Responsabilité professionnelle et prescription des demandes en matière de contentieux.

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Responsabilité professionnelle et prescription des demandes en matière de contentieux.

L’Essentiel : Monsieur [S] [D] a assigné Maître [Z] [K] en responsabilité en raison de fautes dans la gestion de ses dossiers liés à un licenciement survenu en 2010. Après plusieurs procédures, la cour d’appel a annulé ce licenciement en 2012, mais un second licenciement a été notifié en 2012, également annulé en 2020. Monsieur [D] reproche à Maître [K] des erreurs et a formulé de nouvelles demandes en mai 2023. La question de la prescription a été soulevée, le juge ayant déclaré certaines demandes irrecevables, tout en réservant d’autres pour une audience ultérieure.

Contexte de l’affaire

Monsieur [S] [D] a assigné Maître [Z] [K] en responsabilité le 24 octobre 2018, suite à un licenciement qu’il a subi de la part de la société [5] en 2010. Il avait mandaté Maître [K] pour l’assister dans une procédure prud’homale.

Évolution des procédures judiciaires

Après avoir été débouté par le conseil de prud’hommes de Montmorency en 2011, la cour d’appel de Versailles a annulé le licenciement en 2012, ordonnant le paiement d’une indemnité à Monsieur [D]. Par la suite, il a été débouté dans une action contre Pôle Emploi, qui a conduit à un remboursement de 65 362€.

Second licenciement et nouvelles actions

Un second licenciement a été notifié à Monsieur [D] en juillet 2012, pour lequel il a de nouveau sollicité l’assistance de Maître [K]. Après plusieurs jugements, la cour d’appel a finalement prononcé la nullité de ce licenciement en 2020, condamnant la société [5] à verser des indemnités à Monsieur [D].

Reproches à l’encontre de Maître [K]

Monsieur [D] reproche à Maître [K] des fautes dans la gestion de ses dossiers, notamment l’absence de conseils appropriés et des erreurs dans les procédures engagées. Il a formulé de nouvelles demandes en mai 2023, cherchant à obtenir des compensations financières.

Questions de prescription

Maître [K] a soulevé la question de la prescription des demandes de Monsieur [D], arguant que celles-ci étaient nouvelles et n’avaient pas été formulées dans le délai légal. Il a soutenu que les demandes étaient prescrites selon l’article 2225 du code civil.

Arguments de Monsieur [D]

Monsieur [D] a contesté la prescription, affirmant que ses demandes étaient liées à la même relation contractuelle avec Maître [K] et que l’effet interruptif d’une assignation s’étendait à toutes les actions découlant de cette relation. Il a également déposé des conclusions récapitulatives pour maintenir l’instance.

Décision du juge de la mise en état

Le juge a statué que les demandes de Monsieur [D] concernant les allocations remboursées à Pôle Emploi et l’impôt sur le revenu étaient irrecevables en raison de la prescription. Cependant, il a rejeté la fin de non-recevoir pour le surplus des demandes, réservant les dépens et les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.

Prochaines étapes

L’affaire a été renvoyée à l’audience de mise en état du 12 juin 2025 pour clôture et fixation, avec des délais impartis pour les conclusions en défense et en demande.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la durée de prescription pour une action en responsabilité contre un avocat ?

La durée de prescription pour une action en responsabilité dirigée contre un avocat est régie par l’article 2225 du Code civil. Cet article stipule que :

« L’action en responsabilité dirigée contre les personnes ayant représenté ou assisté les parties en justice, y compris à raison de la perte ou de la destruction des pièces qui leur ont été confiées, se prescrit par cinq ans à compter de la fin de leur mission. »

Ainsi, dans le cas présent, la prescription de l’action en responsabilité de Monsieur [D] contre Maître [K] a commencé à courir à partir de la date à laquelle la mission de l’avocat a pris fin, soit le 24 octobre 2013, date à laquelle le mandat a cessé.

Il est donc essentiel de vérifier si les demandes formulées par Monsieur [D] ont été présentées dans ce délai de cinq ans, car toute demande introduite après ce délai serait déclarée prescrite.

Comment une demande en justice interrompt-elle le délai de prescription ?

L’article 2241 du Code civil précise que :

« La demande en justice interrompt le délai de prescription. »

Cette interruption s’applique également à d’autres actions qui relèvent de la même relation contractuelle. Cela signifie qu’une assignation en justice, comme celle faite par Monsieur [D] contre Maître [K], interrompt le délai de prescription pour toutes les demandes qui peuvent être considérées comme découlant de la même relation contractuelle.

Cependant, il est important de noter que cette interruption ne s’applique qu’aux actions qui sont virtuellement comprises dans l’action initiale. Dans le cas présent, les demandes formulées par Monsieur [D] le 24 mai 2023 doivent être examinées pour déterminer si elles relèvent de la même relation contractuelle que l’assignation initiale.

Les demandes formulées par Monsieur [D] sont-elles considérées comme nouvelles et prescrites ?

Maître [K] soutient que les demandes formulées par Monsieur [D] le 24 mai 2023 sont nouvelles et, par conséquent, prescrites. En effet, les demandes concernent des omissions dans la gestion de la première instance prud’homale et une procédure contre Pôle Emploi.

La jurisprudence indique que chaque instance donne lieu à un mandat distinct. Ainsi, les demandes qui ne sont pas virtuellement comprises dans l’assignation initiale ne bénéficient pas de l’effet interruptif de la prescription.

Dans ce cas, la demande relative à la première instance prud’homale, qui a été introduite plus de cinq ans après l’expiration du mandat, est déclarée prescrite. En revanche, la demande concernant l’instance contre Pôle Emploi, qui a été incluse dans l’assignation initiale, n’est pas prescrite.

Quelles sont les conséquences de la prescription sur les demandes de Monsieur [D] ?

Les conséquences de la prescription sur les demandes de Monsieur [D] sont significatives. Comme mentionné précédemment, les demandes tendant à voir Maître [K] condamné au paiement de 65 352€ pour les allocations remboursées à Pôle Emploi et 207 486,40€ pour l’impôt sur le revenu versé sur l’indemnité d’éviction sont déclarées irrecevables en raison de la prescription.

Cela signifie que Monsieur [D] ne pourra pas obtenir réparation pour ces demandes, car elles ont été introduites après l’expiration du délai de prescription de cinq ans prévu par l’article 2225 du Code civil.

En revanche, la fin de non-recevoir tirée de la prescription est rejetée pour le surplus des demandes, ce qui indique que certaines demandes de Monsieur [D] peuvent encore être examinées par le tribunal.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires
délivrées le :

1/1/2 resp profess du drt

N° RG 18/12423 – N° Portalis 352J-W-B7C-COB2T

N° MINUTE :

Assignation du :
24 Octobre 2018

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 16 Janvier 2025

DEMANDEUR

Monsieur [S] [D]
[Adresse 1]
[Localité 2]

Représenté par Maître Rémi BAROUSSE de la SELASU TISIAS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #C2156

DÉFENDEUR

Maître [Z] [K]
[Adresse 3]
[Localité 4]

Représenté par Maître Stéphane LATASTE de la SELARL PBA LEGAL, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #J0086

MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT

Monsieur Benoit CHAMOUARD, Premier vice-président adjoint

assisté de Madame Marion CHARRIER, Greffier

DÉBATS

A l’audience du 05 Décembre 2024, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 16 Janvier 2025.

ORDONNANCE

Prononcée par mise à disposition
Contradictoire
en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

Par acte du 24 octobre 2018, Monsieur [S] [D] a fait assigner Maître [Z] [K] en responsabilité devant ce tribunal.

Il expose avoir fait l’objet d’un licenciement de la part de la société [5] en 2010. Il a mandaté Maître [K] pour diligenter une procédure prud’homale.

Monsieur [D] a été débouté par le conseil de prud’hommes de Montmorency le 2 novembre 2011. Le 20 mars 2012, la cour d’appel de Versailles a infirmé le jugement, prononcé la nullité du licenciement et condamné la société [5] au paiement d’une provisoire à valoir du l’indemnité égale à sa rémunération due depuis le licenciement jusqu’à sa réintégration.

Monsieur [D] expose par ailleurs que Maître [K] lui a conseillé d’assigner Pôle Emploi pour obtenir le paiement d’allocations qui lui seraient dues pour la période du 6 novembre 2010 au 20 avril 2012. Par jugement du 9 juillet 2013, le tribunal de grande instance de Paris l’a débouté de ses demandes et l’a condamné à rembourser la somme de 65 362€ à Pôle Emploi, en estimant que l’indemnité accordée par la cour d’appel de Versailles constituait des salaires et conduisait à la restitution des allocations perçues sur la période.

La société [5] a notifié un second licenciement à Monsieur [D] le 9 juillet 2012. Monsieur [D] a mandaté à nouveau Maître [K] pour l’assister. Par jugement du 5 novembre 2014, le conseil des prud’hommes de Montmorency a débouté Monsieur [D] de sa demande d’annulation du licenciement, jugement confirmé en appel le 12 mai 2016. La Cour de cassation a cassé l’arrêt le 17 janvier 2018 et renvoyé l’affaire devant la cour d’appel de Versailles, autrement composée. Par arrêt du 16 janvier 2020, la cour d’appel de renvoi a prononcé la nullité du licenciement et condamné la société [5] au paiement d’une indemnité d’éviction et à des dommages et intérêts à Monsieur [D].

Aux termes de son assignation, Monsieur [D] reproche à Maître [K] d’avoir engagé sa responsabilité dans la gestion des contentieux le concernant.

Monsieur [D] a conclu à nouveau par conclusions signifiées le 24 mai 2023.

Par conclusions du 31 août 2023, Maître [K] a saisi le juge de la mise en état d’un incident tendant à voir constater la prescription de demandes.

Par conclusions du 28 mars 2024, Maître [K] demande au juge de la mise en état de déclarer prescrites les demandes nouvelles de Monsieur [D], tendant à le voir condamné au paiement de :
– 65 532€ correspondant aux allocations remboursées à Pôle emploi ;
– 207 486,40€ correspondant au préjudice résultant de l’impôt sur le revenu versé sur l’indemnité d’éviction.

Maître [K] expose que ces demandes sont nouvelles et n’ont été formulées par voie de conclusions que le 24 mai 2023. Il soutient en conséquence que ces demandes sont prescrites, en application de l’article 2225 du code civil. Il expose que le préjudice initialement revendiqué par le demandeur s’est avéré nul, en raison de son désistement du pourvoi qu’il avait formé contre l’arrêt de la cour d’appel de renvoi.
Il estime que le demandeur disposait d’un délai de 5 années à compter du 24 octobre 2013, date à laquelle sa mission avait cessé, pour formuler ces demandes.
Il conteste que les demandes initiales aient été virtuellement comprises dans la présente action. Il rappelle que la prescription ne peut s’étendre d’une affaire à l’autre.

Par conclusions du 4 décembre 2024, Monsieur [D] demande au juge de la mise en état de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription, de rejeter la demande de constatation de l’extinction de l’instance, de condamner Maître [K] aux dépens et au paiement de 3 000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [D] rappelle que l’effet interruptif d’une assignation s’étend à toute action virtuellement comprise dans l’action initiale. Il ajoute que cet effet s’étend à toute autre action découlant de la même relation contractuelle. Il précise que la relation contractuelle nouée avec Maître [K] s’est inscrite dans le cadre d’un litige unique l’opposant à son employeur et ayant fait l’objet de plusieurs instances. Il précise avoir reproché au défendeur, dès l’assignation, de ne pas avoir invoqué la discrimination syndicale, et que ses conclusions de 2023 s’ajustent à l’arrêt rendu par la cour d’appel de renvoi. Il estime que les demandes présentées en 2023 procèdent de la même relation contractuelle avec son ancien conseil.

Il ajoute avoir déposé des conclusions récapitulatives de fond, reprenant toutes les demandes, ce qui exclut une extinction de l’instance.

Il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions, comme le permet l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L’article 2225 du code civil prévoit que l’action en responsabilité dirigée contre les personnes ayant représenté ou assisté les parties en justice, y compris à raison de la perte ou de la destruction des pièces qui leur ont été confiées, se prescrit par cinq ans à compter de la fin de leur mission.

L’article 2241 du même code dispose pour sa part que la demande en justice interrompt le délai de prescription.

En application de cette disposition, une action justice interrompt la prescription concernant d’autres actions relevant de la même relation contractuelle.

Il convient toutefois de rappeler que le mandat ad litem confié à un avocat ne concerne que les actes inhérents à une instance déterminée, chaque instance donnant lieu à un mandat distinct. La relation contractuelle entre l’avocat et son client, dans le cadre d’un mandat ad litem, doit donc s’apprécier au regard de chaque instance et non à l’aune d’une situation plus large incluant plusieurs instances distinctes.

En l’espèce, Monsieur [D] reproche à Maître [K], aux termes de son assignation, des  » fautes dans la gestion de ce dossier qui ont tout autant sérieusement compromis ses chances d’aboutir et d’aboutir dans un délai raisonnable « . Les fautes évoquées concernent une absence de conseil après la réintégration, la seconde instance prud’homale ainsi que l’instance engagée à l’encontre de Pôle Emploi.

L’assignation a donc interrompu la prescription dans la relation contractuelle issue des mandats confiés à Maître [K] concernant la seconde instance prud’homale et l’instance introduite à l’encontre de Pôle Emploi.

Les demandes formulées le 24 mai 2023 portent quant à elle sur une omission fautive d’invoquer la discrimination syndicale dans la procédure relative au premier licenciement, ainsi que sur le fait d’avoir engagé une procédure vouée à l’échec contre Pôle Emploi.

Dès lors, la seconde demande vise l’exécution du mandat confié au défendeur dans l’instance initiée contre Pôle Emploi, relation contractuelle déjà concernée par l’assignation, contrairement à la première demande qui concerne une instance différente. Elle n’était donc pas virtuellement incluse dans l’assignation.

La demande concernant le mandat relatif à la première instance prud’homale ayant été introduite plus de cinq années après l’expiration de ce mandat, au jour de l’expiration des voies de recours contre l’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 20 mars 2012, cette demande est prescrite.

Ainsi, seront déclarées irrecevables comme prescrites les demandes tendant à voir Maître [K] condamné :
– au paiement de 65 352€ correspondant aux allocations remboursées à Pôle Emploi ;
– au paiement de 207 486,40€ correspondant à l’impôt sur le revenu versé sur l’indemnité d’éviction,
la fin de non-recevoir étant rejetée pour le surplus.

Il convient de constater que le défendeur ne soulevant aucune irrecevabilité tendant au fait que l’instance deviendrait dépourvue d’objet, le juge de la mise en état n’est pas saisi d’une telle demande, au demeurant rendue sans objet par le caractère partiel de la prescription.

Les dépens et les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile seront réservées.

PAR CES MOTIFS

Nous, juge de la mise en état, statuant contradictoirement et par décision susceptible de recours dans les conditions de l’article 795 du code de procédure civile, par mise à disposition au greffe,

DÉCLARONS irrecevables les demandes formulées par Monsieur [S] [D] et tendant à la condamnation de Maître [Z] [K] :
– au paiement de 65 352€ correspondant aux allocations remboursées à Pôle Emploi ;
– au paiement de 207 486,40€ correspondant à l’impôt sur le revenu versé sur l’indemnité d’éviction,

Rejetons la fin de non-recevoir tirée de la prescription pour le surplus des demandes,

RÉSERVONS les dépens et les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,

RENVOYONS l’examen de l’affaire à l’audience de mise en état du 12 juin 2025 pour clôture et fixation, avec :
– conclusions en défense avant le 13 mars 2025,
– réplique en demande avant le 24 avril 2025,
– réplique en défense avant le 5 juin 2025.

Faite et rendue à Paris le 16 Janvier 2025

Le Greffier Le Juge de la mise en état
Marion CHARRIER Benoit CHAMOUARD


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