L’Essentiel : L’affaire entre la S.A.R.L BOUTQUIN et la S.C.I DELCOURT, initiée le 27 janvier 2021, porte sur une demande d’indemnité d’éviction et de travaux de remise en état de la toiture. Le tribunal a ordonné une expertise pour évaluer les désordres, avec un rapport déposé le 26 juin 2023. La S.C.I DELCOURT a proposé de régler l’indemnité, tout en contestant son montant. Cependant, le tribunal a rejeté les demandes de la S.A.R.L BOUTQUIN concernant les travaux et la suspension des loyers, considérant que l’obligation d’entretien n’était pas sérieusement contestable. L’affaire a été retirée du rôle, avec possibilité de reprise.
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Contexte de l’AffaireL’affaire concerne un litige entre la S.A.R.L BOUTQUIN et la S.C.I DELCOURT, initié le 27 janvier 2021. La S.A.R.L BOUTQUIN demande une indemnité d’éviction et la réalisation de travaux de remise en état de la toiture, tout en souhaitant suspendre le paiement des loyers et charges jusqu’à l’exécution des travaux. Procédures JudiciairesUn avocat a été constitué pour défendre les intérêts de la S.C.I DELCOURT. Le 25 février 2022, le juge a ordonné une expertise pour évaluer les désordres affectant l’immeuble, notamment ceux liés à la toiture, aux fuites d’eau et à la présence de moisissures. Un rapport d’expertise a été déposé le 26 juin 2023, suivi d’une réinscription de l’affaire au rôle le 1er décembre 2023. Offre de Règlement de la S.C.I DELCOURTLa S.C.I DELCOURT a proposé de régler l’indemnité d’éviction à la S.A.R.L BOUTQUIN, tout en se réservant le droit de contester le montant. Le tribunal a été invité à désigner un expert pour évaluer les indemnités d’éviction et d’occupation. Demandes de la S.A.R.L BOUTQUINLa S.A.R.L BOUTQUIN a formulé plusieurs demandes, y compris la réalisation de travaux de réfection sous astreinte, le paiement de diverses sommes pour des travaux et des frais d’expertise, ainsi que la suspension du paiement des loyers jusqu’à la réalisation des travaux. Réponse de la S.C.I DELCOURTLa S.C.I DELCOURT a contesté les demandes de la S.A.R.L BOUTQUIN, demandant son déboutement et la condamnation de cette dernière à des frais. Elle a également soutenu que la suspension du paiement des loyers n’était pas justifiée, car l’activité commerciale se poursuivait. Décisions du TribunalLe tribunal a ordonné une expertise pour évaluer l’indemnité d’éviction et a rejeté les demandes de la S.A.R.L BOUTQUIN concernant les travaux et le remboursement des frais d’électricien, considérant que l’obligation d’entretien de la toiture n’était pas sérieusement contestable. La demande de suspension du paiement des loyers a également été rejetée. Conclusion et Prochaines ÉtapesLe tribunal a décidé de débouter la S.A.R.L BOUTQUIN de ses demandes de condamnations provisionnelles et a ordonné le retrait de l’affaire du rôle, avec possibilité de reprise d’instance après le dépôt du rapport d’expertise. Les dépens de l’incident ont été mis à la charge de la S.C.I DELCOURT, à l’exception des frais de constat d’huissier. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions pour obtenir une indemnité d’éviction selon le Code de commerce ?L’indemnité d’éviction est régie par les articles L.145-14 et L.145-28 du Code de commerce. L’article L.145-14 stipule que : « Le preneur a droit à une indemnité d’éviction lorsqu’il est évincé de son local commercial, sauf si l’éviction est justifiée par un motif grave et légitime. » Cet article précise que l’indemnité doit couvrir le préjudice subi par le preneur en raison de l’éviction, y compris la perte de clientèle et les frais de déménagement. L’article L.145-28 ajoute que : « L’indemnité d’éviction est déterminée en fonction de la valeur du fonds de commerce, des frais de déménagement et de réinstallation, ainsi que des pertes de chiffre d’affaires. » Ainsi, pour obtenir une indemnité d’éviction, le preneur doit prouver qu’il a été évincé sans motif grave et légitime, et il doit fournir des éléments permettant d’évaluer le montant de cette indemnité. Quelles sont les obligations du bailleur en matière d’entretien des locaux loués ?Les obligations du bailleur en matière d’entretien des locaux sont principalement définies par l’article 606 du Code civil, qui précise que : « Les grosses réparations sont à la charge du bailleur, sauf stipulation contraire. » Cela signifie que le bailleur est responsable des réparations majeures, telles que la toiture, sauf si le contrat de bail en dispose autrement. Dans le cas présent, le contrat de bail stipule que : « Le