Compétence des juridictions en matière de créances fiscales et saisie immobilière

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Compétence des juridictions en matière de créances fiscales et saisie immobilière

L’Essentiel : L’affaire concerne des poursuites de saisie immobilière contre M. et Mme [C] pour créances fiscales impayées. Un jugement a ordonné la vente forcée de leurs biens. Les parties, le SIP et le PRS, contestent un arrêt qui a infirmé le jugement précédent, fixant les créances respectives et ordonnant la vente de l’immeuble à un prix déterminé. La Cour a rappelé que seul le juge administratif peut statuer sur la prescription des actions en recouvrement d’impôts. La cassation des décisions a des conséquences sur la fixation des créances et la vente du bien, entraînant un renvoi devant le juge de l’exécution.

Contexte de l’affaire

L’affaire concerne des poursuites de saisie immobilière engagées par le service des impôts des particuliers et le comptable public du pôle de recouvrement spécialisé de l’Essonne à l’encontre de M. et Mme [C]. Un jugement d’orientation a été rendu, ordonnant la vente forcée des biens saisis en raison de créances fiscales impayées.

Examen du moyen

Les parties impliquées, le SIP et le PRS, contestent l’arrêt qui a infirmé le jugement précédent. Cet arrêt a fixé la créance du SIP à 349 750,58 euros et celle du PRS à 291 543 euros, tout en ordonnant la vente forcée de l’immeuble saisi à un prix de 120 000 euros. De plus, il a fixé la créance du SIP à l’encontre de Mme [C] à 29 654 euros et a déclaré le PRS irrecevable dans ses demandes.

Réponse de la Cour

La Cour a rappelé que le juge administratif est le seul compétent pour statuer sur la prescription de l’action en recouvrement d’impôts directs. Elle a également précisé que si un litige soulève une question sérieuse relevant de la compétence administrative, le juge judiciaire doit transmettre cette question à la juridiction administrative compétente.

Décision de la Cour d’appel

L’arrêt a retenu que le juge de l’exécution pouvait statuer sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription, même si le créancier détient un titre exécutoire. Cependant, la cour d’appel n’était pas compétente pour traiter la contestation relative à la prescription des créances fiscales, ce qui a conduit à une violation des textes en vigueur.

Conséquences de la cassation

La cassation des décisions de l’arrêt a des implications sur les chefs de dispositif concernant la fixation des créances et l’autorisation de vente à l’amiable du bien saisi. Cela entraîne également un renvoi des parties devant le juge de l’exécution pour vérifier la conformité de la vente de l’immeuble avec l’arrêt.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la compétence des juridictions en matière de prescription des créances fiscales ?

La compétence en matière de prescription des créances fiscales est clairement définie par plusieurs textes législatifs.

Selon l’article L. 281 du livre des procédures fiscales, il est stipulé que :

« Le juge administratif est seul compétent pour statuer sur la question de la prescription de l’action en recouvrement d’impôts directs. »

Cela signifie que toute contestation relative à la prescription des créances fiscales doit être portée devant la juridiction administrative, et non devant le juge judiciaire.

De plus, la loi des 16 et 24 août 1790 établit le principe de séparation des ordres de juridiction, ce qui renforce cette compétence exclusive des juridictions administratives.

Ainsi, le juge judiciaire ne peut pas se prononcer sur la prescription des créances fiscales, même si un titre exécutoire est en possession du créancier.

En conséquence, la cour d’appel a commis une erreur en se déclarant compétente pour statuer sur cette question, ce qui a conduit à une violation des textes susmentionnés.

Quelles sont les conséquences de la cassation de l’arrêt ?

La cassation de l’arrêt a des conséquences significatives sur le dispositif de la décision rendue par la cour d’appel.

Conformément à l’article 624 du code de procédure civile, il est précisé que :

« La cassation des chefs de dispositif entraîne la cassation des chefs de dispositif autorisant M. et Mme [C] à vendre à l’amiable le bien saisi. »

Cela signifie que la décision de la cour d’appel, qui a ordonné la vente forcée de l’immeuble saisi et fixé les créances, est annulée.

De plus, la cassation entraîne également le renvoi des parties devant le juge de l’exécution pour vérifier si l’immeuble a été vendu conformément à l’arrêt.

Cette situation souligne l’importance de respecter les compétences respectives des juridictions et les procédures établies pour le recouvrement des créances fiscales.

Ainsi, la cour d’appel aurait dû transmettre la question de la prescription à la juridiction administrative, ce qui aurait évité la cassation de son arrêt.

