Prescription des droits successoraux en matière de pensions et conséquences des délais de recours.

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Prescription des droits successoraux en matière de pensions et conséquences des délais de recours.

L’Essentiel : Le 23 juillet 1983, M. [B] [L] décède, suivi par son épouse, Mme [T] [N], le 18 avril 1991. En 2014, leurs enfants demandent le paiement des pensions d’invalidité et de réversion, ainsi que des dommages-intérêts. Le tribunal, dans son jugement du 1er février 2017, déclare leur action prescrite et rejette leurs demandes, condamnant les enfants à payer des frais. En appel, ils contestent la prescription, mais la cour confirme le jugement initial, considérant que le délai de cinq ans avait couru depuis les décès, rendant leurs demandes irrecevables. Les appelants sont également condamnés aux dépens.

Décès des époux et demande de pension

M. [B] [L] est décédé le 23 juillet 1983, suivi par le décès de son épouse, Mme [T] [N], le 18 avril 1991. Aucun des deux n’avait bénéficié de prestations vieillesse. Le 21 octobre 2014, leurs enfants, M. [B] [L] et M. [E] [L], ont saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale pour obtenir le paiement des arrérages de la pension d’invalidité de leur père et de la pension de réversion de leur mère, ainsi que des dommages-intérêts pour préjudices économiques, financiers et moraux.

Jugement du tribunal

Le tribunal a rendu un jugement le 1er février 2017, déclarant l’action des enfants prescrite et rejetant toutes leurs demandes. Il a également condamné M. [B] [L] et M. [E] [L] à payer des frais à la Caisse nationale d’assurance vieillesse et à la Caisse régionale d’assurance maladie d’Île-de-France. Le tribunal a noté que Mme [T] [N] avait fait une réclamation en 1993, mais a conclu que la prescription de cinq ans avait couru sans interruption.

Appel et radiation de l’affaire

M. [B] [L] et M. [E] [L] ont interjeté appel du jugement le 26 avril 2017. Par la suite, la cour a ordonné la radiation de l’affaire le 26 février 2021. Les parties ont ensuite demandé la réinscription de l’affaire en janvier 2023.

Prétentions des appelants

Les appelants ont demandé à la cour d’accueillir leur appel, de confirmer certains aspects du jugement initial, mais d’infirmer la décision sur la prescription. Ils ont également demandé le paiement des pensions d’invalidité et de réversion dues, ainsi que des dommages-intérêts pour préjudice moral.

Réponses des caisses

La Caisse régionale d’assurance maladie et la Caisse nationale d’assurance vieillesse ont demandé à la cour de confirmer le jugement du tribunal, arguant que l’action des consorts [L] était prescrite et que les demandes de ces derniers devaient être rejetées.

Analyse de la prescription

La cour a examiné les arguments concernant la prescription, notant que les actions personnelles se prescrivent par cinq ans. Elle a conclu que la prescription avait commencé à courir à partir des décès des époux et que la saisine du tribunal en 2014 était tardive. Les correspondances échangées n’avaient pas interrompu le délai de prescription.

Décision finale de la cour

La cour a confirmé le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale, déclarant les demandes des consorts [L] irrecevables en raison de la prescription. Elle a également condamné les appelants aux dépens d’appel, avec des frais à payer aux caisses intimées.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la durée de la prescription applicable aux actions en paiement des pensions d’invalidité et de réversion ?

La durée de la prescription applicable aux actions personnelles ou mobilières, telles que celles en paiement de pensions d’invalidité et de réversion, est régie par l’article 2224 du Code civil. Cet article stipule que :

*« Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. »*

Dans le cas présent, la prescription a commencé à courir respectivement à partir des dates des décès de M. [B] [L] et de Mme [T] [N], soit le 23 juillet 1983 et le 18 avril 1991.

Ainsi, les héritiers ont eu jusqu’à cinq ans après ces dates pour exercer leur action.

Il est important de noter que, selon l’article 26 de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, les dispositions qui réduisent la durée de la prescription s’appliquent aux prescriptions à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder celle prévue par la loi antérieure.

Quelles sont les conséquences de l’absence d’acte interruptif de prescription ?

L’article 2241 du Code civil précise que l’interruption de la prescription de droit commun s’entend d’une demande en justice. Cela signifie qu’une simple correspondance, même recommandée, n’est pas suffisante pour interrompre le cours de la prescription.