preneur entretiendra les lieux loués en bon état de réparations, grosses ou menues, y compris les grosses réparations au sens de l’article 606 du Code civil. » Cependant, cette clause doit être interprétée restrictivement, ce qui signifie que le bailleur ne peut pas se décharger de ses obligations en matière de grosses réparations, comme la réfection totale de la toiture, sur le preneur. Ainsi, le bailleur a l’obligation de réaliser les travaux nécessaires pour maintenir les locaux en bon état, et le preneur peut demander des réparations si le bailleur ne respecte pas cette obligation. Quelles sont les conséquences d’un manquement aux obligations d’entretien par le bailleur ?En cas de manquement aux obligations d’entretien par le bailleur, le preneur peut demander des réparations ou une indemnisation pour les préjudices subis. L’article 1721 du Code civil précise que : « Le bailleur est tenu de garantir au preneur la jouissance paisible de la chose louée. » Cela signifie que le bailleur doit s’assurer que le preneur peut utiliser les locaux sans entrave. Si des désordres, tels que des fuites d’eau ou des moisissures, empêchent le preneur d’exploiter son activité, il peut demander des réparations. De plus, si le bailleur ne réalise pas les travaux nécessaires, le preneur peut demander une réduction de loyer ou, dans certains cas, la résiliation du bail. Il est également possible pour le preneur de suspendre le paiement des loyers jusqu’à ce que les travaux soient effectués, comme le prévoit l’article 1219 du Code civil, qui permet la suspension des obligations en cas d’inexécution. Quelles sont les conditions pour obtenir une provision sur les demandes de travaux ?Pour obtenir une provision sur les demandes de travaux, le preneur doit prouver que l’existence de l’obligation du bailleur n’est pas sérieusement contestable. L’article 789 du Code de procédure civile stipule que : « Le juge de la mise en état peut accorder une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. » Cela signifie que le preneur doit démontrer que le bailleur a une obligation claire de réaliser les travaux demandés et que cette obligation ne fait pas l’objet d’une contestation sérieuse. Dans le cas présent, le juge a estimé que l’obligation d’entretien de la toiture n’était pas sérieusement contestable, mais que la demande de travaux ne pouvait pas être accordée en raison de l’interprétation des clauses du bail. Ainsi, le preneur doit fournir des éléments concrets et des preuves pour justifier sa demande de provision, notamment des rapports d’expertise et des documents contractuels. Quelles sont les implications de la désignation d’un expert judiciaire dans ce litige ?La désignation d’un expert judiciaire a pour but d’évaluer les désordres affectant l’immeuble et de déterminer les responsabilités des parties. L’article 144 du Code de procédure civile prévoit que : « Les mesures d’instruction peuvent être ordonnées en tout état de cause, dès lors que le juge ne dispose pas d’éléments suffisants pour statuer. » Dans ce litige, l’expert a été chargé d’examiner les désordres liés à la toiture, d’évaluer les travaux nécessaires et de déterminer le coût de ces travaux. L’expert doit également fournir des éléments permettant au tribunal de statuer sur les demandes d’indemnité d’éviction et d’occupation, conformément aux articles L.145-14 et L.145-28 du Code de commerce. La mission de l’expert est cruciale, car ses conclusions influenceront la décision du tribunal concernant les obligations du bailleur et les droits du preneur. En cas de contestation des conclusions de l’expert, les parties peuvent demander une contre-expertise ou soulever des objections lors de l’audience. |
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Chambre 01
N° RG 24/00474 – N° Portalis DBZS-W-B7I-X5XR
ORDONNANCE D’INCIDENT
DU 17 JANVIER 2025
DEMANDEUR AU PRINCIPAL :
(défendeur à l’incident)
S.A.R.L. BOUTQUIN,
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 9]
[Localité 7]
représentée par Me Florence MAS, avocat au barreau de LILLE, postulant et Me Natacha MARCHAL, avocat au barreau de PARIS, plaidant
DÉFENDEUR AU PRINCIPAL :
(demandeur à l’incident)
S.C.I. DELCOURT,
prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 6]
représentée par Me Philippe TALLEUX, avocat au barreau de LILLE
COMPOSITION
Juge de la mise en État : Marie TERRIER,
Greffier : Benjamin LAPLUME,
DÉBATS :
A l’audience du 04 Novembre 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré, les avocats ont été avisés que l’ordonnance serait rendue le 17 Janvier 2025.
