L’Essentiel : Le 30 novembre 2006, la SCI [7] et les consorts [S] ont mandaté Mme [B] [F] pour agir contre plusieurs avocats, dont Me [G], en raison de préjudices moral et patrimonial. Le 27 septembre 2022, ils ont assigné Mme [B] [F] en responsabilité civile. Dans ses conclusions du 16 septembre 2024, Mme [B] a demandé la constatation d’un désistement partiel et la déclaration d’irrecevabilité d’une demande additionnelle. Les consorts [S] ont, quant à eux, demandé au juge de débouter Mme [B] et de la condamner à verser des frais. Le juge a finalement débouté Mme [B] et renvoyé l’affaire à une audience prévue pour mars 2025.
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Contexte de l’affaireLe 30 novembre 2006, la SCI [7], M. [W] [S] et Mme [K] [D] [P] [S] ont mandaté Mme [B] [F], avocate, pour agir en responsabilité contre plusieurs avocats, dont Me [G], Me [Y] et Me [U], afin d’obtenir une indemnisation pour des préjudices moral et patrimonial. Procédure judiciaire engagéeLe 27 septembre 2022, les consorts [S] et la SCI [7] ont assigné Mme [B] [F] devant le tribunal judiciaire pour engager sa responsabilité civile professionnelle. Des conclusions ont été notifiées par courrier RPVA le 28 février 2024, suivies de modifications le 24 avril 2024. Demandes de Mme [B] [F]Dans ses conclusions d’incident notifiées le 16 septembre 2024, Mme [B] [F] a demandé au juge de constater le désistement partiel des consorts [S] et de la SCI [7] concernant certaines prétentions, d’accepter ce désistement, et de déclarer irrecevable une demande additionnelle pour cause de prescription. Elle a également demandé des condamnations à son encontre pour frais. Réclamations des consorts [S] et de la SCI [7]Les consorts [S] et la SCI [7] ont, dans leurs conclusions pour l’audience du 27 juin 2024, demandé au juge de débouter Mme [B] [F] de ses demandes et de la condamner à leur verser une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens. Motivations du jugeLe juge de la mise en état a rappelé que, selon l’article 789 du code de procédure civile, il est compétent pour statuer sur les exceptions de procédure et les demandes d’incidents. Il a également précisé que l’objet du litige concerne la réparation des préjudices que les consorts [S] et la SCI [7] estiment avoir subis en raison des fautes de Mme [B] [F]. Analyse des demandesLe juge a noté que les consorts [S] et la SCI [7] ont modifié leurs moyens en invoquant une faute de Mme [B] [F] pour ne pas avoir conseillé de rechercher la responsabilité de Maître [H] [L] avant la prescription. Cependant, cela n’a pas modifié la demande initiale de réparation des préjudices. Décision finaleLe juge a débouté Mme [B] [F] de ses demandes et a décidé que les frais et dépens de l’incident suivraient le sort de ceux du fond. L’affaire a été renvoyée à une audience de mise en état dématérialisée prévue pour le 20 mars 2025. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de la responsabilité civile professionnelle d’un avocat ?La responsabilité civile professionnelle d’un avocat est régie par les principes généraux du droit civil, notamment par les articles 1240 et 1241 du Code civil, qui stipulent : Article 1240 : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. » Article 1241 : « Celui qui prétend avoir été lésé par un fait dommageable doit prouver la faute, le dommage et le lien de causalité entre les deux. » Ainsi, pour engager la responsabilité d’un avocat, il faut prouver qu’il a commis une faute dans l’exercice de ses fonctions, que cette faute a causé un dommage à son client, et qu’il existe un lien de causalité entre la faute et le dommage. En l’espèce, les consorts [S] et la SCI [7] allèguent que Mme [B] [F] a commis des fautes dans le cadre du mandat qui lui a été confié, ce qui a entraîné des préjudices. Ils doivent donc démontrer ces éléments pour obtenir réparation. Quelles sont les conséquences d’un désistement partiel dans une procédure judiciaire ?Le désistement partiel est encadré par les articles 394 et suivants du Code de procédure civile. Selon l’article 394 : Article 394 : « Le désistement d’instance est l’acte par