Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Metz
Thématique : Résiliation contestée d’un contrat d’assurance : enjeux de déclaration et de nullité.
→ RésuméLes faits constantsMme [T] [Z], cliente de la SA MAAF ASSURANCES, a souscrit un contrat de perte de revenus le 6 septembre 2019. Elle a rempli un questionnaire médical qu’elle affirme avoir signé, mentionnant une consultation pour un fibrome utérin. En arrêt de travail pour maladie depuis le 24 août 2020, elle a reçu un titre de pension d’invalidité en août 2023. L’assureur a refusé de l’indemniser, invoquant une possible nullité du contrat due à une fausse déclaration dans le questionnaire médical. En décembre 2020, l’assurance a proposé un avenant excluant la pathologie fibrome, que Mme [Z] a refusé. Le Centre de Médiation de l’Assurance a soutenu la position de l’assureur. En février 2023, la SA MAAF ASSURANCES a notifié la résiliation du contrat à compter du 31 décembre 2022, ce qui a conduit Mme [Z] à saisir le tribunal. La procédureMme [T] [Z] a assigné la SA MAAF ASSURANCES devant le Tribunal judiciaire de Metz par acte de commissaire de justice le 16 octobre 2023. L’assureur a constitué avocat le 25 octobre 2023. L’affaire a été plaidée le 7 novembre 2024 et mise en délibéré pour le 16 janvier 2025. Les prétentions et moyens des partiesMme [T] [Z] demande au tribunal de déclarer la résiliation du contrat inopposable, d’engager la responsabilité de la SA MAAF ASSURANCES, et de condamner l’assureur à lui verser des indemnités journalières, une rente d’invalidité, et le remboursement de cotisations indûment prélevées. Elle conteste la nullité du contrat invoquée par l’assureur, arguant qu’elle a rempli le questionnaire de bonne foi et que l’assureur n’a pas prouvé la fausse déclaration. La SA MAAF ASSURANCES demande la nullité du contrat, soutenant que Mme [Z] a omis de déclarer une pathologie antérieure, ce qui justifie son refus d’indemnisation. Motivation du jugementLe tribunal a jugé que la résiliation du contrat n’était pas opposable à Mme [Z], car l’assureur avait continué à percevoir les cotisations après la déclaration du sinistre. La résiliation n’étant pas motivée, le tribunal a débouté la SA MAAF ASSURANCES de sa demande de nullité. En conséquence, l’assureur a été condamné à verser à Mme [Z] des indemnités journalières, une rente d’invalidité, le remboursement de cotisations, ainsi qu’une somme pour préjudice moral. Le tribunal a également statué sur les intérêts et les dépens, tout en rappelant l’exécution provisoire du jugement. |
Minute n° 2025/34
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE METZ
1ère CHAMBRE CIVILE
N° de RG : 2023/02633
N° Portalis DBZJ-W-B7H-KKQS
JUGEMENT DU 16 JANVIER 2025
I PARTIES
DEMANDERESSE :
Madame [T] [Z], née le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 5], demeurant [Adresse 1]
représentée par Maître Nino DANELIA, avocat au barreau de METZ, vestiaire : B503
DÉFENDERESSE :
LA S.A. MAAF ASSURANCES, prise en la personne de son représentant légal, dont le siège social est sis [Adresse 6], prise en son établissement secondaire situé
[Adresse 4]
représentée par Maître Maud GIORIA de la SCP ECKERT – ROCHE – GIORIA, avocat au barreau de METZ, vestiaire : B202
II COMPOSITION DU TRIBUNAL
Président : Michel ALBAGLY, Premier Vice-Président, statuant à Juge Unique sans opposition des avocats
Greffier : Caroline LOMONT
Après audition le 07 novembre 2024 des avocats des parties
III EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Par application des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, « Le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d’un visa des conclusions des parties avec l’indication de leur date. Le jugement doit être motivé. Il énonce la décision sous forme de dispositif. » Selon les dispositions de l’article 768 alinéa 3 « Les parties doivent reprendre dans leurs dernières conclusions les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et le tribunal ne statue que sur les dernières conclusions déposées. »
1°) LES FAITS CONSTANTS
Mme [T] [Z], assurée de longue date de la SA MAAF ASSURANCES, a souscrit le 06 septembre 2019 un contrat perte de revenus.