Ordonnance : contradictoire, en premier ressort, mise à disposition au Greffe le 17 Janvier 2025, et signée par Marie TERRIER, Juge de la Mise en État, assistée de Benjamin LAPLUME, Greffier.
Vu l’action engagée le 27 janvier 2021 par la S.A.R.L BOUTQUIN à l’encontre de la S.C.I DELCOURT aux fins de condamnation au paiement d’une indemnité d’éviction et condamnation à la réalisation de travaux de remise en état de la toiture, sous astreinte, avec autorisation au preneur de suspendre le paiement des loyers et charges dans l’attente de la réalisation des travaux ;
Vu la constitution d’avocat en défense au soutien des intérêts de la S.C.I DELCOURT ;
Vu l’ordonnance du 25 février 2022 et l’ordonnance en rectification de l’erreur matérielle du 21 mars 2022 rendues par le Juge de la mise en état de la première chambre civile du Tribunal judiciaire de Lille par lequel il a été statué en les termes suivants :
« Ordonnons une expertise et commettons pour y procéder Monsieur [V] [T], [Adresse 8], [Localité 4] aux fins de :
1°) Se rendre au [Adresse 9] [Localité 7] pour visiter les lieux ;
2°) Se faire communiquer et prendre connaissance de l’ensemble des documents qu’il estimera utiles et nécessaires à l’accomplissement de sa mission, notamment les pièces contractuelles et les procès-verbaux de constat relatifs au présent litiges ;
3°) Examiner et recenser l’ensemble des désordres affectant l’immeuble et notamment : les désordres liés à la toiture, aux fuites d’eau, à la présence de champignons et moisissures ;
4°) Rechercher l’origine et la cause de ces désordres ;
5°) Fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre à la juridiction de déterminer, s’il y a lieu, les responsabilités encourues ;
6°) Indiquer les travaux nécessaires de réfection, et indiquer le coût de telles remises en état ;
7°) En cas d’urgence reconnue par l’expert afin de prévenir des dommages aux personnes ou aux biens, autoriser la SARL BOUTQUIN à faire exécuter à ses frais avancés, pour le compte de qui il appartiendra d’exécuter, les travaux estimés indispensables par l’expert ;
8°) Evaluer l’ensemble des préjudices résultant des désordres constatés et donner son avis sur les comptes constitués et justifiés par les parties ; »
[…] Ordonnons le retrait du rôle de la présente affaire ;
Disons qu’elle sera remise au rôle par le dépôt au greffe de conclusions régulièrement signifiées aux fins de reprise d’instance ensuite du dépôt du rapport d’expertise ;”
Vu le rapport de l’expert déposé le 26 juin 2023 ;
Vu la réinscription de l’affaire au rôle suivant conclusions notifiées pour la SARL Boutquin le 1er décembre 2023 sous le numéro RG 24/474
Vu les conclusions d’incident transmises le 11 mars 2024 par le conseil de la SCI Delcourt aux fins au visa des articles L.145-14 et L.145-28 du Code de Commerce,
DONNER ACTE à la SCI DELCOURT de ce qu’elle offre de régler à la SARL BOUTQUIN l’indemnité d’éviction à laquelle celle-ci peut prétendre en application des dispositions légales et qui sera fixée en fonction des éléments comptables versés aux débats par cette dernière, sans renonciation aux droits de la SCI DELCOURT nés du statut en cas de désaccord sur le montant
DESIGNER tel Expert qu’il plaira au Tribunal de désigner avec mission de donner son avis sur les indemnités d’éviction et d’occupation telles qu’elles résultent des articles L.145-14 et L.145-28 du Code de commerce.
