Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Riom
Thématique : Prolongation exceptionnelle de la période d’observation en raison d’une situation financière évolutive.
→ RésuméOuverture de la procédure de redressement judiciaireLe tribunal judiciaire de Moulins a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de Mme [U], éleveuse de chiens, le 29 juin 2023, suite à une assignation de la MSA. La SELARL MJ de l'[Localité 4] a été désignée comme mandataire judiciaire, et la date de cessation des paiements a été fixée au jour du jugement. Passage à la liquidation judiciaireLe 28 juin 2024, le tribunal a déclaré que la situation financière de Mme [U] rendait le redressement manifestement impossible, ordonnant ainsi l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire. La même SELARL MJ a été désignée comme liquidateur judiciaire. Appels de Mme [U]Mme [U] a interjeté appel du jugement de liquidation le 22 juillet 2024, suivi d’un second appel le 12 août 2024. Les deux affaires ont été jointes sous le numéro 24/1218. Demandes de Mme [U]Dans ses conclusions notifiées le 21 novembre 2024, Mme [U] a demandé l’annulation du jugement pour violation du principe du contradictoire et manquement à l’impartialité. Elle a également sollicité l’infirmation du jugement et une période d’observation exceptionnelle de six mois. Arguments de Mme [U]Mme [U] a soutenu qu’elle n’avait pas pu se présenter à l’audience en raison d’une mise à bas difficile de l’une de ses chiennes, ce qui constitue, selon elle, un cas de force majeure. Elle a également affirmé ne pas avoir eu connaissance de l’avis du ministère public et a critiqué le manque d’objectivité du tribunal. Réponse du liquidateur judiciaireLa SELARL MJ de l'[Localité 4] a demandé la confirmation du jugement et a réclamé une indemnité de 3 000 euros à Mme [U]. Elle a soutenu que le tribunal avait respecté le principe du contradictoire et que la débitrice avait été dûment convoquée. Position du ministère publicLe ministère public a demandé l’annulation du jugement, arguant que l’avis du parquet n’avait pas été recueilli avant la décision. Il a également exprimé son soutien à une prolongation exceptionnelle de la période d’observation. Motivations de la cour d’appelLa cour a constaté un manquement à l’objectivité et à l’impartialité du tribunal, ainsi qu’une absence de preuve du recueil de l’avis du ministère public, entraînant la nullité du jugement. Elle a également noté que Mme [U] n’avait pas démontré que son absence à l’audience était due à un cas de force majeure. Prolongation de la période d’observationLa cour a ordonné une prolongation exceptionnelle de la période d’observation de six mois, considérant que le redressement de Mme [U] n’était pas manifestement impossible. Elle a souligné que l’homologation d’un plan de redressement dépendrait de la collaboration de Mme [U] avec le mandataire judiciaire. Décision finaleLa cour a prononcé la nullité du jugement critiqué, ordonné la prolongation de la période d’observation, et débouté le liquidateur de sa demande d’indemnité. Les dépens ont été tirés en frais privilégiés de procédure collective. |
COUR D’APPEL
DE [Localité 10]
Troisième chambre civile et commerciale
ARRET N°
DU : 15 Janvier 2025
N° RG 24/01218 – N° Portalis DBVU-V-B7I-GG4A
ADV
Arrêt rendu le quinze Janvier deux mille vingt cinq
décision dont appel : Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 8], décision attaquée en date du 28 Juin 2024, enregistrée sous le n° 23/00263
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre
Mme Sophie NOIR, Conseiller
Madame Anne Céline BERGER, Conseiller
En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l’appel des causes et du prononcé
ENTRE :
Mme [J] [U]
[Adresse 6]
[Localité 2]
Représentant : Me Aurélie SOLEILHAVOUP, avocat au barreau de CUSSET/VICHY
APPELANTE
ET :
La société MJ DE L'[Localité 4] représentée par Me [E] [B]
SELARL à associé unique immatriculée au RCS de [Localité 5] sous le n° 834 285 744 00027
[Adresse 3]
[Adresse 9]
[Localité 1]
agissant ès-qualités de liquidateur judiciaire de l’activité d’éleveuse de chiens de Madame [J] [U], [Adresse 7]
désignée à ces fonctions par jugement du tribunal judiciaire de MOULINS en date du 28 juin 2024
Représentant : Me Elise BAYET de la SCP LALOY – BAYET, avocat au barreau de CUSSET/VICHY
INTIMÉE
notif parties + MP
En présence de Monsieur Tristan BOFFARD, Substitut Général
DEBATS : A l’audience publique du 04 Décembre 2024 Madame DUBLED-VACHERON a fait le rapport oral de l’affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l’article 804 du CPC. La Cour a mis l’affaire en délibéré au 15 janvier 2025.
ARRET :
Prononcé publiquement le 15 Janvier 2025, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu l’avis écrit du ministère public en date du 01 octobre 2024 reçu au greffe de la 3ème chambre civile et commerciale le 07 octobre 2024 par courriel, dûment communiqué le même jour par la communication électronique, aux parties qui ont eu la possibilité d’y répondre ultérieurement ;
Par jugement du 29 juin 2023, le tribunal judiciaire de Moulins a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de Mme [J] [U], éleveuse de chiens, sur assignation de la MSA. La SELARL MJ de l'[Localité 4] a été désignée en qualité de mandataire judiciaire. Le tribunal a fixé provisoirement la date de cessation des paiements au jour du jugement.
Par jugement du 28 juin 2024, le tribunal judiciaire a jugé que la situation de Mme [U] rendait un redressement manifestement impossible et ordonné l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire.
La SELARL MJ de l'[Localité 4] a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire.
Mme [U] a relevé appel de ce jugement le 22 juillet 2024. L’affaire a été enregistrée sous le N° 24/1218.
Mme [U] a ensuite relevé appel de cette décision le 12 août 2024. L’affaire a été enregistrée sous le N° RG 24/1359.
Les deux dossiers ont fait l’objet d’une jonction sous le N° 24/1218.
Aux termes de conclusions récapitulatives notifiées le 21 novembre 2024, Mme [U] demande à la cour d’annuler le jugement pour violation du principe du contradictoire, et manquement à l’obligation d’objectivité et d’impartialité.
A défaut :
-d’infirmer le jugement
-de dire n’y avoir lieu à liquidation judiciaire
A titre subsidiaire,
-d’octroyer une période d’observation exceptionnelle d’une durée de 6 mois et en tout état de cause de débouter le liquidateur de ses demandes, notamment sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Mme [U] fait valoir :
1-Sur l’annulation du jugement
-Qu’elle ne s’est pas présentée à l’audience au cours de laquelle était abordée la demande de liquidation en raison d’une mise à bas de l’une de ses chiennes qui se passait mal ; que le jugement a donc été rendu en son absence alors qu’elle était retenue pour un cas de force majeure ;
-Qu’elle n’a pas eu connaissance de l’avis du ministère public qui ne figure pas au jugement ;
-Que la loyauté aurait dû imposer au mandataire comme au tribunal de chercher à la joindre ;
-Que de ce fait elle n’a pas eu connaissance du rapport du juge commissaire ce qui entraîne une violation du contradictoire ;
-Que la motivation du jugement révèle un manquement à l’objectivité et à l’impartialité du tribunal.
2- Sur la liquidation :
-Que la liquidation judiciaire a été prononcée sans analyse de sa situation financière qui s’est pourtant nettement améliorée ; que ses recettes sont supérieures à ses charges ;
-Que la dette envers la MSA est passée de 42 000 euros à 25 000 euros ;
-Qu’elle justifie d’un solde de compte bancaire positif.
Par conclusions notifiées le 20 novembre 2024, la SELARL MJ de l'[Localité 4] ès-qualités sollicite la confirmation du jugement rendu et la condamnation de Mme [U] à régler une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle explique que le tribunal n’a aucunement violé le principe du contradictoire ou manqué à son devoir d’impartialité ; qu’il s’est contenté de constater que la débitrice avait été dûment convoquée ; qu’elle n’avait par aucun moyen déposé une demande aux fins de prolongation exceptionnelle de la période d’observation et qu’au regard des constats faits par le mandataire un plan de redressement n’apparaissait pas viable.
Elle précise avoir de son côté invité Mme [U] à lui adresser tous documents utiles permettant d’avoir un avis éclairé sur sa situation.
S’agissant du ministère public, le liquidateur précise que ce dernier était présent à l’audience et a pu régulièrement présenter ses observations dans le cadre de l’audience. Il cite à l’appui de son propos les motivations de l’ordonnance rendue le 7 novembre 2024 par le premier président de la cour d’appel de Riom statuant sur la demande d’arrêt de l’exécution provisoire, qui rappelle que l’oralité de la procédure imposant aux parties de comparaître ou de se faire représenter, la partie non comparante ne peut se prévaloir d’un défaut de communication.
Sur la demande de réformation, et au visa des dispositions de l’article L 631-15 du code de commerce, la SELARL MJ de l'[Localité 4] observe que le tribunal a ouvert une procédure de liquidation judiciaire en tenant compte de la fin de la période d’observation fixée au 29 juin 2024. Aucun projet de plan n’avait été présenté qui aurait pu être notifié aux créanciers dans les délais et aucune requête en prolongation exceptionnelle de la période d’observation n’a été présentée.
S’agissant du passif, le liquidateur fait observer que la créance de la MSA n’a diminué que postérieurement à l’ouverture de la liquidation judiciaire. Cette créance procède de taxations d’office puisque Mme [U] n’avait pas transmis de déclarations à la MSA depuis 2017. Le passif ne pouvait donc pas être moindre le jour de l’audience.
Il considère que le document intitulé « plan de redressement » produit à hauteur de cour est un document qui présente des pistes de travail hypothétiques sans travail comptable précis et sans prévisionnel comptable sérieux.
Par conclusions notifiées le 7 octobre 2024, le Ministère Public demande à la cour de faire droit à la demande d’annulation du jugement dès lors qu’il n’est pas établi à la lecture du jugement que la juridiction ait obtenu l’avis du parquet avant de statuer.
Il se déclare au besoin favorable à une prolongation exceptionnelle de la période d’observation.
Il sera renvoyé aux écritures des parties pour plus ample exposé des moyens développés au soutien de leurs prétentions.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 21 novembre 2024.
Motivation :
I-Sur la demande d’annulation du jugement :
*Sur le manquement à l’objectivité et l’impartialité du tribunal :
Par jugement du 28 décembre 2023, le tribunal judiciaire a renouvelé la période d’observation pour une durée de 6 mois (soit jusqu’au 29 juin 2024) et ordonné le rappel de l’affaire à l’audience du 6 juin 2024. Il est mentionné dans cette décision qu’une période d’observation a été ouverte pour une durée maximale de 6 mois qui peut être renouvelée une fois, pour une durée maximale de 6 mois par décision motivée à la demande de l’administrateur, du débiteur ou du ministère public.
Mme [U] savait donc depuis plusieurs mois que l’échéance du 6 juin 2024 était essentielle et était à même de s’organiser pour être, en toutes hypothèses, présente ou représentée. La mise à bas d’une de ses chiennes ne constitue pas un élément imprévisible ou irrésistible caractéristique de la force majeure et Mme [U] ne peut faire supporter sa propre carence au tribunal ou au mandataire, sous couvert d’un manque d’impartialité ou d’objectivité qu’elle ne démontre pas, alors qu’elle n’a pas prévenu le tribunal de son absence ni déposé de requête aux fins de prolongation exceptionnelle de la période d’observation.
*Sur le respect du contradictoire :
Mme [U] fait grief au tribunal de ne pas avoir renvoyé l’affaire et de ne pas avoir recueilli l’avis du ministère public.
La procédure étant une procédure orale, le contradictoire s’exerce à l’audience. Mme [U] ne peut donc reprocher au ministère public ou au tribunal de ne pas avoir communiqué préalablement à l’audience, l’avis du ministère public ou le rapport du juge commissaire qui peut être un rapport oral.
L’article L 631-15 du code de commerce au visa duquel le tribunal a statué, prévoit que : « Au plus tard au terme d’un délai de deux mois à compter du jugement d’ouverture, le tribunal ordonne la poursuite de la période d’observation s’il lui apparaît que le débiteur dispose à cette fin de capacités de financement suffisantes. Toutefois, lorsque le débiteur exerce une activité agricole, ce délai peut être modifié en fonction de l’année culturale en cours et des usages spécifiques aux productions de cette exploitation.
Le tribunal se prononce au vu d’un rapport, établi par l’administrateur ou, lorsqu’il n’en a pas été désigné, par le débiteur.
Par ces motifs :
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Prononce la nullité du jugement critiqué ;
Y ajoutant,
Ordonne une prolongation exceptionnelle de la période d’observation pour une période de 6 mois à compter du présent arrêt ;
Rappelle qu’en application des dispositions de l’article L661-9 du code de procédure civile, la période d’observation a été prolongée jusqu’à l’arrêt ;
Déboute la SELARL MJ de l'[Localité 4] ès qualités de liquidateur de Mme [U] de la demande présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Dit que les dépens seront tirés en frais privilégiés de procédure collective.
Le greffier, La présidente,
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