L’Essentiel : L’affaire oppose la SCI Carnot à la SELARL Pharmacie Notre-Dame suite à un appel interjeté par la SCI contre un jugement du 20 juin 2023. La cour d’appel de Nîmes a rendu un arrêt le 29 mars 2024, modifiant certaines décisions initiales. La SCI Carnot avait loué des locaux à la pharmacie en mars 2011, avec un loyer annuel de 36 000 euros. Après une demande de renouvellement en mars 2020, le juge a fixé le loyer à 25 315 euros, décision contestée par la SCI. La cour a finalement révisé le loyer à 31 473 euros tout en examinant d’autres questions liées au bail.
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Contexte de l’AffaireL’affaire concerne un litige entre la SCI Carnot et la SELARL Pharmacie Notre-Dame, suite à un appel interjeté le 24 juillet 2023 par la SCI Carnot contre un jugement du 20 juin 2023 du juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Nîmes. La cour d’appel de Nîmes a rendu un arrêt le 29 mars 2024, qui a modifié certaines décisions du jugement initial. Les FaitsLa SCI Carnot a loué des locaux commerciaux à la SELARL Pharmacie Notre-Dame par un acte notarié en mars 2011, avec un loyer annuel de 36 000 euros. Le bail incluait une clause d’échelle mobile et prévoyait un droit d’entrée de 50 000 euros ainsi qu’un dépôt de garantie de 9 900 euros. Un avenant en avril 2012 a réduit le loyer de 54 000 euros sur six ans pour aider le preneur à s’installer. La ProcédureEn mars 2020, la SELARL Pharmacie Notre-Dame a demandé le renouvellement du bail, et en février 2021, elle a proposé un loyer de 28 125 euros. Après une expertise, le juge a fixé le loyer à 25 315 euros en juin 2023 et a condamné la SCI Carnot à restituer des loyers trop perçus. La SCI Carnot a interjeté appel, et la cour d’appel a révisé le loyer à 31 473 euros en mars 2024, tout en se déclarant compétente pour examiner d’autres questions liées au bail. Les Demandes des PartiesLa SCI Carnot a demandé à la cour de déclarer irrecevables les demandes de la SELARL Pharmacie Notre-Dame concernant l’indexation et la mensualisation du loyer, tout en réclamant des régularisations de charges pour plusieurs années. De son côté, la SELARL Pharmacie Notre-Dame a demandé la reconnaissance de la mensualisation du loyer, la nullité de certaines clauses du bail, et le remboursement de provisions sur charges. Les Motifs de la DécisionLa cour a jugé que la demande de mensualisation du loyer était recevable mais mal fondée, car le bail stipulait un paiement trimestriel. Concernant l’indexation, la cour a confirmé le montant de 5 268,68 euros déjà reconnu, rejetant la demande de restitution d’un montant supérieur. La clause sur les charges a été jugée conforme aux exigences légales, et la cour a fixé les montants des régularisations de charges pour plusieurs années. Conclusion de la CourLa cour a débouté la SELARL Pharmacie Notre-Dame de ses demandes de mensualisation et de remboursement excessif, tout en confirmant la créance de la SCI Carnot pour la période de 2019 à 2024. Les dépens ont été partagés entre les parties, et aucune indemnité n’a été accordée au titre de l’article 700 du code de procédure civile. |
Q/R juridiques soulevées :
1. Quelle est la nature du contrat de bail et ses implications sur le paiement du loyer ?Le contrat de bail en question a été rédigé par le bailleur et a été librement négocié entre les parties, ce qui implique que les conditions de paiement du loyer sont clairement définies dans le contrat. L’article 6 des conditions générales du bail stipule que les loyers sont dus par trois douzièmes d’avance, tous les 1er janvier, 1er avril, 1er juillet et 1er octobre de chaque année civile. Cependant, il est établi que les loyers ont été facturés mensuellement, ce qui démontre une tolérance de la part du bailleur. L’absence d’un avenant modificatif des modalités de paiement signifie que le bailleur peut exiger le respect des stipulations contractuelles initiales. Ainsi, le preneur ne peut pas revendiquer un paiement mensuel du loyer, car cela ne correspond pas aux termes du contrat. En conséquence, la cour a débouté la SELARL Pharmacie Notre-Dame de sa demande tendant à voir dire que le loyer du bail renouvelé est payable mensuellement. 2. Quelles sont les conséquences de l’indexation indue sur les loyers ?L’arrêt du 29 mars 2024 a fixé la créance du preneur au titre des indexations de loyer qu’il a indûment payées à 5 268,68 euros TTC. Le preneur a ensuite invoqué une erreur de calcul dans ses précédentes écritures, demandant une restitution de 11 490,19 euros au lieu de 5 268,68 euros. Cependant, la cour a rappelé que l’arrêt revêtu de l’autorité de la chose jugée ne peut être modifié. L’article 1351 du Code civil stipule que « l’autorité de la chose jugée s’attache à la décision qui a statué sur le fond ». Ainsi, la cour a débouté le preneur de sa demande de restitution de la somme de 11 490,19 euros, confirmant que le montant de 5 268,68 euros était le seul dû au titre de l’indexation indue. 3. Quelles sont les obligations du bailleur concernant les charges locatives ?L’article L.145-40-2 du Code de commerce impose au bailleur d’insérer dans le contrat de location un inventaire précis et limitatif des charges, impôts, taxes et redevances liées au bail. Dans le cas présent, l’article 27 du bail stipule que les charges sont à la charge du preneur, ce qui est conforme aux exigences légales. La cour a constaté que le bailleur a fourni des justificatifs des charges réclamées, et que le preneur est redevable des provisions pour charges contractuellement prévues. Les montants des régularisations de charges pour les années 2019 à 2022 ont été fixés, et le preneur doit également payer les provisions pour les années 2023 et 2024. Ainsi, la cour a jugé que le preneur doit contribuer aux charges communes de l’immeuble, même s’il n’a pas accès aux parties communes. 4. Quelles sont les implications de la demande de délai de paiement ?La demande de délai de paiement peut être sollicitée en tout état de cause, comme le stipule l’article 1244-1 du Code civil. Cependant, la cour a noté que le plan de sauvegarde de la pharmacie est arrivé à échéance et que l’état de sa trésorerie n’est pas justifié. Étant donné l’ancienneté de la dette, la cour a estimé qu’il n’y avait pas lieu d’accorder le délai de paiement demandé par le preneur. Ainsi, la cour a débouté la SELARL Pharmacie Notre-Dame de sa demande de délai de paiement, considérant que les circonstances ne justifiaient pas une telle mesure. 5. Quelles sont les conséquences des frais de procès et des dépens ?L’article 700 du Code de procédure civile prévoit que « la partie qui perd le procès peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles ». Cependant, la cour a déjà tranché la question des dépens dans son arrêt du 29 mars 2024, ordonnant le partage par moitié des dépens entre les parties. L’équité ne commande pas d’appliquer les dispositions de l’article 700 en faveur du preneur, car les circonstances du litige ne justifient pas une telle indemnisation. En conséquence, la cour a débouté la SELARL Pharmacie Notre-Dame de sa demande d’indemnité au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. |