RESERVER les dépens
Vu les dernières conclusions d’incident notifiées au réseau privé virtuel des avocats le 28 octobre 2024 par le conseil de la SARL Boutquin auquel il doit être renvoyé pour l’exposé complet de ses motifs, aux fins de voir au visa de l’article 789 du code de procédure civile :
Condamner, à titre provisionnel et pour le compte de qui il appartiendra, la SCI DELCOURT à la réalisation des travaux préconisés par l’Expert Judiciaire, Monsieur [V] [T], dans son rapport en date du 21 juin 2023, à savoir :
o La réfection à neuf du cheneau, avec création d’une deuxième évacuation, ou d’un trop plein,
o La reprise des solins défectueux, Et ce, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai de 15 jours à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir,
A titre subsidiaire, condamner à titre provisionnel la SCI DELACOURT à verser à la SARL BOUTQUIN la somme de 42.100 € et autoriser cette dernière à faire réaliser les travaux préconisés par l’Expert Judiciaire, Monsieur [V] [T], dans son rapport en date du 21 juin 2023, à savoir :
o La réfection à neuf du cheneau, avec création d’une deuxième évacuation, ou d’un trop plein, o La reprise des solins défectueux,
A titre provisionnel, autoriser la SARL BOUTQUIN à suspendre le règlement des loyers à compter de la décision à intervenir jusqu’à complète réalisation des travaux;
A titre provisionnel, condamner la SCI DELCOURT au paiement à la SARL BOUTQUIN, d’une somme de 5840 € au titre de la remise en état des lieux loués ;
A titre provisionnel, condamner la SCI DELCOURT au paiement à la SARL BOUTQUIN, de la somme de 1164 € au titre des factures d’intervention de électriciens en 2021 et 2023 ;
A titre provisionnel, condamner la SCI DELCOURT à payer à la SARL BOUTQUIN, la somme de 6592,45 € au titre du remboursement de la rémunération définitivement taxée au profit de l’Expert Judiciaire ;
A titre provisionnel, condamner la SCI DELCOURT au paiement des dépens, en ce compris les frais de procès-verbal de constat en date du 10 novembre 2023 ;
Condamner la SCI DELCOURT à verser à la SARL BOUTQUIN une indemnité d’éviction ;
Dire qu’il sera sursis à statuer sur le montant de cette indemnité ;
Désigner tel expert judiciaire qu’il lui plaira ;
Dire que l’expert judiciaire devra tenir compte de l’indivisibilité des locaux donnés à bail au titre des deux baux régularisés le 1er septembre 2011, ainsi que des sommes que devra supporter la SARL BOUTQUIN en raison du renouvellement du bail du second immeuble appartenant à Madame [R] [E], prise en sa qualité d’usufruitière, ainsi qu’aux quatre nus-propriétaires, à savoir Madame [G] [D], Madame [Y] [S], Madame [W] [B], et Monsieur [Z] [B]
Condamner la SCI DELCOURT au paiement, à la SARL BOUTQUIN, de la somme de 3000€ au titre de l’Article 700 du Code de Procédure Civile.
