Nullité de l’appel en raison de l’absence de représentation légale et de l’absence d’existence juridique de la dénomination commerciale.

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Nullité de l’appel en raison de l’absence de représentation légale et de l’absence d’existence juridique de la dénomination commerciale.

L’Essentiel : Le conseil de prud’hommes de Charleville-Mézières a condamné la société LE JARDIN DES EVENEMENTS à verser des sommes à Mme [R] [U] pour salaires non versés. Cette dernière a ensuite demandé la nullité de la déclaration d’appel de la société, arguant de l’absence de constitution d’avocat. La cour a constaté que la déclaration était nulle, rendant l’appel irrecevable. En conséquence, M. [W] [L] a été condamné aux dépens et à verser 1.500 euros à Mme [R] [U] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Exposé du litige

Le conseil de prud’hommes de Charleville-Mézières a rendu une ordonnance de référé le 4 juillet 2024, condamnant la société LE JARDIN DES EVENEMENTS à verser à Mme [R] [U] des sommes pour salaires non versés et congés payés, tout en ordonnant la remise de documents sous peine d’astreinte. Mme [R] [U] a été déboutée de sa demande de provision pour préjudice et a obtenu 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La société a formé opposition à cette ordonnance par lettre recommandée le 22 juillet 2024.

Déclaration d’appel et régularisation

Le greffe de la cour d’appel de Reims a accusé réception de la déclaration d’appel et a demandé à la société LE JARDIN DES EVENEMENTS de régulariser son appel en constituant un avocat. Les parties ont été convoquées à plusieurs audiences, et Mme [R] [U] a signifié sa constitution d’intimée, accompagnée de ses conclusions et pièces.

Demandes de Mme [R] [U]

Mme [R] [U] a demandé à la cour de prononcer la nullité de la déclaration d’appel, de déclarer l’appel irrecevable, de rectifier l’ordonnance de référé en remplaçant la société par M. [W] [L], et de condamner ce dernier à lui verser des dommages et intérêts pour procédure abusive. Elle a également souligné que la société n’avait pas d’existence juridique, n’étant qu’une dénomination commerciale.

Arguments de Mme [R] [U]

Elle a soutenu que la déclaration d’appel était nulle en raison de l’absence de constitution d’avocat et a demandé une rectification d’erreur matérielle. Elle a également fait valoir que son employeur, M. [W] [L], avait agi de mauvaise foi en ne lui permettant pas d’obtenir la résiliation de son contrat d’apprentissage.

Motifs de la décision

La cour a constaté que la déclaration d’appel était nulle en raison de l’absence de constitution d’avocat et de l’absence d’un défenseur syndical. Le délai d’appel avait commencé à courir sans régularisation, rendant l’appel irrecevable. Les demandes de rectification et de dommages et intérêts pour procédure abusive ont été jugées excessives par rapport aux pouvoirs du conseiller de la mise en état.

Conséquences de la décision

La cour a prononcé la nullité de la déclaration d’appel et n’a pas statué sur la recevabilité de l’appel pour défaut de capacité à agir. M. [W] [L] a été condamné aux dépens et à verser à Mme [R] [U] une somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la nullité de la déclaration d’appel

La nullité de la déclaration d’appel est fondée sur le non-respect des formalités prévues par l’article 901 du code de procédure civile. Cet article stipule que :

« La déclaration d’appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l’article 54 et par le cinquième alinéa de l’article 57, et à peine de nullité :

1° La constitution de l’avocat de l’appelant ;

2° L’indication de la décision attaquée ;

3° L’indication de la cour devant laquelle l’appel est porté ;

4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible. »

Il est également précisé que la déclaration doit être signée par l’avocat constitué et accompagnée d’une copie de la décision.

Dans cette affaire, la société LE JARDIN DES EVENEMENTS n’a pas constitué d’avocat ni fait appel à un défenseur syndical dans le délai imparti.

Ainsi, la déclaration d’appel, reçue le 24 juillet 2024, ne respectant pas ces exigences, est déclarée nulle.

Sur les conséquences de la nullité de la déclaration d’appel

Les conséquences de la nullité de la déclaration d’appel sont significatives. En effet, selon l’article 907 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état est compétent pour statuer sur les exceptions de procédure.

