Occupation sans titre : préjudice et indemnisation en question

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Occupation sans titre : préjudice et indemnisation en question

L’Essentiel : Le 30 novembre 2021, M. [W] [B] et la SCI FASSILOR signent un bail avec la SEL DU DR [C] [U] pour un appartement à usage mixte. Le 23 janvier 2024, la SEL donne congé, mais Mme [D] [Z], ex-épouse de M. [U], refuse de quitter les lieux. Un procès-verbal de reprise est établi le 26 septembre 2023. Le tribunal, lors de l’audience du 4 novembre 2024, reconnaît un préjudice matériel pour occupation sans titre, condamnant Mme [D] à verser 50 000 euros de dommages et intérêts, ainsi qu’une somme de 1 000 euros pour les frais des demandeurs.

Contexte du Bail

Le 30 novembre 2021, M. [W] [B] et la SCI FASSILOR ont conclu un bail avec la SEL DU DR [C] [U] pour un appartement à usage mixte, avec un loyer mensuel de 4758 euros et 375 euros de provisions sur charges. Ce bail est entré en vigueur le 1er décembre 2021.

Congé et Occupation Contestée

Le 23 janvier 2024, la SEL DU DR [C] [U], représentée par M. [U] [L], a donné congé pour le logement et le cabinet médical, effectif au 29 février 2024, en précisant que Mme [D] [Z], l’ex-épouse de M. [U], refusait de quitter les lieux. Un procès-verbal de reprise des lieux a été établi le 26 septembre 2023, en présence de Mme [D] [Z].

Procédures Judiciaires

Une audience correctionnelle prévue pour le 16 janvier 2024 a été reportée au 3 décembre 2024, avec M. [U] en tant que prévenu et Mme [D] convoquée comme victime. Le 4 avril 2024, le tribunal de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la SEL DU DR [C] [U], désignant Me [N] comme mandataire liquidateur.

Licenciement et Assignation

Le 16 avril 2024, Me [N] a procédé au licenciement économique de Mme [D] [Z]. Le 10 octobre 2024, M. [W] [B] et la SCI FASSILOR ont assigné Mme [D] [Z] pour obtenir 250000 euros de dommages et intérêts pour préjudice subi, ainsi qu’une somme de 5000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Arguments des Demandeurs

Lors de l’audience du 4 novembre 2024, M. [W] [B] et la SCI FASSILOR ont soutenu que Mme [D] [Z] n’était pas titulaire du bail et occupait les lieux sans droit ni titre. Ils ont également mentionné qu’elle avait été expulsée d’un précédent logement et qu’elle avait commencé à occuper les lieux litigieux après la résiliation du bail.

Décision du Tribunal

Le tribunal a jugé que Mme [D] [Z] avait été régulièrement assignée et que M. [W] [B] et la SCI FASSILOR étaient recevables à agir. Il a reconnu un préjudice matériel pour l’occupation sans titre, mais a limité les dommages et intérêts à 50000 euros, en tenant compte de l’indemnité d’occupation mise au passif de la liquidation judiciaire de la SEL DU DR [C] [U].

Condamnation et Frais

Mme [D] [Z] a été condamnée à payer 50000 euros de dommages et intérêts, ainsi qu’une somme de 1000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour couvrir les frais engagés par les demandeurs. Elle a également été condamnée aux dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la recevabilité de l’action de M. [W] [B] et de la SCI FASSILOR contre Mme [D] [Z] ?

La recevabilité de l’action de M. [W] [B] et de la SCI FASSILOR repose sur leur qualité de propriétaires du bien loué.

En effet, selon l’article 31 du Code de procédure civile, « toute personne a qualité pour agir en justice si elle justifie d’un intérêt légitime ».

Dans cette affaire, la propriété du bien loué est attestée par une attestation notariée, confirmant que la SCI FASSILOR est bien propriétaire du lot 1 et que M. [W] [B] est propriétaire du lot 42.

Ainsi, ils sont recevables à agir en justice pour faire valoir leurs droits sur le bien occupé par Mme [D] [Z], qui n’est pas titulaire du bail.

De plus, l’assignation a été régulièrement effectuée à personne, ce qui renforce la recevabilité de leur action.

Quels sont les fondements juridiques des demandes de dommages et intérêts ?

