Tribunal judiciaire de Marseille, 16 janvier 2025, RG n° 20/05259
Tribunal judiciaire de Marseille, 16 janvier 2025, RG n° 20/05259

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Marseille

Thématique : Garantie des vices cachés : Charge de la preuve et incohérences dans les déclarations.

Résumé

Acquisition de la moto

Le 6 août 2016, Monsieur [Z] [L] a acheté une moto YAMAHA 1000, immatriculée [Immatriculation 3], pour 20 000 €, avec un kilométrage de 3 288 km. Il a ensuite mis le véhicule en vente sur un site d’annonces en ligne.

Vente et accident

Le 1er décembre 2018, Monsieur [D] [W] a convenu d’acheter la moto pour 15 000 €. Le 9 mars 2019, il a eu un accident de la route en raison d’une panne du véhicule. Suite à cet incident, une expertise a été réalisée, et Monsieur [D] [W] a demandé le remboursement du prix de vente, demande à laquelle Monsieur [Z] [L] a refusé de faire droit.

Procédure judiciaire

Le 4 juin 2020, Monsieur [D] [W] a assigné Monsieur [Z] [L] devant le Tribunal judiciaire de Marseille pour obtenir le remboursement du prix de la moto. Il a invoqué la garantie des vices cachés, affirmant que la panne était due à un défaut d’entretien imputable à Monsieur [Z] [L].

Arguments de Monsieur [D] [W]

Monsieur [D] [W] soutient que le vice était antérieur à la vente et que l’accident était inévitable en raison de l’huile moteur sur les roues. Il conteste également les allégations de mauvais usage du véhicule, affirmant que le changement de pneumatiques ne prouve pas un usage excessif.

Arguments de Monsieur [Z] [L]

Monsieur [Z] [L] a demandé le rejet des demandes de Monsieur [D] [W], arguant que les conditions de conservation de la moto après l’accident étaient inconnues et que des modifications pouvaient avoir été apportées. Il a également souligné son expérience en tant que mécanicien et a affirmé avoir entretenu le véhicule conformément aux préconisations.

Rapports d’expertise

Deux experts ont été mandatés, chacun par une des parties. L’expert de Monsieur [D] [W] a constaté des dommages importants et a imputé la responsabilité à Monsieur [Z] [L] pour défaut d’entretien. En revanche, l’expert de Monsieur [Z] [L] a mis en avant des incohérences dans le récit de l’accident et a suggéré que les dommages étaient compatibles avec un usage extrême du véhicule.

Décision du tribunal

Le tribunal a conclu que Monsieur [D] [W] n’avait pas prouvé l’existence d’un vice caché ni le lien de causalité entre le prétendu défaut d’entretien et l’accident. En conséquence, il a débouté Monsieur [D] [W] de toutes ses demandes et a condamné ce dernier aux dépens, ainsi qu’à verser 3 000 € à Monsieur [Z] [L] au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La décision est exécutoire à titre provisoire.

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

TROISIEME CHAMBRE CIVILE – SECTION B

JUGEMENT N°

Enrôlement : N° RG 20/05259 – N° Portalis DBW3-W-B7E-XT5S

AFFAIRE :

M. [D] [W] (la SELARL ABEILLE AVOCATS)
C/
M. [Z] [L] (la SELARL FERNANDEZ GUIBERT & ASSOCIES)

Rapport oral préalablement fait

DÉBATS : A l’audience Publique du 24 Octobre 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré

Président : Monsieur Alexandre BERBIEC, Juge

Greffier : Madame Sylvie PLAZA, lors des débats

A l’issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 09 Janvier 2025, puis prorogée au 16 Janvier 2025

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 16 Janvier 2025

PRONONCE en audience publique par mise à disposition au greffe le 16 Janvier 2025

