle emploi a entraîné un retard dans le traitement de son dossier et la perte de deux mois d’indemnités de chômage. Il soutient que la rectification du document par l’employeur 17 jours après sa délivrance n’établit pas une trasmission effective à son attention et à Pôle emploi à la date de la rectification.

L’employeur expose que le salarié ne produit aucun élément sur le préjudice allégué. Il précise que si le licenciement a été notifié par courrier du 9 juin 2016, l’intimé n’a retiré la lettre de licenciement que le 18 juin et n’a récupéré les documents de fin de contrat que le 21 juin suivant. Il ajoute avoir été informé de l’erreur de date par le salarié et l’avoir rectifiée le 23 juin, soit très rapidement, puis avoir transmis l’attestation rectifiée le jour même à Pôle emploi via télétransmission.

Il indique également qu’une instruction de Pôle emploi du 21 décembre 2012 précise que le salarié licencié pour inaptitude physique, professionnelle ou non, peut être pris en charge au titre des allocations chômage dès le lendemain de cette notification, sous réserve des délais de différé d’indemnisation et d’attente. Il précise que le point de départ du versement des allocations est fixé au terme du différé d’indemnisation spécifique, du différé d’indemnisation congés payés visant à reporter le versement des allocations chômage à l’expiration d’un délai calculé à partir du montant des indemnités compensatrices de congés payés, d’un délai d’attente de sept jours s’ajoutant aux précédents différés d’indemnisation.

Selon l’article R.1234-9 du code du travail, dans sa version applicable au litige, l’employeur délivre au salarié, au moment de l’expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d’exercer ses droits aux prestations mentionnées à l’article L. 5421-2 et transmet sans délai ces mêmes attestations à Pôle emploi.

Les employeurs de dix salariés et plus effectuent cette transmission à Pôle emploi par voie électronique, sauf impossibilité pour une cause qui leur est étrangère, selon des modalités précisées par un arrêté du ministre chargé de l’emploi.

L’effectif des salariés est celui de l’établissement au 31 décembre de l’année précédant l’expiration ou la rupture du contrat de travail. Pour les établissements créés en cours d’année, l’effectif est apprécié à la date de leur création.

Selon l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Le défaut de remise ou la remise tardive des documents de fin de contrat ne cause pas nécessairement un préjudice, dont l’existence doit être prouvée par le salarié (Soc.13 avr. 2016, n°14-28.293).

A titre liminaire, la cour relève que le manquement invoqué par le salarié, survenu après le terme de la relation contractuelle, ne relève pas du champ de la responsabilité contractuelle mais de l’éventuelle responsabilité délictuelle de l’employeur.

La SAS Prenot Guinard ne conteste pas avoir établi puis communiqué au salarié et à Pôle emploi, à l’occasion du licenciement, une attestation datée du 9 juin 2016 visant une date d’embauche du salarié erronée, à savoir le 1er juillet 2010 au lieu du 6 mars 2009.

Si l’appelante verse au débat une attestation rectifiée datée du 23 juin 2016, elle n’établit pas l’avoir remise au salarié, faute de produire un document signé de ce dernier attestant de la remise ou l’envoi d’un courrier à son attention. De la même manière, le courriel daté du 23 juin 2016 comportant en pièce jointe l’attestation rectifiée, adressé par Mme [J], gestionnaire de paye de l’employeur, à Mme [T], directrice d’exploitation de la SAS Prenot Guinard, ainsi qu’à Mme [G], dont la qualité n’est pas précisée, ne démontre pas l’envoi à l’organisme de protection sociale.

En dépit de ce manquement de l’employeur, M. [N] ne soumet au débat aucun document de nature à établir le préjudice allégué, à savoir la perte de deux mois d’indemnités de chômage, l’intéressé ne produisant pas d’attestation de Pôle emploi indiquant la date à compter de laquelle le versement desdites indemnités à son profit a démarré.

En conséquence, la demande d’indemnisation du salarié fondée sur le défaut de transmission à Pôle emploi d’une attestation comportant la bonne date d’embauche du salarié ne saurait prospérer.

b) S’agissant de la mauvaise volonté de l’employeur pour transmettre au salarié l’attestation de salaire en vue de la perception d’indemnités journalières à la suite d’un accident du travail du 3 février 2011

Le salarié indique avoir rencontré des difficultés pour obtenir l’attestation de salaire en vue du versement d’indemnités journalières à la suite d’un accident du travail survenu en février 2011, ce qui lui a occasionné des difficultés financières en raison du retard dans leur versement.

