Médiation et provision : enjeux d’un bail commercial en difficulté

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Médiation et provision : enjeux d’un bail commercial en difficulté

L’Essentiel : La société ELYSEES PIERRE a engagé des actions judiciaires contre CUISINE PRIVEE en raison de loyers impayés, totalisant 42.786,06 euros. Après une assignation en référé, le montant réclamé a été actualisé à 115.972,42 euros. La demande de médiation de CUISINE PRIVEE a été rejetée, ELYSEES PIERRE n’ayant pas consenti. Le juge a jugé la contestation de CUISINE PRIVEE non fondée et a fixé la provision à 107.528,90 euros. CUISINE PRIVEE a été condamnée aux dépens et à verser 1.500 euros pour les frais, tandis que ses demandes supplémentaires ont été également rejetées.

Contexte de l’affaire

La société ELYSEES PIERRE a conclu un bail commercial avec la société CUISINE PRIVEE le 25 juillet 2022, pour des locaux à usage de bureaux. Le loyer annuel a été fixé à 32.880 euros, avec des conditions particulières incluant une réduction de loyer sur une période de dix mois entre 2022 et 2026. Les charges sont à la charge du preneur.

Impayés et actions judiciaires

Le 12 octobre 2023, des loyers et charges demeurant impayés ont conduit ELYSEES PIERRE à délivrer un commandement de payer pour un montant total de 42.786,06 euros TTC. En l’absence de règlement, la société a assigné CUISINE PRIVEE en référé le 11 décembre 2023, demandant une provision de 44.202,93 euros TTC pour les loyers dus.

Développements lors des audiences

Lors de l’audience du 3 avril 2024, l’affaire a été renvoyée au 11 septembre 2024 à la demande du défendeur. À cette audience, le montant de la provision a été actualisé à 115.972,42 euros TTC. CUISINE PRIVEE a demandé une médiation et un abattement sur les charges, tandis qu’ELYSEES PIERRE a maintenu ses demandes.

Décision sur la médiation

La demande de médiation formulée par CUISINE PRIVEE a été rejetée, car ELYSEES PIERRE n’a pas donné son accord, conformément à l’article 131-1 du code de procédure civile.

Décision sur la provision

Le juge a constaté que la contestation de CUISINE PRIVEE sur les circonstances économiques n’était pas sérieuse. Après avoir écarté certaines sommes non justifiées, la provision a été fixée à 107.528,90 euros, correspondant aux loyers dus après déductions.

Condamnations accessoires

CUISINE PRIVEE a été condamnée aux dépens et à verser 1.500 euros à ELYSEES PIERRE au titre des frais exposés, conformément aux articles 491 et 700 du code de procédure civile.

Conclusion de la décision

Le tribunal a rejeté la demande de médiation, condamné CUISINE PRIVEE à payer la provision de 107.528,90 euros, ainsi qu’aux dépens et à la somme de 1.500 euros pour les frais. Les demandes supplémentaires ont également été rejetées.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la demande de désigner un médiateur

La demande de désignation d’un médiateur est régie par l’article 131-1 du code de procédure civile, qui stipule que :

« Le juge saisi d’un litige peut, après avoir recueilli l’accord des parties, ordonner une médiation. La médiation peut également être ordonnée en cours d’instance par le juge des référés. »

Dans cette affaire, la société CUISINE PRIVEE a sollicité la désignation d’un médiateur, mais la société ELYSEES PIERRE a opposé un refus.

En l’absence d’accord entre les parties, le juge ne peut pas ordonner la médiation. Ainsi, la demande de désignation d’un médiateur a été rejetée.

Sur la demande de provision

La provision est régie par l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, qui précise que :

« Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier. »

Le montant de la provision allouée en référé est limité au montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.

Dans cette affaire, le demandeur a produit le bail et un décompte actualisé. La contestation soulevée par la société défenderesse concernant des « circonstances économiques tout à fait inhabituelles » n’est pas jugée sérieuse, car les conditions d’imprévision ne sont pas réunies.

Il a été décidé d’écarter certaines sommes de la provision réclamée, notamment des frais non justifiés.