lequel une partie renonce à son action. Il peut être total ou partiel. » Le désistement partiel signifie que la partie renonce à certaines de ses prétentions, mais pas à l’ensemble de son action. Dans ce cas, le tribunal ne statuera pas sur les prétentions abandonnées, mais continuera d’examiner celles qui demeurent. Dans le cas présent, Mme [B] [F] a accepté le désistement partiel des consorts [S] et de la SCI [7]. Cela signifie que le tribunal ne statuera pas sur les demandes abandonnées, mais continuera d’examiner les autres demandes en cours. Comment la prescription affecte-t-elle les demandes en responsabilité civile ?La prescription en matière de responsabilité civile est régie par l’article 2224 du Code civil, qui dispose : Article 2224 : « La durée de la prescription est de cinq ans à compter du jour où la personne concernée a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit. » Dans le cadre de la responsabilité civile professionnelle, le délai de prescription commence à courir à partir du moment où le client a connaissance des fautes de son avocat et des préjudices en résultant. Dans cette affaire, la demande additionnelle de la SCI [7] et des consorts [S] a été déclarée irrecevable pour cause de prescription. Cela signifie qu’ils n’ont pas agi dans le délai imparti pour faire valoir leurs droits, ce qui a conduit à l’irrecevabilité de leur demande. Quelles sont les implications des articles 4 et 6 du Code de procédure civile sur l’objet du litige ?Les articles 4 et 6 du Code de procédure civile précisent les règles concernant l’objet du litige et la charge de la preuve : Article 4 : « Le juge ne peut pas délibérer sur des demandes qui ne sont pas formulées par les parties. » Article 6 : « Chacune des parties a la charge de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention. » Ces articles impliquent que l’objet du litige est déterminé par les prétentions des parties, et que chaque partie doit prouver les faits qu’elle allègue pour soutenir sa demande. Dans le cas présent, les consorts [S] et la SCI [7] doivent prouver les fautes de Mme [B] [F] et les préjudices qu’ils ont subis pour obtenir réparation. La confusion soulevée par Mme [B] [F] entre les demandes et les moyens invoqués ne modifie pas l’objet du litige, qui reste centré sur la responsabilité de l’avocate. |
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Copies exécutoires
délivrées le :
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1/1/2 resp profess du drt
N° RG 22/11556
N° Portalis 352J-W-B7G-CX6U5
N° MINUTE :
Assignation du :
27 Septembre 2022
ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 16 Janvier 2025
DEMANDEURS
S.C.I. [7], en liquidation depuis une Assemblée Générale Extraordinaire en date du 08 Mars 2000, agissant par son représentant légal ès qualités de liquidateur amiable, Monsieur [I] [S]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Monsieur [W] [S], venant en son nom personnel et en qualité d’héritier de Madame [J] [N], décédée en date du [Date décès 2] 2016, veuve de Monsieur [E] [S]
[Adresse 6])
(SÉNÉGAL)
Madame [K] [D] [P] [S], venant en son nom personnel et en qualité d’héritière de Madame [J] [N], décédée en date du [Date décès 2] 2016, veuve de Monsieur [E] [S]
[Adresse 6])
(SÉNÉGAL)
représentés par Maître Jean-Pierre VANDAMME, Fabienne MOLURI et Maître Frédérique VANDAMME, de la SCP Jean-Pierre VANDAMME AVOCATS, avocats au barreau de LILLE, avocats plaidants et par Maître Frédéric LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #P0480
Décision du 16 Janvier 2025
1/1/2 resp profess du drt
N° RG 22/11556 – N° Portalis 352J-W-B7G-CX6U5
DÉFENDERESSE
Maître [B] [F]
[Adresse 4]
[Localité 5]
représenté par Maître Jérôme DEPONDT de la SELAS IFL Avocats, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0042
MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT
Madame Marjolaine GUIBERT, Vice-présidente
assistée de Madame Marion CHARRIER, Greffier lors des débats et de Monsieur Gilles ARCAS, Greffier lors de la mise à disposition
DEBATS
A l’audience du 19 Décembre 2024, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 16 Janvier 2025.
ORDONNANCE
– Contradictoire
– En premier ressort
– Prononcée par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
Le 30 novembre 2006, la SCI [7], M. [W] [S] et Mme [K] [D] [P] [S] ont mandaté Mme [B] [F], avocate, pour agir en responsabilité contre Me [G], Me [Y] et Me [U] afin d’obtenir l’indemnisation de préjudices moral et patrimonial.
Lui reprochant diverses fautes, les consorts [S] et la SCI [7] ont, par acte du 27 septembre 2022, fait assigner Mme [B] [F] devant le tribunal judiciaire de céans afin d’engager sa responsabilité civile professionnelle.
Ils ont fait notifier de nouvelles conclusions au fond par courrier RPVA du 28 février 2024, modifiées le 24 avril 2024.
Par conclusions d’incident notifiées par RPVA dans leur dernier état le 16 septembre 2024, Mme [B] [F] demande au juge de la mise en état de :
– constater le désistement de la SCI [7], de M. [I] [S] et de Mme [K] [S] de leurs prétentions tendant à voir Me [B] [F] condamnée à les indemniser de leur perte de chance de voir condamner Me [C] à les indemniser de la perte de chance qu’elle leur a fait subir ;
Décision du 16 Janvier 2025
1/1/2 resp profess du drt
N° RG 22/11556 – N° Portalis 352J-W-B7G-CX6U5
– lui donner acte qu’elle accepte ce désistement partiel ;
– déclarer irrecevable pour cause de prescription la demande additionnelle de la SCI [7], de M. [I] [S] et de Mme [K] [S] tendant à la condamnation de Me [F] à leur verser 2 006 000 euros en réparation de la perte de chance de voir condamner Me [H] [L] à réparer les préjudices moral et patrimonial reconnus par l’arrêt de la cour d’appel d’Aix en Provence le 1er avril 1999 ;
– condamner la SCI [7], M. [I] [S] et Mme [K] [S] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la SCI [7], M. [I] [S] et Mme [K] [S] aux entiers dépens.
Par conclusions notifiées dans leur dernier état pour l’audience du 27 juin 2024, la SCI [7], M. [I] [S] et Mme [K] [S] demandent au juge de la mise en état de débouter Mme [B] [F] de ses demandes et de la condamner à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures dans les conditions de l’article 455 du code de procédure civile.
A l’issue de l’audience des plaidoiries d’incident du 19 décembre 2024, l’ordonnance a été mise en délibéré au 16 janvier 2025.
En application de l’article 789 du code de procédure civile, le juge de la mise en état est, à compter de sa désignation et, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :
1° Statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l’article 47 et les incidents mettant fin à l’instance ;
2° Allouer une provision pour le procès ;
3° Accorder une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. Le juge de la mise en état peut subordonner l’exécution de sa décision à la constitution d’une garantie dans les conditions prévues aux articles 514-5,517 et 518 à 522;
4° Ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires, à l’exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements provisoires, ainsi que modifier ou compléter, en cas de survenance d’un fait nouveau, les mesures qui auraient déjà été ordonnées ;
5° Ordonner, même d’office, toute mesure d’instruction ;
6° Statuer sur les fins de non-recevoir.
