Reconnaissance de la responsabilité employeur face à l’exposition professionnelle aux risques sanitaires

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Reconnaissance de la responsabilité employeur face à l’exposition professionnelle aux risques sanitaires

L’Essentiel : Monsieur [S] [G] a travaillé pour la société [10] de 1972 à 2000, où il a été exposé à des substances dangereuses comme l’amiante. En février 2018, il a déclaré une maladie professionnelle, diagnostiquée comme un cancer de la vessie et du rein. En juillet 2021, il a engagé une action en justice pour faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur. Malgré des preuves fournies, le tribunal a jugé son recours recevable mais mal fondé, rejetant ses demandes d’indemnités, estimant que la faute inexcusable n’était pas établie.

Contexte Professionnel de Monsieur [S] [G]

Monsieur [S] [G] a été employé par la société [10] de 1972 à 2000, occupant divers postes allant d’aide-ouvrier à contremaître principal/technicien d’affaires. Au cours de sa carrière, il a été exposé à des substances potentiellement dangereuses, notamment l’amiante et le trichloréthylène.

Déclaration de Maladie Professionnelle

Le 19 février 2018, Monsieur [S] [G] a déclaré une maladie professionnelle, diagnostiquée par deux certificats médicaux établis le 7 février 2018, révélant un cancer de la vessie et un cancer du rein.

Action en Justice

Par l’intermédiaire de son avocat, il a saisi le tribunal le 15 juillet 2021, demandant la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur en lien avec ses maladies. Une audience de mise en état a été programmée pour le 29 mai 2024, suivie d’une audience de plaidoirie prévue pour le 20 novembre 2024.

Demandes de Monsieur [S] [G]

Monsieur [S] [G] a demandé au tribunal de déclarer son action recevable et de reconnaître la faute inexcusable de son employeur. Il a également sollicité des indemnités pour divers préjudices, incluant des montants spécifiques pour la souffrance physique, le préjudice moral, et d’autres formes de compensation.

Arguments de la Société [10]

La société [10] a contesté la faute inexcusable, affirmant qu’aucune preuve d’une exposition habituelle à l’amiante n’avait été établie et que les seuils d’exposition n’avaient pas été dépassés. Elle a également souligné que les maladies de Monsieur [S] [G] ne figuraient pas parmi celles reconnues comme liées à l’amiante.

Éléments de Preuve Présentés

Monsieur [S] [G] a fourni divers documents, y compris des certificats médicaux, des attestations de collègues, et un avis du CRRMP, qui établissent un lien entre son exposition professionnelle et ses maladies. Cependant, la société a mis en avant que les témoins n’avaient pas travaillé directement avec lui.

Conscience du Risque par l’Employeur

La société [10] a soutenu qu’elle n’avait pas eu conscience des risques liés au trichloréthylène avant 2012, malgré sa classification comme cancérogène probable en 1995. Elle a également mentionné avoir mis en place des mesures de protection dès 1961.

Décision du Tribunal

Le tribunal a déclaré le recours de Monsieur [S] [G] recevable mais mal fondé, rejetant toutes ses demandes. Il a conclu que la faute inexcusable de l’employeur n’était pas établie, laissant les dépens à la charge de Monsieur [S] [G].

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la recevabilité de l’action de Monsieur [S] [G] ?

La recevabilité de l’action de Monsieur [S] [G] n’est pas contestée par les parties.

En vertu de l’article 122 du Code de procédure civile, toute personne a le droit d’agir en justice pour défendre ses droits.

Ainsi, le tribunal a déclaré le recours de Monsieur [S] [G] recevable, car il a respecté les délais et les formes prescrites par la loi.

Il est important de noter que la recevabilité ne préjuge pas du fond de l’affaire, qui sera examiné ultérieurement.

Quelles sont les conditions de la faute inexcusable de l’employeur selon le Code de la sécurité sociale ?

La faute inexcusable de l’employeur est définie par l’article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale.