Il est important de noter que, compte tenu de la nullité de la déclaration d’appel, il n’est pas nécessaire de statuer sur la recevabilité de l’appel pour défaut de capacité à agir.

Les demandes de Mme [R] [U] concernant la rectification d’une erreur matérielle ou l’octroi de dommages et intérêts pour procédure abusive dépassent les pouvoirs du conseiller de la mise en état, tel que prévu par le code de procédure civile.

Sur les demandes accessoires

Concernant les demandes accessoires, il est établi que l’employeur de Mme [R] [U] est M. [W] [L], entrepreneur individuel, exerçant sous l’enseigne LE JARDIN DES EVENEMENTS.

Les pièces versées aux débats confirment cette relation d’emploi. En conséquence, M. [W] [L] est condamné aux dépens et, en équité, à verser à Mme [R] [U] une somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, qui dispose que :

« Le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. »

Cette disposition vise à compenser les frais engagés par la partie qui a dû défendre ses droits en justice.

Ordonnance n° 23

du 16/01/2025

N° RG 24/01219 – N° Portalis DBVQ-V-B7I-FQ2O

OJ / ACH

COUR D’APPEL DE REIMS

Chambre sociale

ORDONNANCE D’INCIDENT

Formule exécutoire le :

16 / 01 /25

à :

– Me Mélanie TOUCHON

Le seize janvier deux mille vingt-cinq,

Nous, Monsieur Olivier JULIEN, Conseiller, magistrat en charge de la mise en état, assisté de Madame Allison CORNU-HARROIS, greffière,

Après les débats du 18 décembre 2024, avons rendu l’ordonnance suivante, dans la procédure inscrite sous le numéro N° RG 24/01219 – N° Portalis DBVQ-V-B7I-FQ2O du répertoire général, opposant :

Société Le Jardin des Événements

ayant pour représentant légal M. [W] [L]

exerçant en qualité d’entrepreneur individuel identifié sous le numéro 449 886 738, ayant siège social, identifiable sous le nom commercial I.P.P., [Adresse 7] à [Localité 1], et ayant établissement secondaire, exploitant sous le nom commercial LE JARDIN DES EVENEMENTS et sous l’enseigne LE JARDIN, [Adresse 4] à [Localité 2],

APPELANTE

à

Madame [R] [U]

[Adresse 3]

[Localité 6]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2024-003846 du 04/11/2024 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de [Localité 8])

Représentée par Me Mélanie TOUCHON de la SCP LEDOUX FERRI RIOU-JACQUES TOUCHON MAYOLET, avocate au barreau des ARDENNES

INTIMEE

* * * * *

Exposé du litige

Par ordonnance de référé en date du 4 juillet 2024, le conseil de prud’hommes de Charleville-Mézières a :

– condamné la société LE JARDIN DES EVENEMENTS à verser à Mme [R] [U] la somme de 3.494,57 euros à titre de provision sur les salaires non versés des mois d’avril 2023 à janvier 2024 ;

– condamné la société LE JARDIN DES EVENEMENTS à verser à Mme [R] [U] la somme de 407,95 euros à titre de provision sur les congés payés ;

– rappelé l’exécution provisoire de droit ;

– ordonné à la société LE JARDIN DES EVENEMENTS de remettre à Mme [R] [U] l’attestation Pôle Emploi, les bulletins de salaire rectifiés pour la période d’emploi, le certificat de travail, le formulaire destiné à l’OPCO pour l’information sur la rupture du contrat de travail, sous 8 jours à compter de la notification de la présente décision, sous peine d’une astreinte de 100 euros par jour et par document passé ce délai ;

– débouté Mme [R] [U] de sa demande de provision à valoir sur le préjudice subi ;

– condamné la société LE JARDIN DES EVENEMENTS à verser à Mme [R] [U] la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 22 juillet 2024, reçue au greffe de la cour d’appel de Reims le 24 suivant, la société LE JARDIN DES EVENEMENTS ([L] [W] ) – [Adresse 5] a indiqué former opposition à l’ordonnance rendue le 4 juillet 2024.

Par lettre datée du 30 juillet 2024, le greffe a accusé réception de la déclaration d’appel et invité la société LE JARDIN DES EVENEMENTS à régulariser son appel en prenant attache avec un représentant de son choix.