Ainsi, la société CUISINE PRIVEE a été condamnée à payer une provision de 107.528,90 euros à la société ELYSEES PIERRE.

Sur les demandes accessoires

Les demandes accessoires sont régies par plusieurs articles du code de procédure civile. L’article 491 impose au juge des référés de statuer sur les dépens, tandis que l’article 696 énonce que :

« La partie perdante est en principe condamnée aux dépens. »

De plus, l’article 700 dispose que :

« Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. »

Dans cette affaire, la société CUISINE PRIVEE a été condamnée aux dépens et à payer 1.500 euros à la société ELYSEES PIERRE au titre de l’article 700, en raison des frais exposés pour la défense de ses intérêts.

Il a été jugé inéquitable de laisser la demanderesse supporter la totalité des frais irrépétibles.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTERRE

RÉFÉRÉS

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ RENDUE LE 16 JANVIER 2025

N° RG 23/02998 – N° Portalis DB3R-W-B7H-ZBUP

N° de minute :

ELYSEES PIERRE

c/

S.A.R.L. CUISINE PRIVEE

DEMANDERESSE

Société ELYSEES PIERRE
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Maître Stéphanie. g OGER de l’ASSOCIATION SMILEVITCH & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : R122

DEFENDERESSE

S.A.R.L. CUISINE PRIVEE
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Me Gérard FAIVRE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : 156

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président : David MAYEL, Vice-président, tenant l’audience des référés par délégation du Président du Tribunal,

Greffier : Pierre CHAUSSONNAUD, Greffier

Statuant publiquement en premier ressort par ordonnance contradictoire mise à disposition au greffe du tribunal, conformément à l’avis donné à l’issue des débats.

Nous, Président , après avoir entendu les parties présentes ou leurs conseils, à l’audience du 11 septembre 2024, avons mis l’affaire en délibéré à ce jour :

Par acte sous seing privé du 25 juillet 2022, la société ELYSEES PIERRE a donné à bail commercial à la société CUISINE PRIVEE des locaux à usage de bureaux. Le bail a été consenti moyennant un loyer annuel en principal de 32.880 euros, hors taxes et hors charges, payable trimestriellement et d’avance et indexé chaque année sur l’indice des loyers des activités tertiaires publié par l’INSEE. Les conditions particulières du bail prévoient une réduction de loyer pour une période de dix mois, qui s’appliquera par deux mois, chaque année, entre 2022 et 2026. Il est également prévu que les charges usuelles sont à la charge du preneur.

Le 12 octobre 2023, des échéances de loyers et charges étant restés impayées, le bailleur a fait délivrer au preneur un commandement d’avoir à payer la somme de 42.786,06 euros TTC, au titre des loyers et charges dus suivant relevé de compte locatif arrêté au 9 octobre 2023.

C’est dans ces conditions, faute de règlement, que, par acte de commissaire de justice en date du 11 décembre 2023, la société ELYSEES PIERRE a fait assigner en référé devant le président du tribunal judiciaire de Nanterre la société CUISINE PRIVEE afin d’obtenir sa condamnation à lui payer une somme provisionnelle de 44.202,93 euros TTC, au titre des loyers arrêtés à la date du 6 décembre 2023, ainsi que la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

A l’audience du 3 avril 2024, l’affaire a été renvoyée à l’audience du 11 septembre 2024, à la demande du défendeur, pour se mettre en état.

À l’audience du 11 septembre 2024, le conseil du demandeur a soutenu les termes de son acte introductif d’instance, sauf à actualiser le montant de la provision réclamée à la somme de 115.972,42 euros TTC au titre des loyers et charges dus suivant relevé de compte locatif arrêté au 10 septembre 2024.

Le conseil de la société défenderesse, soutenant ses conclusions en défense, demande de voir ordonner une médiation à titre principal, et, subsidiairement, sur la provision sollicitée à « procéder à un abattement sur les charges demandées et déduire les sommes correspondant à des actes d’huissiers, des frais d’avocats et des clauses pénales ».

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé et des prétentions des parties, il est renvoyé à l’assignation introductive d’instance et aux conclusions déposées et développées oralement à l’audience.

MOTIFS

Sur la demande de désigner un médiateur

Conformément à l’article 131-1 du code de procédure civile, le juge saisi d’un litige peut, après avoir recueilli l’accord des parties, ordonner une médiation. Le texte précité précise, en son troisième alinéa, que la médiation peut également être ordonnée en cours d’instance par le juge des référés.

En l’espèce, si une telle mesure est sollicitée par la société CUISINE PRIVEE, la société ELYSEES PIERRE conclut au rejet de la demande.

Dès lors, et en l’absence d’accord des parties, la demande de désignation d’un médiateur sera rejetée.

Sur la demande de provision

Conformément à l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier. Le montant de la provision allouée en référé n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée. Le juge des référés fixe discrétionnairement à l’intérieur de cette limite la somme qu’il convient d’allouer au requérant, la provision n’ayant pas pour objet de liquider le préjudice de façon définitive mais d’indemniser ce qui dans ce préjudice est absolument incontestable.

En l’espèce, le demandeur produit le bail et un décompte actualisé.

Il sera observé que la contestation soulevée en défense, liée à l’existence de « circonstances économiques tout à fait inhabituelles » n’est pas sérieuse dès lors que les conditions liées à l’imprévision ne sont pas réunies et que les parties ont en tout état de cause prévues expressément de déroger aux dispositions de l’article 1195 du code civil.

Il convient d’ores et déjà d’écarter de la provision réclamée les sommes intitulées « FRAIS », qui ne sont pas justifiées et semblent correspondre soit à des frais irrépétibles, des dépens, ou à des clauses pénales qui peuvent être modérées par le juge du fond en raison de leur caractère manifestement excessif de sorte que le caractère non sérieusement contestable de l’obligation n’est pas établi.

Il convient donc de réduire de la provision réclamée la somme de 4.150,72 euros (318,86 + 1098,00 + 90,86 + 915,00 + 1728,00).

Il est également fait état d’une « facture émise » le 9 octobre 2023 pour un montant de 4.294,80 euros, dont le montant n’est pas expliqué, et qui sera par conséquent écarté.

S’agissant des charges réclamées, la société défenderesse expose que « les dépenses immeuble et des travaux importants sont plus élevés » que ce qui avait été initialement envisagé. Force est toutefois de constater que les montants sont justifiés et que les provisions figurant au bail, ne sont, par nature, que des estimations qui peuvent être égales, inférieures ou supérieures au montant réel des charges.

Aussi, il convient de condamner par provision la société CUISINE PRIVEE au paiement de la somme de 107.528,90 euros (115.972,42 – 4150,72 – 4294,80) à la société ELYSEES PIERRE.

Sur les demandes accessoires

L’article 491 du code de procédure civile impose au juge des référés de statuer sur les dépens. L’article 696 du code de procédure civile énonce que la partie perdante est en principe condamnée aux dépens. Il convient donc de condamner la société CUISINE PRIVEE aux dépens, dont la liste est fixée par la loi.
L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il doit à ce titre tenir compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée et peut écarter pour les mêmes considérations cette condamnation.
Il serait inéquitable de laisser à la demanderesse la charge de la totalité des frais irrépétibles qu’elle a dû exposer pour la défense de ses intérêts et il y aura lieu en conséquence de condamner la société défenderesse à lui payer la somme de 1.500 euros.

PAR CES MOTIFS

REJETONS la demande de la société CUISINE PRIVEE visant à désigner un médiateur,

CONDAMNONS, à titre provisionnel, la société CUISINE PRIVEE à payer à ELYSEES PIERRE la somme de 107.528,90 euros TTC,

CONDAMNONS la société CUISINE PRIVEE aux dépens,

CONDAMNONS la société CUISINE PRIVEE à payer à la société ELYSEES PIERRE la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

REJETONS les demandes plus amples ou contraires.

FAIT À NANTERRE, le 16 janvier 2025.

LE GREFFIER

Pierre CHAUSSONNAUD, Greffier

LE PRÉSIDENT

David MAYEL, Vice-président


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