Tribunal judiciaire de Marseille, 16 janvier 2025, RG n° 22/06959
Tribunal judiciaire de Marseille, 16 janvier 2025, RG n° 22/06959

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Marseille

Thématique : Refus de nationalité française : exigences de preuve et délais raisonnables

Résumé

Exposé du litige

Monsieur [E] [D], né aux COMORES en 1968, a cité le Procureur de la République par acte d’huissier le 7 juillet 2022, demandant l’enregistrement de sa déclaration de nationalité française, affirmant qu’il est français depuis le 30 juin 2021. Il soutient que sa déclaration a été refusée le 7 juillet 2021 et qu’il a respecté les formalités requises. Il a été considéré comme français par filiation jusqu’à un arrêt de la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence du 12 février 2020, qui a prononcé son extranéité. Il a produit des jugements comoriens légalisés et des documents attestant de sa possession d’état français.

Arguments du Procureur de la République

Le Procureur de la République a demandé le rejet des demandes de Monsieur [D], affirmant qu’aucun des jugements comoriens produits n’était certifié conforme à la minute, et qu’ils manquaient de garantie d’authenticité. Il a souligné que la production d’une expédition des décisions de justice étrangères est une exigence légale. De plus, il a noté que Monsieur [D] n’avait pas souscrit sa déclaration de nationalité dans un délai raisonnable après avoir pris connaissance de son extranéité.

Analyse de la procédure

La procédure a été jugée régulière selon l’article 1043 du code de procédure civile. La charge de la preuve de la nationalité incombe à celui qui la revendique. Monsieur [D] doit prouver un état civil fiable par des actes conformes aux exigences du code civil. Les jugements comoriens produits ne respectent pas les conditions de certification requises, et la légalisation ne couvre pas toutes les signatures nécessaires.

Décision du tribunal

Le tribunal a constaté que Monsieur [D] ne justifiait pas d’un état civil probant et que le délai pour sa déclaration de nationalité n’était pas raisonnable. En conséquence, il a été débouté de toutes ses demandes et déclaré qu’il n’était pas de nationalité française. Le tribunal a ordonné la mention de cette décision sur son acte de naissance et a condamné Monsieur [D] aux dépens.

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°25/ DU 16 Janvier 2025

Enrôlement : N° RG 22/06959 – N° Portalis DBW3-W-B7G-2GAH

AFFAIRE : M. [E] [D]( Me François BRUSCHI)
C/ M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE MARSEILLE

DÉBATS : A l’audience Publique du 14 Novembre 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL:

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président
Assesseur : BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente
Assesseur : BERTHELOT Stéphanie, Vice-Présidente (juge rapporteur)

Greffier lors des débats : BESANÇON Bénédicte

En présence de PORELLI Emmanuelle, Vice-Procureur, Procureur de la République

Vu le rapport fait à l’audience

A l’issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 16 Janvier 2025

Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par BERARD Béatrice, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEUR

Monsieur [E] [D]
né en 1968 à [Localité 3], [Localité 1] (COMORES)
de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 130550012021029751 du 22/12/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Marseille)
représenté par Me François BRUSCHI, avocat au barreau de MARSEILLE,

C O N T R E

DEFENDERESSE

M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE MARSEILLE, près le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE en son parquet – [Adresse 4]

Dispensé du ministère d’avocat

EXPOSE DU LITIGE

Par acte d’huissier de justice du 7 juillet 2022, Monsieur [E] [D], se disant né aux COMORES en 1968, a fait citer Monsieur le Procureur de la République, sollicitant du tribunal que sa déclaration de nationalité soit enregistrée, et qu’il soit dit qu’il est français depuis le 30 juin 2021, et que la mention du jugement sur son acte de naissance soit ordonnée.

Par conclusions signifiées le 10 juin 2024, Monsieur [D] maintient ses demandes, faisant valoir que :

– sa déclaration de nationalité lui a été refusée le 7 juillet 2021.