Cet article stipule que l’employeur est tenu d’une obligation de sécurité de résultat envers ses salariés.

Le manquement à cette obligation constitue une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

Il est indifférent que la faute inexcusable soit la cause déterminante de la maladie ; il suffit qu’elle en soit la cause nécessaire.

Comment prouver l’imputabilité de la maladie à l’activité professionnelle ?

Pour établir l’imputabilité de la maladie à l’activité professionnelle, le salarié doit prouver de manière circonstanciée l’exposition au risque au sein de l’entreprise.

La jurisprudence exige que l’exposition soit habituelle et non pas simplement occasionnelle.

Monsieur [S] [G] a produit plusieurs éléments, tels que des certificats médicaux, une déclaration de maladie professionnelle, et des attestations de collègues, pour prouver son exposition à des substances cancérogènes.

Cependant, l’employeur conteste cette exposition, arguant que les mesures d’empoussièrement n’ont pas révélé de dépassements des seuils d’exposition.

Quelles sont les implications de la conscience du risque pour l’employeur ?

La conscience du risque est un élément clé pour établir la faute inexcusable de l’employeur.

Selon l’article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, l’employeur doit avoir eu ou aurait dû avoir conscience du danger.

Dans ce cas, la société [10] a soutenu qu’elle ne pouvait pas être tenue responsable, car le trichloréthylène n’était classé comme cancérogène qu’à partir de 1995, et que les mesures de protection avaient été mises en place dès 1961.

Le tribunal a conclu qu’il n’y avait pas de preuve suffisante de la conscience du danger par l’employeur, ce qui a conduit à rejeter la demande de Monsieur [S] [G].

Quelles sont les conséquences de la décision sur les demandes d’indemnisation ?

La décision du tribunal a des conséquences directes sur les demandes d’indemnisation formulées par Monsieur [S] [G].

En l’absence de reconnaissance de la faute inexcusable, toutes les demandes d’indemnisation, y compris celles fondées sur l’article 700 du Code de procédure civile, ont été rejetées.

Cela signifie que Monsieur [S] [G] ne recevra aucune compensation pour les préjudices allégués, tels que la souffrance physique, le préjudice moral, ou l’assistance par tierce personne.

Les dépens ont également été mis à la charge de Monsieur [S] [G], qui a succombé dans ses demandes.

REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[Localité 1]

JUGEMENT N°25/00146 du 16 Janvier 2025

Numéro de recours: N° RG 21/01930 – N° Portalis DBW3-W-B7F-ZA6W

AFFAIRE :
DEMANDEUR
Monsieur [S] [G]
né le 07 Mars 1947 à [Localité 11] (AIN)
[Adresse 6]
[Localité 2]
comparant en personne assisté de Me Elisabeth LEROUX, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Jean BERNARDOT, avocat au barreau de MARSEILLE

c/ DEFENDERESSE
S.A. [10]
[Adresse 4]
[Localité 7]
représentée par Me Velen SOOBEN, avocat au barreau de MARSEILLE

Appelée en la cause:
Organisme [8]
[Adresse 3]
[Localité 5]
dispensée de comparaître

DÉBATS : À l’audience publique du 20 Novembre 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : GOSSELIN Patrick, Vice-Président

Assesseurs : PESCE-CASTELLA Catherine
LOZIER Michaël

L’agent du greffe lors des débats : MULLERI Cindy

À l’issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 16 Janvier 2025

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [S] [G] a travaillé au sein de la société [10] en qualité d’aide-ouvrier, ouvrier professionnel mécanicien 2ème degré, ouvrier professionnel 2ème degré soudeur, agent technique chaudronnier soudeur, technicien d’entretien, chef d’équipe mécanicien, contremaître puis contremaître principal/technicien d’affaires de 1972 à 2000.

Il a effectué une déclaration de maladie professionnelle le 19 février 2018 sur la base de deux certificats médicaux initiaux établis le 7 février 2018 ayant diagnostiqué un cancer de la vessie et un cancer du rein.

