L’Essentiel : La S.A. RÉGIE IMMOBILIÈRE DE LA VILLE DE [Localité 26] a renouvelé un bail commercial avec la S.A.R.L. SUP’CHARENTON pour un local à [Adresse 13]. Ce bail, d’une durée de neuf ans, a débuté le 21 octobre 2006 et s’est prolongé tacitement depuis 2015. En avril 2019, la RIVP a signifié un congé, tout en proposant un renouvellement à un loyer de 150.000 € par an. Après une procédure judiciaire, le juge a fixé le loyer de renouvellement à 119.000 € par an, rejetant les demandes d’intérêts et de paiements supplémentaires, et ordonnant le partage des frais d’expertise.
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Contexte du bail commercialLa S.A. RÉGIE IMMOBILIÈRE DE LA VILLE DE [Localité 26] (RIVP) a renouvelé un bail commercial avec la S.A.R.L. SUP’CHARENTON pour un local situé à [Adresse 13] à [Localité 25]. Ce bail, d’une durée de neuf ans, a débuté le 21 octobre 2006 et devait se terminer le 20 octobre 2015, avec un loyer annuel de 94.299,79 € HT et HC. Depuis le 21 octobre 2015, le bail s’est prolongé tacitement. Congé et offre de renouvellementLe 18 avril 2019, la RIVP a signifié un congé à la SUP’CHARENTON, prenant effet le 31 décembre 2019, tout en proposant un renouvellement à compter du 1er janvier 2020 pour un loyer annuel de 150.000 € HT et HC. Un mémoire préalable a été adressé le 28 décembre 2021, confirmant cette proposition de loyer. Procédure judiciaireLa RIVP a saisi le juge des loyers du tribunal judiciaire de Paris par assignation le 22 avril 2022. Le jugement du 7 février 2023 a établi la date de renouvellement du bail au 1er janvier 2020 et a ordonné une expertise pour déterminer la valeur locative des locaux. Demandes des partiesDans son dernier mémoire du 6 septembre 2024, la RIVP a demandé la fixation du loyer à 150.000 € par an, ainsi que le paiement d’intérêts sur les loyers arriérés et d’autres demandes accessoires. De son côté, la SUP’CHARENTON a sollicité un loyer de 112.000 € ou, à titre subsidiaire, de 120.900 €, tout en demandant également des compensations financières. Éléments d’expertiseL’expert a évalué les caractéristiques des locaux, leur situation géographique, et les facteurs locaux de commercialité. Il a déterminé une surface utile de 501,20 m², contestée par la SUP’CHARENTON, qui a proposé une surface pondérée de 320 m²p. L’expert a retenu une surface pondérée de 325 m²p, en appliquant des coefficients de pondération appropriés. Analyse des loyers dans le voisinageL’expert a comparé les loyers pratiqués dans le voisinage, notant des valeurs allant de 250 €/m²p/an à 675 €/m²p/an. Il a finalement fixé la valeur locative à 400 €/m²p/an, tenant compte des caractéristiques des locaux et de leur emplacement. Décision finaleLe juge a fixé le loyer de renouvellement à 119.000 € par an, HT et HC, à compter du 1er janvier 2020. Les demandes d’intérêts et de paiements supplémentaires ont été rejetées, et les frais d’expertise ont été partagés entre les parties. L’exécution provisoire de la décision a été ordonnée. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le cadre juridique du renouvellement de bail commercial ?Le renouvellement de bail commercial est régi par les dispositions du Code de commerce, notamment les articles L. 145-1 et suivants. L’article L. 145-33 précise que le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative. En cas de désaccord entre les parties, cette valeur est déterminée en tenant compte de plusieurs critères, tels que les caractéristiques du local, la destination des lieux, les obligations respectives des parties, les facteurs locaux de commercialité, et les prix couramment pratiqués dans le voisinage. Il est également important de noter que l’article L. 145-34 stipule que le plafonnement du taux de variation du loyer n’est pas applicable lorsque la durée du bail a excédé douze ans, ce qui est le cas ici en raison du prolongement tacite du bail. Ainsi, le cadre juridique du renouvellement de bail commercial repose sur la nécessité de fixer le loyer en fonction de la valeur locative, tout en respectant les dispositions spécifiques du Code de commerce. Comment est déterminée la valeur locative d’un bail commercial ?La valeur locative d’un bail commercial est déterminée selon les critères énoncés dans l’article L. 145-33 du Code de commerce. Cet article stipule que la valeur locative doit être évaluée en fonction des caractéristiques du local, de sa destination, des obligations des