Saisie conservatoire contestée : mainlevée ordonnée et dommages accordés.

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Saisie conservatoire contestée : mainlevée ordonnée et dommages accordés.

L’Essentiel : La société HABITAT PARISIEN a signé un bail commercial avec la SC LFF2 le 16 décembre 2015, remplacée par la société TAM par un avenant en janvier 2016. Le 20 septembre 2023, la SC LFF2 a vendu le bien à TAM, entraînant des litiges financiers. Le 21 décembre 2023, le tribunal judiciaire a débouté TAM de sa demande de loyer rétroactif, tout en condamnant la SC LFF2 à rembourser des charges et à verser des dommages et intérêts. En réponse, la SC LFF2 a interjeté appel et pratiqué une saisie conservatoire, contestée par TAM devant le juge de l’exécution.

Contexte du bail commercial

La société HABITAT PARISIEN a signé un bail commercial avec la SC LFF2 le 16 décembre 2015 pour des locaux situés à des adresses spécifiques. Par un avenant daté du 26 janvier 2016, la société TAM a pris la place de HABITAT PARISIEN, assumant ainsi les droits et obligations liés à ce bail.

Vente du bien immobilier

Le 20 septembre 2023, la SC LFF2 a vendu le bien immobilier concerné à la société TAM, ce qui a conduit à des litiges concernant les obligations financières liées au bail.

Jugement du tribunal judiciaire

Le 21 décembre 2023, le tribunal judiciaire de Paris a rendu un jugement qui a débouté la société TAM de sa demande de fixation rétroactive du loyer à 27 518,40 € hors-taxes. En revanche, il a condamné la SC LFF2 à rembourser 16 490,07 € à TAM pour des provisions sur charges et taxes, et a accordé 15 000 € de dommages et intérêts à TAM, ainsi qu’une indemnité de 5 000 €.

Appel et saisie conservatoire

Suite à ce jugement, la SC LFF2 a interjeté appel. Le 22 décembre 2023, elle a également pratiqué une saisie conservatoire de 248 427,83 € auprès de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE, en raison de loyers et charges impayés, récupérant une somme de 1 604,15 €.

Assignation en mainlevée de la saisie

Le 9 août 2024, la société TAM a assigné la SC LFF2 devant le juge de l’exécution pour obtenir la mainlevée de la saisie conservatoire, arguant que la créance à l’origine de la saisie n’était pas fondée. TAM a également demandé des dommages et intérêts pour abus de saisie.

Arguments de la défenderesse

La SC LFF2 a soutenu que le juge de l’exécution devrait se déclarer incompétent en raison d’une décision du conseil constitutionnel, tout en affirmant que les demandes de TAM étaient infondées. Elle a également demandé la validation de sa saisie conservatoire pour un montant réduit.

Décision du juge de l’exécution

Le juge de l’exécution a écarté l’exception d’incompétence, confirmant que la compétence du juge de l’exécution subsistait. Il a constaté que la créance de la SC LFF2 n’était pas fondée, ordonnant la mainlevée de la saisie conservatoire et condamnant la SC LFF2 à verser 1 000 € de dommages et intérêts à TAM, ainsi qu’une indemnité de 1 500 € en vertu de l’article 700 du code de procédure civile.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la compétence du juge de l’exécution en matière de saisie conservatoire ?

La compétence du juge de l’exécution en matière de saisie conservatoire est régie par l’article L 213-6 du code de l’organisation judiciaire. Cet article stipule que :

« Le juge de l’exécution est compétent pour autoriser les mesures conservatoires et connaître des contestations relatives à leur mise en œuvre. »

Ainsi, même après la décision du Conseil constitutionnel du 17 novembre 2023,

les dispositions de cet article demeurent en vigueur, permettant au juge de l’exécution de statuer sur les saisies conservatoires.

Dans le cas présent, l’exception d’incompétence soulevée par la SC LFF2 a été écartée, confirmant que le juge de l’exécution était bien compétent pour examiner la demande de mainlevée de la saisie conservatoire.

Quelles sont les conditions de validité d’une créance invoquée dans le cadre d’une saisie conservatoire ?

Pour qu’une créance soit considérée comme fondée en son principe dans le cadre d’une saisie conservatoire, elle doit être suffisamment précise et vérifiable.

Dans le jugement rendu, il a été constaté que la créance invoquée par la SC LFF2, qui se composait d’arriérés de charges et de loyers impayés, ne remplissait pas ces conditions.