Par lettre recommandée avec accusé de réception expédiée le 15 juillet 2021, Monsieur [S] [G] a, par l’intermédiaire de son conseil, saisi ce tribunal pour voir reconnaître que les maladies professionnelles dont il souffre sont imputables à la faute inexcusable de son employeur, la société [10].

Les parties ont été convoquées à une audience dématérialisée de mise en état le 29 mai 2024, date à laquelle un calendrier de procédure a été établi, avant clôture de la procédure avec effet différé au 6 novembre 2024 et fixation à l’audience de plaidoirie du 20 novembre 2024.

Reprenant oralement ses dernières conclusions, le conseil de Monsieur [S] [G] sollicite du tribunal de :
déclarer son action recevable et non prescrite ;dire et juger que les maladies dont il est atteint sont la conséquence de la faute inexcusable de son employeur, la société [10] ([10]) ;En conséquence :
fixer au maximum légal la majoration de la rente qui lui sera notifiée, et ce quel que soit le taux d’incapacité permanente partielle dont elle suivra l’évolution ;fixer l’indemnisation des préjudices extrapatrimoniaux selon les modalités suivantes :réparation du déficit fonctionnel temporaire : 25.010 euros ;réparation de sa souffrance physique : 80.000 euros ;réparation de son préjudice moral : 80.000 euros ;réparation de son préjudice d’agrément : 80.000 euros ;réparation de son préjudice esthétique permanent et temporaire : 20.000 euros ;réparation de l’assistance par tierce personne : 41.796 euros ;réparation du préjudice sexuel : 20.000 euros ;réparation du déficit fonctionnel permanent :122.100 euros ;ordonner au défendeur de lui verser la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
Au soutien de son recours, Monsieur [S] [G] expose que dans le cadre de l’exercice de sa profession, il a été régulièrement exposé notamment à l’amiante et au trichloréthylène. Tout en rappelant l’historique de la réglementation et les dates de création des tableaux de maladies professionnelles en lien avec l’exposition à l’inhalation aux poussières d’amiante, il souligne que le décret du 17 août 1977 a instauré un dispositif de contrôle de l’atmosphère et de protection des salariés. Il relève que l’inhalation de poussières d’amiante est tout aussi dangereuse quel que soit le mode de contact et soutient que l’employeur n’a pas fait preuve de la vigilance nécessaire, aucun équipement de protection individuelle n’ayant été mis à sa disposition, et que ses collègues de travail attestent de son exposition à l’inhalation de poussières d’amiante. Il fait par ailleurs valoir que dès le début du siècle, des textes avaient vocation à s’appliquer aux substances chimiques comme le trichloréthylène, qui auraient dû alerter l’employeur sur les risques inhérents à l’inhalation de ce produit. Il ajoute que le tableau n° 12 des maladies professionnelles relatif aux affections provoquées par les hydrocarbures aliphatiques halogénés, dont le trichloréthylène, a été créé, ainsi que le tableau n° 3 des maladies professionnelles relatif aux intoxications professionnelles par le tétrachloréthane. Il fait également valoir que des études et recherches identifiant le risque d’inhalation des substances dangereuses, notamment du trichloréthylène, étaient publiées. Il précise enfin que plusieurs études ont pris en compte le risque de cancer du rein.

Reprenant ses conclusions, la société [10], par l’intermédiaire de son conseil, demande au tribunal de :
À titre principal :
juger qu’elle n’a commis aucune faute inexcusable ;débouter Monsieur [S] [G] de l’intégralité de ses demandes et le condamner aux entiers dépens ;À titre subsidiaire :
Dans l’hypothèse où le tribunal admettrait l’existence d’une faute inexcusable de l’employeur, débouter Monsieur [S] [G] de ses demandes indemnitaires et désigner tel expert qu’il plaira au tribunal pour évaluer les différents préjudices invoqués par Monsieur [S] [G] à savoir :
souffrance physique ;souffrance morale ;préjudice d’agrément ;préjudice esthétique.En ce cas, réserver les dépens.

