Résiliation de bail : contestations sérieuses et exception d’inexécution

·

·

Résiliation de bail : contestations sérieuses et exception d’inexécution

L’Essentiel : En date du 8 septembre 2022, Mme [V] [O] [I] veuve [M] [X], M [E] [M] [X] et Mme [S] [M] [X] ont loué un appartement à M [G] [C] et Mme [U] [C] pour un loyer de 3113 euros, plus charges. Suite à un dégât des eaux en novembre 2022, les locataires ont mis en demeure leur bailleur en juillet 2023 et ont séquestré les loyers. En octobre 2023, un commandement de payer a été signifié pour 10 634,86 euros d’arriérés. Le juge a finalement débouté les bailleurs de leurs demandes, laissant chaque partie à ses dépens.

Exposé du litige

Par contrat sous seing privé en date du 8 septembre 2022, Mme [V] [O] [I] veuve [M] [X], M [E] [M] [X] et Mme [S] [M] [X] épouse [L] ont donné à bail à M [G] [C] et Mme [U] [C] un appartement à usage d’habitation pour un loyer mensuel de 3113 euros, plus 369 euros de provision sur charges. En novembre 2022, les locataires ont subi un dégât des eaux dans la chambre parentale. Le 20 juillet 2023, ils ont mis en demeure leur bailleur de remédier à la situation et ont séquestré les loyers sur le compte CARPA de leur conseil. Le 15 septembre 2023, un huissier a été mandaté pour constater les faits. En raison de loyers impayés, un commandement de payer a été signifié le 4 octobre 2023, réclamant 10 634,86 euros d’arriéré locatif.

Procédure judiciaire

Le 27 décembre 2023, les bailleurs ont assigné les locataires devant le juge des contentieux de la protection pour constater la résiliation du bail, ordonner l’expulsion, et réclamer le paiement des loyers impayés. Lors de l’audience du 13 novembre 2024, les bailleurs ont actualisé leur demande à 10 224 euros, tout en contestant la bonne foi des locataires. Ces derniers ont déposé des conclusions écrites, soulevant des difficultés sérieuses et demandant la condamnation des bailleurs pour préjudice. Ils ont fait valoir que le bailleur avait tardé à effectuer les réparations nécessaires suite au dégât des eaux.

Décision du juge

Le juge a d’abord vérifié la recevabilité de l’action, confirmant que l’assignation avait été notifiée conformément à la loi. Concernant la résiliation du bail, il a rappelé que le paiement des loyers est une obligation essentielle du preneur. Il a noté que les locataires avaient soulevé des contestations sérieuses, notamment l’exception d’inexécution due à l’inaction des bailleurs face aux travaux nécessaires. En conséquence, le juge a conclu qu’il n’y avait pas lieu de déclarer l’acquisition de la clause résolutoire en référé, laissant aux bailleurs le soin d’agir au fond pour demander la résiliation du bail.

Conclusion

Les bailleurs ont été déboutés de l’ensemble de leurs demandes, chaque partie conservant la charge de ses dépens. La décision a été déclarée exécutoire à titre provisoire.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la recevabilité de l’action en référé ?

L’action en référé est recevable lorsque les conditions de notification et de délai sont respectées. En l’espèce, une copie de l’assignation a été notifiée à la préfecture de Paris par voie électronique le 28 décembre 2023, soit plus de six semaines avant l’audience.

Cette notification respecte les exigences de l’article 24 III de la loi n°89-462 du 06 juillet 1989, qui stipule que :

« Le bailleur doit notifier au locataire, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, le commandement de payer. »

Ainsi, l’action est jugée recevable, car elle a été effectuée dans les délais impartis et conformément aux dispositions légales.

Quelles sont les obligations du preneur en matière de paiement des loyers ?

L’une des obligations essentielles du preneur dans un contrat de bail est le paiement des loyers aux termes convenus. Cette obligation est clairement énoncée dans l’article 7 de la loi n°89-462 du 06 juillet 1989, qui dispose que :

« Le locataire est tenu de payer le loyer et les charges aux termes convenus. »

Le non-paiement des loyers constitue un manquement aux obligations contractuelles, ce qui peut justifier la mise en œuvre d’une clause résolutoire.