Lors de la souscription, elle dit avoir renseigné un questionnaire qu’elle a rempli de façon manuscrite et signé.
A compter du 24 août 2020, Mme [Z] a été placée en arrêt de travail pour maladie. A compter du 24 août 2023, la Caisse primaire d’assurance maladie lui a délivré le titre de pension d’invalidité de la catégorie 2.
La société d’assurance ne lui a servi aucune indemnisation au motif que le contrat liant les parties est susceptible de nullité pour défaut de déclaration dans le questionnaire médical d’un état antérieur.
Le 04 décembre 2020, l’assurance proposait à Mme [Z] la signature d’un avenant au contrat prévoyant l’exclusion de la pathologie fibrome et ses conséquences, cause de l’arrêt de travail, ce que l’assurée a refusé.
Les parties divergeaient au sujet de l’existence d’un questionnaire médical manuscrit dans lequel Mme [Z] affirme avoir mentionné la consultation d’un médecin pour un fibrome utérin et ce, sans qu’aucun traitement ou suivi médical n’ait été fixé.
Le Centre de Médiation de l’Assurance saisi par Mme [Z] a estimé que la position de l’assureur était fondée et l’invitait notamment à signer l’avenant comportant l’exclusion de la pathologie de fibrome et ses conséquences.
Par un courrier du 28 février 2023, reçu le 05 mars 2023 par l’assurée, la SA MAAF ASSURANCES a notifié à cette dernière la résiliation du contrat en cause à compter du 31 décembre 2022.
C’est dans ces conditions que Mme [Z] a entendu saisir le tribunal judiciaire.
2°) LA PROCEDURE
Par acte de commissaire de justice signifié le 16 octobre 2023, déposé au greffe de la juridiction par voie électronique le 20 octobre 2023 , Mme [T] [Z] a constitué avocat et a assigné la SA MAAF ASSURANCES prise en la personne de son représentant légal devant la Première chambre civile du Tribunal judiciaire de METZ.
La SA MAAF ASSURANCES prise en la personne de son représentant légal a constitué avocat par acte notifié par RPVA le 25 octobre 2023.
La présente décision est contradictoire.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 11 octobre 2024.
L’affaire a été appelée à l’audience du 07 novembre 2024 lors de laquelle elle a été plaidée puis mise en délibéré au 16 janvier 2025 par mise à disposition au greffe.
3°) LES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Selon les termes de ses conclusions responsives et récapitulatives notifiées par RPVA le 08 juin 2024, qui sont ses dernières conclusions, selon les moyens de fait et de droit exposés, Mme [T] [Z] demande au tribunal au visa notamment des articles L.113-1 et suivants du code des assurances, des articles 1103 et suivants du code civil, de l’article 9 du code de procédure civile, de l’article 1343-2 du code civil de :
-DECLARER que Madame [T] [Z] est recevable et bien fondée en ses demandes;
Rejetant et déboutant toute fin, moyen ou prétention contraire ainsi que toute demande reconventionnelle ;
-DECLARER que la résiliation du contrat Perte de revenus du 06 septembre 2019, notifiée par courrier daté du 28 février 2023, est inopposable à Madame [T] [Z], en absence de préavis, de motivation et surtout au regard de la perception des cotisations postérieurement à la réalisation du risque, le sinistre étant toujours en cours de réalisation ;
-DECLARER que la société MAAF ASSURANCES engage sa responsabilité contractuelle au titre du Contrat Perte de revenus conclu le 06 septembre 2019,
-DECLARER que la notification de la résiliation du contrat Perte de revenus du 06 septembre 2019 et/ou la poursuite de la perception des cotisations de 2020 à 31/12/2022 vaut renonciation par la société MAAF ASSURANCES à l’existence d’une quelconque cause de nullité dudit contrat ;