Les demandes de dommages et intérêts formulées par M. [W] [B] et la SCI FASSILOR se fondent principalement sur l’article 1240 du Code civil, qui stipule que « tout fait quelconque de l’homme qui cause préjudice à autrui oblige celui par la faute duquel il est survenu à le réparer ».

Dans ce cas, Mme [D] [Z] a occupé les lieux sans droit ni titre, ce qui constitue une faute.

Le préjudice doit être né et actuel, et en l’espèce, M. [W] [B] et la SCI FASSILOR ont subi un préjudice matériel en raison de l’occupation illégale de leur bien.

Ils sollicitent 250000 euros de dommages et intérêts, justifiant ce montant par une décote de 150000 euros sur la valeur de vente du bien, ainsi que par les charges et taxes qu’ils ont dû assumer.

Cependant, le tribunal a retenu un préjudice matériel de 5299 euros, correspondant à l’indemnité d’occupation, et a finalement condamné Mme [D] [Z] à verser 50000 euros pour le préjudice subi.

Comment le préjudice moral est-il caractérisé dans cette affaire ?

Le préjudice moral est caractérisé par l’occupation sans titre de Mme [D] [Z], qui a engendré des désagréments pour M. [W] [B] et la SCI FASSILOR.

L’article 1240 du Code civil, déjà cité, s’applique également ici, car il impose la réparation de tout préjudice causé par une faute.

Le tribunal a constaté que l’incertitude quant à la date de libération des lieux a causé un préjudice moral aux demandeurs.

En effet, l’occupation prolongée de Mme [D] [Z] a créé une situation d’angoisse et d’incertitude pour les propriétaires, qui ont dû faire face à des complications liées à la gestion de leur bien.

Ainsi, le tribunal a reconnu ce préjudice moral et a décidé de le réparer par une somme de 50000 euros, en tenant compte de la durée de l’occupation illégale et des désagréments subis.

Quelles sont les implications de l’article 700 du Code de procédure civile dans cette décision ?

L’article 700 du Code de procédure civile prévoit que « la partie qui perd le procès peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés non compris dans les dépens ».

Dans cette affaire, le tribunal a condamné Mme [D] [Z] à verser 1000 euros à M. [W] [B] et à la SCI FASSILOR en application de cet article.

Cette somme est destinée à couvrir les frais engagés par les demandeurs pour obtenir un titre exécutoire, ce qui est une pratique courante dans les litiges.

L’application de l’article 700 permet ainsi de compenser les frais de justice et d’encourager les parties à agir en justice pour faire valoir leurs droits.

Cela souligne également l’importance de la protection des droits des propriétaires face à des occupations illégales.

Quels sont les dépens et leur impact sur la décision finale ?

Les dépens, selon l’article 696 du Code de procédure civile, comprennent l’ensemble des frais de justice exposés par les parties, qui peuvent être mis à la charge de la partie perdante.

Dans cette affaire, le tribunal a décidé de condamner Mme [D] [Z] aux dépens, ce qui signifie qu’elle devra supporter les frais de la procédure.

Cette décision a un impact significatif sur la situation financière de Mme [D] [Z], car elle devra non seulement payer les dommages et intérêts, mais également les frais de justice.

Cela renforce l’idée que les parties doivent assumer les conséquences de leurs actions en justice, et que la protection des droits des propriétaires est une priorité dans le cadre des litiges liés à l’occupation des biens.

En conclusion, la décision du tribunal a été fondée sur des bases juridiques solides, garantissant ainsi la protection des droits des propriétaires tout en tenant compte des préjudices subis.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :

Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Alexandra TROJANI ; Madame [Z] [D]

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 24/09587 – N° Portalis 352J-W-B7I-C6CS5

N° MINUTE :
10-2025

JUGEMENT
rendu le jeudi 16 janvier 2025

DEMANDEURS
Monsieur [B] [W], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Alexandra TROJANI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #E1017

S.C.I. FASSILOR, dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par Me Alexandra TROJANI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #E1017

DÉFENDERESSE
Madame [Z] [D], demeurant [Adresse 3]
non comparante, ni représentée

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Françoise THUBERT, Vice-présidente, juge des contentieux de la protection assistée de Antonio FILARETO, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 04 novembre 2024
Délibéré le 16 janvier 2025

JUGEMENT
réputé contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 16 janvier 2025 par Françoise THUBERT, Vice-présidente assistée de Antonio FILARETO, Greffier

Décision du 16 janvier 2025
PCP JCP fond – N° RG 24/09587 – N° Portalis 352J-W-B7I-C6CS5

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte du 30/ 11/ 2021 à effet au 1/ 12/ 2021, M. [W] [B] et la SCI FASSILOR ont donné à bail à la SEL DU DR [C] [U] un appartement à usage mixte professionnel et d’habitation, situé au [Adresse 3] , avec cave pour un loyer de 4758 euros et 375 euros de provisions sur charges mensuelles.

Par courrier du 23/01/2024 , la SEL DU DR [C] [U] , représentée par M.[U] [L] a donné congé du logement et cabinet médical , à effet au 29/02/2024 en signalant que Mme [D] [Z] refusait de quitter les lieux, celle-ci étant son ex-épouse.

Un procès-verbal de reprise des lieux sollicité par le bailleur la SCI LONGCHAMP MONTEVIDEO pour un logement au [Adresse 1] avait été établi par SCP JD et Associés le 26/09/2023, avec inventaire des objets et meubles abandonnés , en présence de Mme [D] [Z] , occupante des lieux .

Une audience correctionnelle prévue le 16/01/2024 a été renvoyée au 03/12/2024 , M.[U] étant prévenu, Mme [D] convoquée en qualité de victime.

Par jugement du TJ de PARIS du 04/04/2024 il a été prononcé la liquidation judiciaire de la SEL DU DR [C] [U] , Me [N] étant désigné mandataire liquidateur.

Par LRAR du 16/04/2024, Me [N] es qualité a procédé au licenciement économique de Mme [D] [Z] .

Par acte de commissaire de justice en date du 10/ 10/ 2024, M. [W] [B] et la SCI FASSILOR ont fait assigner Mme [D] [Z] aux fins de :

Voir juger M. [W] [B] et la SCI FASSILOR recevables et bien fondés en leur demande – voir condamner Mme [D] [Z] au paiement :

– d’une somme de 250000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi

– d’une somme de 5000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens .

A l’audience du 04/11/2024, M. [W] [B] et la SCI FASSILOR exposent que Mme [D] [Z] n’était pas titulaire du bail conclu avec la SEL DU DR [C] [U], qu’elle occupe les lieux sans droit ni titre, que le divorce des époux est antérieur au bail. Ils ajoutent qu’elle a déjà été expulsée d’un précédent logement avec un important arriéré selon jugement du 17/02/2023 , exécuté pour la libération des lieux au 26/09/2023, date à laquelle elle a commencé à occuper les lieux loués objet du présent litige.

Compte-tenu du préjudice subi pour l’absence de contrepartie financière à cette occupation, le règlement des charges, assurances et taxes, et l’impossibilité de vente ou à un prix modéré, le préjudice moral, ils sollicitent condamnation de Mme [D] [Z] à hauteur de 250000 euros de dommages et intérêts.
Ils précisent que le juge des contentieux de la protection est saisi d’une demande en validation du congé et subsidiairement en acquisition de la clause résolutoire selon assignation du 29/11/2023 après trois commandements de payer contre la SEL du DR [C] [U], depuis lors en liquidation judiciaire.

Bien que régulièrement assignée à personne , Mme [D] [Z] n’a pas comparu ni été représentée .

En délibéré , sur autorisation, les demandeurs ont adressé copie de la décision rendue par le juge des contentieux de la protection de PARIS le 26/12/2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’assignation et la recevabilité :

Mme [D] [Z] a été régulièrement assignée à personne.

La propriété du bien loué au RDC droite ( lot 1) avec une cave est selon attestation notariée celle de la SCI FASSILOR et celle du bien loué lot 42 , valant sas dans le hall du RDC entre lot 1 et 2 est la propriété de M.[W]. Ils sont recevables à agir.

Sur la demande en paiement de dommages et intérêts :

En application de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme qui cause préjudice à autrui oblige celui par la faute duquel il est survenu à le réparer.

Le bail mixte professionnel et à usage d’habitation a été conclu avec la SEL DU DR [C] [U] seule, Mme [D] [Z] n’étant pas cotitulaire du bail.

En cas de faute , le préjudice subi en lien de causalité avec cette faute, oblige à réparation intégrale. Le préjudice doit être né et actuel.