Quelles sont les conditions de mise en œuvre de la clause résolutoire ?

La mise en œuvre de la clause résolutoire est régie par l’article 24 I de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, qui précise que :

« Toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux. »

Il est également important de noter que le commandement de payer doit être délivré de bonne foi et que les sommes réclamées doivent être réellement dues. Si le commandement est délivré pour un montant supérieur à celui dû, il reste valable pour la partie non contestable de la dette.

Quelles sont les conséquences d’une contestation sérieuse sur la clause résolutoire ?

En cas de contestation sérieuse, le juge des référés ne peut pas constater l’acquisition de la clause résolutoire. L’article 834 du code de procédure civile stipule que :

« Dans tous les cas d’urgence, le juge des contentieux de la protection statuant en référé peut ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse. »

Dans le cas présent, les locataires ont soulevé des difficultés sérieuses, notamment l’exception d’inexécution due à des travaux non réalisés par le bailleur. Cela constitue une contestation sérieuse qui empêche le juge de déclarer l’acquisition de la clause résolutoire.

Quelles sont les implications de l’exception d’inexécution dans le cadre d’un bail ?

L’exception d’inexécution est un moyen de défense pour le locataire, qui peut arguer que le bailleur n’a pas respecté ses obligations, notamment en matière d’entretien. Selon la jurisprudence, cette exception est constitutive d’une difficulté sérieuse, comme l’indique la décision de la Cour de cassation (Civ 3ème, 30 mai 2007).

Cela signifie que si le bailleur ne réalise pas les travaux nécessaires, le locataire peut suspendre ses obligations de paiement, ce qui peut avoir des conséquences sur la mise en œuvre de la clause résolutoire.

Quelles sont les conséquences de la décision du juge des contentieux de la protection ?

La décision du juge des contentieux de la protection a pour effet de constater l’existence d’une difficulté sérieuse sur la clause résolutoire et de rejeter l’ensemble des demandes des bailleurs. Cela signifie que les bailleurs ne peuvent pas obtenir la résiliation du bail en référé.

De plus, chaque partie conserve la charge de ses dépens, et la décision est exécutoire à titre provisoire, conformément aux articles 489 et 514 du code de procédure civile, qui stipulent que :

« Les décisions rendues en référé sont exécutoires à titre provisoire. »

Ainsi, les bailleurs devront agir au fond pour solliciter le prononcé judiciaire de la résiliation du bail pour manquement contractuel.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :

à : Me Eva CHOURAQUI
Me Aurélien ZILBERMAN

Copie exécutoire délivrée
le :

à :

Pôle civil de proximité

PCP JCP ACR référé

N° RG 24/00945 – N° Portalis 352J-W-B7H-C32RF

N° MINUTE : 1

ORDONNANCE DE REFERE
rendue le 16 janvier 2025

DEMANDEURS

Madame [V] [O] [I] veuve [M] [X],
[Adresse 2]
représentée par Me Eva CHOURAQUI, avocat au barreau de PARIS,

Monsieur [E] [M] [X],
[Adresse 1]
représenté par Me Eva CHOURAQUI, avocat au barreau de PARIS,

Madame [S] [M] [X] épouse [L],
[Adresse 2]
représentée par Me Eva CHOURAQUI, avocat au barreau de PARIS,

DÉFENDEURS

Monsieur [G] [C],
[Adresse 3]
représenté par Me Aurélien ZILBERMAN, avocat au barreau de

Madame [U] [C],
[Adresse 3]
représentée par Me Aurélien ZILBERMAN, avocat au barreau de

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Caroline THAUNAT, Vice-présidente, juge des contentieux de la protection assistée de Aurélia DENIS, Greffier,

Décision du 16 janvier 2025
PCP JCP ACR référé – N° RG 24/00945 – N° Portalis 352J-W-B7H-C32RF

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 13 novembre 2024

ORDONNANCE
contradictoire et en premier ressort prononcée par mise à disposition le 16 janvier 2025 par Caroline THAUNAT, Vice-présidente, assistée de Aurélia DENIS, Greffier

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat sous seing privé en date du 8 septembre 2022, Mme [V] [O] [I] veuve [M] [X], M [E] [M] [X] et Mme [S] [M] [X] épouse [L] ont donné à bail à M [G] [C] et Mme [U] [C] un appartement à usage d’habitation situé au [Adresse 3], pour un loyer mensuel de 3113 euros outre 369 euros au titre de la provision sur charges.