Au soutien de son incident, elle expose qu’elle exploite depuis 2011 son fonds de commerce de garage « Garage du Croisé Laroche », auprès de deux bailleurs différents la SCI Delcourt et Madame [R] [E] en sa qualité d’usufruitière. Elle rappelle qu’elle a fait notifier courant avril 2020 à la SCI Delcourt d’une part et aux consorts [E] [B] une demande de renouvellement du bail à effet au 1er septembre 2020, que toutefois par acte de commissaire de justice du 17 juillet 2020 la SCI Delcourt s’est opposée au renouvellement du bail et a sollicité du preneur une remise en état des lieux, constitutive selon elle d’un motif grave et légitime. Elle expose qu’elle a contesté l’imputabilité des désordres et a sollicité de son bailleur des travaux de toiture aux fins de remise en état des désordres. Elle explique qu’elle a engagé l’action judiciaire aux fins d’obtenir le paiement d’une indemnité d’éviction mais que dans le cours de l’instance, elle a sollicité une expertise sur la dégradation de l’immeuble en raison des infiltrations.
Elle précise que depuis l’expertise, et alors que l’expert a souligné l’urgence de la situation aucun travaux de réfection du chéneau n’a été entrepris, raison pour laquelle elle sollicite la condamnation provisionnelle du bailleur, pour le compte de qui il appartiendra, ainsi que le remboursement des frais d’électricien, de l’avance des frais de l’expert judiciaire et de la remise en état des lieux.
Elle se réjouit que la société Delcourt admette désormais être tenue d’une indemnité d’éviction et acquiesce à la demande d’expertise judiciaire, tout en sollicitant qu’il soit tenu compte de l’indivisibilité des locaux.
Vu les dernières conclusions d’incident notifiées au réseau privé virtuel des avocats le 4 novembre 2024 par le conseil de la S.C.I DELCOURT, auxquelles il convient de se référer concernant l’exposé de ses motifs, aux fins de voir au visa de l’article 789 du code de procédure civile :
DEBOUTER la SARL BOUTQUIN de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
CONDAMNER la SARL BOUTQUIN à la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les frais et dépens de l’instance.
En réponse à l’incident de provision introduit par la société Boutquin, elle affirme qu’il se heurte à une contestation sérieuse quant à l’interprétation des clauses du bail et que la suspension de l’obligation au paiement des loyers ne peut être ordonnée, dès lors que l’activité commerciale se poursuit.
A l’audience du 4 novembre 2024 l’affaire a été mise en délibéré au 17 janvier 2025.
Sur la demande d’expertise aux fins d’évaluation de l’indemnité d’éviction et d’occupation
Selon les dispositions de l’article 789 du Code de procédure civile:
“Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour: (…)
5° Ordonner, même d’office, toute mesure d’instruction; (…)”
L’article 144 du Code de procédure civile prévoit à cet égard:
“Les mesures d’instruction peuvent être ordonnées en tout état de cause, dès lors que le juge ne dispose pas d’éléments suffisants pour statuer.”
En l’espèce, les parties s’accordent désormais sur le principe d’une indemnité d’éviction consécutive au refus du bailleur de consentir au renouvellement du bail, il y a donc lieu d’ordonner une mesure d’expertise pour permettre au tribunal de statuer sur la demande, qui comprendra des éléments pour permettre l’évaluation de celle-ci comme de l’indemnité d’occupation pour la période où le preneur s’est maintenu dans les lieux. Il y a lieu par ailleurs d’attirer l’attention de l’expert sur la situation particulière des locaux qui s’étendent sur deux immeubles et deux baux.
Dès lors que l’indemnité sera mise à la charge du bailleur qui y consent, il y a lieu de prévoir que la mesure d’instruction sera ordonnée aux frais avancés de la S.CI Delcourt.
Sur la demande de provision
L’article 789 du Code de procédure civile prévoit :
“Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :
(…) 3° Accorder une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable(…).”
Au titre des travaux
En l’espèce, alors que la société Boutquin sollicite, à titre principal comme à titre subsidiaire, la condamnation de la société Delcourt, tantôt à une obligation de faire, par la réalisation des travaux d’étanchéité tantôt à une obligation de payer le coût des travaux, il lui appartient au préalable de justifier que l’obligation d’entretien de la toiture pèse sur son bailleur de manière non sérieusement contestable sans qu’il puisse être prévu que les travaux seraient ordonnés pour « le compte de qui il appartiendra » au risque de contredire le principe de la condamnation provisionnelle sur laquelle le juge de la mise en état peut statuer.
Or, il résulte effectivement du contrat de bail (pièce n°1 de la demanderesse) que « le preneur entretiendra les lieux loués en bon état de réparations, grosses ou menues en ce compris les grosses réparations au sens de l’article 606 du code civil, et les rendra à sa sortie, quelqu’en soit le motif, en bon état de réparations. Il est toutefois précisé que cette clause, au sens de la jurisprudence de la Cour de Cassation doit s’interpréter restrictivement . Elle ne peut par exemple comprendre la réfection totale de la toiture ».
Dans la mesure où la demande de travaux formulée par la société Boutquin ne porte effectivement pas sur la réfection de la totalité de la toiture mais sur « la réfection à neuf du chéneaux et des solins défectueux », ces réparations impliquent pour être imputées à l’une ou l’autre des parties une interprétation de la clause du bail et une appréciation des circonstances de l’espèce, liée au comportement réciproque des parties et aux conclusions de l’expert.
En conséquence, l’obligation au financement des travaux n’est pas sérieusement incontestable et la demande de provision formée à ce titre par la société Boutquin sera rejetée.
Sur la remise en état des lieux et le remboursement des factures d’électricien
Il résulte de ce qui précède que ces postes qui seraient les conséquences préjudicielles d’un manquement à l’obligation d’entretien des chéneaux dont l’imputabilité ne pourra être arbitrée que lors du débat au fond de l’affaire, la demande de condamnation provisionnelle de ces chefs ne pourra qu’être rejetée.
Sur le remboursement des frais d’expertise judiciaire
La seule remise du rapport de l’expert n’est pas de nature à modifier l’appréciation qui avait été antérieurement portée par le juge de la mise en état selon laquelle les frais de l’expertise judiciaire devaient être mis à la charge de celui qui avait intérêt à l’issue de la mesure.
En conséquence, la société Boutquin sera déboutée de sa demande de ce chef.
Sur la demande de suspension du paiement des loyers
La S.A.R.L BOUTQUIN formule à nouveau une demande de suspension du paiement des loyers dont elle avait été déboutée lors de l’ordonnance du 25 février 2022 au motif qu’il n’était ni établi, un manquement du bailleur à ses obligations relativement à l’état de la toiture, ni une impossibilité d’user de la chose louée conformément à sa destination.
Les pièces nouvelles produites par le preneur et notamment le rapport de l’expert qui confirme « une gêne à l’exploitation » et non une impossibilité d’exploitation et le procès-verbal de commissaire de justice du 10 novembre 2023 ne permet pas d’en conclure que le garage est inexploité.
Il y a donc lieu de rejeter cette demande.
Sur les demandes annexes
Il y a lieu de mettre les dépens de cet incident à la charge de la SCI Delcourt, mais qui ne comprendront pas le coût du procès verbal du constat d’huissier du 10 novembre 2023 qui ne répond pas à la liste des actes de l’article 696 du code de procédure civile.
Il apparaît équitable de réserver le sort des frais irrépétibles, non compris dans les dépens.