En l’espèce, les consorts [L] ont soutenu que des correspondances avaient été échangées avec les caisses jusqu’en 2014, mais la cour a rappelé que ces échanges n’avaient pas constitué des actes interruptifs de prescription.

Ainsi, la prescription a continué à courir, et aucune action en justice n’ayant été engagée avant l’expiration du délai de cinq ans, les demandes des consorts [L] ont été déclarées irrecevables.

Comment la cour a-t-elle interprété la notion de force majeure dans le cadre de la prescription ?

L’article 2234 du Code civil stipule que :

*« La prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure. »*

Dans cette affaire, les consorts [L] ont tenté d’arguer que la saisine de la commission de recours amiable constituait un empêchement à l’exercice de leurs droits.

Cependant, la cour a jugé que le fait que la solution du litige dépende d’une décision de la partie adverse ne suspendait pas le cours de la prescription.

Ainsi, l’information donnée par les caisses concernant la saisine de la commission de recours amiable n’a pas été considérée comme un cas de force majeure, permettant de suspendre la prescription.

Quelles sont les implications de la décision de la cour sur les demandes de dommages-intérêts ?

Les consorts [L] ont demandé des dommages-intérêts pour préjudices économiques, financiers et moraux, ainsi que des frais sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Cependant, en raison de la prescription acquise, la cour a confirmé le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale qui avait rejeté toutes les demandes.

L’article 700 du Code de procédure civile prévoit que :

*« La partie qui succombe peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. »*

Dans ce cas, les consorts [L] ayant succombé, ils ont été condamnés à payer des frais à la Caisse nationale d’assurance vieillesse et à la Caisse régionale d’assurance maladie d’Île-de-France, conformément à cet article.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 13

ARRÊT DU 17 Janvier 2025

(n° , 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 23/01978 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHJNN

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 01 Février 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 14/05377

APPELANTS

Monsieur [B] [L]

[Adresse 9]

[Adresse 9]

[Localité 1] – ALGERIE

représenté par Me Mourad RABHI, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me Amalle RABHI, avocat au barreau de MONTPELLIER

Monsieur [E] [L]

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 1] ALGERIE

représenté par Me Mourad RABHI, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me Amalle RABHI, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEES

CAISSE NATIONALE D’ASSURANCE VIEILLESSE

[Adresse 2]

[Localité 6]

représenté par M. [V] [F] en vertu d’un pouvoir spécial

CAISSE REGIONALE D’ASSURANCE MALADIE D’ILE DE FRANCE

[Adresse 3]

[Localité 7]

représenté par M. [K] [R] en vertu d’un pouvoir spécial

Etablissement Public CNRACL – GEREE PAR CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNAT IONS

[Adresse 4]

[Localité 5]

non comparante, non représentée

PARTIES INTERVENANTES

Madame [H] [L]

[Adresse 9]

[Adresse 9]

[Localité 1] – ALGERIE,

représenté par Me Mourad RABHI, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me Amalle RABHI, avocat au barreau de MONTPELLIER

Madame [O] [L]

[Adresse 9]

[Adresse 9]

[Localité 1] – ALGERIE,

représenté par Me Mourad RABHI, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me Amalle RABHI, avocat au barreau de MONTPELLIER

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Novembre 2024, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant M. Raoul CARBONARO, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M Raoul CARBONARO, président de chambre

M Gilles REVELLES, conseiller

Mme Sophie COUPET, conseiller

Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats

ARRET :

– REPUTE CONTRADICTOIRE

– prononcé

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par M Raoul CARBONARO, président de chambre et par Mme Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l’appel interjeté par M. [B] [L] et M. [E] [L] d’un jugement rendu le 1er février 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris dans un litige l’opposant à la Caisse nationale d=assurance vieillesse et la Caisse régionale d=assurance maladie d=Île-de-France.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de préciser que M. [B] [L] est décédé le 23 juillet 1983 ; que Mme [T] [N], son épouse est décédée le 18 avril 1991 ; qu=aucun des deux ne bénéficiait des prestations vieillesse ; que par requête du 21 octobre 2014, leurs deux enfants, M. [B] [L] et M. [E] [L] ont saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale afin de voir condamner in solidum la Caisse nationale d=assurance vieillesse et la Caisse régionale d=assurance- maladie d=Île-de-France au paiement des arrérages qui auraient dû être versés à la suite de la demande de pension d=invalidité de leur père et à laquelle les caisses n=auraient jamais répondu, ainsi que les arrérages de la pension de réversion due à leur mère, avec intérêt au taux légal, de la somme de 30 000 euros de dommages-intérêts pour les préjudices économiques et financiers, 10 000 euros en réparation du préjudice moral subi et de celle de 3 000 euros sur le fondement de l=article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 1er février 2017, le tribunal :