La SAS Prenot Guinard souligne quant à elle que le salarié ne verse au débat aucun document établissant la date à compter de laquelle il a perçu les indemnités journalières, et la réalité du préjudice allégué. Elle ajoute que M. [N] a perçu directement les indemnités journalières et a bénéficié d’un maintien de salaire pendant 90 jours de la part de l’employeur. Elle fait en outre valoir que le salarié, tenu d’informer l’employeur de la survenance d’un accident du travail dans les 24 heures, n’a jamais avisé la société d’un quelconque accident. Elle explique avoir appris que le salarié aurait eu un accident de travail en recevant un courrier de la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) du [Localité 3] le 10 mars 2011 précisant que la société avait effectué une déclaration d’accident du travail le 22 février précédent. Elle précise avoir adressé le lendemain, soit le 11 mars 2011, un courrier de réponse à la CPAM aux termes duquel elle indique n’avoir pas été avisée de l’accident de travail déclaré directement à la caisse par le salarié et procéder le jour même à la déclaration d’accident, tout en émettant de vives réserves quant à sa réalité.

L’employeur argue également de la prescription de la demande d’indemnisation fondée sur le manquement susvisé. Il ajoute, de surcroît, que le salarié avait déjà saisi le conseil de prud’hommes le 15 mai 2012, sans jamais invoquer le préjudice résultant de la transmission tardive par l’employeur de l’attestation de salaire à Pôle emploi. Il considère dès lors que la demande à ce titre contrevient au principe d’unicité de l’instance résultant de l’article R.1452-6 du code du travail applicable à l’époque.

Selon les dispositions de l’article 2224 du code civil, dans sa version issue de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

L’article 2222 alinéa 2 du même code, dans sa version issue de la même loi, dispose qu’en cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

Aux termes de l’article L. 1471-1 du code du travail, issu de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013 et dans sa version en vigueur du 17 juin 2013 au 24 septembre 2017, toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.

Le premier alinéa n’est toutefois pas applicable aux actions en réparation d’un dommage corporel causé à l’occasion de l’exécution du contrat de travail, aux actions en paiement ou en répétition du salaire et aux actions exercées en application des articles L. 1132-1, L. 1152-1 et L. 1153-1. Elles ne font obstacle ni aux délais de prescription plus courts prévus par le présent code et notamment ceux prévus aux articles L. 1233-67, L. 1234-20, L. 1235-7 et L. 1237-14, ni à l’application du dernier alinéa de l’article L. 1134-5.

La cour relève que si le salarié évoque un accident de travail survenu le 3 février 2011, son action ne tend pas à la réparation d’un dommage corporel causé à l’occasion de l’exécution du contrat de travail mais à la réparation du préjudice matériel caractérisé par les difficultés financières ayant résulté du retard dans le versement des indemnités journalières par la CPAM, préjudice qu’il impute à l’employeur.

M. [N] verse au débat une attestation sur l’honneur rédigée le 26 décembre 2011 par ses soins à l’attention de la CPAM, aux termes de laquelle il expose que son employeur refuse d’établir une déclaration d’accident et de lui délivrer une attestation de salaire aux fins de perception des indemnités journalières. L’intimé avait donc connaissance dès cette date des faits lui permettant d’engager le cas échéant la responsabilité contractuelle de son employeur.

A la date du 26 décembre 2011, le délai de prescription de l’action en responsabilité susvisée était de cinq ans en application de l’article 2224 du code civil. La loi n°2013-504 du 14 juin 2013 créant l’article L. 1471-1 du code du travail fixant le délai de prescription des actions portant sur l’exécution du contrat de travail, a réduit ce délai à deux ans, qui s’appliquait dès l’entrée en vigueur de la loi, soit le 17 juin 2013.

En conséquence, la cour constate que l’action en responsabilité contractuelle du salarié contre son employeur à raison du défaut de transmission de l’attestation de salaire à la suite de l’accident de travail du 3 février 2011 est prescrite depuis le 18 juin 2015, date à laquelle la durée écoulée depuis le 26 décembre 2011 n’avait pas dépassé le seuil de cinq ans, correspondant au délai de prescription précédemment en vigueur.

c) S’agissant du manquement de l’employeur à son obligation de formation du salarié

Le salarié reproche à l’employeur de ne lui avoir pas proposé de formations qualifiantes postérieurement à son arrêt de travail de novembre 2014, lui permettant ainsi d’être reclassé.

L’employeur oppose en réplique que le salarié a suivi des formations les 12 novembre 2012,17 février 2014 et 9 avril 2014, dont deux non obligatoires.

Aux termes de l’article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

Selon l’ancien article 1147 du code civil, applicable au litige, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.

L’article L. 6321-1 du code du travail, dans sa version en vigueur du 7 mars 2014 au 10 août 2016, dispose que l’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail.

Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations. Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, ainsi qu’à la lutte contre l’illettrisme.

Les actions de formation mises en oeuvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de formation mentionné au 1° de l’article L. 6312-1.

Il résulte de ce texte que l’employeur est tenu d’une obligation générale de formation qui tend non seulement à assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail mais également à veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi, qui ne soit pas uniquement celui auquel ils sont affectés dans l’entreprise et de participer ainsi à la construction de leur capacité professionnelle.

Selon l’article L.323-3-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, le versement de l’indemnité journalière ne fait pas obstacle à ce que l’assuré demande, avec l’accord du médecin traitant, à accéder aux actions de formation professionnelle continue prévues à l’article L. 6313-1 du code du travail ou à des actions d’évaluation, d’accompagnement, d’information et de conseil auxquelles la caisse primaire participe, sous réserve qu’après avis du médecin-conseil la durée de ces actions soit compatible avec la durée prévisionnelle de l’arrêt de travail. La caisse fait part de son accord à l’assuré et, le cas échéant, à l’employeur, ce dernier en informant le médecin du travail.

L’article L.433-1 alinéa 4 du même code, dans sa version applicable au litige, prévoit que l’article L. 323-3-1 est applicable aux arrêts de travail résultant d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle.

La cour relève que M. [N] a bénéficié de trois formations entre le 12 novembre 2012 et le 9 avril 2014, soit au cours d’une période de 18 mois, la première d’une durée de 7 heures le 12 novembre 2012 portant sur les gerbeurs électriques à conducteur porté et accompagnant, la seconde d’une durée de 7 heures le 17 février 2014 sur les gestes et postures, la troisième d’une durée de 4 heures le 9 avril 2014 portant sur l’hygiène alimentaire.

Il importe de souligner que toutes ces actions de formation sont susceptibles d’être mises à profit hors de la SAS Prenot Guinard et dans d’autres secteurs d’activité que la livraison de produits alimentaires.

Surtout, le salarié verse au débat l’intégralité de ses bulletins de paye, à l’exception de ceux des mois de février à mai 2016. Leur examen révèle qu’il se trouvait en arrêt maladie de manière continue du 7 novembre 2014 au 31 janvier 2016 et du 1er au 9 juin 2016, date du licenciement pour inaptitude.

Durant l’arrêt maladie, le contrat de travail a été suspendu.

Si le salarié en arrêt maladie peut suivre les actions de formation visées à l’article L. 6313-1 du code du travail, tendant notamment à la conversion, à l’adaptation/développement de ses compétences, à la réalisation d’un bilan de compétences ou encore à la validation des acquis de son expérience, cette faculté suppose, conformément à l’article L. 323-3-1 du code de la sécurité sociale, une demande de l’intéressé adressée à la CPAM, l’accord de son médecin traitant et l’avis du médecin-conseil de la caisse quant à la compatibilité de la durée de la formation avec la durée prévisionnelle de l’arrêt de travail.

Or, l’intimé n’établit pas avoir sollicité de la CPAM l’autorisation de bénéficier d’une des actions de formation susvisées durant son arrêt maladie, pas plus que la transmission à l’employeur de l’accord de l’organisme social. Il ne produit pas davantage l’accord de son médecin traitant ou l’avis du médecin-conseil de la caisse. Il ne saurait donc être reproché à l’employeur de ne pas avoir proposé d’action de formation au salarié postérieurement au mois de novembre 2014, soit durant son arrêt maladie.

En conséquence, la cour considère qu’il n’est pas établi que la SAS Prenot Guinard ait manqué à son obligation de formation du salarié.

Vu ce qui précède, le jugement entrepris sera infirmé et M. [N] débouté de sa demande de dommages et intérêts.

II. Sur les autres demandes

M. [N] succombant, il sera condamné aux dépens de première instance et d’appel.

En revanche, l’intéressé bénéficiant de l’aide juridictionnelle partielle, il n’est pas inéquitable de laisser à chacune des parties ses frais irrépétibles non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire, mis à la disposition des parties au greffe,

Infirme le jugement du conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence en date du 19 mars 2020 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Dit prescrite l’action en responsabilité contractuelle diligentée par M. [H] [N] fondée sur le refus de délivrance par l’employeur de l’attestation de salaire à la suite de l’accident de travail du 3 février 2011;

Déclare M. [H] [N] irrecevable en sa demande de ce chef ;

Déboute M. [H] [N] de sa demande de dommages et intérêts ;

Condamne M. [H] [N] aux dépens de première instance et d’appel ;

Laisse à chaque partie la charge des frais irrépétibles qu’elle a engagés et non compris dans les dépens.

Le greffier Le président


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