Nous, juge de la mise en état, statuant publiquement, par ordonnance contradictoire, susceptible d’appel, et par mise à disposition au greffe,
Ordonnons une expertise et commettons pour y procéder :
Mme [U] [X]
(S.A.R.L. [X] EXPERTISES) demeurant [Adresse 2] [Localité 5] (tél : [XXXXXXXX01] email : [Courriel 10])
aux fins de :
1°) Se rendre au [Adresse 9] [Localité 7] pour visiter les lieux ;
2°) Se faire communiquer et prendre connaissance de l’ensemble des documents qu’il estimera utiles et nécessaires à l’accomplissement de sa mission, notamment les pièces contractuelles, les documents comptables et fiscaux relatifs à l’exploitation du fonds de commerce
3°) décrire les lieux, dresser le cas échéant la liste du personnel employé par le locataire,
4°) Rechercher, en tenant compte de la nature des activités professionnelles autorisées par le bail, de la situation et de l’état des locaux, en examinant particulièrement les conséquences liées à l’exploitation de deux immeubles faisant l’objet de deux baux commerciaux, tous éléments permettant de :
a) Déterminer le montant de l’indemnité d’éviction dans le cas :
– d’une perte de fonds : valeur marchande déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, des frais et droits de mutation afférents à la cession de fonds d’importance identique, de la réparation du trouble commercial ;
– de la possibilité d’un transfert de fonds, sans perte conséquente de clientèle, sur un emplacement de qualité équivalente, et, en tout état de cause, le coût d’un tel transfert, comprenant notamment : acquisition d’un titre locatif ayant les mêmes avantages que l’ancien, frais et droits de mutation, frais de déménagement et de réinstallation, réparation du trouble commercial ;
b) Donner son avis sur l’indivisibilité des locaux ;
c) Apprécier si l’éviction entraînera la perte du fonds ou son transfert et en tenant compte des charges éventuellement induites par le renouvellement d’une partie du bail liant la société Boutquin à Madame [R] [E], prise en sa qualité d’usufruitière, ainsi qu’aux quatre nus-propriétaires, à savoir Madame [G] [D], Madame [Y] [S], Madame [W] [B], et Monsieur [Z] [B] ;
5°) Rechercher, en tenant compte de la nature des activités professionnelles autorisées par le bail, de la situation et de l’état des locaux, en examinant particulièrement les conséquences liées à l’exploitation de deux immeubles faisant l’objet de deux baux commerciaux, tous éléments permettant de déterminer le montant de l’indemnité d’occupation ;
6°) Fournir toutes autres précisions utiles au tribunal pour la solution du litige ;
Disons que l’expert procédera à sa mission dans le cadre des articles 263 et suivants du Code de procédure civile sous le contrôle du juge chargé des expertises, qu’il pourra se faire remettre tous documents susceptibles de l’aider à remplir sa mission et qu’il pourra s’adjoindre les services d’un autre expert ou sapiteur ;
Disons qu’en cas d’empêchement de l’expert commis, il sera pourvu à son remplacement par simple ordonnance prise sur requête ou d’office ;
Disons que l’expert dressera de ses opérations un rapport écrit dans les QUATRE MOIS de sa saisine, dont il devra déposer les originaux au greffe chargé du contrôle des expertises du Tribunal, sauf prorogation dûment accordée par le juge chargé du contrôle des expertises, et adresser copies aux parties, mention de ces envois étant portée sur les originaux ;
Disons qu’avant de déposer son rapport définitif, l’expert en communiquera le projet à l’ensemble des parties à la cause pour observations éventuelles dans un délai de 1 mois ;
Disons que l’expert adressera aux parties dès le début de l’expertise une estimation du coût global de celle-ci ;
Fixons à la somme 2 500 Euros le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l’expert que la S.C.I DELCOURT devra consigner à la régie d’avances et de recettes de ce Tribunal avant le 10 mars 2025 faute de quoi, sauf prorogation de délai sollicitée en temps utile, la désignation de l’expert sera caduque;
Déboutons la S.A.R.L BOUTQUIN de l’intégralité de ses demandes au titre des condamnations provisionnelles et en suspension de son obligation au paiement des loyers;
Déboutons les parties de leurs demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
Ordonnons le retrait du rôle de la présente affaire ;
Disons qu’elle sera remise au rôle par le dépôt au greffe de conclusions régulièrement signifiées aux fins de reprise d’instance ensuite du dépôt du rapport d’expertise ;
Laissons à la charge de la SCI Delcourt les dépens de l’incident, qui ne comprendront pas le coût du constat d’huissier du 10 novembre 2023.
LE GREFFIER LE JUGE DE LA MISE EN ÉTAT
Benjamin LAPLUME Marie TERRIER
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