-DECLARER que la société MAAF Assurances est défaillante dans l’administration de la preuve de ses prétentions quant à l’existence d’une cause de nullité et de l’applicabilité de l’article L.113-8 du Code des assurances ;
-DECLARER que le Contrat Perte de revenus du 06 septembre 2019 est parfaitement valable
Au besoin,
-ENJOINDRE à la société MAAF ASSURANCES de produire aux débats le questionnaire médical manuscrit rempli et signé de la main de Madame [Z] le 06 septembre 2019 ;
En conséquence,
-CONDAMNER la société MAAF ASSUSRANCES à payer à Madame [Z] la somme de 19.688,00 € au titre des indemnités journalières dans la limite de 3 année d’indemnisation jusqu’au 22 novembre 2023 et ce en exécution du contrat Perte de Revenus du 06 septembre 2019, augmenté des intérêts de retard au taux légal à compter de la date d’échéance de chacun des versements à quinzaine qui aurait dû être respecté ;
-CONDAMNER la société MAAF ASSURANCES à payer à Madame [Z] la somme de 6.570,00 € annuelle au titre de la rente d’invalidité, revalorisée chaque année en exécution du contrat Perte de Revenus du 06 septembre 2019, et ce à compter du 22 novembre 2023 jusqu’à la liquidation des droits de Madame [Z] à la retraite, ou de la reprise d’une activité professionnelle, payable d’avance par mensualité ;
-CONDAMNER la société MAAF ASSURANCES à rembourser à Madame [Z] la somme de 774,13 € au titre des cotisations indûment prélevées pour les années 2020 à 2023, nonobstant l’exonération contractuelle prévue par le contrat Perte de revenus du 06 septembre 2019 ;
En tout état de cause
-DEBOUTER la société MAAF Assurances de l’intégralité de ses demandes ;
-DECLARER que les intérêts qui auront couru une année entière se capitaliseront par l’effet de l’anatocisme ;
-CONDAMNER la société MAAF ASSURANCES à payer à Madame [T] [Z] la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi moral et financier ;
-CONDAMNER la société MAAF ASSURANCES à payer à Madame [T] [Z] la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
-CONDAMNER la société MAAF ASSURANCES aux entiers dépens ;
-DECLARER la décision à intervenir exécutoire par provision, nonobstant appel et sans caution.
Au soutien de ses prétentions, Mme [T] [Z] se prévaut de l’inopposabilité de la résiliation du contrat perte de revenus au visa des articles L. 113-1 et suivants, L. 113-12, R. 113-10 alinéa 1 du code des assurances en ce :
– que l’assureur ne peut pas résilier le contrat sans respecter un délai de préavis ; que la résiliation en tout état de cause ne peut pas être motivée par la réalisation du sinistre si l’assureur a accepté le paiement dans les mêmes conditions des cotisations pour la période postérieure audit sinistre ;
– qu’en l’espèce le courrier de résiliation de la MAAF ASSURANCES du 28 février 2023 ne comprend aucune motivation ;
– que le tribunal devra tirer toutes conséquences du caractère abusif et rétroactif de la résiliation du contrat d’assurance près de trois ans après la réalisation du sinistre, période durant laquelle l’assureur a continuer à prélever les cotisations dans les conditions antérieures ; que le courrier ne comprend aucun délai de préavis ;
– que nonobstant la nullité invoquée par la société d’assurance, à titre reconventionnel, le courrier litigieux mentionne une résiliation et non une nullité ; que nul ne peut se contredire ai détriment d’autrui ;
– que si la société d’assurance se prévaut d’une attitude conciliante pour maintenir le contrat durant trois ans, la résiliation n’en est pas mois abusive et infondée engageant la responsabilité de la société MAAF ASSURANCES de sorte qu’il sera déclaré que telle résiliation n’est pas opposable à l’assuré et que la société défenderesse devra exécuter ses obligations contractuelles par la mise en œuvre des la garantie.