Au soutien de ses prétentions, la société [10] fait valoir qu’avant 1977, aucune règlementation n’existait concernant l’amiante hormis les cas des entreprises dont l’activité était l’extraction et le tissage de l’amiante. Elle considère qu’il n’est pas démontré que Monsieur [S] [G] ait eu à intervenir de manière habituelle dans un environnement de travail présentant de l’amiante à l’air libre dans l’atmosphère ni que les seuils d’exposition aient été dépassés, précisant que l’existence d’une exposition fautive doit s’apprécier au regard des valeurs limites d’exposition en vigueur durant la période de travail concernée. Elle relève que les mesures d’empoussièrement n’ont pas fait apparaître de dépassements des seuils susceptibles d’entraîner une exposition fautive. Elle ajoute que parmi les pathologies liées à l’amiante, ne figurent ni le cancer de la vessie ni celui du rein, ce qui permet de douter de l’incidence d’une exposition éventuelle à l’amiante sur les maladies dont Monsieur [S] [G] est atteint. Elle fait en outre valoir que le trichloréthylène a été classé comme cancérogène probable par le centre international de recherche sur le cancer (CIRC) depuis 1995, et comme cancérogène certain depuis octobre 2012, l’inscription au tableau des maladies professionnelle étant intervenue en 2021 (tableau n° 101). Elle indique qu’il ne saurait lui être reproché d’avoir eu conscience d’un risque que les scientifiques et les médecins n’avaient pas identifié de manière certaine en 2012, avec une probabilité reconnue à partir de 1995. Elle ajoute que dans le procès-verbal d’audition menée par l’enquêteur de la caisse primaire, Monsieur [S] [G] a précisé que de 1995 à octobre 1999, il avait réduit son activité en qualité de contremaître principal dans la mesure où il consacrait environ 50 % de son temps à des tâches administratives, puis que d’octobre 1999 à son départ en retraite en août 2000, en qualité de technicien chargé d’affaire, il travaillait dans des bureaux. La société précise enfin avoir mis en place dès 1961 un mode opératoire en matière de protection contre le trichloréthylène et dès 1977 un mode opératoire en matière de protection contre le risque amiante. Elle indique qu’à la lecture du procès-verbal d’audition de Monsieur [S] [G], celui-ci reconnaît avoir disposé des équipements de protection individuelle suivants : tenue de travail, chaussures de sécurité, casque, gants, bouchons d’oreille ou casque antibruit, masque à poussière, masque à cartouche et lunettes de protection.

La [8] ([8]), dispensée de comparaître, s’en rapporte à l’appréciation du tribunal quant à la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé plus ample de leurs prétentions et leurs moyens.

L’affaire est mise en délibéré au 16 janvier 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité

La recevabilité du recours de Monsieur [S] [G] n’étant pas contestée par les parties, il y a lieu de le déclarer recevable.

Sur la faute inexcusable

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat ; le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable, au sens de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l’employeur ait été la cause déterminante de la maladie du salarié. Il suffit qu’elle en soit la cause nécessaire pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée, alors même que d’autres fautes auraient concouru au dommage.

Il incombe enfin au demandeur de rapporter la preuve que l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié et qu’il n’a pas pris les mesures pour l’en préserver.

Sur l’exposition professionnelle au risque

Le salarié doit établir de manière circonstanciée l’imputabilité de la maladie à son activité au sein d’une entreprise dénommée. Ainsi, s’il peut engager une action en recherche de la faute inexcusable contre l’un quelconque de ses employeurs, encore lui faut-il établir la réalité d’une exposition au risque au sein de cette entreprise.

Concernant l’exposition à l’amiante, la jurisprudence de la Cour de cassation a posé le principe que l’exposition doit être habituelle et non pas permanente et continue.