constate que l=action engagée par M. [B] [L] et M. [E] [L] est prescrite ;

rejette toutes les demandes ;

condamne in solidum M. [B] [L] et M. [E] [L] à payer 150 euros à la Caisse nationale d=assurance vieillesse et 150 euros à la Caisse régionale d=assurance- maladie d=Île-de-France au titre de l=article 700 du code de procédure civile ;

dit n’y avoir lieu de statuer sur les dépens, conformément aux dispositions de l=article R. 144-10 du code de la sécurité sociale.

Le tribunal a relevé que Mme [T] [N] avait formé une réclamation de 28 août 1993, la Caisse nationale d=assurance vieillesse en accusant réception et indiquant la transmission du dossier à la commission de recours amiable. Il a relevé en outre que le 16 juin 1994, la même caisse confirmait la saisine de la commission. Il a relevé que la caisse n=avait jamais notifié les modalités de recours sur une décision implicite de rejet de telle sorte que la forclusion ne peut être opposée. Toutefois, s=agissant d=une action personnelle ou mobilière, il a relevé que la prescription de cinq ans avait couru, dès lors que passé l=année 2001, aucune suspension du délai n=avait été constatée.

Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception remise le 27 mars 2017 à M. [B] [L] et à M. [E] [L] qui en ont interjeté appel par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception adressée le 26 avril 2017.

Par arrêt du 26 février 2021, la cour a ordonné la radiation de l=affaire.

Les parties ont sollicité la réinscription de l=affaire par courrier du 17 janvier 2023 au nom de M. [B] [L], de M. [E] [L], de Mme [H] [L] et de Mme [O] [L].

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l=audience par leur avocat, M. [B] [L] et M. [E] [L], Mme [H] [L] et Mme [O] [L] demandent à la cour de :

accueillir l’appel, le juger parfaitement recevable et fondé ;

confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté le moyen tiré de l’irrecevabilité pour défaut de signature de la requête et de mandat du conseil des consorts [L] ;

confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté le moyen de tiré de la forclusion des demandes introduites par les appelants ;

pour le surplus,

infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré l’action introduite par les appelants prescrite ;

débouter les caisses intimées de leur moyen concernant la prescription et juger en conséquence l’action des appelants parfaitement recevable ;

condamner la Caisse régionale d=assurance maladie d=Île-de-France à payer aux intimés le montant des pensions d’invalidité dues depuis 1981 jusqu’au 23 juillet 1983 date du décès de M. [L] et ce avec intérêts de droit ;

condamner la Caisse nationale d=assurance vieillesse à payer aux intimés le montant des pensions de réversion due à compter du 23 juillet 1983 date du décès de M. [L] jusqu’au décès de Mme [L] le 18 avril 1991 et ce avec intérêts de droit ;

si par impossible la cour n’y faisait pas droit, tenant l=entière responsabilité des caisses intimées, et les fautes dont sont responsables les intimées :

condamner la Caisse régionale d=assurance maladie d=Île-de-France à payer aux intimés au titre de la perte de chance la somme équivalente à ce que Mme [L] aurait perçu au titre des pensions d’invalidité dues depuis 1981 jusqu’au 23 juillet 1983 date du décès de M. [L] et ce avec intérêts de droit ;

condamner la Caisse nationale d=assurance vieillesse à payer aux intimés au titre de la perte de chance la somme équivalente à ce que Mme [L] aurait perçu au titre des pensions de réversion due à compter du 23 juillet 1983 date du décès de M. [L] jusqu’au décès de Mme [L] le 18 avril 1991 et ce avec intérêts de droit ;

en tout état de cause :

condamner in solidum les caisses intimées à leur payer la somme de 10 000 euros au titre de la réparation de leur préjudice moral ;

condamner les caisses intimées à leur payer la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et ainsi que les entiers dépens.

Par conclusions écrites visées, développées et complétées oralement à l=audience par son représentant, la Caisse régionale d=assurance maladie d=Île-de-France demande à la cour de :

confirmer le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris rendu le 1er février 2017 ;

débouter les consorts [L] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

condamner les consorts [L] à lui payer la somme de 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l=audience par son représentant, la Caisse nationale d=assurance vieillesse demande à la cour de :

à titre principal :

confirmer le jugement rendu le 1er février 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris dans toutes ses dispositions en ce qu’il a :

constaté que l’action engagée par Ms [B] et [E] [L] était prescrite ;

rejeté toutes leurs demandes ;

condamné in solidum MM. [B] [L] et [E] [L] à payer 150 euros à la Caisse nationale d=assurance vieillesse et 150 euros à la Caisse régionale d=assurance- maladie d=Île-de-France ;

rejeter toutes les demandes des consorts [L] ;

condamner M. [B] [L] au paiement de la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile dans le cadre de l’instance d’appel au bénéfice de la Caisse nationale d=assurance vieillesse ;

condamner M. [E] [L] au paiement de la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile dans le cadre de l’instance d’appel au bénéfice de la Caisse nationale d=assurance vieillesse.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l’audience du 18 novembre 2024 qu’elles ont respectivement soutenues oralement.

SUR CE

– sur la prescription :

Moyens des parties :

Les consorts [L] exposent qu=il suffit de se reporter aux documents produits qui démontrent que des correspondances ont été échangées entre les consorts [L] et les caisses intimées non seulement jusqu’à 2001 comme l’a souligné le jugement entrepris mais aussi entre 2001 et 2014, date de la saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale : 2004, 2005, 2006, 2010, 2012 et 2013 ; qu’ainsi le délai de prescription a bel et bien été suspendu sans que le délai de cinq années de la prescription ne soit acquis à la date de la saisine des requérants ; qu=ils n’étaient pas en mesure d’exercer leurs droits ; que l’injonction d’attendre une décision de la commission de recours amiable dans les réponses des caisses en précisant qu’il n’y a pas lieu de relancer démontre la mauvaise foi caractérisée et la faute grave du service qui ne peut être proscrite à la date de la saisine ; que les caisses intimées étaient ainsi mal fondées à prétendre bénéficier de la prescription, les concluants n’étant pas en mesure de connaître les éléments de nature à faire naître leurs droits.

La Caisse régionale d=assurance maladie d=Île-de-France réplique que les consorts [L], en leur qualité d’héritiers de M. [B] [L], disposaient donc d’un délai de cinq ans, suivant les décès de leurs parents – respectivement le 23 juillet 1983 pour M. [L] et le 18 avril 1991 pour Mme [L] – afin d’exercer leur action en paiement ; que ce n’est que 21 octobre 2014 que MM. [E] et [B] [L] ont saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris ; que leur action en paiement est par conséquent prescrite et c’est ainsi à juste titre que le tribunal a retenu, dans la décision attaquée ; qu=une lettre, même recommandée, n’interrompt pas la prescription ; que si la cour venait à considérer que l’envoi d’une lettre recommandée pouvait interrompre la prescription, la cour constatera que le dernier accusé de réception d’un courrier adressé à la CRAMIF, produit par les intéressés, est daté du 23 janvier 2006 (étant précisé que les consorts [L] ne produisant pas le courrier adressé, il est impossible d’en connaître l’objet et la teneur) ; qu=ainsi, leur saisine du tribunal datant du 21 octobre 2014 – plus de 5 ans après ce dernier courrier – leurs demandes à l’encontre de la CRAMIF seraient tout de même prescrites et ce, conformément aux dispositions des articles 2224 du code civil.

La Caisse nationale d=assurance vieillesse réplique que selon les anciennes dispositions de l’article 2262 du code civil : * Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans, sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé d’en rapporter un titre ou qu’on puisse lui opposer l’exception déduite de la mauvaise foi. + ; que depuis le 17 juin 2008 et l’entrée en vigueur de l’article 2224 du code civil : * les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer + ; que dans les faits, aucun acte interruptif ou suspensif de prescription n’est intervenu dans le délai de 5 ans avant la date de saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale entre le 20 octobre 2009 et le 20 novembre 2014 ; que la prescription est donc acquise ce qui constitue une fin de non-recevoir au sens des articles 122 et suivants du code de procédure civile.

Réponse de la cour :

L’article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Il résulte des dispositions combinées des articles 2224 du code civil, R. 142-18 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale, le deuxième dans sa rédaction antérieure au décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 et le dernier dans sa rédaction antérieure au décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicables au litige, que ni l’indépendance des rapports entre, d’une part, la caisse et la victime et, d’autre part, la caisse et l’employeur, ni le particularisme du recours ouvert à l’employeur pour contester la décision d’une caisse primaire de reconnaître le caractère professionnel d’un accident, d’une maladie ou d’une rechute ne justifient que ce recours ne puisse constituer une action en justice et que, dès lors, il ne soit pas soumis à un délai de prescription ; qu’il y a lieu, en conséquence, de considérer qu’en l’absence de texte spécifique, l’action d=un héritier pour faire valoir les droits de ses parents à l=encontre de caisses de retraite est au nombre des actions qui se prescrivent par cinq ans en application de l’article 2224 du code civil.

Selon l=article 26 ‘ II de la loi n 2008-561 du 17 juin 2008,

* Les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s’appliquent aux prescriptions à compter du jour de l’entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. +

Sous l=emprise des textes d=origine, l=article 2262 du code civil mentionnait que l=action était prescrite par 30 ans.

Dès lors, le délai de prescription quinquennale a commencé à courir à compter du 19 juin 2008.

En application des dispositions de l=article 2241 du code civil, l=interruption de la prescription de droit commun s=entend d=une demande en justice, de telle sorte qu=une lettre recommandée est insuffisante pour interrompre la prescription.

Selon l=article 2234 du code civil,

* La prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure. +

En la présente espèce, M. [B] [L] est décédé le 23 juillet 1983, après avoir réclamé avant le 6 mai 1983 une pension d=invalidité à la CRAMIF.

Mme [T] [N], son épouse, est décédée le 18 avril 1991 après avoir formulé le 6 juillet 1988 une demande de bénéfice d=une pension d=invalide.

Ainsi, la prescription a commencé à courir respectivement le 23 juillet 1983 et le 6 juillet 1988, de telle sorte que l=application des dispositions de l=article 26 de la loi n 2008-561 faisait courir le nouveau délai de prescription quinquennale à compter du 19 juin 1988 qui expirait donc le 19 juin 1993.

La saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale est intervenue par lettre du 15 octobre 2014, soit postérieurement à l=expiration du cours normal de la prescription.

S=agissant de la suspension alléguée du cours de la prescription par l’effet de l=accusé de réception de la caisse notifiant la saisine de la commission de recours amiable, il sera rappelé que ne fait pas obstacle à la prescription le fait que la solution du litige dépende d=une décision de la partie adverse, l=intervalle entre la saisine et sa prise de décision n=étant pas suspensif de prescription, sauf texte spécifique, de telle sorte que la saisine de la commission de recours amiable n=a pas pour effet de suspendre le cours de la prescription et que l=information donnée par la CNAV le 19 octobre 1993 puis le 16 juin 1994 par la CRAMIF selon laquelle la commission de recours amiable était saisie et qu=il n=y avait pas besoin de la relancer n=avait pas pour effet de créer un cas de force majeure empêchant les parties de saisir le tribunal.

Dès lors, la prescription était acquise au jour de la saisine du tribunal, de telle sorte que les demandes sont irrecevables.

Le jugement déféré sera donc confirmé.

Les consorts [L] qui succombent seront condamnés aux dépens d=appel, M. [B] [L] et M. [E] [L] étant condamnés chacun à payer respectivement à la Caisse nationale d=assurance vieillesse et la Caisse régionale d=assurance maladie d=Île-de-France la somme de 250 euros en application de l=article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

DÉCLARE recevable l=appel de M. [B] [L] et de M. [E] [L] ;

DÉCLARE recevable l=intervention volontaire de Mme [H] [L] et de Mme [O] [L] ;

CONFIRME le jugement rendu le 1er février 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris en ses dispositions soumises à la cour ;

Y AJOUTANT :

CONDAMNE M. [B] [L] à payer à la Caisse nationale d=assurance vieillesse la somme de 250 euros en application de l=article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [B] [L] à payer à la Caisse régionale d=assurance maladie d=Île-de-France la somme de 250 euros en application de l=article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [E] [L] à payer à la Caisse nationale d=assurance vieillesse la somme de 250 euros en application de l=article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [E] [L] à payer à la Caisse régionale d=assurance maladie d=Île-de-France la somme de 250 euros en application de l=article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum M. [B] [L], M. [E] [L], Mme [H] [L] et Mme [O] [L] aux dépens d=appel.

La greffière Le président


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