Désistement et conséquences : enjeux de bonne foi et de procédure abusive

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Désistement et conséquences : enjeux de bonne foi et de procédure abusive

L’Essentiel : Le 1er février 2024, la société VIGNA PACA a assigné KAUFMAN & BROAD PROMOTION 5 devant le tribunal de Nanterre. Lors de l’audience du 6 décembre 2024, VIGNA PACA a demandé un désistement d’instance, arguant que KAUFMAN & BROAD n’avait pas notifié d’écritures, rendant ses demandes reconventionnelles irrecevables. En réponse, KAUFMAN & BROAD a réclamé des dommages et intérêts pour procédure abusive, accusant VIGNA PACA de déloyauté. Le 17 janvier 2025, le juge a constaté le désistement comme parfait, rejeté les demandes de KAUFMAN & BROAD et condamné VIGNA PACA à verser 1.000 euros pour frais.

Contexte de l’affaire

Par acte d’huissier du 1er février 2024, la société VIGNA PACA a assigné la société KAUFMAN & BROAD PROMOTION 5 devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nanterre. Après plusieurs renvois, l’affaire a été examinée lors de l’audience du 6 décembre 2024, où les parties étaient représentées par leurs conseils respectifs.

Demande de désistement

La société VIGNA PACA a demandé au juge de constater son désistement d’instance, en se fondant sur les articles 394 et 395 du code de procédure civile. Elle a soutenu que la société KAUFMAN & BROAD PROMOTION 5 n’avait pas notifié d’écritures au moment de son désistement, rendant ainsi irrecevables les demandes reconventionnelles de dommages et intérêts qui ont suivi. VIGNA PACA a également accusé KAUFMAN & BROAD PROMOTION 5 de déloyauté.

Réponse de KAUFMAN & BROAD PROMOTION 5

En réponse, la société KAUFMAN & BROAD PROMOTION 5 a demandé au juge de statuer sur le désistement de VIGNA PACA et a réclamé des dommages et intérêts de 10.000 euros pour procédure abusive, ainsi qu’une somme de 3.000 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile. Elle a argué que VIGNA PACA avait utilisé des preuves illégales et que son désistement était un stratagème déloyal.

Délibération et décision

L’affaire a été mise en délibéré pour décision le 17 janvier 2025. Le juge a constaté le désistement d’instance de VIGNA PACA, le considérant comme parfait, et a rejeté la demande reconventionnelle de KAUFMAN & BROAD PROMOTION 5 pour dommages et intérêts. En outre, VIGNA PACA a été condamnée à verser 1.000 euros à KAUFMAN & BROAD PROMOTION 5 au titre de l’article 700 du code de procédure civile et a été tenue de supporter les dépens.

Conclusion de la décision

Le jugement a été rendu en premier ressort, avec exécution provisoire de droit, et a été mis à disposition du public au greffe.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la procédure de désistement d’instance selon le Code de procédure civile ?

Le désistement d’instance est régi par les articles 394 et 395 du Code de procédure civile.

L’article 394 dispose que :

« Le demandeur peut se désister de sa demande en vue de mettre fin à l’instance. »

L’article 395 précise que :

« Le désistement n’est parfait que par l’acceptation du défendeur. Toutefois, l’acceptation n’est pas nécessaire si le défendeur n’a présenté aucune défense au fond ou fin de non-recevoir au moment où le demandeur se désiste. »

Dans l’affaire en question, la société VIGNA PACA a demandé à voir prononcer son désistement d’instance, et le défendeur, KAUFMAN AND BROAD PROMOTION 5, a pris acte de ce désistement.

Ainsi, le juge a fait droit à la demande de désistement, considérant que les conditions posées par le Code étaient remplies.

Quelles sont les conditions pour qu’une demande reconventionnelle de dommages et intérêts soit recevable ?

La demande reconventionnelle de dommages et intérêts est encadrée par l’article 1240 du Code civil et l’article 32-1 du Code de procédure civile.

L’article 1240 stipule que :

« Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer. »

L’article 32-1 précise que :

« Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés. »

Pour qu’une demande de dommages et intérêts soit recevable, il faut prouver que l’autre partie a agi de manière abusive ou dilatoire, ce qui implique une faute caractérisée.