CIV. 2

FD

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 janvier 2025

Cassation partielle

Mme MARTINEL, président

Arrêt n° 52 F-B

Pourvoi n° R 22-15.627

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 JANVIER 2025

1°/ le comptable public responsable du pôle du recouvrement spécialisé de l’Essonne, domicilié [Adresse 1],

2°/ le comptable public responsable du service des impôts des particuliers de [Localité 4], domicilié [Adresse 2],

tous deux agissant sous l’autorité du directeur départemental des finances publiques de l’Essonne et du directeur général des finances publiques,

ont formé le pourvoi n° R 22-15.627 contre l’arrêt rendu le 17 mars 2022 par la cour d’appel de Paris (pôle 1, chambre 10), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [P] [C],

2°/ à Mme [F] [T], épouse [C],

tous deux domiciliés [Adresse 3] (Serbie),

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat du comptable public responsable du pôle du recouvrement spécialisé de l’Essonne et du comptable public responsable du service des impôts des particuliers de [Localité 4], tous deux agissant sous l’autorité du directeur départemental des finances publiques de l’Essonne et du directeur général des finances publiques, de la SARL Le Prado – Gilbert, avocat de M. et Mme [C], et l’avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l’audience publique du 27 novembre 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Sara, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 17 mars 2022) et les productions, sur des poursuites de saisie immobilière engagées, sur le fondement de plusieurs rôles d’impôts directs, par le responsable du service des impôts des particuliers de [Localité 4] (le SIP) et le comptable public du pôle de recouvrement spécialisé de l’Essonne (le PRS) à l’encontre de M. et Mme [C], un jugement d’orientation a ordonné la vente forcée des biens saisis.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

2. Le SIP et le PRS font grief à l’arrêt d’infirmer le jugement du 5 mai 2021 en ce qu’il a fixé la créance du SIP à hauteur de 349 750,58 euros et celle du PRS à hauteur de 291 543 euros, d’ordonner la vente forcée de l’immeuble saisi sur une mise à prix de 120 000 euros, de fixer la créance du SIP à l’encontre de Mme [C] à hauteur de 29 654 euros et de déclarer le PRS irrecevable en ses demandes, alors « que le juge judiciaire est incompétent pour statuer sur la prescription des créances fiscales faisant l’objet du commandement de payer valant saisie immobilière dès lors que celles-ci relèvent de la compétence exclusive des juridictions administratives ; qu’en se déclarant néanmoins compétent pour statuer sur la prescription de l’action en recouvrement des créances fiscales au motif que le juge de l’exécution dispose de la compétence pour statuer sur une fin de non recevoir, la cour d’appel de Paris a méconnu le principe de séparation des deux ordres de juridictions résultant de la loi des 16-24 août 1790 et a violé l’article L. 281 du livre des procédures fiscales, ensemble l’article L. 213-6 du code de l’organisation judiciaire. »

Réponse de la Cour

Vu la loi des 16 et 24 août 1790, les articles L. 199 et L. 281 du livre des procédures fiscales et 49, alinéa 2, du code de procédure civile :

3. Il résulte des trois premiers de ces textes que le juge administratif est seul compétent pour statuer sur la question de la prescription de l’action en recouvrement d’impôts directs.

4. Aux termes du dernier, lorsque la solution d’un litige dépend d’une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction administrative, la juridiction judiciaire initialement saisie la transmet à la juridiction administrative compétente en application du titre Ier du livre III du code de justice administrative. Elle sursoit à statuer jusqu’à la décision sur la question préjudicielle.

5. Pour infirmer le jugement en ce qu’il a fixé la créance du SIP à hauteur de 349 750,58 euros et celle du PRS à hauteur de 291 543 euros et, statuant à nouveau, fixer la créance du SIP à l’encontre de Mme [C] à hauteur de 29 654 euros et déclarer le PRS irrecevable en ses demandes, l’arrêt retient que, contrairement à ce qu’a estimé le juge de l’exécution, ce dernier a le pouvoir de statuer sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription même si, par hypothèse, le créancier détient un titre exécutoire.

6. En statuant ainsi, alors qu’elle n’était pas compétente pour statuer sur la contestation relative à la prescription de l’action en recouvrement des impositions concernées, la cour d’appel, qui aurait dû vérifier si cette question soulevait ou non une difficulté sérieuse justifiant de saisir la juridiction administrative d’une question préjudicielle, a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

7. En application de l’article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif de l’arrêt infirmant le jugement en ce qu’il a fixé la créance du SIP et celle du PRS et ordonné la vente forcée de l’immeuble saisi, et, statuant à nouveau, fixant la créance du SIP et déclarant le PRS irrecevable en sa demande entraîne la cassation des chefs de dispositif autorisant M. et Mme [C] à vendre à l’amiable le bien saisi et renvoyant les parties devant le juge de l’exécution aux fins de vérifier si l’immeuble a été vendu conformément à l’arrêt qui s’y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.


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