Monsieur [S] [G] produit notamment aux débats les éléments suivants :
les certificats médicaux initiaux en date du 7 février 2018 ;la déclaration de maladie professionnelle établie le 19 février 2018 indiquant les divers emplois occupés ;les notifications de prise en charge des deux maladies professionnelles (cancer de la vessie et cancer du rein) du 19 mars 2019 ;l’enquête administrative de la maladie professionnelle ;l’avis du CRRMP de [Localité 12] du 13 mars 2019 ;les attestations de ses filles, Madame [R] [G] et Madame [K] [Z] ;des comptes-rendus opératoires ainsi que son dossier médical ;les attestations de deux collègues de travail attestant de son exposition à différents produits cancérogènes notamment l’amiante et le trichloréthylène.
En l’espèce, Monsieur [S] [G] a travaillé au sein de la société [10] à compter du 1er juin 1972 et a occupé les postes suivants :
Au sein du Groupement régional de production hydraulique Méditerranée, sous-groupe Bas Durance :de juin 1972 à octobre 1975 : aide ouvrier ;de novembre 1975 à mars 1978 : ouvrier professionnel mécanicien 2ème degré ;d’avril 1978 à avril 1981 : ouvrier professionnel 2ème degré soudeur ;de mai 1981 à juin 1987 : agent technique chaudronnier soudeur ;de juillet 1987 à mars 1990 : technicien d’entretien ;d’avril 1990 à mars 1991 : chef d’équipe mécanicien ;Au sein d’Energie Méditerranée, groupe d’exploitation hydraulique Bas Durance :d’avril 1991 à novembre 1995 : contremaître ;de décembre 1995 à juillet 2000 : contremaître principal/ technicien d’affaires.
Monsieur [S] [G] expose que dans le cadre de l’exercice de sa profession, il a été exposé de manière directe à de nombreux produits cancérogènes, mutagènes et toxiques et notamment au trichloréthylène et à l’amiante, sans toutefois bénéficier de protection particulière.

Aux termes de son avis du 13 mars 2019, le CRRMP de la région de [Localité 12] a indiqué :
 » (…) L’intéressé procédait au démontage et nettoyage de pièces métalliques et au défonçage de métal ainsi qu’à des soudures et au meulage de pièces métalliques. Il utilisait des dégraissants et des huiles spécifiques. Il est non fumeur selon son médecin traitant.
Selon l’enquête administrative limitée aux seuls dires de l’intéressé, il utilisait des solvants à base de trichloréthylène et du white spirit. Il aurait aussi été exposé aux poussières de fer et aux fumées de soudure ainsi qu’à l’amiante.
Le trichloréthylène est reconnu comme cancérigène et facteur de risque pour les cancers du rein. Un lien direct et essentiel, semble possible.
En conséquence, le comité retient un lien direct et essentiel entre la pathologie déclarée et la profession exercée « .

L’employeur ne conteste pas expressément l’éventualité d’une exposition à l’amiante mais soutient qu’il n’est pas démontré que Monsieur [S] [G] ait eu à intervenir de manière habituelle dans un environnement de travail présentant de l’amiante à l’air libre dans l’atmosphère ni que les seuils d’exposition aient été dépassés, précisant que l’existence d’une exposition fautive doit s’apprécier au regard des valeurs limites d’exposition en vigueur durant la période de travail concernée.

Il relève que les mesures d’empoussièrement n’ont pas fait apparaître de dépassements des seuils susceptibles d’entrainer une exposition fautive.

Il ajoute que parmi les pathologies liées à l’amiante, ne figurent ni le cancer de la vessie ni celui du rein, ce qui permet de douter de l’incidence d’une exposition éventuelle à l’amiante sur les maladies dont Monsieur [S] [G] est atteint.

Monsieur [S] [G] produit les témoignages d’anciens collègues de travail afin de justifier de son exposition au trichloréthylène ainsi qu’à l’amiante.