Par courrier daté du 25 septembre 2024, le greffe a avisé les parties de la désignation du conseiller de la mise en état.

La société LE JARDIN DES EVENEMENTS et Mme [R] [U] ont été convoquées à l’audience de mise en état du 30 septembre 2024 et l’affaire a été renvoyée à celle du 4 novembre 2024 puis à celle du 18 décembre 2024.

Mme [R] [U] a fait signifier par acte de commissaire de justice en date du 22 novembre 2024, remis à M. [W] [L], sa constitution d’intimée, les conclusions remises au greffe le 26 septembre 2024 par voie électronique, le bordereau de pièces et les pièces n° 1 à 11 versées aux débats.

Au terme desdites conclusions, Mme [R] [U] demande à la cour de:

– prononcer la nullité de la déclaration d’appel formée à l’encontre de l’ordonnance de référé rendue par le conseil de prud’hommes de Charleville-Mézières en date du 4 juillet 2024 ;

– Et par voie de conséquence, déclarer irrecevable l’appel interjeté à l’encontre de l’ordonnance de référé rendue par le conseil de prud’hommes de Charleville-Mézières en date du 4 juillet 2024 ;

– rectifier l’ordonnance de référé rendue par le conseil de prud’hommes de Charleville-Mézières en date du 4 juillet 2024 par le remplacement de la « Société LE JARDIN DES EVENEMENTS » par « Monsieur [W] [L] »;

– condamner M. [W] [L] à lui verser la somme de 2.500 euros au titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

– condamner M. [W] [L] à lui verser la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner M. [W] [L] aux entiers dépens de l’instance.

Mme [R] [U] indique qu’elle a conclu avec M. [W] [L] un contrat d’apprentissage du 4 avril 2023 au 31 août 2024, au terme duquel elle pouvait obtenir un CAP Fleuriste et qu’elle a saisi le conseil de prud’hommes statuant en référé en vue d’une régularisation salariale.

En premier lieu, Mme [R] [U] soutient qu’en l’absence de constitution d’avocat et de mandat donné à un défenseur syndical, la déclaration d’appel est entachée de nullité pour non respect des formalités prévues à l’article 901 du code de procédure civile.

Ensuite, Mme [R] [U] soutient que la société LE JARDIN DES EVENEMENTS n’a pas d’existence, car il s’agit seulement de la dénomination commerciale de la société [L] [W], immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Sedan sous le numéro 449 886 738 et identifiée sous le numéro SIRET 449 886 738 00045.

Elle estime ainsi que l’appel formé à l’encontre de l’ordonnance de référé du 4 juillet 2024 est irrecevable.

Mme [R] [U] demande également à la cour de procéder à une rectification d’erreur matérielle.

A cet égard, elle soutient avoir saisi le conseil de prud’hommes d’une demande de régularisation salariale à l’encontre de M. [W] [L] en qualité d’entrepreneur individuel identifié sous le numéro SIRET 449 886 738, ayant son siège social à Reims (51) et ayant un établissement secondaire exploitant sous le nom commercial LE JARDIN DES EVENEMENTS et sous l’enseigne LE JARDIN à Rethel (08).

Elle indique que l’ordonnance de référé mentionne dans l’intégralité de sa décision la société LE JARDIN DES EVENEMENTS, qui n’est que le nom commercial et qui n’a pas d’existence juridique.

En outre, Mme [R] [U] forme une demande de dommages et intérêts pour procédure abusive à l’encontre de M. [W] [L] qui a conclu un contrat d’apprentissage en sa qualité d’entrepreneur individuel, avant d’établir des bulletins de salaire sous l’identification LE JARDIN, puis de saisir le conseil de prud’hommes de Charleville-Mézières par la dénomination LE JARDIN DES EVENEMENTS.

Elle ajoute qu’en raison de son absence à l’audience du conseil de prud’hommes, elle n’a pas obtenu la résiliation de son contrat d’apprentissage, l’empêchant de conclure un nouveau contrat et de finaliser sa formation.

Elle estime que M. [W] [L] est de mauvaise foi et qu’au travers de la procédure d’appel, il ne lui a pas permis d’obtenir du conseil de prud’hommes la rectification de l’erreur matérielle qui s’imposait.

A l’audience du 18 décembre 2024, le conseil de Mme [R] [U] a déclaré s’en rapporter à ses écritures, M. [W] [L] n’étant ni présent ni représenté.

Motifs de la décision

1) Sur la nullité de la déclaration d’appel:

Selon l’article R 1455-11 du code du travail, le délai d’appel contre les ordonnances de référé du conseil de prud’hommes est de quinze jours et l’appel est formé, instruit et jugé conformément aux articles R 1461-1 et R 1461-2, lesquels prévoient, d’une part, que les parties non assistées par un défenseur syndical sont tenues de constituer avocat et, d’autre part, que l’appel porté devant la chambre sociale de la cour d’appel est formé, instruit et jugé suivant la procédure avec représentation obligatoire.

Aux termes de l’article 901 du code de procédure civile, dans sa version antérieure au décret n° 2023-1391 du 29 décembre 2023 et applicable à la présente instance, « La déclaration d’appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l’article 54 et par le cinquième alinéa de l’article 57, et à peine de nullité :

1° La constitution de l’avocat de l’appelant ;

2° L’indication de la décision attaquée ;

3° L’indication de la cour devant laquelle l’appel est porté ;

4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

Elle est signée par l’avocat constitué. Elle est accompagnée d’une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d’inscription au rôle ».

Il résulte de l’article 907 du code de procédure civile, qui renvoie aux dispositions des articles 780 à 807, dans leur rédaction applicable à la présente instance, que le conseiller de la mise en état est compétent, à compter de sa désignation, notamment pour statuer sur les exceptions de procédure.

En l’espèce, malgré l’invitation à régulariser la procédure par courrier daté du 30 juillet 2024, l’appelant n’a pas constitué avocat et aucun défenseur syndical ne s’est manifesté pour l’assister dans le délai d’appel, étant précisé que l’ordonnance de référé a été envoyée au défendeur par lettre recommandée avec accusé de réception postée le 8 juillet 2024.

Dans la mesure où la date de réception n’est pas certaine, à défaut de production de l’avis de réception, il doit être considéré que le délai d’appel a commencé à courir à la date du 22 juillet 2024 au plus tard, s’agissant de la date indiquée dans l’acte d’appel.

Dès lors que la déclaration d’appel reçue le 24 juillet 2024 ne fait pas état d’une constitution d’avocat ni de l’intervention d’un défenseur syndical et qu’aucune régularisation n’est intervenue avant l’expiration du délai d’appel, il doit être constaté que cette déclaration d’appel est nulle.

2) Sur les conséquences de la nullité de la déclaration d’appel:

Compte tenu des effets de la présente décision, il n’y a pas lieu de statuer sur la recevabilité de l’appel pour défaut de capacité à agir.

Quant aux demandes présentées par Mme [R] [U] relativement à une rectification d’une erreur matérielle ou à l’octroi de dommages et intérêts pour procédure abusive, il convient de constater qu’elles excèdent les pouvoirs du conseiller de la mise en état tels qu’ils sont prévus par le code de procédure civile.

3) Sur les demandes accessoires:

Il ressort des pièces versées aux débats par Mme [R] [U] que son employeur est M. [W] [L], entrepreneur individuel, exerçant sous l’enseigne LE JARDIN DES EVENEMENTS avec un numéro RCS [Localité 9] 449 886 738 00045.

Dans la mesure où le nom de M. [W] [L] figure sur le courrier du 22 juillet 2024, celui-ci sera condamné aux dépens et, en équité, à payer à Mme [R] [U] une somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs

Le conseiller de la mise en état, statuant par ordonnance réputée contradictoire, susceptible de déféré,

Prononce la nullité de la déclaration d’appel du 22 juillet 2024 à l’encontre de l’ordonnance de référé du conseil de prud’hommes de Charleville-Mézières en date du 4 juillet 2024 (minute n° 24/00033) ;

Dit n’y avoir lieu à statuer sur la recevabilité de l’appel ;

Dit que les demandes de Mme [R] [U] relatives à la rectification d’une erreur matérielle et à l’octroi de dommages et intérêts pour procédure abusive excèdent les pouvoirs du conseiller de la mise en état ;

Condamne M. [W] [L] aux dépens ;

Condamne M. [W] [L] à payer à Mme [R] [U] une somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La Greffière Le Conseiller


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