Par Monsieur Alexandre BERBIEC, Juge

Assisté de Madame Sylvie PLAZA, Greffier

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEUR

Monsieur [D] [W]
né le 01 Juin 1997 à [Localité 5], de nationalité française
demeurant [Adresse 1]

représenté par Maître Etienne ABEILLE de la SELARL ABEILLE AVOCATS, avocats au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DEFENDEUR

Monsieur [Z] [L]
né le 05 Août 1954 à [Localité 4], de nationalité française
demeurant [Adresse 2]

représenté par Maître Jean-Raphaël FERNANDEZ de la SELARL FERNANDEZ GUIBERT & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE

EXPOSE DU LITIGE :

Le 6 août 2016, Monsieur [Z] [L] a acquis une moto modèle YAMAHA 1000 genre MMT2 immatriculée [Immatriculation 3] mise en circulation pour la première fois le 05 août 2015, présentant un kilométrage de 3288 kilomètres pour la somme de 20000 €.

Monsieur [Z] [L] a mis le véhicule en vente sur un site d’annonces en ligne.

Le 24 novembre 2018, Monsieur [Z] [L] a été contacté par Monsieur [D] [W], qui a fait part de son intérêt pour le véhicule.

Le 1er décembre 2018, Monsieur [D] [W] et Monsieur [Z] [L] ont convenu de la vente du véhicule pour un montant de 15.000 €.

Le 9 mars 2019, Monsieur [D] [W] a subi un accident de la route, suite à une panne du véhicule litigieux.

Une expertise extra-judiciaire contradictoire a été diligentée. Monsieur [D] [W] a sollicité la restitution du prix de vente. Monsieur [Z] [L] n’a pas souhaité faire droit à cette demande.

Par acte d’huissier en date du 4 juin 2020, Monsieur [D] [W] a assigné Monsieur [Z] [L] devant le Tribunal judiciaire de MARSEILLE, aux fins notamment de le voir condamner à lui rembourser le prix de la moto, soit 15.000 €.

Aux termes de ses conclusions communiquées par le réseau privé virtuel des avocats le 18 décembre 2023, au visa des articles 1641, Monsieur [D] [W] sollicite de voir :

– prononcer l’annulation de la vente de la moto ;
– condamner Monsieur [L] à rembourser le prix de la moto à Monsieur [W], soit 15.000 € ;
– condamner Monsieur [L] à rembourser à Monsieur [W] les frais d’expertise à hauteur de 1.059,12 € ;
– condamner Monsieur [L] au paiement de la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts ;
– condamner Monsieur [L] au paiement de la somme de 2.500 €, au titre de l’article 700 du code de procédure civile et ce, comme exposé aux motifs des présentes ;
– condamner Monsieur [L] aux entiers dépens de l’instance ;
– ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

Au soutien de ses prétentions, Monsieur [D] [W] affirme qu’il entend mettre en oeuvre le régime de la garantie des vices cachés. En l’espèce, la casse du véhicule résulte d’un défaut d’entretien et est imputable à Monsieur [Z] [L], aux termes du rapport d’expertise.
Le défendeur est professionnel dans le monde de la moto : non pas en tant que mécanicien et garagiste, comme il l’affirme, mais comme employé par une société de vente d’équipements, tels des casques.
Au regard des conclusions de l’expert, le vice est nécessairement antérieur à la vente.
Contrairement à ce qu’affirme le défendeur, l’accident ne fait aucun doute : Monsieur [D] [W] verse aux débats des témoignages afin d’en attester. La chute était inévitable : les roues ont été imbibées de projections d’huile moteur. Le demandeur verse par ailleurs les documents médicaux relatifs à son accident.
De même, le demandeur conteste les affirmations du défendeur selon lesquelles il aurait fait un usage excessif et inapproprié du véhicule. Le seul fait de changer les pneumatiques ne rapporte pas la preuve d’un tel usage excessif.