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°7
N° RG 23/02513 – N° Portalis DBVH-V-B7H-I422
AV
TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE NIMES
20 juin 2023
RG:21/00003
S.C.I. CARNOT
C/
SELARL PHARMACIE NOTRE DAME
Copie exécutoire délivrée
le 17/01/2025
à :
Me Philippe PERICCHI
Me Clotilde LAMY
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
4ème chambre commerciale
ARRÊT DU 17 JANVIER 2025
Décision déférée à la cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NIMES en date du 20 Juin 2023, N°21/00003
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre,
Madame Claire OUGIER, Conseillère,
Madame Agnès VAREILLES, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Isabelle DELOR, Greffière à la Chambre commerciale, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l’audience publique du 19 Décembre 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 17 Janvier 2025.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANTE :
S.C.I. CARNOT La SCI CARNOT, société civile immobilière immatriculée au registre du commerce et des sociétés de MARSEILLE sous le numéro 418 246 005, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Emmanuel RASKIN de la SELARL SOCIETE D ETUDES FISCALES ET JURIDIQUES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
SELARL PHARMACIE NOTRE DAME immatriculée au RCS de NIMES sous le numéro 393 811 849, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es-qualité au siège social sis
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Clotilde LAMY de la SELARL CABINET LAMY POMIES-RICHAUD AVOCATS ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Valérie VERNET SIBEL de la SELAS FIDAL DIRECTION PARIS, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 05 Décembre 2024
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 17 Janvier 2025,par mise à disposition au greffe de la cour
Vu l’appel interjeté le 24 juillet 2023 par la SCI Carnot à l’encontre du jugement rendu le 20 juin 2023 par le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Nîmes dans l’instance n° RG 21/00003 ;
Vu l’arrêt rendu le 29 mars 2024 par la chambre commerciale de la cour d’appel de Nîmes (N° RG 23/02513) ;
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 4 décembre 2024 par la SCI Carnot, appelante, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 5 décembre 2024 par la SELARL Pharmacie Notre-Dame, intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;
Vu l’ordonnance du 6 juin 2024 de clôture de la procédure à effet différé au 5 décembre 2024.
Sur les faits
Selon acte notarié des 17 et 18 mars 2011, la SCI Carnot a donné à bail, à compter du 17 mars 2011 et pour une durée de neuf années, à la SELARL Pharmacie Notre-Dame divers locaux commerciaux à destination d’officine pharmacie dans un immeuble sis [Adresse 2] à [Localité 4], moyennant un loyer annuel hors taxes et hors charges de 36 000 euros, payable, avec les charges, par 3/12ème et d’avance.
Le bail était assorti d’une clause d’échelle mobile basée sur la variation de l’indice du coût de la construction publié par la Fédération Française du Bâtiment, applicable le 1er janvier de chaque année.
Il était prévu que le preneur s’acquitte d’un droit d’entrée de 50 000 euros et qu’il verse un dépôt de garantie d’un montant de 9 900 euros.
Par avenant du 6 avril 2012, il a été convenu d’une réduction de loyer d’un montant total de 54 000 euros hors taxes, lissé sur les six premières années, à titre d’aide exceptionnelle du bailleur à l’installation du preneur dans le bien.
Sur la procédure
Par acte extrajudiciaire du 3 mars 2020, la SELARL Pharmacie Notre-Dame a sollicité le renouvellement du bail avec effet au 17 mars 2020.
Le 2 février 2021, le preneur a notifié au bailleur un mémoire tendant à voir fixer le loyer à 28 125 euros hors taxes et hors charges par an, à compter du 17 mars 2020, conformément à l’estimation de la valeur locative effectuée par Monsieur [M] le 15 octobre 2019.
Par exploit du 8 avril 2021, le preneur a assigné le bailleur devant le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Nîmes aux mêmes fins.
Le bailleur a mandaté un expert (Monsieur [W]) qui a estimé que la valeur locative des lieux loués s’élevait à 42 331,05 euros hors taxes et hors charges par an.
Par jugement du 6 juillet 2021, le juge des loyers commerciaux a ordonné une mesure d’expertise confiée à Monsieur [U].
Dans son rapport du 27 juillet 2022, l’expert judiciaire a conclu à une valeur locative des locaux de 25 315 euros hors taxes et hors charges par an.
Par jugement du 20 juin 2023, le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Nîmes a :
-Fixé le montant du loyer de renouvellement à la somme annuelle de 25 315 euros hors taxe et hors charge à compter du 17 mars 2020
-Condamné la SCI Carnot à payer à la SELARL Pharmacie Notre-Dame la somme de 39 191,02 euros au titre de la restitution des loyers trop perçus arrêtés au 28 avril 2023, outre intérêts au taux légal à compter du 2 février 2021 pour les loyers arrêtés à cette date et à compter de chaque échéance contractuelle pour les loyers payés postérieurement
-Ordonné la capitalisation des intérêts ;
-Condamné la SCI Carnot à payer à la SELARL Pharmacie Notre-Dame la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
-Condamné la SCI Carnot aux dépens qui comprendront les frais d’expertise judiciaire.
Le 24 juillet 2023, la société civile immobilière Carnot a interjeté appel de cette décision aux fins de la voir réformer en toutes ses dispositions.
Par arrêt du 29 mars 2024, la chambre commerciale de la cour d’appel de Nîmes :
« Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour
Statuant à nouveau,
Fixe le prix du loyer du bail renouvelé au 17 mars 2020 à la somme de 31 473 euros hors taxes et hors charges,
Y ajoutant,
Se déclare compétente pour faire les comptes entre les parties et statuer sur les questions relatives à la validité de la clause d’indexation, l’exigibilité du dépôt de garantie et le montant des charges locatives
Dit et juge que le preneur est bien fondé à se prévaloir du caractère non écrit de la clause d’échelle mobile dans son entier et à exiger que le décompte du bailleur soit expurgé de toute indexation
Fixe la créance du bailleur au titre du dépôt de garantie du bail renouvelé à 9 441,60 euros TTC
Fixe la créance du preneur au titre de l’indexation indûment versée sur les loyers du 1er janvier 2019 au 17 mars 2020 à 5 268,68 euros TTC
Invite la SCI Carnot à produire les justificatifs des charges réclamées à la SELARL Pharmacie Notre-Dame
Invite les parties à fournir un décompte, au regard du loyer du bail renouvelé tel que fixé, expurgé de toute indexation, et des charges dûment justifiées
Réserve la demande de la SELARL Pharmacie Notre-Dame tendant à fixer le surplus de sa créance au titre de la répétition de l’indû à l’encontre de la SCI Carnot
Réserve la demande de la SCI Carnot tendant à fixer le surplus de sa créance locative à l’encontre de la SELARL Pharmacie Notre-Dame
Renvoie l’examen de l’affaire à l’audience de la mise en état du jeudi 2 mai 2024 à 9 heures 30
Ordonne le partage par moitié des dépens de première instance et d’appel, y compris les frais d’expertise judiciaire, entre la SCI Carnot et la SELARL Pharmacie Notre-Dame
Déboute les parties de leurs demandes d’indemnités au titre de l’article 700 du code de procédure civile. ».
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions, la SCI Carnot, appelante, demande à la cour, au visa de l’article 1103 du code civil, des articles 122 et 123, 480 et 500 du code de procédure civile, de l’article 564 du code de procédure civile, et des dispositions du bail des 17 et 18 mars 2011, renouvelé à effet du 17 mars 2020, de :
« Recevoir la SCI Carnot en ses conclusions et l’y déclarer bien fondée,
Y faisant droit,
Juger que la demande de la SELAS Pharmacie Notre-Dame tendant à faire fixer tendant à faire fixer le montant du réajustement de l’indexation annuelle à 11.490,19 euros TTC est irrecevable et la débouter de ce chef,
Juger que la demande de la SELAS Pharmacie Notre-Dame tendant à faire réputer non écrit l’article 27 du bail est irrecevable et au surplus, mal fondée et la débouter de ce chef,
Juger que la demande de la SELAS Pharmacie Notre-Dame tendant à faire juger le caractère prétendument mensuel du paiement du loyer est irrecevable et au surplus, mal fondée et la débouter de ce chef,
Juger que la demande de la SELAS Pharmacie Notre-Dame aux fins de condamnation de la SCI Carnot au titre des frais irrépétibles et des dépens est irrecevable et au surplus, mal fondée et la débouter de ce chef,
Juger que la demande subsidiaire de délais de grâce de la SELAS Pharmacie Notre-Dame constitue une demande nouvelle, à ce titre irrecevable, et au surplus, mal fondée et la débouter de ce chef,
Fixer le montant de la régularisation des charges locatives au titre de l’année civile 2019 à la somme de 261,80 euros au débit de la SELAS Pharmacie Notre-Dame,
Fixer le montant de la régularisation des charges locatives au titre de l’année civile 2020 à la somme de 372,62 euros au débit de la SELAS Pharmacie Notre-Dame,
Fixer le montant de la régularisation des charges locatives au titre de l’année civile 2021 à la somme de 418,30 euros au débit de la SELAS Pharmacie Notre-Dame,
Fixer le montant de la régularisation des charges locatives au titre de l’année civile 2022 à la somme de 413,79 euros au débit de la SELAS Pharmacie Notre-Dame,
Juger que la SELAS Pharmacie Notre-Dame est redevable des provisions pour charges contractuellement prévues par le bail pour les années civiles 2023 et 2024 jusqu’à finalisation de la régularisation des charges locatives, soit 4.320 euros TTC (dont 720 euros de TVA) pour l’année 2023 et 4.320 euros TTC (dont 720 euros de TVA) pour l’année 2024,
Fixer le montant de la créance locative de la SCI Carnot à l’encontre de la SELAS Pharmacie Notre-Dame pour la période du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2024 à la somme de 38.630,93 euros TTC au 31 décembre 2024 (à parfaire sous réserve des dépens d’appel), après prise en compte des dispositions de l’arrêt de la cour d’appel de Nîmes du 29 mars 2024, des régularisations de charges locatives pour les années 2019, 2020, 2021 et 2022, des provisions pour charges pour les années 2023 et 2024 et des règlements effectués par la SELAS Pharmacie Notre-Dame,
Condamner, par suite, la SELAS Pharmacie Notre-Dame à verser à la SCI Carnot la somme de 38.630,93 euros TTC pour la période du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2024 (à parfaire sous réserve des dépens d’appel),
Débouter la SELAS Pharmacie Notre-Dame de toutes demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires, en ce compris de sa demande subsidiaire de délais de grâce, irrecevable et au surplus, mal fondée. ».
Au soutien de ses fins de non recevoir, l’appelante fait valoir que, s’agissant du réajustement lié à l’indexation pour la période du 1er janvier 2019 au 17 mars 2020, en demandant à la cour d’en porter le montant à 11.490,19 euros TTC (9.575,16 euros hors taxes), au lieu de 5.268,68 euros TTC (4.390,57 euros hors taxes), le preneur, sous couvert d’une « rectification d’erreur matérielle », demande, en réalité, à faire rejuger un point déjà définitivement tranché par l’arrêt du 29 mars 2024. De même, l’arrêt de la cour d’appel de Nîmes du 29 mars 2024 a déjà tranché la demande tendant à faire juger que l’article 27 du bail devrait être réputé non écrit. Le preneur tente encore de faire juger que le paiement du loyer est mensuel alors que la cour a définitivement tranché et fixé le montant du dépôt de garantie à 9.441,60 euros TTC, représentant trois mois de loyer TTC. Le partage des dépens est déjà pris en compte dans le décompte produit par le bailleur et le débouté des deux parties de leurs demandes réciproques au titre des frais irrépétibles fait obstacle à la demande du preneur à cet égard.