Toutefois, il ressort que les témoins n’ont pas travaillé directement avec lui et ne peuvent dès lors décrire ses conditions de travail.

Il s’en suit que l’exposition habituelle à l’amiante n’est pas établie, étant néanmoins relevé que le CRMMP de la région de [Localité 12] dans son avis du 13 mars 2019 retient seulement une exposition au trichloréthylène.

Sur la conscience du risque

La société [10] qui admet la possibilité d’un risque d’exposition au trichloréthylène, fait valoir que le trichloréthylène a été classé comme cancérogène probable par le centre international de recherche sur le cancer depuis 1995, et comme cancérogène avéré depuis octobre 2012, l’inscription au tableau des maladies professionnelle étant intervenue en 2021 (tableau n° 101).

Elle indique qu’il ne saurait lui être reproché d’avoir eu conscience d’un risque que les scientifiques et les médecins n’avaient pas identifié de manière certaine en 2012, avec une simple probabilité reconnue à partir de 1995.

Elle ajoute que dans le procès-verbal d’audition menée par l’enquêteur de la caisse primaire, Monsieur [S] [G] a précisé qu’à partir 1995 jusqu’à octobre 1999, il avait réduit son activité en qualité de contremaître principal dans la mesure où il consacrait environ 50 % de son temps à des tâches administratives, puis que d’octobre 1999 à son départ en retraite en août 2000, en qualité de technicien chargé d’affaire, il travaillait uniquement dans des bureaux.

La société précise avoir mis en place dès 1961 un mode opératoire en matière de protection contre le trichloréthylène.

Elle indique qu’à la lecture du procès-verbal d’audition de Monsieur [S] [G], celui-ci reconnaît avoir disposé des équipements de protection individuelle suivants : tenue de travail, chaussures de sécurité, casque, gants, bouchons d’oreille ou casque antibruit, masque à poussière, masque à cartouche et lunettes de protection.

Il ressort des éléments versés aux débats que le tribunal ne peut déduire à partir des considérations générales tirées de l’énoncé des divers rapports scientifiques classiquement cités dans ce type de procédure la preuve exigible de la nécessaire conscience du danger pour cette entreprise, laquelle doit être caractérisée par des éléments objectifs.

Il sera relevé à juste titre que l’employeur pouvait penser que les mesures prises dès 1961 pour éviter les dangers du trichloréthylène étaient suffisantes dès lors que Monsieur [S] [G] disposait, contrairement à ce qu’il affirme aux termes de ses écritures, des équipements de protection individuelle tels que tenue de travail, chaussures de sécurité, casque, gants, bouchons d’oreille ou casque antibruit, masque à poussière, masque à cartouche et lunettes de protection dans le cadre de son activité professionnelle.

En l’état de ces éléments, et alors que le trichloréthylène a été classé comme cancérogène probable par le CIR en 1995 et, qu’aux termes de son procès-verbal d’audition du 12 novembre 2018, Monsieur [S] [G] a affirmé dès 1995 jusqu’à sa retraite en août 2000 n’avoir plus été exposé au trichloréthylène, il convient de considérer qu’en l’absence de démonstration concernant la conscience qu’aurait dû avoir la société [10] du danger existant en relation avec une exposition au trichloréthylène, la faute inexcusable reprochée à l’employeur n’est pas établie.

La faute inexcusable n’étant pas retenue, toutes les demandes y compris celles formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

Les dépens seront mis à la charge de Monsieur [S] [G] qui succombe.

PAR CES MOTIFS

Le pôle social, statuant après débats publics, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort :

DÉCLARE recevable mais mal-fondé le recours de Monsieur [S] [G] ;

DÉBOUTE Monsieur [S] [G] de l’intégralité de leurs demandes ;

LAISSE les dépens à la charge de Monsieur [S] [G] ;

DIT que tout appel de la présente décision doit, à peine de forclusion, être formé dans le délai d’un mois à compter de la réception de sa notification.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


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