Aux termes de ses conclusions communiquées par le réseau privé virtuel des avocats le 30 mai 2023, au visa des articles 1103 et suivants du code civil ensemble l’article 1641, Monsieur [Z] [L] sollicite de voir :

– débouter Monsieur [W] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– condamner Monsieur [W] à payer la somme de 3000 €, au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner Monsieur [W] aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, Monsieur [Z] [L] fait valoir que les conditions de conservation et de stockage du véhicule, entre la date de l’accident prétendu et sa date d’examen par l’expert sont inconnues, de sorte que rien ne permet d’attester que le véhicule n’a pas été modifié dans l’intervalle. La moto était équipée d’un R1M (boite noire de la moto qui enregistre l’ensemble des dysfonctionnement), qui n’a pas pu être exploitée par l’expert. Il existe dans ce dossier un problème probatoire. Les photographies de la moto au moment de l’expertise sont très différentes de celles envoyées par Monsieur [D] [W] à Monsieur [Z] [L] deux mois avant l’accident. Il n’est pas possible d’exclure une modification de l’engin, notamment pendant la période durant laquelle la moto a été stockée au domicile du demandeur en attente de l’expertise, afin de modifier les conclusions de celle-ci. Le demandeur ne verse aux débats aucun élément sur le montage et l’équilibrage des pneus, ni sur les équipements de la moto. En réalité, le demandeur a fait usage de la moto dans des conditions extrêmes et inappropriées.

Monsieur [D] [W] ne démontre pas avoir respecté les préconisations constructeurs. A l’inverse, Monsieur [Z] [L], qui a été mécanicien graisseur pour NESTLE de 1982 à 1994, et a été réparateur à l’occasion du championnat de France et de la compétition du Bol d’or, a entrenu le véhicule conformément aux préconisations. Il n’avait pas à réparer le véhicule en 2017 et l’a fait réviser en 2018.

Le défendeur, s’il ne remet pas nécessairement en cause la survenance d’un accident, indique que celui-ci n’a pu se produire selon les circonstances indiquées par le demandeur. Plusieurs des déclarations du demandeur sont invérifiables : il n’a communiqué la survenance de l’accident qu’un mois plus tard à son vendeur, Monsieur [Z] [L], de sorte que les bandes des caméras de surveillance avaient déjà été effacées ; aucune trace matérielle sur les lieux de l’accident n’a pu être trouvée ; aucune déclaration à l’assurance n’a été faite ; le demandeur indique que l’accident n’a eu aucun témoin direct.

Si le demandeur expose avoir subi des préjudices physiques, cela ne l’a pas empêché de participer, le 29 juin 2019, à un circuit de compétition mécanique sur une autre moto. Et dès les 18 et 19 mai 2019, le demandeur participait au « Circuit Driving Center Paul Ricard ».

Le défendeur n’oppose pas une résistance abusive : il se borne à refuser de payer au regard des incohérences des déclarations de Monsieur [D] [W] et de l’usage extrême par celui-ci de la moto.

Dans un souci de lisibilité du jugement, les mentions du dispositif des conclusions demandant au tribunal de donner acte, constater, dire, dire et juger, rappeler qui ne s’analyseraient pas comme des demandes au sens de l’article 4 du code de procédure civile mais comme des moyens n’appelant pas de décision spécifique n’ont pas été rappelées dans l’exposé des demandes des parties.

Au-delà de ce qui a été repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l’espèce des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, le Tribunal entend se référer pour l’exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessus.

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant publiquement par mise à disposition de la décision au greffe après débats en audience publique, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort :

DEBOUTE Monsieur [D] [W] de l’ensemble de ses prétentions ;

CONDAMNE Monsieur [D] [W] aux entiers dépens ;

CONDAMNE Monsieur [D] [W] à verser à Monsieur [Z] [L] la somme de trois mille euros (3.000 €) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que la présente décision est exécutoire à titre provisoire ;

REJETTE les prétentions pour le surplus.

Ainsi jugé et prononcé les jour, mois et an susdits.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT

 


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