Sur le fond, l’appelante indique que les développements relatifs au compteur électrique ne sont rattachés à aucune demande et n’apportent rien aux débats ; un changement de compteur électrique ne relève pas de l’article 606 du code civil, mais bien souvent, d’une mise aux normes valablement transférée sur le preneur. L’article 27 du bail comprend une liste détaillée et précise des charges refacturables au preneur, à laquelle le bailleur se réfère pour procéder aux régularisations de charges. Le bail, bien qu’antérieur à la loi Pinel, comporte des dispositions qui satisfont aux exigences légales en matière de refacturation de charges. Le bailleur n’a aucun autre locataire dans l’immeuble de sorte que la prime d’assurance et la taxe foncière ne s’appliquent qu’aux locaux donnés à bail à l’intimée. Il n’est pas anormal qu’une répartition de tantièmes puisse évoluer en presque quinze ans et la quote-part retenue pour le lot n°6 de la copropriété située [Adresse 5], au titre des régularisations de charges, est mathématiquement plus favorable au preneur. S’agissant de la refacturation de l’assurance multirisques souscrite par le bailleur, le bail expiré est explicite. La liste des charges contenue dans le bail prévoit la refacturation des charges communes et les locaux loués sont pleinement rattachés à l’immeuble et ce, avec toutes les obligations de contribution collective qui en découlent.
L’appelante précise que son décompte locatif prend en compte les provisions pour charges dues par le preneur pour l’année 2023 jusqu’à ce que la régularisation de charges puisse être effectuée. Le décompte produit par le preneur ne comporte aucune charge locative, qu’il s’agisse de régularisations ou de provisions. S’agissant des modalités de paiement du loyer, le preneur n’apporte pas le moindre élément tendant à prouver que le bail serait un contrat d’adhésion. Au contraire, l’existence même des conditions particulières contenues dans le bail vient contredire cette affirmation. Le bail été conclu sous la forme authentique. Le paiement mensuel du loyer n’a toujours constitué qu’une simple tolérance de la part du bailleur. Le bailleur est habilité par le bail à la faire cesser.
L’appelante rappelle que l’effet dévolutif de l’appel permet à la cour d’exercer pleinement la compétence du tribunal judiciaire de Nîmes, lequel peut prononcer des condamnations au titre des charges locatives, quand bien même le juge des loyers commerciaux ne le pourrait pas.
Enfin, l’appelante soutient que la demande de délai de grâce constitue une demande nouvelle qui est irrecevable. La question des comptes entre les parties n’apporte aucun élément nouveau ouvrant droit à l’intimée d’introduire cette demande tardive. Le preneur ne produit aucun document de nature à justifier que de tels délais lui soient accordés. Pendant plusieurs années, le bailleur s’est trouvé privé de tout versement, le preneur s’étant fait justice lui-même dans l’attente du montant du loyer de renouvellement. Il a déjà bénéficié, dans les faits, de près de cinq ans de délais de grâce, pour des sommes qui, au demeurant, devaient (ou auraient dû) être provisionnées dans ses comptes.
Dans ses dernières conclusions, la société Pharmacie Notre-Dame, intimée, demande à la cour de :
« Vu l’évocation de la cour, l’arrêt du 29 mars 2024 renvoyant à la mise en état sur les charges et les comptes entre les parties, l’évolution du litige et la production de justificatifs de charges par le bailleur à la demande de la cour avec un décompte encore modifié,
Vu les articles 4, 5, 16, 562 et suivants du code de procédure civile,
Vu les articles L.145-33 et R. 145-2 à R. 145-8 et R 145-23 à R 145-29 du code de commerce,
Vu les articles L145-15, L145-40-2, R 145-35, R145-36 du code de commerce
Vu l’article 1103, 1171, 1302-1 du code civil,
Déclarer la SELARL Pharmacie Notre-Dame recevable et bien fondée en ses demandes;
Dire que le loyer du bail renouvelé est payable mensuellement ;
Juger l’article 27 du bail « Charges » réputé non écrite ;
Juger l’article 38 du bail « Travaux entretien réparations » réputé non écrit en ses dispositions mettant à la charge du preneur les gros travaux de l’article 606 et toutes les dépenses liées à la vétusté ;
Débouter la SCI Carnot de ses demandes de paiement de régularisation de charges locatives au titre des années civiles 2019 à 2022 et de ses demandes de provisions pour charges pour les années 2023 et 2024, en l’absence de décomptes et justificatifs conformes aux dispositions d’ordre public des articles L145-40-2, R 145-35, R145-36 du code de commerce ;
Ordonner le remboursement des provisions sur charges payées par SELARL Pharmacie Notre-Dame depuis le 1er janvier 2019 ;
Rejeter le décompte de la SCI Carnot pour la période du 1er janvier 2019 au 30 juin 2024; Ordonner la restitution par compensation selon décompte de la Pharmacie Notre-Dame du 1er janvier 2019 au 30 juin 2024 au titre de l’indexation indue, de la somme 11 490,19 euros au lieu de 5 268.68 euros TTC, soit un complément de 6 221,51 euros ;
En conséquence, homologuer le décompte de la Pharmacie Notre-Dame du 1er janvier 2019 au 30 juin 2024 récapitulant les loyers et le dépôt de garantie TTC dus au bailleur expurgés de toute indexation et de charges pour un total de 223 749,75 euros et déduisant les paiements du preneur d’un total de 224 975,61 euros, soit un trop-perçu de 1 225,86 euros, à majorer du trop-perçu de 2 160 euros pour la période du 1er juillet 2024 au 31 décembre 2024, soit au total 3 385,86 euros ;
Fixer la créance de la Pharmacie Notre-Dame au titre de la répétition de l’indu à l’encontre de la SCI Carnot à la somme de 3 385.86 euros ;
Ordonner la restitution par SCI Carnot à la Pharmacie Notre-Dame de la somme trop perçue de 3 385.86 euros, à majorer de celle de 4 433.85 euros au titre de la liquidation des dépens soit la somme de 7 819.71 euros ;
Débouter SCI Carnot de toute demande de condamnation.
A titre infiniment subsidiaire,
Vu l’article 1345-6 du code civil,
Accorder à SELARL Pharmacie Notre-Dame un délai de paiement de deux ans pour s’acquitter de toutes sommes qui seraient dues par extraordinaire à la SCI Carnot ;
En tous les cas,
Débouter la SCI Carnot de l’ensemble de ses demandes.
Condamner la SCI Carnot à payer à SELARL Pharmacie Notre-Dame la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ».
L’intimée réplique que sa demande tendant à voir dire que le loyer du bail renouvelé est payable mensuellement constitue la conséquence ou le complément nécessaire aux comptes entre les parties. Cette demande ne se heurte pas à la chose jugée. La cour n’a pas pu statuer sur des demandes qui n’étaient pas formées et qui résultent de l’évolution du litige. S’agissant d’un contrat d’adhésion, le preneur n’a pas pu négocier l’acte notarié de bail dont les clauses ont été déterminées à l’avance par le bailleur. Le loyer a toujours été facturé et payé mensuellement. Cette modalité de paiement constante, établie par les pièces produites, a modifié tacitement les termes du bail.