M. [W] [B] et la SCI FASSILOR sollicitent 250000 euros de dommages et intérêts pour une occupation depuis le 26/09/2023 , en raison d’une décote de 150000 euros en cas de vente du bien estimé à 1339000 euros , outre estimation des assurances payées et taxes foncières, et des charges de copropriété assumées.

M. [W] [B] et la SCI FASSILOR ont produit une seule estimation de cette décote du 06/11/2023, sans mandat de vente ultérieur qui ait été signé avec cette agence Junot.
Les charges de copropriété sont assumées par le copropriétaire. Il récupère les charges récupérables sur le locataire, selon la provision sur charges courantes prévues au bail et la régularisation annuelle opérée ou selon les indemnités d’occupation fixées , et récupère le montant de la taxe des ordures ménagères. Le propriétaire assume également une assurance de propriétaire non occupant ou non exploitant. Il perçoit un loyer jusqu’à la fin du bail.

Par conséquent le préjudice subi du fait de l’occupation sans droit ni titre de Mme [D] [Z] est certain pour la valeur locative du bien occupé, mais n’est pas né et actuel s’agissant d’un projet de vente du bien en l’état des pièces produites ou pour les charges courantes . Le préjudice moral est caractérisé , s’agissant d’une occupation sans titre d’une personne sans lien de droit initial avec les bailleurs. Le préjudice n’est pas constitué depuis le 26/09/2023 , puisque le locataire disposait alors d’un titre, et devait assumer le loyer et les charges.

Il convient donc de retenir comme base du préjudice matériel la somme de

4924+375 de loyer et provision sur charges , soit 5299 euros, qui est le montant retenu de l’indemnité d’occupation des lieux mise au passif de la liquidation judiciaire de la SEL du DR [C] [U] .

L’occupation date du 26/09/2023, le bail était encore en cours. Il a pris fin par l’effet du congé au 29/02/2024, ce qui a été jugé par le juge des contentieux de la protection de PARIS selon décision du 26/12/2024

De ce fait le préjudice matériel subi est compensé par l’indemnité d’occupation mise à la charge de la liquidation de la SEL DU DR [C] [U] , par fixation de la créance. Mais la faute de Mme [D] [Z] qui est occupante sans titre depuis mars 2024 est démontrée par la persistance de l’occupation des lieux jusqu’au mois de novembre 2024 inclus, selon éléments confirmés aux débats , soit pendant 9 mois .
Il existe en outre un préjudice moral lié aux désagréments engendrés par l’incertitude de la date de libération des lieux.
Le préjudice total sera réparé par une somme de 50000 euros .

Il convient de dire que Mme [D] [Z] sera condamnée au paiement de la somme de 50000 euros de dommages et intérêts , selon le préjudice subi , né et actuel à la date du présent jugement .

Il convient en conséquence de condamner Mme [D] [Z] au paiement de cette somme, avec intérêts au taux légal à compter du jugement.

Sur l’article 700 du code de procédure civile :

Il convient de condamner Mme [D] [Z] à payer à M. [W] [B] et la SCI FASSILOR la somme de 1000 euros en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile, au titre des frais exposés non compris dans les dépens, que le bailleur a dû engager pour obtenir un titre exécutoire.

Sur les dépens :

Il y a lieu de condamner Mme [D] [Z] aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Le Juge des contentieux de la protection, statuant par jugement réputé contradictoire en premier ressort, mis à disposition au Greffe :

DECLARE M. [W] [B] et la SCI FASSILOR recevables à agir

CONDAMNE Mme [D] [Z] à payer à M. [W] [B] et la SCI FASSILOR la somme de 50000 euros de dommages et intérêts pour réparation de l’occupation sans titre depuis le 01/03/2024 jusqu’au mois de novembre 2024 inclus, des lieux précédemment loués à la SEL DU DR [C] [U] selon bail du 30/11/2021 et le préjudice moral subi, avec intérêts au taux légal à compter du jugement

RAPPELLE que la présente décision bénéficie de l’exécution provisoire de droit

DEBOUTE les parties du surplus de leurs prétentions,

CONDAMNE Mme [D] [Z] aux dépens

CONDAMNE Mme [D] [Z] à payer à M. [W] [B] et la SCI FASSILOR la somme de 1000 euros en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile

LE GREFFIER LE PRESIDENT


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