Mme [T] [Z] conteste la demande de nullité présentée par la SA MAAF ASSURANCES pour fausse déclaration résultant d’une omission volontaire sur le questionnaire médical d’une pathologie dont elle souffrait antérieurement à la conclusion du contrat aux motifs :
– que la preuve fait défaut au sujet d’une prétendue fausse déclaration intentionnelle ayant changé l’objet du risque (article L. 113-8 code des assurances ; Cass. Civ 2e, 25 juin 2000 n°19-14.278 ; Civ 2e, 16 juin 2022 n°19-25.547 dans la mesure où la demanderesse a toujours affirmé avoir rempli et signé un questionnaire manuscrit dans lequel elle a mentionné avoir consulté un médecin pour un fibrome utérin sans qu’aucun traitement ou suivi n’ait été fixé ; que le conseiller de l’assurance n’a pas repris en informatique la déclaration relative au fibrome, laquelle est une tumeur bénigne très répandue ; que de bonne foi l’assurée a sollicité dès le 19 décembre 2020 la communication du questionnaire manuscrit que l’assureur n’a pas transmis, raison pour laquelle il est sollicité qu’il soit fait injonction de le produire sauf pour le tribunal à en tirer toutes conséquences ;
– qu’il ressort du certificat du docteur [S] que les premiers symptômes du motif de l’arrêt de travail sont apparus le 20 janvier 2020 soit postérieurement à la signature du contrat d’assurance de la cause de sorte que l’assurée n’était pas affectée d’une maladie antérieurement à sa souscription ; que les éléments médicaux produits établissent que Mme [Z] ne pouvait avoir connaissance d’un quelconque problème de santé lié au fibrome d’autant qu’aucun traitement ou suivi n ‘a été mis en place et que les complications sont très rares ;
– que la SA MAAF ASSURANCES, qui en a la charge, ne rapporte pas la preuve du caractère intentionnel de la fausse déclaration alléguée alors que la demanderesse a systématiquement revendiqué la communication du questionnaire manuscrit, qu’elle ignorait au 16 septembre 2019 la possibilité d’une complication de son fibrome au regard de sa rareté, qu’elle n’avait aucun intérêt à taire un fibrome totalement bénin ; que la société d’assurance est défaillante dans la charge de la preuve ;
– que l’assureur ne rapporte pas plus la preuve de l’influence de l’omission de la déclaration contestée, du changement de l’objet du risque ou encore de la diminution de son opinion ;
– que la nullité sera écartée et le contrat recevra application dans son intégralité ;
– que l’assureur a d’ailleurs renoncé à une quelconque nullité (article L. 113-4 du code des assurances ; Cass. Civ 1ère, 123 juin 2012 n°11-12.443) dans la mesure où, connaissant l’aggravation du risque à compter du 04 septembre 2020, l’assureur a continué à percevoir les cotisations sachant que l’assurée se refusait à signer l’avenant d’exclusion ; que le tribunal devra constater la renonciation de l’assureur à une quelconque nullité du contrat résultant de la prétendue fausse déclaration.
Mme [T] [Z] réclame condamnation de l’assurance au regard des pièces qu’elle produit à lui verser la somme de 19.688,00 € au titre des indemnités journalières dans la limite de 3 années d’indemnisation jusqu’au 22 novembre 2023 en exécution du contrat Perte de Revenus du 06 septembre 2019. Elle conteste la prétendue discontinuité de l’arrêt maladie du 24 août 2020 pour d’autres causes en relevant que la CPAM de Moselle a reconnu l’arrêt maladie du 24 août 2020 en rapport avec « une affection de longue durée », étant précisé que depuis 2020, l’assurée a effectivement eu d’autres interventions et maladies, lesquelles se sont rajoutées et n’ont pas exclu la cause de l’arrêt maladie initiale. Mme [Z] a encore précisé avoir fait l’objet d’un licenciement pour inaptitude à la date du 13 mars 2024, sachant qu’elle occupait son poste d’employée commerciale depuis le 15 juillet 1999. Mme [Z] demande de rejeter les contestations de la MAAF Assurances Le délai contractuel de règlement des indemnités journalières, payable tous les 15 jours, n’ayant pas été respecté, il est réclamé condamnation de la société MAAF Assurances à payer les intérêts au taux légal à compter de la date d’échéance de chacun des versements mi-mensuel qu’elle aurait dû respecter et ce à compter du 22 novembre 2020.
S’agissant de la rente d’invalidité, Mme [Z] a relevé que le contrat Perte de Revenus du 06 septembre 2019 prévoit une rente d’invalidité dans la limite de 5.840 € annuel, réévaluée chaque année. Elle ajoute que la rente prend le relais des indemnités journalières lorsque l’incapacité totale se prolonge au-delà de trois ans. Estimant démontrer par ses productions que les conditions d’application de la rente d’invalidité sont en l’espèce remplies, il a été demandé que la société MAAF Assurances paye la rente d’invalidité, réévaluée chaque année, et au minimum 6.570 € annuel de sorte qu’elle sera condamnée à verser la rente d’invalidité susvisée par mensualité, payable d’avance au 1er de chaque mois, d’un montant de 547,50 € par mois à compter du 22 novembre 2023, dans la continuité des indemnités journalières dues, revalorisé annuellement, jusqu’à la liquidation des droits de Madame [Z] à la retraite, ou de la reprise d’une activité professionnelle. Si la société MAAF Assurances prétend au caractère indu de la rente d’invalidité parce que deux périodes d’arrêts maladies feraient état des causes différentes à l’objet de la déclaration de sinistre du 04 septembre 2020 et qu’il ne serait pas apporté de preuve quant à la durée de 3 ans de l’arrêt maladie, Mme [Z] a soutenu qu’il s’agissait d’une défense d’une particulière mauvaise foi alors que, dès le 22 décembre 2020, l’arrêt de travail du 24 août 2020 a été reconnu en rapport avec une affection de longue durée nécessitant des soins continus ou une interruption de travail supérieure à 6 mois, ce dont la société MAAF Assurances a parfaitement connaissance, celle-ci ayant été destinataire de l’intégralité des arrêts de travail et des éléments relatifs à ce sinistre.
Mme [Z] a formulé une demande remboursement de cotisations indûment prélevées après le 24 août 2002 actualisée à 774,13 €.
Mme [Z] a demandé qu’il soit fait application de l’anatocisme de l’article 1343-2 du code civil (ancien article 1154).
En raison de l’inexécution des garanties, Mme [Z] fait valoir que la réticence de la société défenderesse lui a causé un préjudice moral et financier distinct lié à la longueur et à la complexité des multiples démarches qu’elle a dû diligenter. Elle indique avoir dû faire face non seulement aux problèmes de santé, mais également à l’absence de réactivité et au silence de la société défenderesse, détériorant davantage sa situation précaire. En conséquence, la demanderesse a sollicité des dommages et intérêts à hauteur de 10.000 €.
Selon des conclusions récapitulatives notifiées par RPVA le 09 septembre 2024, qui sont ses dernières conclusions, selon les moyens de fait et de droit exposés, la SA MAAF ASSURANCES prise en la personne de son représentant légal demande au tribunal de :
-Déclarer le contrat d’assurance « Perte de revenus » conclu le 6 septembre 2019 entre Madame [T] [Z] et la société MAAF ASSURANCES nul et de nul effet, aux torts exclusifs de Mme [T] [Z],
Par conséquent :
-Débouter Mme [T] [Z] de toutes ses demandes, fins et conclusions à l’encontre de la société MAAF ASSURANCES ;
-Condamner Mme [T] [Z] à payer à la société MAAF ASSURANCES la somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers frais et dépens au visa de l’article 696 du même code.
En réplique, la SA MAAF ASSURANCES soutient :
– que par une clause contractuelle expresse, Mme [Z] a été informée par l’assureur des conséquences d’une déclaration incomplète ou inexacte de la souscription (absence de mise en œuvre des garanties ; possibilité pour l’assureur d’invoquer la nullité du contrat) ;
– que lors de la souscription du contrat d’assurance « Perte de revenus », Mme [Z] a rempli un questionnaire médical détaillé par pathologie ; qu’à la question 8j de ce questionnaire, elle répondait ne pas être ou ne pas avoir été « atteinte, suivie ou traitée au cours des dix dernières années pour affections des reins, des voies urinaires (coliques néphrétiques, cystites …) ou des organes génitaux ou toutes autres maladies de l’appareil urogénital » ;
– qu’en apposant son paraphe et sa signature sur ce questionnaire, Mme [Z] certifiait « avoir répondu sincèrement aux questions précitées et n’avoir rien dissimulé», et reconnaissait « que toute fausse déclaration de [sa] part, toute réticence de nature à atténuer l’importance du risque, [était] susceptible d’entraîner l’annulation du contrat d’assurance ».
– que la déclaration de sinistre effectuée par Mme [Z] auprès de la société MAAF ASSURANCES en date du 4 septembre 2020 établissait que son arrêt de travail était consécutif à l’évolution d’un fibrome utérin ; que la demanderesse reconnaît elle-même dans son assignation « avoir consulté un médecin pour un fibrome utérin » à une date antérieure à la souscription du contrat « Perte de revenus » ; qu’elle admet qu’un fibrome utérin lui avait été diagnostiqué avant la souscription dudit contrat ; qu’il résulte des pièces qu’elle produit aux débats qu’elle a communiqué au Médiateur de l’assurance des comptes-rendus médicaux faisant état de l’antériorité de son affection ; que s’il l’estimait utile à la solution du litige, le Tribunal ne manquerait de demander à Madame [Z] de produire ces pièces dans le cadre de la procédure ;
– que si Mme [Z] fait état d’un questionnaire médical manuscrit et du fait que le conseiller de l’Assurance n’aurait pas repris en informatique la déclaration relative au fibrome, la preuve n’est est pas rapportée au regard de la même date du 06 septembre 2019 portée sur la proposition d’assurance et le questionnaire médical détaillé ;
– que Mme [Z] doit assumer les conséquences de l’omission qu’elle a volontairement faite de sorte que c’est à bon droit que l’assureur a refusé de mobiliser les garanties ce qui conduira le tribunal à débouter Mme [Z] de ses demandes de paiement au titre des indemnités journalières et de la rente d’invalidité ;
– que le caractère intentionnel de cette absence de déclaration est établi par la proximité entre la radiographie passée par Mme [Z] en mars 2019 et la rédaction du questionnaire de santé en septembre 2019 ;
– que la société MAAF ASSURANCES rappelle que le questionnaire médical mentionnait expressément que toute fausse déclaration, toute réticence de nature à atténuer l’importance du risque, était susceptible d’entraîner l’annulation du contrat d’assurance ; qu’ainsi en omettant volontairement de déclarer à l’assureur une pathologie dont elle se savait atteinte, Mme [Z] l’a privé de la possibilité d’apprécier correctement l’aléa inhérent à tout contrat de risque ; qu’ainsi la défenderesse n’a pas été en mesure de se faire une juste opinion du risque de réalisation du sinistre en cours d’exécution du contrat ;
– qu’il apparaît que la SA MAAF ASSURANCES, consciente de la gravité de la sanction résultant de la nullité, justifie avoir, à titre exceptionnel, recherché le compromis avec une ancienne assurée en lui proposant un avenant qu’elle a refusé de signer ;
-que si Mme [Z] fait valoir que le courrier du 28 février 2023 évoque une résiliation et non une nullité de sorte que la compagnie d’assurance ne saurait se contredire au détriment d’autrui, il doit être observé que dans des écritures précédent les dernières, la demanderesse faisait expressément référence à la nullité du contrat ; que de manière amiable, l’assureur a proposé à sa cliente le maintien du contrat avec une exclusion du risque non déclaré ; que dès lors que cette proposition a été refusée, l’assureur est en droit de se prévaloir de la nullité de doit de l’article L. 113-8 du code des assurances ; qu’ainsi Mme [Z] ne peut prétendre l’ignorance de ce que l’assureur entendait se prévaloir de la nullité du contrat du fait de sa fausse déclaration ;
– que si Mme [Z] soutient sur l’article L. 113-4 du code des assurances que la SA MAAF ASSURANCES aurait renoncé à la nullité en continuant à percevoir des cotisations d’assurance postérieurement au sinistre déclaré, une telle disposition n’a pas vocation à s’appliquer puisqu’elle vise les hypothèses d’aggravation en cours de contrat ; que tel n’est pas le cas en l’espèce ;
– qu’à titre superfétatoire Mme [Z] ne démontre nullement que sa pathologie médicale en lien avec l’arrêt de travail du 24 août 2020 ait induit un arrêt de travail de plus de trois ans ni de passage en rente ;
– que si Mme [Z] soulève de manière très laconique et sans développer ce moyen que la société MAAF ASSURANCES serait prescrite, au visa de l’article L. 113-8 du Code des assurances, à soulever la nullité du contrat d’assurance, si la prescription atteint le droit de demander la nullité du contrat quand il est exercé par voie d’action, il n’en est pas de même quand on se prévaut de la nullité pour résister à une action, que la compagnie s’est prévalue de la nullité du contrat largement dans le délai de l’article L. 114-1 du Code des assurance, celle-ci n’aurait été prescrite en sa demande uniquement si elle avait elle-même engagé l’action à l’encontre de Madame [Z] sur ce fondement postérieurement à l’expiration de ce délai ; qu’elle la défenderesse est donc parfaitement recevable à opposer à Madame [Z] la nullité du contrat d’assurances ;
– que le contrat étant nul et de nul effet aux torts exclusifs de Mme [Z], cette dernière n’est pas fondée à se prévaloir des articles L. 113-12 du code des assurances relatifs à la résiliation des contrats ; que l’article R. 113-10 du même code est également inopérant ;
– que Mme [Z] n’est pas fondée à solliciter le remboursement des cotisations réglées pour les années 2020 à 2023 sachant que pour 2020, les primes payées demeurent acquises (article L. 113-8 alinéa 2 du code des assurances), que les années 2021 et 2022 Mme [Z] n’a pas fait opposition au maintien des garanties et que pour 2023 les cotisations prélevées ont été remboursées, ce que la demanderesse reconnaît ; que Mme [Z] sera déboutée de ce chef ;
– que la demande de dommages et intérêts formée par Mme [Z] sera rejetée dès lors que dans la présent litige sa mauvaise foi est caractérisée ; qu’en outre le préjudice moral et financier allégué n’est justifié ni dans son principe ni dans son quantum.
Chaque des parties a formé une demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
IV MOTIVATION DU JUGEMENT
1°) SUR LA RESILIATION DU CONTRAT D’ASSURANCE
Selon l’article L. 113-12 du Code des assurances prévoit que : (…) « Dans les autres cas, l’assureur peut résilier le contrat à l’expiration d’un délai d’un an, à la condition d’envoyer une lettre recommandée à l’assuré au moins deux mois avant la date d’échéance du contrat. / Il peut être dérogé à ces règles de résiliation annuelle pour les contrats individuels d’assurance maladie et pour la couverture des risques autres que ceux des particuliers. / Le délai de résiliation court à partir de la date figurant sur le cachet de la poste ou de la date d’expédition de la notification ».
L’alinéa 1er de l’article R.113-10 du même code dispose que « Dans le cas où une police prévoit pour l’assureur la faculté de résilier le contrat après sinistre, la résiliation ne peut prendre effet qu’à l’expiration d’un délai d’un mois à dater de la notification à l’assuré. L’assureur qui, passé le délai d’un mois après qu’il a eu connaissance du sinistre, a accepté le paiement d’une prime ou cotisation ou d’une fraction de prime ou cotisation correspondant à une période d’assurance ayant débuté postérieurement au sinistre ne peut plus se prévaloir de ce sinistre pour résilier le contrat ».
En l’espèce, il ressort des conditions particulières ASSURANCE PREVOYANCE – ASSURANCE PERTE DE REVENUS, que lui a transmises la SA MAAF ASSURANCES, le 06 septembre 2019, que Mme [T] [Z] a souscrit un contrat n° IJP 008-06/2019 à effet de la même date.
Il ne fait pas litige que le 04 septembre 2020 Mme [Z] a communiqué à son assurance une déclaration d’arrêt de l’activité professionnelle.
Il ressort d’un courrier de l’assurance du 03 décembre 2020 que celle-ci, qui avait connaissance des arrêts de travail, a refusé de régler une quelconque indemnité à Mme [Z].
Mme [Z] produit le courrier de résiliation contractuelle de la SA MAAF ASSURANCES daté du 28 février 2023 qui est libellé comme suit :
« Chère cliente,
Nous vous adressons les conditions particulières correspondant à la résiliation de votre contrat d’assurance perte de revenus, référencé réf. IJP.008-06/2019.
Votre contrat référencé ci-dessus et souscrit au nom de Mlle [T] [Z], né(e) le [Date naissance 3]/1967, est résilié à compter du 31/12/2022.
Cette opération se solde par un crédit de 308,53 € pour la période du 31/12/2022 au 31/12/2023. »
S’il ressort de la clause de résiliation figurant en page 16 des conditions générales du contrat d’assurance que l’assureur peut résilier le contrat dans cinq cas qui sont énoncés, la lettre de résiliation, qui est dénuée de tout motif, n’en vise aucun.
L’article L113-12-1 du code des assurances impose à l’assureur de motiver sa décision de résilier le contrat, lorsque celui-ci couvre une personne physique en dehors de son activité professionnelle ce qui ne saurait être le cas en l’espèce pour une assurance perte de revenus dont l’objet est de garantir à l’assurée en tant qu’exerçant la profession d’employée de commerce un complément de revenus en cas d’arrêt de travail ou d’invalidité consécutifs à un accident ou une maladie.
Cependant, il s’avère que, même en retenant la date du 03 décembre 2020, comme étant celle de la connaissance du sinistre par l’assureur, la SA MAAF ASSURANCES a accepté le paiement des cotisations par l’assurée durant les années 2020, 2021, 2022 et ce jusqu’au 10 mars 2023 ce qui résulte de la copie écran des prélèvements pour le contrat de la cause (pièce n°4 de la société d’assurance), de tels paiements correspondant à une période d’assurance ayant débuté postérieurement au sinistre.
Il résulte ainsi des dispositions rappelées ci-avant, qu’en tout état de cause, et nonobstant la nullité invoquée par la SA MAAF ASSURANCES à titre reconventionnel, qui ne saurait se confondre avec une résiliation contractuelle, cette dernier ne peut pas être motivée par la réalisation du sinistre si l’assureur a accepté le paiement, dans les mêmes conditions, des cotisations pour la période postérieure audit sinistre comme en l’espèce.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal judiciaire, Première Chambre civile, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort, par mise à disposition au greffe,
JUGE que la résiliation n’est pas opposable à l’assurée de sorte que le contrat n° IJP 008-06/2019 à effet du 06 septembre 2019 n’a pas été résilié le 28 février 2023 ;
DEBOUTE la SA MAAF ASSURANCES de sa demande de nullité du contrat d’assurance ;
EN CONSEQUENCE,
CONDAMNE la SA MAAF ASSURANCES prise en la personne de son représentant légal à régler à Mme [T] [Z] la somme de 19.688,00€ au titre des indemnités journalières dues en exécution du contrat d’assurance du 22 novembre 2020 au 22 novembre 2023 outre intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2023 ;
CONDAMNE la SA MAAF ASSURANCES prise en la personne de son représentant légal à compter du 23 novembre 2023 à régler à Mme [T] [Z] une rente annuelle de 6570 € payable d’avance à échéance mensuelle et ce, jusqu’à la date de la liquidation des droits de l’assurée à la retraite dans le cadre de son régime obligatoire sans que cette dernière puisse excéder les 65 ans de l’assurée, par différence de millésime ;
DIT ET JUGE que ladite rente annuelle sera revalorisée annuellement en exécution du contrat d’assurance Perte de Revenus ;
CONDAMNE la SA MAAF ASSURANCES prise en la personne de son représentant légal à régler à Mme [T] [Z] la somme totale de 774,13 € en remboursement des titres des cotisations d’assurance indues pour les années 2020, 2021 et 2022 ;
CONDAMNE la SA MAAF ASSURANCES prise en la personne de son représentant légal à régler à Mme [T] [Z] la somme de 1000€ en réparation de son préjudice moral ;
DIT ET JUGE que les intérêts échus des capitaux pour les condamnations prononcées par le présent jugement peuvent produire des intérêts pourvu qu’il s’agisse d’intérêts dus au moins pour une année entière en application de l’article 1343-2 du code civil ;
CONDAMNE la SA MAAF ASSURANCES prise en la personne de son représentant légal aux dépens ainsi qu’à régler à Mme [T] [Z] la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE la SA MAAF ASSURANCES prise en la personne de son représentant légal de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
RAPPELLE que l’exécution provisoire du présent jugement est de droit.
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 16 janvier 2025 par Monsieur Michel ALBAGLY, Premier Vice-Président, assisté de Madame Caroline LOMONT, Greffier.
Le Greffier Le Président
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