Dans cette affaire, la société KAUFMAN AND BROAD PROMOTION 5 n’a pas réussi à établir la faute de la société VIGNA PACA, ce qui a conduit le juge à rejeter la demande de dommages et intérêts.

Quelles sont les conséquences d’un désistement d’instance sur les dépens ?

Les conséquences d’un désistement d’instance sont régies par l’article 399 du Code de procédure civile, qui dispose que :

« Le désistement emporte, sauf convention contraire, soumission de payer les frais de l’instance éteinte. »

Dans le cas présent, la société VIGNA PACA n’a pas prouvé l’existence d’une convention avec la société KAUFMAN AND BROAD PROMOTION 5.

Par conséquent, le juge a décidé que la société VIGNA PACA devait supporter la charge des dépens, conformément à l’article 399.

Cela signifie que, même si la demande principale a été abandonnée, la partie qui se désiste est responsable des frais engagés dans le cadre de l’instance.

Quelles sont les dispositions relatives aux frais de justice selon l’article 700 du Code de procédure civile ?

L’article 700 du Code de procédure civile stipule que :

« La partie perdante peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés par celle-ci et non compris dans les dépens. »

Dans cette affaire, le juge a condamné la société VIGNA PACA à verser à la société KAUFMAN AND BROAD PROMOTION 5 la somme de 1.000 euros en application de cet article.

Cette décision a été prise en raison de la nécessité pour la société KAUFMAN AND BROAD PROMOTION 5 de faire valoir ses moyens de défense, même si la demande de dommages et intérêts a été rejetée.

Ainsi, l’article 700 permet de compenser les frais engagés par la partie qui a dû se défendre dans le cadre d’une procédure.

DOSSIER N° : N° RG 24/01109 – N° Portalis DB3R-W-B7I-ZGAZ
AFFAIRE : SN VIGNA PACA / La SNC KAUFMAN & BROAD PROMOTION 5

Minute n°

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTERRE

LE JUGE DE L’EXECUTION

JUGEMENT DU 17 JANVIER 2025

COMPOSITION DU TRIBUNAL

PRESIDENT : Amélie DRZAZGA

GREFFIER : Marie-Christine YATIM

DEMANDERESSE

SN VIGNA PACA
[Adresse 4]
[Localité 2]

représentée par Me Marianne THARREAU, avocat postulant au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : PN99 et Me Jean Louis DELPLANO, avocat plaidant au barreau de NICE

DEFENDERESSE

La SNC KAUFMAN & BROAD PROMOTION 5
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Maître Claude DUVERNOY de l’AARPI DROITFIL, avocat postulant au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : PN 49 et Me Pascal- Yves BRIN, avocat plaidant au barreau de MARSEILLE

Le Tribunal après avoir entendu les parties et/ou leurs avocats en leurs conclusions à l’audience du 06 Décembre 2024 a mis l’affaire en délibéré et indiqué que le jugement serait rendu le 17 Janvier 2025, par mise à disposition au Greffe.

FAITS ET PROCEDURE

Par acte d’huissier du 1er février 2024, la société VIGNA PACA a fait assigner devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de NANTERRE la société KAUFMAN & BROAD PROMOTION 5.

Après deux renvois pour permettre aux parties de se mettre en état, l’affaire a été retenue à l’audience du 6 décembre 2024, à laquelle les parties ont comparu, représentées par leurs conseils respectifs.

Aux termes de ses écritures visées par le greffe à l’audience, la société VIGNA PACA, représentée par son conseil, demande à voir le juge de l’exécution, sur le fondement des articles 394 et 395 du code de procédure civile, lui donner acte de son désistement d’instance, juger que ce désistement d’instance est parfait, débouter la société KAUFMAN AND BROAD PROMOTION 5 de ses demandes reconventionnelles et statuer ce que de droit sur les dépens.

La société VIGNA PACA fait notamment valoir que la société KAUFMAN AND BROAD PROMOTION 5 n’avait notifié aucune écriture au moment où les conclusions de désistement ont été notifiées en sorte que les demandes reconventionnelles de dommages et intérêts ultérieures à la notification du désistement sont irrecevables. La société VIGNA PACA ajoute que ces demandes sont infondées estimant que la société KAUFMAN AND BROAD PROMOTION 5 a fait preuve d’une déloyauté manifeste.

Aux termes de ses écritures visées par le greffe à l’audience, la société KAUFMAN AND BROAD PROMOTION 5, représentée par son conseil, demande à voir le juge de l’exécution, statuer ce que de droit sur la demande de désistement d’instance formulée par la société NOUVELLE VIGNA PACA, condamner la société VIGNA PACA au paiement d’une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée ainsi que pour désistement tardif et d’une particulière mauvaise foi et condamner la société VIGNA PACA au paiement d’une somme de 3.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

La société KAUFMAN AND BROAD PROMOTION 5 fait notamment valoir qu’à l’appui de ses demandes initiales, la société VIGNA PACA avait versée aux débats des moyens de preuve illégaux qui ont dû être soumis aux autorités ordinales, qu’à la suite de l’avis de ces autorités, la société VIGNA PACA a notifié ses conclusions de désistement et repris ses prétentions sous la forme de demandes reconventionnelles dans le cadre d’une autre instance. La société KAUFMAN AND BROAD PROMOTION 5 estime donc que le désistement de la société VIGNA PACA constitue un stratagème déloyal, dans le cadre d’une procédure abusive et injustifiée en droit, avec un désistement tardif et de particulière mauvaise foi.

L’affaire a été mise en délibéré au 17 janvier 2025, par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le désistement d’instance

L’article 394 du code de procédure civile dispose que le demandeur peut se désister de sa demande en vue de mettre fin à l’instance. Il résulte des articles 395 et 397 du même code que le désistement n’est parfait que par l’acceptation du défendeur, mais que cette acceptation peut être implicite. En outre, l’article 395 du même code prévoit que le désistement n’est parfait que par l’acceptation du défendeur. Toutefois, l’acceptation n’est pas nécessaire si le défendeur n’a présenté aucune défense au fond ou fin de non-recevoir au moment où le demandeur se désiste.

En l’espèce, le demandeur sollicite de voir prononcer son désistement d’instance, dont le défendeur prend acte. Il y a lieu de faire droit à la demande de désistement.

Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts

Conformément à l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.

L’article 32-1 du code de procédure civile dispose que celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

Ainsi, l’exercice d’une action en justice constitue en principe un droit qui ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol. La condamnation à des dommages et intérêts pour procédure abusive suppose que soit caractérisée la faute de la partie perdante faisant dégénérer en abus l’exercice du droit d’ester en justice.

En l’espèce, la société KAUFMAN AND BROAD PROMOTION 5 produit seulement des courriers officiels émanant de son propre conseil, lequel fait référence à la saisine des instances ordinales. Pour autant, elle n’établit pas la faute éventuelle de la société VIGNA PACA ayant pu faire dégénérer en abus le droit de la société VIGNA PACA d’ester en justice.

De plus, la société KAUFMAN AND BROAD PROMOTION 5 ne justifie pas de l’existence d’un préjudice distinct de celui résultant de la nécessité de défendre ses intérêts à la procédure, lequel sera réparé dans le cadre de l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La demande de dommages et intérêts seront donc rejetée.

Sur les demandes accessoires

En application de l’article 399 dudit code, le désistement emporte, sauf convention contraire, soumission de payer les frais de l’instance éteinte.

Le demandeur ne rapporte pas la preuve d’une convention avec la société défenderesse, en sorte qu’il n’y a pas lieu de déroger à l’article 399 du code de procédure civile. Le demandeur supportera donc la charge des dépens.

L’équité commande de condamner la société VIGNA PACA à verser à la société KAUFMAN AND BROAD PROMOTION 5, qui a nécessairement dû faire valoir ses moyens de défense, la somme de 1.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La juge de l’exécution, statuant après débats en audience publique, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort et mis à disposition du public au greffe,

CONSTATE le désistement d’instance et l’extinction de l’instance enrôlée sous le numéro 24/01109 du répertoire général ;

REJETTE la demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

CONDAMNE la SARL Société Nouvelle VIGNA PACA à verser à la SNC KAUFMAN AND BROAD PROMOTION 5 la somme de 1.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SARL Société Nouvelle VIGNA PACA aux dépens ;

RAPPELLE que les décisions du juge de l’exécution bénéficient de l’exécution provisoire de droit.

Ainsi jugé et prononcé le 17 janvier 2025, à NANTERRE.

LE GREFFIER LA JUGE DE L’EXECUTION


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