L’intimée souligne que l’arrêt de la cour d’appel du 29 mars 2024 n’a pas statué sur les charges aux termes du dispositif qui a seul autorité de la chose jugée et que la cour n’est pas dessaisie. La cour n’a pas pu statuer sur des demandes qui n’étaient pas formées. Le preneur est recevable à demander le rejet des demandes adverses de charges et peut invoquer de nouveaux moyens. Il est recevable à contester les décomptes et justificatifs présentés pour la première fois. Le bail ne comporte aucun inventaire précis et limitatif des charges, à peine pour le bailleur de ne pouvoir exiger aucun remboursement à ce titre. Le bail prévoit un loyer net de charges, ce qui est désormais interdit, et impute l’ensemble des charges sans exception au preneur de manière générale. Le bail ne comporte aucune précision de la répartition, par catégorie de charges, entre le locataire et le bailleur, aucune clé de répartition entre les différents locataires de l’immeuble, et aucune indication explicite de la quote-part du locataire ; une telle énumération n’est pas susceptible de permettre au locataire d’avoir une visibilité dès la date de conclusion du bail sur les charges qu’il devra assumer. Le bailleur ne peut mettre à la charge du locataire les charges alors que le bail ne contient aucune clause claire et précise. Le bailleur ne saurait réclamer des impôts, frais, charges et travaux de parties communes générales d’immeubles auxquels la pharmacie n’a pas accès et réclamer remboursement de son assurance multirisques alors que la pharmacie est assurée elle-même. Alors que le local se trouve dans un ensemble immobilier dépendant de deux copropriétés, aucune pondération n’est indiquée dans le bail au titre des charges de l’immeuble. La pharmacie a son propre compteur d’eau et n’a pas à payer l’eau de l’immeuble. Les charges réclamées dans le décompte et les justificatifs ne correspondent pas strictement au local occupé par la pharmacie et à la quote-part lui incombant. La taxe foncière et les charges de copropriété ne sont ni précises, ni détaillées, sans répartition entre le propriétaire et le locataire. La pharmacie n’est pas concernée par le garage ou le grenier. La demande de « Divers » (acte extrajudiciaire) en 2023 pour 394,13 euros est injustifiée et sans fondement. Le bailleur s’abstient de toutes réparations des fuites d’eau provenant de la toiture dans le garage et du remplacement du compteur électrique vétuste alors que ces dépenses sont manifestement à sa charge.
L’intimée fait observer que sa créance au titre de l’indexation indûment versée sur les loyers du 1er janvier 2019 au 17 mars 2020 a été fixée à 5 268,68 euros mais que ce montant est affecté d’une erreur matérielle d’addition. Elle est recevable et bien fondée à solliciter la restitution par compensation de la somme de 11 490,19 euros au lieu de la somme de 5 268.68 euros TTC au titre des indexations de loyers qu’elle a indûment payées, soit un complément de 6 221,51 euros. En effet, les demandes nouvelles sont recevables pour opposer la compensation ou faire écarter les prétentions adverses.
L’intimée souligne que le décompte du bailleur en deux colonnes ne permet pas de connaître le détail des loyers expurgés de toute indexation et charges qu’il réclame depuis le 1er janvier 2019. Ce décompte facture le loyer du 2ème trimestre 2024 mais ne mentionne pas les encaissements d’avril, mai et juin 2024. La compétence du juge des loyers commerciaux est exclusive du prononcé d’une condamnation. La liquidation des dépens s’établit à 4 433.85 euros (2 349.48 + 2 084,37).
L’intimée explique qu’en l’absence de jugement de clôture de la procédure de sauvegarde, une demande d’ouverture de crédit a peu de chance d’aboutir. Les comptes annuels clos le 30 juin 2024 font ressortir que les capitaux propres sont toujours inférieurs au capital social. La trésorerie est négative. Le bailleur fait partie d’un important groupe de sociétés ayant pour associés des hommes d’affaires bien connus et parfaitement solvables.
1) Sur la demande de paiement mensuel du loyer
Si la présente cour a statué, dans son arrêt du 29 mars 2024 sur le montant du dépôt de garantie qu’elle a arrêté à un trimestre de loyer, elle ne s’est pas penchée sur la question du caractère mensuel du paiement du loyer qui est distincte. La demande formée par le preneur est donc recevable.
Le contrat de bail, même s’il a été rédigé par le bailleur, a été librement négocié entre les parties et a été régularisé devant un notaire dont le devoir était de vérifier leur consentement éclairé sur la portée de leurs engagements. Il n’est nullement démontré que le bail soit un contrat d’adhésion. D’ailleurs, la représentante de la pharmacie a réussi à faire supprimer la stipulation contenue dans la promesse de bail relative à son engagement de caution solidaire. Une option d’achat a été également consentie par le bailleur au preneur, lors de la conclusion du bail, alors qu’elle n’était pas prévue initialement.
Les conditions générales du bail prévoient de manière claire et explicite que le loyer de base et les provisions donneront des échéances payées par trois douzièmes d’avance, tous les 1er janvier, 1er avril, 1er juillet et 1er octobre de chaque année civile.
Les loyers ont cependant toujours été facturés mensuellement par le bailleur, ce qui établit qu’il a accepté de recevoir un paiement mensuel.
Toutefois, l’article 6 des conditions générales du bail stipule que pour le cas ou toute nouvelle condition, tolérance, autorisation, dérogation, modification ou autres, viendrait à être convenue, celle-ci sauf dans le seul cas d’avenant, ne fera pas partie du bail et sera toujours réputée provisoire. Etant entendu que même dans le cas où une durée y serait précisée, il est convenu que celle-ci n’est mentionnée qu’à titre indicatif, son caractère précaire et révocable la rend sujette à remise en cause à tout instant et sans préavis.
Il s’en suit qu’aucun avenant modificatif des modalités de paiement du loyer n’ayant été signé par les parties, le bailleur n’a pas accepté, de manière irrévocable et définitive, de renoncer aux clauses du bail fixant le caractère trimestriel des échéances. Le bailleur est bien fondé à mettre fin à la tolérance accordée provisoirement et à exiger l’application stricte des stipulations contractuelles, sans que cela ne constitue pour autant une mesure de rétorsion face à la contestation des charges par le preneur et donc caractérise sa mauvaise foi.
Le preneur sera, par conséquent, débouté de sa demande tendant à voir dire que le loyer du bail renouvelé est payable mensuellement.
2) Sur la demande de restitution de l’indexation indue
Dans son arrêt du 29 mars 2024, la présente cour a fixé la créance du preneur au titre des indexations de loyer qu’il a indûment payées à compter du 1er janvier 2019 au 17 mars 2020, à la somme de 5268,68 euros TTC, conformément à sa demande. La cour n’a invité les parties à fournir un décompte, au regard du loyer du bail renouvelé tel que fixé, expurgé de toute indexation, que pour les sommes dues à compter du renouvellement du bail au 17 mars 2020.
Le preneur invoque une erreur de calcul qu’il a faite, dans ses précédentes écritures du 28 février 2024. Il avait, en effet, indiqué que :
– pour l’année 2019, l’indexation correspondait à la différence entre le loyer indexé de 42 982,85 euros HT et le loyer initialement fixé de 36 000 euros HT, soit à la somme de 6 982,85 euros.
– pour l’année 2020, l’indexation correspondait à la différence entre le loyer indexé de 10 140,70 euros et le loyer initialement fixé de 7 548,39 euros (3 000X2+ 3000/31X16), soit à la somme de 2 592,31 euros HT.
Au lieu de procéder à l’addition des résultats obtenus de 6 982,85 euros pour l’année 2019 et de 2 592,31 euros pour l’année 2020, le preneur a opéré, par erreur, leur soustraction, aboutissant ainsi à une demande erronée de 4 390,57 euros HT, soit de 5 268,68 euros TTC au lieu de 9 575,16 euros HT, soit de 11 490,19 euros TTC.
Sous couvert de rectifier l’erreur matérielle commise par le preneur, la cour ne saurait se prononcer au delà des demandes formées par celui-ci et ainsi modifier les droits et obligations reconnus aux parties par la décision rendue le 29 mars 2024 (2e Civ., 16 décembre 2021, pourvoi n° 20-16.367).
L’arrêt qui a fixé la créance du preneur étant revêtu de l’autorité de la chose jugée, il convient de le débouter de sa demande de restitution de la somme de 11 490,19 euros TTC au titre de l’indexation indûment versée. Il n’y a donc pas lieu de déduire une somme de 6 221,51 euros en sus de celle de 5 268,68 euros portée au crédit du preneur dans le décompte du bailleur.
3) Sur le montant des charges
Dans son arrêt du 29 mars 2024, la cour a invité la SCI Carnot à produire les justificatifs des charges réclamées à la SELARL Pharmacie Notre-Dame, invité les parties à fournir un décompte, au regard du loyer du bail renouvelé tel que fixé, expurgé de toute indexation, et des charges dûment justifiées, réservé la demande de la SELARL Pharmacie Notre-Dame tendant à fixer le surplus de sa créance au titre de la répétition de l’indû à l’encontre de la SCI Carnot et réservé la demande de la SCI Carnot tendant à fixer le surplus de sa créance locative à l’encontre de la SELARL Pharmacie Notre-Dame.
La cour n’a pas pu statuer sur la demande du preneur tendant à voir déclarer la clause stipulée à l’article 27 du bail « Charges » réputée non écrite alors que cette demande n’était pas formée dans les écritures précédentes qui lui étaient soumises.
Conformément aux dispositions de l’article 564 du code de procédure civile, le preneur est recevable à former un nouvelle prétention pour faire écarter les prétentions adverses.
Aux termes de l’article L.145-40-2, alinéa 1, du code de commerce, issu de la loi n°2014-626 du 18 juin 2014, le bailleur a l’obligation d’insérer dans le contrat de location un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances liées au bail, comportant l’indication de leur répartition entre le bailleur et le locataire.
En l’occurrence, l’article 27 ‘Charges’ du bail stipule :
‘D’une manière générale, et sauf stipulation contraire exprès ou obligation légale contraire les CHARGES seront établies de telle manière que le LOYER DU BAIL soit toujours et dans tous les cas pour le BAILLEUR reçu « net » de tous frais, taxes, impôts, dépenses diminutions, redevances et autres.
Le règlement des CHARGES incombe au seul PRENEUR, qui s’en acquitte seul à défaut de demande contraire par le règlement régulier de PROVISIONS, soit intégralement en une fois.
Le LOYER DE BASE a été établi en tenant compte de la prise en charge par le PRENEUR de l’ensemble de ces CHARGES qui comprennent, sans exceptions la totalité (montant total Toutes Taxes Comprises) de tout ce qui concerne directement ou indirectement, affère, incombe, est imputable de près ou de loin, ou autres, à l’immeuble, au BIEN, aux COMMUNS, à L’ENSEMBLE et aux SURFACES ET PARTIES EXTÉRIEURES :
Les sommes relatives à l’ensemble de ce qui est ici évoqué seront désignées par les termes CHARGES
Ce sont notamment :
-ce qui est mis à la charge du PRENEUR à l’Article « TRAVAUX ENTRETIEN ·REPARATIONS – tous les frais, et les primes, les surprimes et les franchises d’assurances immobilières mobilières, de responsabilité civile et autres, contractées par le BAILLEUR
– tous les frais, frais sur prélèvements charges et honoraires de gestion locative administrative et autres les taxes de voirie, taxes diverses, taxes d’habitation et autres les rémunérations existantes ou à venir et charges sociales et taxes du personnel, ou des entreprises extérieures chargées le cas échéant notamment de l’entretien, du nettoyage, de la circulation, de la surveillance, du service d’ordre éventuel dans les parties communes, (lequel ne saurait être assimilé à un gardiennage), le coût de leur uniforme, leur équipement, et autres les honoraires, émoluments, salaires, ou autres, des syndics. gestionnaires, mandataires, directeurs, conseils, avocats experts, les dépenses de gestion, cotisations, adhésions à tous organismes ou associations utiles et autres les fournitures, locations, éclairage, téléphone, abonnements, air conditionné, ventilation, entretien général, entretien d’installations, nettoyage, entretien des portes automatiques, ascenseurs, escalier roulant, eau, et autres
– toutes réparations ou modifications, grosses ou menues du bâtiment, de l’ENSEMBLE, des COMMUNS et/ou des SURFACES ET PARTIES EXTERIEURES sans nécessaire destruction de quelque nature qu’elle soit, notamment rafraichissements extérieurs et intérieurs des bâtiments, voiries, parkings et autres
– les outillages, matériels d’entretien, accessoires, appareils ou autres, les amortissements comptables, les dépenses, redevances, et charges relatives à l’inclusion de l’immeuble ou de l’ENSEMBLE (même postérieurement aux présentes) dans des groupements tels qu’associations syndicales, associations de quartier, unions de syndicats, copropriété ou autres
– toutes contributions, taxes, redevances diverses, impôts de toute nature, y compris l’impôt foncier en totalité sur la propriété bâtie et/ou non bâtie, taxe principale et centimes additionnels, taxes d’enlèvement des ordures ménagères, la taxe de droit au bail, la taxe additionnelle de droit au bail, la CRDB, la CAROB, la CRL, les taxes professionnelles ainsi que toutes autres taxes, la taxe sur la valeur vénale ou locative des propriétés bâties ou non bâties, les taxes sur balcons, vitrines, terrasses, ou autres qui sont réclamés, ou facturées au BAILLEUR, ainsi que celles qui pourraient être établies dans l’avenir, par I Etat, la Région, le Département, la Commune, ou autres, et quelque dénomination que ce soit en sus ou en remplacement de celles existantes
– toutes les charges ordinairement supportées par les locataires.’
Cette clause décrit précisément et, de manière détaillée, toutes les charges, impôts, taxes et redevances à la charge du preneur, de sorte qu’il n’y a pas lieu de la déclarer non écrite.
Le preneur a été informé clairement que l’intégralité de la taxe foncière était mise à sa charge et que le bailleur pouvait lui réclamer le remboursement de l’assurance multirisque qu’il avait souscrite, quand bien même elle ne présente aucune utilité pour le preneur.
L’article L.145-40-2, alinéa 3, du code de commerce dispose que :
‘Dans un ensemble immobilier comportant plusieurs locataires, le contrat de location précise la répartition des charges ou du coût des travaux entre les différents locataires occupant cet ensemble. Cette répartition est fonction de la surface exploitée. Le montant des impôts, taxes et redevances pouvant être imputés au locataire correspond strictement au local occupé par chaque locataire et à la quote-part des parties communes nécessaires à l’exploitation de la chose louée. En cours de bail, le bailleur est tenu d’informer les locataires de tout élément susceptible de modifier la répartition des charges entre locataires.’
L’ensemble immobilier ne comporte pas d’autre locataire que la pharmacie de sorte que la disposition légale relative à la mention de la répartition des charges ou du coût des travaux entre les différents locataires est sans objet, s’agissant du litige en cause.
L’article 29 ‘Répartition des charges’ prévoit qu’en ce qui concerne les éventuels services faisant l’objet de prestations individuelles au preneur ou se rattachant au bien, il y contribuera seul. Le cas échéant, pour les services faisant l’objet de prestation ou d’abonnement collectif avec décompte et/ou comptage séparé pour le preneur (eau notamment), le preneur y contribuera intégralement dans la proportion de sa quote-part ou de ce qu’indiquent ses compteurs s’il y en a.
Pour tous les autres services, prestations, fournitures, impôts, taxes ou autres, notamment ceux afférents à l’immeuble, au bien, aux communs, à l’ensemble et aux surfaces et parties extérieures, ainsi que le cas échéant, en ce qui concerne l’éventuelle différence entre les consommations générales et l’ensemble des consommations privatives, ou la différence entre le compteur général et l’ensemble des compteurs privatifs, ainsi que le coût des éventuels abonnements, frais, taxes ou autres, le preneur y contribuera dans la proportion de la surface des lieux du bien rapportée à la surface totale des locaux occupés appartenant au bailleur.
Il s’en suit que le preneur doit contribuer aux charges communes de l’immeuble même s’il n’a pas accès aux parties communes générales et si elles ne sont d’aucune utilité pour lui.
S’agissant du lot n°6 de l’ensemble en copropriété situé [Adresse 5], le calcul effectué par le bailleur sur la base de tantièmes de 9 945/100 000 est plus favorable au preneur que la mention dans le bail de 153/1064 tantièmes du sol et des parties communes générales.
Le preneur expose qu’il dispose d’un compteur d’eau privatif ; la répartition des charges effectuée par le syndic de l’immeuble en copropriété situé [Adresse 6] fait bien état d’un index de consommation du lot n°19 ; ainsi, il n’a été facturé au preneur que sa propre consommation d’eau.
Le preneur fait valoir que le grenier et le garage dépendant de la copropriété sise [Adresse 5] ne sont pas compris dans le bail; toutefois, il résulte de la comparaison entre les appels de charges de copropriété effectués par le syndic et le décompte de charges fourni par le bailleur que ce dernier n’a facturé au preneur que les dépenses générales afférentes au lot n°6 constitué du local commercial.
Le preneur conteste le poste de frais de 394,13 euros ‘divers (acte extra-judiciaire)’ concernant l’exercice 2023. Toutefois, le bailleur n’a pas procédé à la régularisation des charges de l’année 2023 de sorte que ne figurent pas dans son décompte ces frais qui ne sont pas afférents à la présente instance.
Le bailleur admet, dans ses écritures, que l’article 38 du bail « Travaux entretien réparations » auquel renvoie alinéa 1 de l’article 27 est contraire aux dispositions de la loi Pinel et n’a pas vocation à être appliqué à l’avenir. Il convient, par conséquent, de déclarer réputé non écrit le dit article 38 en ses stipulations mettant à la charge du preneur les gros travaux de l’article 606 et toutes les dépenses liées à la vétusté.
Au vu des justificatifs produits par le bailleur, il convient de fixer le montant de la régularisation des charges locatives, selon les modalités suivantes :
au titre de l’année civile 2019 à la somme de 261,80 euros au débit de la SELAS Pharmacie Notre-Dame,
au titre de l’année civile 2020 à la somme de 372,62 euros au débit de la SELAS Pharmacie Notre-Dame,
au titre de l’année civile 2021 à la somme de 418,30 euros au débit de la SELAS Pharmacie Notre-Dame,
au titre de l’année civile 2022 à la somme de 413,79 euros au débit de la SELAS Pharmacie Notre-Dame.
Il y a lieu également de juger que la SELAS Pharmacie Notre-Dame est redevable des provisions pour charges contractuellement prévues par le bail pour les années civiles 2023 et 2024 jusqu’à finalisation de la régularisation des charges locatives, soit 4.320 euros TTC (dont 720 euros de TVA) pour l’année 2023 et 4.320 euros TTC (dont 720 euros de TVA) pour l’année 2024.
Dans son dernier décompte arrêté au mois de décembre 2024, le bailleur n’a pas déduit les versements de 3147,30 euros et de 3467,30 prétenduement effectués par le preneur en avril et mai 2024 ; cependant, le preneur ne communique que des relevés de compte partiels qui ne permettent pas d’établir le caractère effectif des paiements allégués.
De même, le détail de l’eurovirement de 3507,30 euros du 4 décembre 2024 ne suffit pas à démontrer que le loyer du mois de décembre 2024 ait été versé au bailleur.
Le preneur justifie avoir exposé des frais d’expertise et des dépens de première instance d’un montant de 4 698,96 euros dont la moitié de 2 349,48 euros doit lui être remboursée par le bailleur. Ces dépens et frais d’expertise ont déjà été comptabilisés par bailleur dans son décompte.
Le bailleur est également redevable des dépens exposés par le preneur afférents à la procédure de référé ayant abouti à l’ordonnance du 2 janvier 2019, soit de la somme de 2 084,37 euros qui ne
figure dans le dernier décompte du bailleur du mois de décembre 2024.
Par conséquent, il convient de fixer le montant de la créance locative du bailleur à l’encontre du preneur pour la période du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2024 à la somme de 36 546,56 euros TTC au 31 décembre 2024 (à parfaire sous réserve des dépens d’appel), après prise en compte des dispositions de l’arrêt de la cour d’appel de Nîmes du 29 mars 2024, des régularisations de charges locatives pour les années 2019, 2020, 2021 et 2022 et des provisions pour charges pour les années 2023 et 2024.
La présente cour est juridiction d’appel des décisions rendues par le juge des loyers commerciaux comme pour celles rendues par le tribunal judiciaire de Nîmes. En raison de l’effet dévolutif de l’appel, la cour s’est estimée saisie des questions relatives à la validité de la clause d’indexation, l’exigibilité du dépôt de garantie et le montant des charges locatives. Elle a donc le pouvoir de prononcer des condamnations au titre des charges locatives, à l’instar du tribunal judiciaire.
Le preneur sera ainsi condamné à verser à la SCI Carnot la somme de 36 546,56 euros TTC pour la période du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2024 (à parfaire sous réserve des dépens d’appel).
4) Sur la demande de délai de paiement
Les mesures de grâce peuvent être sollicitées en tout état de cause ( 3e Civ., 22 juin 2022, pourvoi n° 21-13.476). Le preneur est donc recevable à solliciter pour la première fois en cause d’appel une demande de délai de paiement.
Le plan de sauvegarde de la pharmacie est arrivé à échéance le 20 septembre 2024. L’état de sa trésorerie au mois de décembre 2024 n’est pas justifié. Elle va pouvoir solliciter un concours bancaire supérieur ou un emprunt dès le constat de la bonne exécution du plan qui devrait intervenir prochainement. Eu égard à l’ancienneté de la dette, il n’y a pas lieu de lui accorder le délai de paiement qu’elle sollicite.
5) Sur les frais du procès
L’arrêt du 29 mars 2024 a d’ores et déjà tranché la question des dépens.
L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en faveur du preneur.
LA COUR,
Déclare la SELARL Pharmacie Notre-Dame recevable mais mal fondée en sa demande tendant à voir dire que le loyer du bail renouvelé est payable mensuellement,
Déboute, par conséquent, la SELARL Pharmacie Notre-Dame de sa demande tendant à voir dire que le loyer du bail renouvelé est payable mensuellement,
Déclare la SELARL Pharmacie Notre-Dame recevable mais mal fondée en sa demande tendant à fixer le montant de l’indexation indue sur les loyers du 1er janvier 2019 au 17 mars 2020 à 11 490,19 euros,
Déboute, par conséquent, la SELARL Pharmacie Notre-Dame de sa demande de restitution par la SCI Carnot au titre de l’indexation indue, de la somme de 11 490,19 euros au lieu de celle de 5 268.68 euros TTC, portée au crédit du preneur dans le décompte du bailleur,
Déclare la SELARL Pharmacie Notre-Dame recevable mais partiellement mal fondée en sa demande tendant à voir juger non écrit l’article 27 du contrat de bail,
Déclare réputé non écrit l’alinéa 1 de l’article 27 du contrat de bail qui met à la charge du preneur ce qui est prévu par l’article 38 ‘travaux-entretien-réparations’,
Déboute la SELARL Pharmacie Notre-Dame de sa demande tendant à voir juger non écrit le surplus des stipulations de l’article 27 du contrat de bail,
Déclare réputé non écrit l’article 38 du contrat de bail en ses stipulations mettant à la charge du preneur les gros travaux de l’article 606 et toutes les dépenses liées à la vétusté,
Fixe le montant de la régularisation des charges locatives au titre de l’année civile 2019 à la somme de 261,80 euros au débit de la SELAS Pharmacie Notre-Dame,
Fixe le montant de la régularisation des charges locatives au titre de l’année civile 2020 à la somme de 372,62 euros au débit de la SELAS Pharmacie Notre-Dame,
Fixe le montant de la régularisation des charges locatives au titre de l’année civile 2021 à la somme de 418,30 euros au débit de la SELAS Pharmacie Notre-Dame,
Fixe le montant de la régularisation des charges locatives au titre de l’année civile 2022 à la somme de 413,79 euros au débit de la SELAS Pharmacie Notre-Dame,
Juge que la SELAS Pharmacie Notre-Dame est redevable des provisions pour charges contractuellement prévues par le bail pour les années civiles 2023 et 2024 jusqu’à finalisation de la régularisation des charges locatives, soit 4.320 euros TTC (dont 720 euros de TVA) pour l’année 2023 et 4.320 euros TTC (dont 720 euros de TVA) pour l’année 2024,
Fixe le montant de la créance locative de la SCI Carnot à l’encontre de la SELARL Pharmacie Notre-Dame pour la période du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2024 à la somme de 36 546,56
euros TTC au 31 décembre 2024 (à parfaire sous réserve des dépens d’appel),
Condamne la SELAS Pharmacie Notre-Dame à verser à la SCI Carnot la somme de 36 546,56 euros TTC pour la période du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2024 (à parfaire sous réserve des dépens d’appel).
Déclare la SELARL Pharmacie Notre-Dame recevable mais mal fondée en sa demande de délai de paiement,
Déboute la SELARL Pharmacie Notre-Dame de sa demande de délai de paiement,
Déboute la SELARL Pharmacie Notre-Dame de sa demande de remboursement des provisions sur charges payées et d’homologation de son décompte,
Déboute la SELARL Pharmacie Notre-Dame de sa demande de restitution par la SCI Carnot d’un trop parçu de 7 819,71 euros,
Rappelle que par arrêt du 29 mars 2024, la présente cour a d’ores et déjà ordonné le partage par moitié des dépens de première instance et d’appel, y compris les frais d’expertise judiciaire, entre la SCI Carnot et la SELARL Pharmacie Notre-Dame
Déboute la SELARL Pharmacie Notre-Dame de sa demande d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
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