Sur les demandes principales
Par acte du 27 septembre 2022, les consorts [S] et la SCI [7] ont engagé une procédure judiciaire en responsabilité civile contre Mme [B] [F] et ont notamment sollicité dans le dispositif de leur assignation :
– à titre principal un sursis à statuer dans l’attente de la décision de la Cour de cassation à intervenir dans le pourvoi A2212324 ;
– à titre subsidiaire « la condamnation de Mme [B] [F] à [leur] payer la somme de 2 074 000,00 euros au titre de :
* la réparation de la perte de chance de voir condamné Maître [G] à indemniser la perte de chance qu’il a fait subiraux demandeurs de voir réparer leurs préjudices (moral et patrimonial) ;
* la réparation de la perte de chance de voir condamné Maître [U] à indemniser la perte de chance qu’il a fait subir aux demandeurs d’engager une action en responsabilité civile professionnelle à l’encontre de Maître [G] dès le 18 octobre 2001 et d’obtenir l’indemnisation de la perte de chance qu’a fait subir Maître [G] aux demandeurs ;
* la réparation de la perte de chance de voir condamnée Maître [C] à indemniser la perte de chance qu’elle a fait subir aux demandeurs »;
Dans leurs conclusions notifiées par RPVA le 28 février 2024 puis le 24 avril 2024, les consorts [S] et la SCI [7] demandent notamment au tribunal de :
– « condamner Maître [B] [F] au paiement de la somme totale de 2 006 000,00 euros aux consorts [S] et à la SCI [7] au titre de :
* la réparation de la perte de chance de voir condamné Maître [H] [L] à réparer les préjudices (moral et patrimonial) reconnus par l’arrêt de la cour d’appel d’Aix en Provence en date du 1er avril 1999 des demandeurs ;
* la réparation de la perte de chance de voir condamné Maître [G] à indemniser la perte de chance qu’il a fait subir aux demandeurs de voir réparer leurs préjudices (moral et patrimonial)reconnus par l’arrêt de la cour d’appel d’Aix en Provence en date du 1er avril 1999;
* la réparation de la perte de chance de voir condamné Maître [U] à indemniser la perte de chance qu’il a fait subir aux demandeurs d’engager une action en responsabilité civile professionnelle à l’encontre de Maître [G] dès le 18 octobre 2001 et d’obtenir l’indemnisation de la perte de chance qu’a fait subir Maître [G] aux demandeurs ; »
Aux termes des articles 4 et 6 du code de procédure civile, l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. A l’appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d’alléguer les faits propres à les prouver.
En l’espèce, l’objet du litige est la réparation des préjudices que les consorts [S] et la SCI [7] soutiennent avoir subis du fait des fautes commises par Mme [B] [F] dans le cadre du mandat confié par lettre du 20 novembre 2006. Ils entendent à ce titre engager la responsabilité civile professionnelle de leur ancienne avocate, et invoquent, pour démontrer le bien fondé de cette prétention, plusieurs moyens.
Par l’incident soulevé, Mme [B] [F] commet une confusion entre les demandes formées et les moyens invoqués au soutien de celles-ci.
Ainsi, dans leurs conclusions notifiées le 28 février 2024 puis le 24 avril 2024, les consorts [S] et la SCI [7] présentent comme nouveau moyen la faute qu’aurait commise Mme [B] [F] pour ne pas leur avoir conseillé de rechercher la responsabilité professionnelle de Maître [H] [L] avant l’acquisition de la prescription d’un telle action, et ne soutiennent plus la faute commise pour ne pas avoir recherché la responsabilité civile professionnelle de Me [C].
Ce faisant, la demande formulée dans l’assignation du 27 septembre 2022 et consistant en la réparation des préjudices subis par les fautes commises par Me [B] [F] dans le cadre du mandat confié par lettre du 20 novembre 2006 ne s’en trouve pas modifiée.
Dans ces conditions, la demande de Mme [B] [F] tendant à voir qualifier ce nouveau moyen de demande additionnelle doit être rejetée, de même que sa demande visant à voir déclarer une telle demande prescrite.
Par ailleurs, la renonciation d’une partie à un moyen emporte pour seule conséquence le fait que le tribunal ne statuera pas sur le moyen abandonné.
Elle ne constitue pas, contrairement à ce que soutient Mme [B] [F], un désistement susceptible d’être constaté sur le fondement des articles 394 et suivants du code civil.
Dans ces conditions, cette demande est rejetée.
Sur les demandes accessoires
Les frais irrépétibles et les dépens de l’incident suivront le sort de ceux du fond.
L’affaire est renvoyée à l’audience de mise en état dématérialisée du 20 mars 2025 à 9h30 aux fins de réplique des demandeurs aux conclusions en défense au fond notifiées le 30 avril 2024.
Nous, juge de la mise en état statuant après débats en audience publique, par ordonnance contradictoire susceptible d’appel dans les conditions de l’article 795 du code de procédure civile,
Déboutons Mme [B] [F] de ses demandes ;
Disons que les frais et dépens de l’incident suivront le sort de ceux du fond ;
Renvoyons l’affaire à l’audience de mise en état dématérialisée du 20 mars 2025 à 9h30 aux fins de réplique des demandeurs aux conclusions en défense au fond notifiées le 30 avril 2024.
Faite et rendue à Paris le 16 Janvier 2025.
Le Greffier Le Juge de la mise en état
Gilles ARCAS Marjolaine GUIBERT
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