En novembre 2022, les locataires ont subi un dégât des eaux dans la chambre parentale.

Par courriel du 20 juillet 2023, les locataires ont mis en demeure leur bailleur de remédier à cette situation. Les consorts [C] ont procédé au séquestre des loyers sur le compte CARPA de leur conseil.

Le 15 septembre 2023, les locataires ont fait intervenir un huissier de justice aux fins de constat.

Des loyers étant demeurés impayés, Mme [V] [O] [I] veuve [M] [X], M [E] [M] [X] et Mme [S] [M] [X] épouse [L] ONT fait signifier par acte d’huissier un commandement de payer la somme de 10634, 86 euros correspondant à l’arriéré locatif, terme d’octobre inclus, et visant la clause résolutoire contractuelle, le 4 octobre 2023.

Par acte d’huissier en date du 27 décembre 2023, Mme [V] [O] [I] veuve [M] [X], M [E] [M] [X] et Mme [S] [M] [X] épouse [L] ont fait assigner M [G] [C] et Mme [U] [C] devant le juge des contentieux de la protection statuant en référés près le tribunal judiciaire de Paris aux fins de, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :
– constater le jeu de la clause résolutoire insérée au contrat de bail liant les parties et prononcer la résiliation du bail liant les parties sur le fondement de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989,
– ordonner l’expulsion sans délai du preneur et de tout occupant de son chef avec le concours de la force publique si besoin est,
– ordonner le transport et la séquestration des meubles,
– condamner solidairement M [G] [C] et Mme [U] [C] à leur payer à titre provisionnel les loyers et charges impayés, soit la somme de 11 054, 91 euros avec intérêts au taux légal à compter du commandement de payer, ainsi qu’une indemnité d’occupation égale au montant du loyer mensuel et des charges normalement dû si le bail s’était poursuivi normalement jusqu’à libération effective des lieux,
– condamner solidairement les défendeurs à leur payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens en ce compris le coût du commandement de payer et la dénonciation auprès de la préfecture.+

Initialement appelée à l’audience du 4 avril 2024, l’affaire a fait l’objet de trois renvois.

A l’audience du 13 novembre 2024, Mme [V] [O] [I] veuve [M] [X], M [E] [M] [X] et Mme [S] [M] [X] épouse [L], représentés par leur conseil, ont maintenu leurs demandes au titre de leur acte introductif d’instance sauf à actualiser la dette de loyer à la somme de 10 224 euros selon décompte du 12 novembre 2024.
Ils contestent toutes difficultés sérieuses alléguant de la mauvaise foi des locataires et soulignent que les travaux ont été réalisés avant même l’introduction de l’instance.

M [G] [C] et Mme [U] [C], représentés par leur conseil ont déposé des conclusions écrites, auxquelles ils se sont référés oralement, aux termes desquelles ils soulèvent les difficultés sérieuses et disent n’y avoir lieu à référé et débouter en conséquence le bailleur de l’intégralité de leurs demandes. A titre subsidiaire, ils sollicitent la condamnation solidaire des bailleurs à leur verser la somme de 6468 euros en réparation de leur préjudice et la compensation avec la créance du solde des loyers et charges séquestrés pour les mois d’août, septembre et octobre 2023. En tout état de cause, ils sollicitent la condamnation solidaire des bailleurs à leur verser la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Au soutien de leurs prétentions, ils indiquent avoir subi un important dégât des eaux dans la chambre parentale en novembre 2022, qu’en dépit de leurs demandes, le bailleur a tardé à diligenter la recherche de fuite puis la remise en état des lieux, qu’ils ont subi un préjudice et que devant l’inaction du bailleur, ils ont décidé de séquestrer leurs loyers sur le compte CARPA de leur conseil.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs écritures déposées à l’audience conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

La décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe le 16 janvier 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

En application des dispositions des articles 834 et 835 du code de procédure civile, dans tous les cas d’urgence, le juge des contentieux de la protection statuant en référé peut, dans les limites de sa compétence, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend. Il peut également allouer au créancier une provision, lorsque l’obligation n’est pas sérieusement contestable.