En effet, la défenderesse n’a pas fourni de détails suffisants concernant les loyers impayés, et le décompte des charges était en contradiction avec l’autorité de chose jugée du jugement du 21 décembre 2023, qui avait reconnu une créance de restitution en faveur de la société TAM.

Ainsi, la créance invoquée par la SC LFF2 ne pouvait pas être considérée comme fondée, ce qui a conduit à l’ordonnance de mainlevée de la saisie conservatoire.

Quels sont les recours possibles en cas de saisie conservatoire abusive ?

En cas de saisie conservatoire abusive, la partie lésée peut demander la mainlevée de la saisie et solliciter des dommages et intérêts pour le préjudice subi.

L’article L 512-2 du code des procédures civiles d’exécution prévoit que :

« La mainlevée de la saisie conservatoire peut être ordonnée lorsque la créance cause de la saisie n’est pas fondée en son principe. »

Dans le jugement, la société TAM a obtenu la mainlevée de la saisie conservatoire, ainsi qu’une indemnité de 1 000 € en réparation du préjudice occasionné par cette saisie.

De plus, une indemnité de 1 500 € a été accordée en vertu de l’article 700 du code de procédure civile, qui permet d’allouer une somme à la partie qui a dû engager des frais pour défendre ses droits.

Comment se calcule l’indemnité en vertu de l’article 700 du code de procédure civile ?

L’article 700 du code de procédure civile stipule que :

« Le juge peut, dans sa décision, condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés par celle-ci et non compris dans les dépens. »

Cette indemnité est destinée à couvrir les frais engagés par la partie qui a dû défendre ses droits dans le cadre d’une procédure judiciaire.

Dans le cas présent, la société TAM a obtenu une indemnité de 1 500 € en vertu de cet article, ce qui reflète l’équité et la nécessité de compenser les frais liés à la saisie conservatoire abusive.

Le montant de l’indemnité est laissé à l’appréciation du juge, qui prend en compte les circonstances de l’affaire et les frais réellement engagés par la partie.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS


REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
N° RG 24/81632
N° Portalis 352J-W-B7I-C55TS

N° MINUTE :

CE aux avocats
CCC aux parties en LRAR
Le :
PÔLE DE L’EXÉCUTION
JUGEMENT rendu le 15 janvier 2025

DEMANDERESSE

La société TAM
RCS PARIS 817 932 601
prise en la personne de son représentant légal en exercice, Monsieur [M] [U], gérant.
[Adresse 4]
[Localité 5]

représentée par Me Jean-Paul YILDIZ, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #C0794

DÉFENDERESSE

S.C. LFF 2
RCS NANTERRE 500 110 192
[Adresse 1]
[Localité 6]

représentée par Me Véronique DE LA TAILLE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #K0148

JUGE : M. Michel LAMHOUT, Vice-président, juge de l’Exécution par délégation du Président du Tribunal judiciaire de PARIS.

GREFFIER :
Madame Séléna BOUKHELFIA, greffière, lors des plaidoiries,
Madame Amel OUKINA, greffière principale, lors de la mise à disposition.

DÉBATS : à l’audience du 11 Décembre 2024 tenue publiquement,

JUGEMENT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoire, susceptible d’appel

FAITS ET PROCÉDURE :

Par acte sous-seing-privé en date du 16 décembre 2015, la société HABITAT PARISIEN a pris à bail commercial auprès de la SC LFF2 des locaux situés [Adresse 2] et [Adresse 3], étant précisé que par avenant du 26 janvier 2016, la société TAM s’est substituée à la société HABITAT PARISIEN dans les droits et obligations de ce bail.

Le 20 septembre 2023, le bien immobilier susmentionné a été vendu par la société LFF2 à la société TAM.

Suivant un jugement rendu le 21 décembre 2023, le tribunal judiciaire de Paris a :
– débouté la société TAM de sa demande tendant à voir fixer le loyer du bail au montant trimestriel de 27 518,40 € hors-taxes avec effet rétroactif au jour de la conclusion du bail et de ses demandes subséquentes en répétition de l’indu,
– condamné la SC LFF2 à rembourser à la société TAM la somme de 16 490,0 7 € à titre de répétition de l’indu sur les provisions sur charges et taxes acquittées du 26 janvier 2016 au 26 janvier 2019 et pour la période du 26 avril 2019 au 26 octobre 2020, avec intérêts au taux légal à compter de la décision,
– ordonné la capitalisation des intérêts,
– condamné la SC LFF2 à payer à la société TAM 15 000 € de dommages et intérêts, outre une indemnité de 5 000 € en vertu de l’article 700 du code de procédure civile.