– il a respecté les formalités prescrites par l’article 1043 du code de procédure civile.

– il a été considéré comme français par filiation jusqu’à ce qu’un arrêt rendu par la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence le 12 février 2020 prononce définitivement son extranéité.

– ses actes d’état civil et jugements comoriens auront été dûment légalisés.

– il verse aux débats le jugement d’annulation n°1307/018 du 23 juin 2018, le jugement supplétif n°1310/2018 du 25 juin 2018 et son acte de naissance n°270 du 27 juillet 2018, tous trois mentionnés dans l’arrêt rendu le 12/02/20, dûment légalisés.

– l’article 47 du code civil pose une présomption de validité des actes d’état civil étrangers.
Dans cette mesure, la légalisation d’un acte d’état civil n’est qu’un moyen permettant de renforcer l’authenticité des actes d’état civil étrangers en ce qu’elle permet d’attester de l’authenticité de la forme de l’acte présenté.

– il ne résulte nullement de l’instruction générale relative à l’état civil que la légalisation d’un acte étranger doit être soumise au principe de son « expédition », pas plus qu’il ne résulte de ladite instruction qu’une telle «expédition » serait prétendument la source exclusive de cette authenticité.

– la production d’une expédition n’est prévue que dans le cadre exclusif de la souscription d’une déclaration de nationalité devant les services de Greffe Judiciaires du Tribunal judiciaire.

– pour démontrer avoir la possession d’état de français, il a versé aux débats les avis d’imposition ainsi que les cartes électorales en sa possession.

Par conclusions signifiées le 4 avril 2024, Monsieur Le Procureur de la République demande au tribunal de débouter le demandeur de ses prétentions, et de juger qu’il n’est pas français.

Il avance que :

– ni l’exemplaire du jugement en annulation n°1307/018 du 23 juin 2018 ni celui du jugement supplétif n°1310/2018 du 25 juin 2018, rendus par le tribunal de première instance de Mutsamudu, portant les signatures du Président et du greffier pour le premier, et pour le second du Président, du greffier et du Procureur, n’est certifié conforme à la minute.

– ces pièces sont dépourvues de garantie d’authenticité, laquelle n’est attachée qu’à
l’expédition.

– l’exigence de production de la décision de justice étrangère sous forme d’expédition est une exigence légale.

– l’authentification de la signature du Président du TPI de Mutsamudu ayant rendu les jugements, ne correspond pas à l’objet de la légalisation.

– la légalisation produite ne porte pas sur les signatures du greffier et du Procureur.

– les jugements du 23 juin 2018 et du 25 juin 2018 rendus par le tribunal de première instance de Mutsamudu ne sont pas opposables en France, l’acte de naissance n°270 du 27 juillet 2018 est en conséquence dépourvu de force probante au sens de l’article 47 du code civil.

– M. [E] [D] n’a pas souscrit sa déclaration d’acquisition de la nationalité française par possession d’état dans un délai raisonnable à compter de la connaissance de son extranéité. Il ne satisfait donc pas aux conditions de l’article 21-13 du code civil.

La clôture a été prononcée le 22 octobre 2024.

Lors de l’audience du 14 novembre 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 16 janvier 2025.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

Déboute Monsieur [E] [D] se disant né en 1968 à [Localité 3] [Localité 1], COMORES, de toutes ses demandes.

Juge que Monsieur [E] [D], se disant né en 1968 à [Localité 3] [Localité 1], COMORES, n’est pas de nationalité française.

Ordonne la mention prévue par l’article 28 du code civil, 1059 du code de procédure civile et le décret n°65-422 du 1er juin 1965 portant création d’un service central de l’état civil auprès du ministère des affaires étrangères.

Condamne Monsieur [E] [D] aux dépens qui seront récouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle.

AINSI JUGE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIERE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE 16 Janvier 2025

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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