parties, des facteurs locaux de commercialité, et des prix pratiqués dans le voisinage. L’article R. 145-3 précise que les caractéristiques propres au local doivent être appréciées en tenant compte de plusieurs éléments, tels que : 1. La situation dans l’immeuble, la surface et le volume. L’expert judiciaire a ainsi évalué la valeur locative en tenant compte de ces critères, aboutissant à un loyer de 400 €/m²p/an, avant abattements pour travaux et impôts. Quelles sont les conséquences d’un désaccord sur le montant du loyer ?En cas de désaccord sur le montant du loyer, les parties peuvent saisir le juge des loyers commerciaux, conformément à l’article L. 145-57 du Code de commerce. Ce dernier a pour mission de fixer le loyer en fonction de la valeur locative déterminée selon les critères établis par le Code. Il est important de noter que le juge ne peut pas condamner le locataire à payer des intérêts sur la différence entre les loyers provisionnels et les loyers effectivement dus, car sa compétence est limitée à la fixation du prix du bail renouvelé. De plus, l’article 1343-1 du Code civil prévoit que les intérêts sur les sommes dues ne commencent à courir qu’à partir de la date d’exigibilité, ce qui signifie que le locataire ne sera pas redevable d’intérêts si le loyer versé est supérieur à celui fixé par le juge. Quels sont les abattements applicables au loyer renouvelé ?Les abattements applicables au loyer renouvelé sont prévus par l’article R. 145-7 du Code de commerce, qui permet de déduire certains montants du loyer de base. Dans le cas présent, il a été convenu de prendre en compte un abattement de 5 % au titre des travaux réalisés par le locataire, ainsi qu’une déduction de l’impôt foncier, qui s’élève à 4.493 €. Ces abattements sont justifiés par le fait que le locataire a engagé des travaux sans participation financière de la bailleresse, ce qui a été reconnu par les deux parties. Ainsi, le loyer de renouvellement a été fixé à 119.000 € par an, HT et HC, après application des abattements mentionnés. Quelles sont les implications de l’exécution provisoire de la décision ?L’exécution provisoire de la décision est régie par les articles L. 111-2 et suivants du Code des procédures civiles d’exécution. Ces articles stipulent que l’exécution provisoire est de droit, ce qui signifie qu’elle s’applique automatiquement à la décision rendue par le juge des loyers commerciaux. Cela implique que le loyer fixé par le juge doit être payé par le locataire, même si celui-ci décide de faire appel de la décision. L’exécution provisoire permet ainsi de garantir que le créancier (la bailleresse) puisse bénéficier rapidement des effets de la décision, sans attendre l’issue d’un éventuel recours. Il est important de noter que cette exécution provisoire ne remet pas en cause le droit du locataire de contester la décision, mais elle impose une obligation de paiement immédiat du loyer tel que fixé par le juge. |
JUDICIAIRE
DE PARIS
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Loyers commerciaux
N° RG 22/05496
N° Portalis 352J-W-B7G-CW4YV
N° MINUTE : 2
Assignation du :
22 Avril 2022
Jugement de fixation
[1]
[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :
JUGEMENT
rendu le 16 Janvier 2025
DEMANDERESSE
S.A. REGIE IMMOBILIERE DE LA VILLE DE [Localité 26]
[Adresse 3]
[Localité 21]
représentée par Maître Catherine HENNEQUIN, avocate au barreau de PARIS, avocate plaidante, vestiaire #P0483
DEFENDERESSE
S.A.R.L. SUP’CHARENTON
[Adresse 13]
[Localité 25]
représentée par Maître Moad NEFATI, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #D0393
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lucie FONTANELLA, Vice-présidente, Juge des loyers commerciaux
Siégeant en remplacement de Monsieur le Président du Tribunal judiciaire de Paris, conformément aux dispositions de l’article R.145-23 du code de commerce ;
assistée de Manon PLURIEL, Greffière lors des débats et de Camille BERGER, Greffière lors de la mise à disposition
DEBATS
A l’audience du 03 Octobre 2024 tenue publiquement
JUGEMENT
Rendu publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort
Suivant acte authentique du 11 janvier 2007, la S.A. RÉGIE IMMOBILIÈRE DE LA VILLE DE [Localité 26], ci-après la RIVP, a consenti un renouvellement de bail commercial à la S.A.R.L. SUP’CHARENTON, portant sur un local sis [Adresse 13] à [Localité 25] pour une activité de « vente de produits alimentaires et produits annexes connexes ».
Le bail a été consenti pour une durée de neuf ans à compter du 21 octobre 2006 se terminant le 20 octobre 2015 et pour un loyer annuel de 94.299,79 € HT et HC.
Le bail s’est prolongé tacitement depuis le 21 octobre 2015.
Par acte extrajudiciaire du 18 avril 2019, la bailleresse a fait signifier à sa locataire un congé à effet au 31 décembre 2019 avec offre de renouvellement à compter du 1er janvier 2020 moyennant un loyer annuel de 150.00 € HT et HC.
Par acte extrajudiciaire du 28 décembre 2021, la bailleresse a adressé à la locataire un mémoire préalable proposant de fixer le loyer annuel à 150.00 € HT et HC.
Puis elle a saisi le juge des loyers du tribunal judiciaire de PARIS par assignation du 22 avril 2022.
Par jugement avant dire droit du 07 février 2023, celui-ci a constaté la date de renouvellement du bail au 1er janvier 2020 et ordonné une expertise afin de déterminer la valeur locative des locaux.
Dans son dernier mémoire signifié par acte du 06 septembre 2024, la RIVP sollicite de :
– Fixer le prix du bail renouvelé au 1er janvier 2020 à la somme annuelle de 150.000 € hors charges et hors taxes, toutes autres clauses, charges et conditions du bail commercial expiré demeurant inchangées, sauf celles à actualiser au regard des dispositions de la loi n° 2014-626 en date du 18 juin 2014 et du décret n° 2014-1317 en date du 3 novembre 2014,
– Condamner la société SUP’CHARENTON au paiement des intérêts au taux légal sur les loyers arriérés à compter de chaque date d’exigibilité, conformément aux dispositions de l’article 1343-1 du code civil,
– Ordonner la capitalisation desdits intérêts dans les conditions des dispositions de l’article 1343-2 du code civil, pour ceux correspondant à des loyers dus depuis plus d’un an,
– Dire et juger qu’à défaut d’exercice, par les parties, de leur droit d’option prévu par les dispositions de l’article L. 145-57 du code de commerce et qu’à défaut d’appel, ou si l’exécution provisoire est ordonnée, la décision à intervenir constituera un titre exécutoire conforme aux dispositions des articles L. 111-2, L. 111-3 et L.111-6 du code des procédures civiles d’exécution,
– Condamner la société SUP’CHARENTON à verser à la RIVP la somme de 5.000 €, en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
– Condamner la société SUP’CHARENTON aux entiers dépens de l’instance, comprenant notamment les frais d’expertise,
– Débouter en toute hypothèse la société SUP’CHARENTON de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
– Rappeler l’exécution provisoire de la décision à intervenir, sur les seuls chefs de demande de la RIVP.
Aux termes de son dernier mémoire notifié par lettre recommandée avec accusé de réception présenté le 18 septembre 2024, la société SUP’CHARENTON sollicite du juge des loyers de :
– À titre principal, fixer le prix du bail renouvelé au 1er janvier 2020 à la somme annuelle de 112.000 € hors charges et hors taxes, toutes autres clauses, charges et conditions du bail commercial expiré demeurant inchangées, sauf celle à actualiser au regard des dispositions de la loi n° 2014-626 en date du 18 juin 2014 et du décret n° 2014-1317 en date du 3 novembre 2014,
– À titre subsidiaire, fixer le prix du bail renouvelé au 1er janvier 2020 à la somme annuelle de 120.900 € hors charges et hors taxes, toutes autres clauses, charges et conditions du bail commercial expiré demeurant inchangées, sauf celle à actualiser au regard des dispositions de la loi n° 2014-626 en date du 18 juin 2014 et du décret n° 2014-1317 en date du 3 novembre 2014,
– En tout état de cause, condamner la RIVP à verser à la société SUP’CHARENTON la somme de 5.000 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
– Condamner la RIVP aux entiers dépens d’instance, comprenant les frais d’expertise,
– Débouter la RIVP de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
– Rappeler l’exécution provisoire de la décision à intervenir, sur les seuls chefs de demande de la société SUP CHARENTON.
L’affaire a été retenue à l’audience du 03 octobre 2024 et a été mise en délibéré au 05 décembre 2024, prorogé au 16 janvier 2025.
Sur le montant du loyer renouvelé
L’article L.145-33 du code de commerce dispose que le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.
À défaut d’accord, cette valeur est déterminée d’après :
?1o Les caractéristiques du local considéré ;
?2o La destination des lieux ;
?3o Les obligations respectives des parties ;
?4o Les facteurs locaux de commercialité ;
?5o Les prix couramment pratiqués dans le voisinage.
Un décret en Conseil d’État précise la consistance de ces éléments. V. art. R. 145-2 à R. 145-8.
Le plafonnement du taux de variation du loyer prévu par l’article L.145-34 du code de commerce n’est pas applicable en l’espèce, la durée du bail ayant excédé douze ans par l’effet de sa tacite prolongation.
*Les caractéristiques des locaux loués
Selon l’article R.145-3 du code de commerce, les caractéristiques propres au local s’apprécient en considération :
1o De sa situation dans l’immeuble où il se trouve, de sa surface et de son volume, de la commodité de son accès pour le public ;
2o De l’importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l’exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux ;
3o De ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d’activité qui y est exercée ;
4o De l’état d’entretien, de vétusté ou de salubrité et de la conformité aux normes exigées par la législation du travail ;
5o De la nature et de l’état des équipements et des moyens d’exploitation mis à la disposition du locataire.
Au cas présent, l’expert a notamment décrit :
– des locaux loués dépendant d’un immeuble datant vraisemblablement des années 1990, élevé sur sous-sol d’un rez-de-chaussée, de six étages droits et d’un septième en retrait avec terrasse, d’une construction en maçonnerie de béton avec façade en pierre agrafée disposant de loggias, de balcons avec garde-corps métalliques et d’une toiture-terrasse ;
– ils sont composés d’un rez-de-chaussée présentant :
*un linéaire de façade de 35 m, dont 23 m sur la [Adresse 28], avec accès par porte coulissante à double battant et ouverture automatisée, et 12 m sur la [Adresse 29] avec sortie de secours par porte vitrée à double battant,
*une aire de vente en » U » contournant des parties communes de l’immeuble, dotée notamment de trois caisses près de l’entrée et de nombreux poteaux et piliers,
*un bureau aveugle avec baie de brassage, écrans de vidéo-surveillance et coffres-forts,
*une première réserve, en partie aveugle et en partie éclairée sur la [Adresse 28],
*un local technique directement accessible depuis la [Adresse 29] par porte métallique à double battant, comprenant le groupe froid, la climatisation et les compresseurs,
*une seconde réserve dotée d’une chambre froide positive et d’une chambre froide négative,
*des sanitaires,
*une salle de repos avec coin cuisine sommaire,
*des vestiaires femmes,
*des vestiaires hommes ;
– le local dispose d’une très bonne visibilité en raison de l’important linéaire de façade ;
– il dispose en outre d’une climatisation ;
– il présente toutefois une configuration irrégulière de l’aire de vente et ne dispose pas d’aire de livraison.
*Les facteurs locaux de commercialité
L’article R. 145-6 du code de commerce dispose que les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l’intérêt que présente, pour le commerce considéré, l’importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l’attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l’emplacement pour l’activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d’une manière durable ou provisoire.
En l’espèce, l’expert a relevé que :
– les locaux sont situés dans le [Localité 25], dans un quartier d’habitation excentré ;
– la [Adresse 28] est une longue voie traversante s’étendant sur plus de trois kilomètres, de la [Adresse 27] au [Adresse 24], les locaux étant situés dans le tronçon de la [Adresse 28] compris entre la [Adresse 30] et le [Adresse 24], à l’angle de la [Adresse 29] ;
– les commerces de proximité, notamment de services et de nature alimentaire, sont bien représentés dans ce tronçon qui dispose d’un assez faible achalandage ;
– les dessertes en transports en commun sont les suivantes : station de métro Dugommier à 500 m (ligne 6), station Daumesnil à 600 m (lignes 6 et 8).
Pour l’expert, ces éléments mettent en évidence une assez bonne adéquation entre la commercialité de l’emplacement et l’activité de supermarché exercée.
*La surface des locaux à prendre en considération
Il convient, pour l’application de l’article R. 145-3 du code de commerce, de déterminer la surface des locaux à prendre en considération.
L’article R.145-7 du même code impose de raisonner par unité de surface.
L’expert judiciaire a retenu une surface utile de 501,20 m², ressortant d’un plan du cabinet de géomètres-experts ROBIN & ASSOCIÉS établi le 3 février 2016.
Cette surface utile n’est pas contestée par la RIVP.
Elle est contestée par la société SUP’CHARENTON, dans la mesure où celle-ci retient une surface pondérée de 320 m²p sur le fondement d’un rapport amiable de M. [H] [T], lequel indique prendre en compte une surface totale » de 507,00 m² environ » mentionnée au bail, » en l’absence d’éléments complémentaires » et en raison de l’absence de certificat de mesure contradictoire établi par géomètre-expert.
Au vu, d’une part, des incertitudes reconnues par le rapport amiable de la locataire et, d’autre part, de l’utilisation par l’expert judiciaire d’un plan établi par un cabinet de géomètres-experts, la surface utile de 501,20 m²proposée par l’expert judiciaire sera retenue.
Les parties s’opposent par ailleurs au sujet de la pondération des surfaces, tant sur la base de pondération à retenir – » boutique » ou » moyenne surface » – que sur les coefficients appliqués.
En ce qui concerne d’abord la base de pondération à retenir, l’expert judiciaire indique que, s’agissant d’un supermarché dont la surface utile est légèrement inférieure à 600 m², sa valeur locative peut être appréciée en considération d’une surface pondérée sur une base » boutique « , conformément aux recommandations de la Charte de l’expertise en évaluation immobilière, mais aussi en considération d’une surface pondérée sur une base « moyenne surface”. L’expert procède ensuite à une moyenne des valeurs locatives obtenues sur chacune de ces deux bases de pondération.
La RIVP conteste l’appréciation de l’expert, faisant valoir que celui-ci ne justifie pas des motifs l’ayant conduit à pratiquer une pondération alternative des locaux loués, et que seule la pondération » moyenne surface » apparaît adaptée à la situation locative et à la configuration des locaux loués.
Pour sa part, la société SUP’CHARENTON retient une surface pondérée de 320 m²p, sans présenter de justification au sein de son mémoire, mais en se référant à un rapport amiable établi à sa demande par M. [H] [T], qui recourt exclusivement à une base » boutique « .
Le juge des loyers rappelle qu’il est constant qu’il est tenu de prendre en compte les recommandations de la Charte de l’expertise en évaluation immobilière, qui comporte des grilles de pondération des surfaces commerciales. Il ne doit faire exception aux fourchettes de pondération proposées par la Charte, qui ménagent une part d’appréciation aux experts pour être adaptées à une grande diversité de situations, que dans certains cas particuliers, par une décision motivée.
Il sera également rappelé que la Charte énonce que la grille » boutique » est applicable aux locaux jusqu’à 600 m² utiles, tandis que la base » moyenne surface » est applicable aux locaux excédant 600 m² tout en restant inférieurs à 3.000 m².
En l’espèce, il n’est pas contesté que les locaux présentent une surface utile de 501,20 m², en conséquence de quoi la grille applicable est en principe la grille » boutique « .
La RIVP, qui conteste l’application de ce barème, procède par voie d’affirmation en soutenant que seule la pondération » moyenne surface » apparaît adaptée, sans démontrer en vertu de quelles particularités de la situation ou de la configuration des locaux il y aurait lieu d’écarter la base de pondération » boutique » prévue par la Charte.
Par ailleurs, l’expert judiciaire indique retenir une pondération alternative, soit une pondération tenant compte à la fois de la grille » boutique » et de la grille » moyenne surface « , au seul motif que la surface avant pondération serait légèrement inférieure à la valeur limite de 600 m².
Cependant, la surface utile s’établit seulement à 501,20 m², soit près de 100 m² en deçà de la limite supérieure de la grille » boutique « , et l’expert ne fait pas état d’autre particularité des locaux permettant de motiver une adaptation des principes posés par la Charte.
Dès lors, il convient de retenir exclusivement une base de pondération » boutique « , comme le prévoit la Charte et comme le sollicite justement la locataire.
En ce qui concerne les coefficients pris en application de la grille “boutique”, l’expert retient une surface pondérée de 325 m²p de la façon suivante :
*aire de vente :
– zone d’angle : 20 m² x coefficient de 1,10 = 22 m²p
– première zone sur la [Adresse 28] (profondeur de 5 m) : 82 m² x coefficient de 1 = 82 m²p
– première zone sur la [Adresse 29] (profondeur de 5 m) : 35 m² x coefficient de 0,80 = 28 m²p
– deuxième zone sur la [Adresse 28] (profondeur de 5 m) : 76 m² x coefficient de 0,80 = 60,80 m²p
– troisième zone (surplus): 126,10 m² x coefficient de 0,60 = 75,66 m²p
*locaux sociaux, sanitaires et bureau :
32,50 m² x coefficient de 0,40 = 13 m²p
*réserve éclairée sur la [Adresse 28] :
36,70 m² x coefficient de 0,40 = 14,68 m²p
*réserve principale sur l’arrière :
68,60 m² x coefficient de 0,35 = 24,01 m²p
*local technique avec groupe froid sur la [Adresse 29] :
24,30 m² x coefficient de 0,20 = 4,86 m²p
La RIVP se prévaut uniquement de l’application de la grille » moyenne surface « , qui a été précédemment écartée. Elle ne discute donc pas des coefficients à retenir en cas d’application de la grille » boutique « .
La société SUP’CHARENTON, en revanche, retient une surface de 320 m²p en se référant au rapport amiable de M. [H] [T], au sein duquel plusieurs coefficients de pondération divergent de ceux retenus par l’expert judiciaire, lequel conclut à une surface de 325 m²p.
Il convient, pour déterminer la surface pondérée à retenir, de porter une appréciation sur ces divergences.
*Le coefficient de 0,80 pour la zone 1 sur la [Adresse 29]
L’expert [T], pour la locataire, a appliqué un coefficient de 1.
Il y a lieu de rappeler qu’en principe, selon la Charte, le coefficient de la première zone de vente de 5 m de profondeur à compter de la vitrine se voit effectivement attribuer un coefficient de 1.
Cependant en l’espèce, au sein de son rapport, l’expert judiciaire propose le coefficient de 0,80 en précisant que la [Adresse 29] est une voie secondaire, sans aucun commerce aux abords des lieux loués, à l’exception de ceux situés à l’angle de la [Adresse 28], justifiant l’application d’un coefficient de pondération inférieur à 1.
Eu égard à l’existence de ces particularités défavorables de la [Adresse 29] relevées par l’expert judiciaire, il y a lieu d’appliquer le coefficient de 0,80 proposé par celui-ci, qui apparaît adapté.
*Le coefficient de 0,20 pour le local technique avec groupe froid sur la [Adresse 29]
M. [T] a retenu un coefficient de 0,10.
Cependant, il n’est pas justifié de l’opportunité de retenir le coefficient minimal prévu par la Charte, étant rappelé que celle-ci attribue un coefficient de 0,10 à 0,40 aux annexes diverses, au nombre desquelles se trouvent les locaux techniques.
En outre, comme souligné par l’expert judiciaire, le local technique présente l’avantage d’un accès direct depuis la rue par porte métallique à double battant.
En conséquence, le coefficient proposé par l’expert judiciaire apparaît plus pertinent et sera retenu.
*Le coefficient de 0,40 pour la réserve sur la [Adresse 28] et de 0,35 pour la réserve principale sur l’arrière
M. [T] retient un coefficient unique de 0,25 pour les deux réserves.
Toutefois, cette proposition de coefficient est encore une fois dépourvue de justification et apparaît moins précise que les coefficients de l’expert judiciaire, dans la mesure où celui-ci distingue la pondération de chacune des deux réserves, ce qui est pertinent notamment en raison de la différence d’éclairement entre ces deux locaux.
Les coefficients proposés par l’expert judiciaire seront donc retenus.
*Le coefficient de 0,40 pour les locaux sociaux, sanitaires et bureau
M. [T] retient un coefficient de 0,30.
En l’absence de justification apportée par la locataire, le juge des loyers rejoint l’avis de l’expert judiciaire qui a considéré, en prenant en compte le caractère aveugle de ces surfaces et leur aménagement sommaire, qu’une pondération de 0,30 était pertinente.
En conséquence, l’ensemble des coefficients de l’expert judiciaire devant être retenus, il convient de retenir la surface pondérée proposée par celui-ci, laquelle s’élève à 325 m²p.
*Les prix pratiqués dans le voisinage
Selon l’article R. 145-7 du code de commerce, les prix couramment pratiqués dans le voisinage, par unité de surfaces, concernent des locaux équivalents eu égard à l’ensemble des éléments mentionnés aux articles R. 145-3 à R. 145-6.
À défaut d’équivalence, ils peuvent, à titre indicatif, être utilisés pour la détermination des prix de base, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence.
En l’espèce, pour les loyers déterminés sur la base d’une pondération « boutique « , qui a été retenue en l’espèce, l’expert judiciaire mentionne les éléments de comparaison suivants :
*renouvellements judiciaires :
– supérette PROXI, [Adresse 19] (1er juillet 2017) : 250 €/m²p/an
– pressing, [Adresse 5] (1er avril 2014) : 300 €/m²p/an
– supermarché bio BIOCOOP, [Adresse 4] (1er janvier 2021) : 390 €/m²p/an
– centre de bronzage MEGASUN, [Adresse 10] (1er janvier 2014) : 430 €/m²p/an
– restaurant japonais [31], [Adresse 15] (1er juin 2021) : 450 €/m²p/an
– fleuriste UN AIR DE PROVENCE, [Adresse 17] (1er juillet 2019) : 480 €/m²p/an
– supermarché U EXPRESS, [Adresse 2] (1er juin 2020) : 515 €/m²p/an
*renouvellements amiables :
– surgelés PICARD, [Adresse 23] (1er avril 2016) : 306 €/m²p/an
– supermarché bio LA VIE CLAIRE, [Adresse 18] (1er septembre 2019) : 351 €/m²p/an
– pompes funèbres PF LES TROIS ROSES, [Adresse 9] (1er mai 2015) : 460 €/m²p/an
– agence bancaire BNP PARIBAS, [Adresse 16] (1er janvier 2015) : 505 €/m²p/an
– agence bancaire CIC, [Adresse 7] (1er janvier 2018) : 574 €/m²p/an
– boulangerie-pâtisserie, FESTIVAL DES PAINS, [Adresse 6] (1er janvier 2018) : 675 €/m²p/an
*nouvelle location :
– prêt-à-porter MARIE B, [Adresse 11] (13 décembre 2018) : 652 €/m²p/an
L’expert a retenu une valeur locative en renouvellement de 400 €/m²p/an, avant déduction du montant de l’impôt foncier (4.493 €) et avant abattement de 5 % au titre du report en fin de jouissance des effets de l’accession des travaux réalisés par la preneuse sans participation financière de la bailleresse, en considération de :
– la situation géographique des locaux, dans un quartier d’habitation excentré, sur le tronçon d’une voie traversante du [Localité 25] dans lequel les commerces de services et de nature alimentaire sont bien représentés mais qui dispose d’un assez faible achalandage, à plus de 500 mètres d’une station de métro,
– la catégorie de l’immeuble,
– la très bonne visibilité des locaux, leur configuration irrégulière et dépourvue d’aire de livraison, la présence d’une climatisation,
– les clauses et conditions locatives et l’activité exercée,
– l’état du marché des loyers en janvier 2020.
La RIVP, bailleresse, demande de retenir une valeur locative de 401 €/m²p/an, faisant valoir que :
– les références locatives des années 2012, 2013 et 2014 citées p. 33 du rapport de l’expert judiciaire sont trop anciennes et doivent être écartées,
– il y a donc lieu de retenir uniquement les cinq références suivantes parmi celles citées par l’expert judiciaire :
*supermarché CARREFOUR MARKET, [Adresse 14] (1er janvier 2016) : 360 €/m²p/an
*supermarché CARREFOUR CITY, [Adresse 1] (1er avril 2018) : 375 €/m²p/an
*supermarché FRANPRIX, [Adresse 22] (1er décembre 2016) : 345 €/m²p/an
*supermarché FRANPRIX , [Adresse 20] (1er mai 2015) : 459 €/m²p/an
*supermarché INTERMARCHE EXPRESS, [Adresse 8] (1er juillet 2017) : 468 €/m²p/an
– la moyenne arithmétique de ces cinq références aboutit à une valeur locative de 401,40 €/m²p/an, arrondie à 401 €/m²p/an.
Il sera relevé que les références contestées par la RIVP en raison de leur ancienneté sont exclusivement des références utilisées par l’expert judiciaire pour le calcul de la valeur locative sur une base » surface moyenne « , qui a été écartée en l’espèce au profit d’une base » boutique « , comme précédemment énoncé. Dès lors, la critique de la bailleresse est inopérante.
De la même manière, les cinq références avancées par la bailleresse sont des références retenues par l’expert judiciaire uniquement pour une base » surface moyenne « , de sorte qu’elles ne sont pas pertinentes en l’espèce.
Au surplus, il sera rappelé que l’établissement d’une valeur locative ne saurait résulter d’une simple moyenne arithmétique, comme y procède la bailleresse, mais du rapprochement d’éléments de comparaison analysés un à un.
Les moyens avancés par la bailleresse sont donc insuffisants et ne sauraient remettre en cause l’analyse de l’expert judiciaire.
Pour sa part, la société SUP’CHARENTON, locataire, demande de fixer la valeur locative des locaux à 350 €/m²p/an, faisant valoir que :
– la société PIMOUSS exploite un commerce FRANPRIX au [Adresse 12], et loue ce local de 357 m²pour la somme de 73.668 euros, ce qui correspond à une valeur locative de 206 €/m²/an,
– le rapport amiable établi par M. [T], liste des références locatives et retient une valeur locative de 350 €/m²p/an en tenant compte des éléments suivants :
*éléments favorables : situation dans un secteur résidentiel recherché en raison de sa proximité immédiate du boulevard périphérique et du bois de [Localité 32], large linéaire de façade avec situation d’angle, plusieurs vitrines et plusieurs accès, proximité des transports en commun, surface de vente suffisante,
*éléments défavorables : faible commercialité avoisinante, concurrence de supermarché de taille moyenne relativement marquée sur des axes de meilleure commercialité, absence de quai de chargement/livraison dédié, locaux en état d’usage, pas d’accès livraison.
En ce qui concerne la référence locative additionnelle du [Adresse 12], la locataire se limite à verser aux débats un appel de loyer du 13 mars 2023 et un plan des locaux qui, sans calcul de la pondération ni production du bail, ne permettent pas de déterminer un loyer par m² pondéré, de sorte que la référence locative doit être écartée.
Par ailleurs, quant aux éléments favorables et défavorables considérés par l’expert amiable de la preneuse, il y a lieu de relever qu’ils ont tous été pris en compte par l’expert judiciaire au sein de son rapport.
Dès lors, en l’absence d’élément additionnel justifiant la fixation de la valeur unitaire à une somme inférieure à l’estimation de l’expert judiciaire, les moyens de la société SUP’CHARENTON tendant à voir fixer la valeur unitaire à la somme de 350 € doivent être rejetés.
Dans ces conditions, il est justifié de l’estimation de la valeur locative avant abattement à 400 €/m²p/an, qui sera donc retenue.
*Sur les abattements au titre des travaux et de l’impôt foncier
Il y a lieu de relever que la RIVP s’accorde avec l’expert judiciaire pour prendre en compte l’abattement de 5 % retenu au titre des travaux réalisés par la preneuse, ainsi que la déduction de l’impôt foncier, tandis que la société SUP’CHARENTON n’émet aucune observation à cet égard.
Il sera donc constaté que les correctifs proposés par l’expert judiciaire ne sont pas contestés.
Il y a lieu, dès lors, de retenir un abattement de 5 % au titre des travaux réalisés par la preneuse, ainsi que la déduction de la somme de 4.493 euros au titre de l’impôt foncier.
En conséquence, le loyer de renouvellement sera fixé à :
325 m²p x 400 € x 0,95 – 4.493 = 119.007 €, arrondi à 119.000 €/an, HT et HC.
La locataire n’aura pas à payer d’intérêts sur la différence entre les loyers provisionnels et les loyers effectivement dus depuis le renouvellement du bail puisque le loyer actuellement versé est supérieur à celui présentement fixé.
Il est d’ailleurs rappelé que la compétence du juge des loyers est limitée à la fixation du prix du bail renouvelé, de sorte qu’il ne saurait condamner la locataire à un quelconque paiement au titre d’un complément de loyers ou des intérêts produits par celui-ci, ni se prononcer sur l’application de la clause d’indexation prévue au bail en indiquant que le loyer sera indexé.
*Sur les demandes accessoires
Les circonstances de la cause commandent de laisser à chacune des parties la charge définitive des dépens ainsi que des frais irrépétibles qu’elle a supportés et de partager par moitié entre elles les frais de l’expertise.
L’exécution provisoire de la présente décision est de droit.
Il n’y a pas lieu de statuer sur la valeur de titre exécutoire de la présente décision en application des articles L.111-2 et suivants du code des procédures civiles d’exécution, cet effet résultant de plein droit de la loi.
Le juge des loyers commerciaux, statuant publiquement, par décision contradictoire et en premier ressort,
FIXE le montant du loyer du bail renouvelé entre la S.A. RÉGIE IMMOBILIÈRE DE LA VILLE DE [Localité 26] et la S.A.R.L. SUP’CHARENTON, portant sur un local dépendant d’un immeuble sis [Adresse 13] à [Localité 25], à la somme de cent dix-neuf mille euros (119.000 €) par an, HT et HC, à compter du 1er janvier 2020 ;
RAPPELLE que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit ;
REJETTE le surplus des demandes ;
DIT que chacune des parties gardera la charge définitive des dépens qu’elle a exposés et que les frais de l’expertise judiciaire seront supportés par moitié entre elles.
Fait et jugé à PARIS, le 16 janvier 2025.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
C. BERGER L. FONTANELLA
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