La SC LFF2 a relevé appel de cette décision.

Le 22 décembre 2023, la société LFF2 a pratiqué au préjudice de la société TAM, auprès de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE, sur le fondement du bail commercial précité et de son avenant, une saisie conservatoire pour un montant total de 248 427,83 €, correspondant à des loyers et charges impayées.

Cette saisie a permis d’appréhender une somme de 1 604,15 €.

Par acte du 9 août 2024, la SARL TAM a assigné devant le juge de l’exécution la SC LFF2 aux fins d’obtenir, suivant ses conclusions soutenues à l’audience du 11 décembre 2024, la mainlevée de la saisie conservatoire susmentionnée (la créance cause de la saisie n’étant pas fondée en son principe, ni menacée en son recouvrement), outre 50 000 € de dommages et intérêts pour abus de saisie et une indemnité de 10 000 € en vertu de l’article 700 du code de procédure civile, étant entendu que le juge de l’exécution rejettera l’exception d’incompétence soulevée par la saisissante dans ses dernières conclusions.

Suivant conclusions soutenues à la même audience, la défenderesse fait valoir que, suite à la décision du conseil constitutionnel du 17 novembre 2023, prenant effet au 1er décembre 2024, le juge de l’exécution devra se déclarer incompétent au profit du tribunal judiciaire. Subsidiairement, elle estime que les demandes formulées à son encontre sont totalement infondées et sollicite la validation de sa saisie conservatoire à hauteur de 186 896,46 €, outre l’allocation d’une indemnité de 10 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS ET DÉCISION :

Sur l’exception d’incompétence :

Il suffit de relever que la décision rendue le 17 novembre 2023 par le conseil constitutionnel laisse subsister les dispositions de l’article L 213-6 du code de l’organisation judiciaire en ce que celui-ci prévoit la compétence du juge de l’exécution pour autoriser les mesures conservatoires et connaître des contestations relatives à leur mise en œuvre.

L’exception d’incompétence sera donc écartée.

Sur la créance cause de la saisie :

Dans ses écritures, la défenderesse expose que la demanderesse, depuis la conclusion de l’avenant de substitution précité, soit depuis l’année 2016, ne s’acquitte par des charges dont elle est redevable (taxes sur les bureaux, taxes foncières, et régularisations des charges récupérables), correspondant à un arriéré total de 106 219,83 € TTC. Elle indique également des loyers impayés, sans autre précision (page 9 de ses conclusions), à hauteur de 80 676,63 € TTC.

Dès lors, la créance invoquée par la société LFF2 ne peut être considérée comme paraissant fondée en son principe.

En effet, le décompte des charges figurant dans les conclusions de cette dernière est manifestement contraire, au moins pour partie, à l’autorité de chose jugée s’attachant au jugement rendu le 21 décembre 2023, lequel a reconnu au profit de la société TAM une créance de restitution au titre des charges qu’elle a versées, à titre de provisions, à sa bailleresse depuis l’année 2016.

Par ailleurs, force est de constater que la société LFF2 ne fournit aucune indication sur les loyers qui selon elle seraient demeurés impayés, alors que la société TAM soutient qu’elle s’est toujours acquittée des loyers appelés par la première.

Il s’ensuit que le décompte établi de ce chef par la défenderesse présente, en raison de l’imprécision importante qui l’affecte, un caractère totalement invérifiable.

Dans ces conditions, il convient d’ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire contestée.

Il sera alloué à la demanderesse, en application de l’article L 512-2 du code des procédures civiles d’exécution, 1 000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice occasionné par cette saisie.

L’équité commande également de lui accorder une indemnité de 1 500 € en vertu de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Le Juge de l’Exécution, statuant publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort, et par mise à disposition :

– Ordonne mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée le 22 décembre 2023, par la société LFF2 au préjudice de la société TAM, auprès de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE,

– Condamne la SC LFF2 à verser à la société TAM 1 000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice occasionné par ladite saisie, outre une indemnité de 1 500 € en vertu de l’article 700 du code de procédure civile,

– Rejette pour le surplus tout demandes contraires ou plus amples,

– Condamne la SC LFF2 aux dépens, outre les frais de la saisie conservatoire,

LE GREFFIER LE JUGE DE L’EXÉCUTION


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