Sur la recevabilité de l’action

Une copie de l’assignation a été notifiée à la préfecture de Paris par la voie électronique le 28 décembre 2023, soit plus de six semaine avant l’audience, conformément aux dispositions de l’article 24 III de la loi n°89-462 du 06 juillet 1989.

L’action est donc recevable.

Sur la demande de bien-fondé de la résiliation du bail et l’existence de contestations sérieuses

L’une des obligations essentielles du preneur d’un contrat de bail est celle du paiement des loyers aux termes convenus en application de l’article 7 de la loi n°89-462 du 06 juillet 1989.

Aux termes de l’article 1224 du code civil, la résolution d’un contrat résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice. L’article 1229 du même code précise que lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l’exécution réciproque du contrat, il n’y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n’ayant pas reçu sa contrepartie et que, dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation.

En matière de bail, l’article 24 I de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 dispose que toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux.

Le commandement de payer doit avoir été délivré de bonne foi.

A ce titre, il sera rappelé que le commandement de payer n’est efficace que si les sommes réclamées constituent des loyers ou des charges et qu’elles sont réellement dues, mais s’il est délivré pour le paiement d’une somme supérieure à celle due, il n’est pas nul et reste valable pour la partie non contestable de la dette. Il doit également être libellé de manière suffisamment explicite et précise pour permettre à son destinataire de vérifier le bien-fondé des sommes réclamées en précisant la nature de ces sommes et les termes concernés et être délivré de bonne foi par le bailleur.

En l’espèce, il doit être relevé que parmi les difficultés sérieuses soulevées par M [G] [C] et Mme [U] [C] pour contester la compétence du juge des référés pour constater l’acquisition de la clause résolutoire dans le présent litige figure l’exception d’inexécution issue de la mise à disposition de locaux non conforme en raison de la survenue d’un dégât des eaux ayant entraîné une importante humidité dans la chambre parentale notamment et de l’inaction des bailleurs pour remédier à la situation durant de nombreux mois en dépit des demandes répétées.
Ils versent au soutien de leurs prétentions, divers courriels adressés au mandataire, ainsi que des photos du mur de la chambre ainsi qu’un constat d’huissier du 15 septembre 2023.

Or, il est de jurisprudence constante que l’exception d’inexécution fondée sur le manquement du bailleur à réaliser les travaux d’entretien nécessaires est constitutive d’une difficulté sérieuse. (civ 3eme 30 mai 2007). Au regard des contestations soulevés par le locataire et notamment sur l’exception d’inexécution et le montant du loyer, il y a lieu de constater l’existence de contestation sérieuse.

En ces conditions, l’acquisition de la clause résolutoire ne saurait être déclarée acquise en référé. Il appartiendra à Mme [V] [O] [I] veuve [M] [X], M [E] [M] [X] et Mme [S] [M] [X] épouse [L] d’agir au fond et de solliciter le cas échéant le prononcé judiciaire de la résiliation du bail pour manquement contractuel.

En conséquence, Mme [V] [O] [I] veuve [M] [X], M [E] [M] [X] et Mme [S] [M] [X] épouse [L] seront déboutés de l’ensemble de ses demandes.

Sur les demandes accessoires

Chaque partie conservera la charge de ses dépens.

Les parties seront déboutées de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La présente décision est exécutoire à titre provisoire, conformément aux articles 489 et 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Nous, juge des contentieux de le la protection, statuant en référés publiquement, après débats en audience publique, par ordonnance mise à disposition au greffe contradictoire et en premier ressort,

CONSTATONS l’existence d’une difficulté sérieuse sur la clause résolutoire,

REJETONS en conséquence l’ensemble des demandes de Mme [V] [O] [I] veuve [M] [X], M [E] [M] [X] et Mme [S] [M] [X] épouse [L],

DEBOUTONS les parties du surplus de leurs demandes ;

DISONS que chaque partie conservera la charge de ses dépens;

RAPPELONS que la présente ordonnance est de plein droit exécutoire à titre provisoire ;

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition les jour, mois et an susdits par le Président et le Greffier susnommés.

Le greffier, Le juge des contentieux de la protection.


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon