L’Essentiel : Le 19 juin 2024, le conseil de prud’hommes de Toulouse a statué sur le litige entre Mme [N] et la société Sas Service et maintien à domicile. Suite à l’appel de la société, des demandes de communication de pièces ont été formulées, notamment des avis d’imposition et des contrats de travail. Mme [N] s’est opposée à ces demandes, arguant de la protection de sa vie privée. Le jugement en appel a requalifié son contrat à 104 heures mensuelles, considérant que les pièces demandées étaient pertinentes, sauf pour les avis d’imposition, jugés excessifs en matière de vie privée.
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Exposé du litigeLe 19 juin 2024, le conseil de prud’hommes de Toulouse a rendu un jugement dans l’affaire opposant Mme [N] à la société Sas Service et maintien à domicile. La société a interjeté appel de cette décision le 9 août 2024, en précisant les points contestés. Le 21 novembre 2024, l’appelante a demandé au conseiller de la mise en état d’ordonner la communication de pièces. Dans ses conclusions du 6 décembre 2024, elle a requis la communication des avis d’imposition des années 2020, 2021 et 2022, ainsi que des contrats de travail avec d’autres employeurs pour les mêmes années, tout en sollicitant une indemnité de 1 000 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile. Arguments de Mme [N]Dans ses écritures du 9 décembre 2024, Mme [N] s’est opposée à la communication des pièces demandées et a demandé une indemnité de 500 euros selon l’article 700 du code de procédure civile. Elle a soutenu que la communication des pièces était inutile, arguant que l’employeur aurait dû effectuer les vérifications nécessaires lors de l’embauche et que les documents contenaient des informations personnelles sensibles. Motifs de la décisionLe jugement en appel a requalifié le contrat de travail de Mme [N] à 104 heures mensuelles, en considérant qu’il n’y avait pas de demande écrite et motivée de la salariée pour un temps de travail inférieur. Les pièces demandées par l’appelante ont été jugées pertinentes pour le litige, car elles pourraient influencer les conséquences de la requalification. Toutefois, la communication des avis d’imposition a été considérée comme une atteinte excessive à la vie privée, tandis que les bulletins de paie d’autres employeurs ont été jugés nécessaires pour établir la réalité du temps de travail de la salariée. Ordonnance de communicationLa décision a ordonné la communication des bulletins de paie de Mme [N] pour la période d’août 2020 à mars 2022, tout en permettant le masquage des données personnelles autres que celles relatives à son identité et au temps de travail. Il a été décidé qu’aucune astreinte ne serait nécessaire, la cour pouvant tirer les conséquences de l’absence de communication. Les demandes supplémentaires ont été rejetées, et les dépens de l’incident ont été joints au fond. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de communication des pièces en matière de litige prud’homal ?La communication des pièces dans le cadre d’un litige prud’homal est régie par les dispositions du Code de procédure civile, notamment l’article 132. Cet article stipule que « les parties doivent communiquer à l’autre partie, dans un délai fixé par le juge, les pièces sur lesquelles elles fondent leurs prétentions ». Dans le cas présent, la société Service et maintien à domicile a demandé la communication de plusieurs pièces, notamment les avis d’imposition et les contrats de travail de Mme [N]. Cependant, le juge a considéré que ces pièces étaient étrangères au débat principal, qui portait sur la requalification du contrat de travail. Il a également souligné que, bien que certaines pièces puissent contenir des informations personnelles, leur communication est nécessaire pour permettre à l’employeur de faire valoir ses droits. Ainsi, la communication des bulletins de paie a été ordonnée, car ils sont essentiels pour établir la réalité du temps de travail de la salariée chez d’autres employeurs. Quels sont les droits de la salariée en matière de protection de la vie privée ?La protection de la vie privée est un droit fondamental, inscrit dans le Code civil, notamment à l’article 9 qui dispose que « chacun a droit au respect de sa vie privée ». Dans le cadre de la communication de pièces, le juge a dû concilier ce droit avec le droit de l’employeur à la défense de ses intérêts. Il a reconnu que la communication des avis d’imposition et des contrats de travail pourrait porter atteinte à la vie privée de Mme [N], mais a estimé que cette atteinte était proportionnée au regard des enjeux du litige. Le juge a donc ordonné la communication des bulletins de paie tout en permettant à la salariée de masquer certaines données personnelles, afin de protéger sa vie privée tout en respectant le droit de l’employeur à la preuve. Quelles sont les implications de l’article 700 du Code de procédure civile dans ce litige ?L’article 700 du Code de procédure civile prévoit que « le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ». Dans cette affaire, la société Service et maintien à domicile a demandé la condamnation de Mme [N] au paiement de 1 000 euros, tandis que cette dernière a réclamé 500 euros. Le juge a décidé qu’il n’y avait pas lieu à application de l’article 700, considérant que les demandes étaient prématurées à ce stade préparatoire. Cela signifie que les frais engagés par les parties pour cette instance ne seront pas remboursés à ce moment, mais pourraient être examinés lors du jugement au fond. Cette décision souligne l’importance de la phase préparatoire et la nécessité de se concentrer sur les questions de fond avant d’aborder les questions de frais. |
N° RG 24/02796 – N° Portalis DBVI-V-B7I-QNO7
Décision déférée – 19 Juin 2024 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE -F 22/01373
S.A.S. SERVICE ET MAINTIEN A DOMICILE (SMD)
C/
[H] [N]
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
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COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 2
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ORDONNANCE N°25/4
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Le quatorze Janvier deux mille vingt cinq, nous, C. BRISSET, magistrate chargée de la mise en état, assistée de M. TACHON, greffière, avons rendu l’ordonnance suivante, dans la procédure suivie entre:
APPELANTE
S.A.S. SERVICE ET MAINTIEN A DOMICILE (SMD), prise en la personne de son représentant légal,
[Adresse 2]
Représentée par Me Véronique L’HOTE de la SCP CABINET SABATTE ET ASSOCIEES, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉE
Madame [H] [N],
demeurant [Adresse 1]
Représentée par M. [Z] [J], défenseur syndical
Par jugement du 19 juin 2024, le conseil de prud’hommes de Toulouse a statué dans l’instance opposant Mme [N] à la Sas Service et maintien à domicile.
La société Service et maintien à domicile a relevé appel de la décision le 9 août 2024, énonçant dans sa déclaration les chefs critiqués de la décision.
Par conclusions d’incident du 21 novembre 2024, l’appelante a saisi le conseiller de la mise en état aux fins de voir ordonner la communication de pièces.
Dans ses dernières écritures sur incident en date du 6 décembre 2024, l’appelante demande qu’il soit enjoint sous astreinte à son adversaire de lui communiquer les avis d’imposition des années 2020, 2021 et 2022. Subsidiairement et sous les mêmes modalités, elle demande la communication des contrats de travail conclus avec d’autres employeurs au titre des années 2020, 2021 et 2022. Elle sollicite enfin la condamnation de son adversaire au paiement de la somme de 1 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que les pièces sont nécessaires puisque la salariée a obtenu la requalification de son contrat de travail à 104 heures mensuelles alors qu’elle disposait d’un autre emploi.
Dans ses dernières écritures en date du 9 décembre 2024, Mme [N] s’oppose à la communication des pièces et demande la condamnation de son adversaire au paiement de la somme de 500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que la communication des pièces est inutile alors qu’il appartenait à l’employeur de procéder aux vérifications lors de l’embauche et qu’en outre elles contiennent des informations personnelles.
L’affaire a été appelée à l’audience du 10 décembre 2024.
Le jugement dont appel a procédé à la requalification du contrat de travail de Mme [N] à hauteur de 104 heures mensuelles, en considérant qu’il n’était pas justifié d’une demande écrite et motivée de la salariée pour un temps de travail inférieur.
Les pièces dont la communication est sollicitée sont étrangères à ce premier débat de principe, c’est à dire celui qui porte sur la possibilité ou non pour l’employeur de rapporter la preuve d’une demande de la salariée par tout moyen.
En revanche, à supposer l’existence d’une requalification, la question du temps de travail exécuté par la salariée pour d’autres employeurs est bien de nature à avoir une incidence sur les conséquences à en tirer, étant rappelé que la salariée articulait précisément un manquement de l’employeur à raison d’une durée du travail inférieure à 24 heures par semaine.
Dès lors, les pièces sollicitées par l’appelante sont bien utiles à la solution du litige.
Elles contiennent certes des éléments tenant à la vie privée de la salariée de sorte qu’il convient de minimiser l’atteinte portée à ce principe, atteinte qui demeure toutefois nécessaire en considération du droit pour l’appelant de faire valoir ses droits en justice.
Au regard de ces intérêts, certes antagonistes, la communication des avis d’imposition, même en masquant certains éléments, constituerait une atteinte excessive et surtout inefficace puisque le temps de travail ne serait pas apparent. Il en est de même pour les contrats de travail qui ne feront pas nécessairement apparaître le temps exactement travaillé.
En revanche, les bulletins de paie obtenus par Mme [N] chez d’autres employeurs sont utiles à la solution du litige puisqu’ils permettront de connaître la réalité du temps de travail de la salariée chez d’autres employeurs sur toute la période. L’atteinte portée à la vie personnelle de Mme [N] demeure à ce titre proportionnée étant rappelé que ses données d’identité sont nécessairement connues. Il convient toutefois de lui permettre de masquer les données lui étant personnelles autres que celles relative à son identité et au temps de travail et de limiter la communication à la période s’étendant entre août 2020 et mars 2022, c’est à dire la période de travail effectif au sein de la société Service et maintien à domicile.
La communication sera ainsi ordonnée dans cette limite et dans les conditions précisées au dispositif.
Il n’est pas nécessaire de prévoir une astreinte puisque la cour pourra tirer toute conséquence de l’absence de communication des pièces par l’intimée.
Il n’y a pas lieu à ce stade préparatoire à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Les dépens de l’incident seront joints au fond.
Nous, C. Brisset, magistrate chargée de la mise en état,
Ordonnons la communication par Mme [H] [N] à la Sas Service et maintien à domicile de ses bulletins de paie émis par d’autres employeurs pour toute la période comprise entre août 2020 et mars 2022 avec la faculté de masquer les données lui étant personnelles autres que celles relatives à son identité et au temps de travail,
Disons n’y avoir lieu à astreinte,
Rejetons le surplus des demandes,
Disons n’y avoir lieu à indemnité au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Joignons les dépens de l’incident au fond.
La greffière La magistrate chargé de la mise en état
M. TACHON C. BRISSET
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