Résiliation de bail et contestations sur loyers impayés : enjeux et conditions d’application.

·

·

Résiliation de bail et contestations sur loyers impayés : enjeux et conditions d’application.

L’Essentiel : La SCI IRECO a signé un bail commercial le 1er juillet 2022 avec Monsieur [V] [B] et Madame [L] [G] pour un studio d’enregistrement, avec un loyer annuel de 12.000 euros HT. En raison de loyers impayés, un commandement de payer a été délivré le 9 février 2024, réclamant 7.000 euros. Face à l’inefficacité de ce commandement, la SCI a assigné les locataires en référé le 25 juin 2024, demandant la résiliation du bail et l’expulsion. Cependant, le juge a constaté des irrégularités dans le commandement, rendant les demandes de la SCI contestables et a décidé qu’il n’y avait pas lieu à référé.

Contexte du litige

La SCI IRECO a conclu un bail commercial le 1er juillet 2022 avec Monsieur [V] [B] et Madame [L] [G] pour un local destiné à un studio d’enregistrement, avec un loyer annuel de 12.000 euros HT, payable mensuellement.

Commandement de payer

En raison de loyers impayés, la SCI IRECO a délivré un commandement de payer le 9 février 2024, réclamant la somme de 7.000 euros et indiquant son intention de se prévaloir de la clause résolutoire.

Assignation en référé

Face à l’inefficacité du commandement, la SCI IRECO a assigné les locataires en référé le 25 juin 2024, demandant la résiliation du bail, l’expulsion des occupants, et une indemnité provisionnelle d’occupation de 1.000 euros par mois, ainsi qu’une provision de 10.000 euros pour loyers impayés.

Réponse des locataires

Monsieur [V] [B] et Madame [L] [G] ont contesté les demandes de la SCI IRECO par conclusions notifiées le 30 novembre 2024, demandant l’annulation du bail et du commandement, ainsi qu’une condamnation de la demanderesse au paiement de 2.500 euros.

Analyse des demandes

Le juge des référés a précisé que les demandes d’annulation du bail et du commandement ne relèvent pas de sa compétence, se limitant à apprécier la présence de contestations sérieuses. Il a également rappelé que le commandement doit respecter certaines conditions pour être valide.

Décision du juge

Le juge a constaté que le commandement, bien que mentionnant le montant dû et le délai d’un mois, ne reproduisait pas les dispositions légales nécessaires, rendant les demandes de la SCI IRECO sérieusement contestables. Il a donc décidé qu’il n’y avait pas lieu à référé et a condamné la SCI IRECO aux dépens, sans application de l’article 700 du Code de procédure civile.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de la résiliation de plein droit d’un bail commercial selon l’article L.145-41 du Code de commerce ?

L’article L.145-41 du Code de commerce stipule que :

« Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux.

Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. »

Ainsi, pour qu’une résiliation de plein droit soit effective, il est impératif que le bail contienne une clause résolutoire, et que le bailleur ait délivré un commandement de payer qui soit resté sans effet pendant un mois.

Ce commandement doit également mentionner explicitement le délai d’un mois, sans quoi il serait nul.

Dans le cas présent, bien que le commandement ait été délivré, il n’a pas reproduit les dispositions de l’article L.145-41, ce qui soulève des questions quant à la validité de la résiliation.

Quelles sont les prérogatives du juge des référés selon l’article 835 du Code de procédure civile ?

L’article 835 du Code de procédure civile dispose que :

« Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire. »

Cela signifie que le juge des référés a le pouvoir d’intervenir pour prendre des mesures conservatoires, même si une contestation sérieuse existe.

Cependant, si l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut également accorder une provision au créancier.

Dans cette affaire, la contestation sur les loyers impayés et les conditions d’application du bail rendent les demandes de la SCI IRECO sérieusement contestables, ce qui limite l’intervention du juge des référés.

Quelles sont les implications de l’article 700 du Code de procédure civile dans le cadre de cette affaire ?

L’article 700 du Code de procédure civile prévoit que :

« La partie qui perd le procès peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles.

Cette somme est fixée par le juge. »

Dans le contexte de cette affaire, la SCI IRECO a été condamnée aux dépens, mais le juge a décidé qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer l’article 700.

Cela signifie que, bien que la SCI IRECO ait perdu sa demande en référé, le juge a estimé que les circonstances de l’affaire ne justifiaient pas une condamnation à payer des frais irrépétibles à ses adversaires.

Cette décision peut être interprétée comme une reconnaissance des contestations sérieuses soulevées par Monsieur [V] [B] et Madame [L] [G] concernant le bail et le commandement de payer.

T R I B U N A L J U D I C I A I R E
D E D R A G U I G N A N
____________

O R D O N N A N C E D E R E F E R E

REFERE n° : N° RG 24/04909 – N° Portalis DB3D-W-B7I-KJEY

MINUTE n° : 2025/ 19

DATE : 15 Janvier 2025

PRESIDENT : Madame Laetitia NICOLAS

GREFFIER : M. Alexandre JACQUOT

DEMANDERESSE

S.C.I. IRECO, dont le siège social est sis [Adresse 5]

représentée par Me Julie FEHLMANN, avocat au barreau de GRASSE

DEFENDEURS

Monsieur [V] [B], demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Philippe MONNET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

Madame [L] [G], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Philippe MONNET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

DEBATS : Après avoir entendu à l’audience du 04 décembre 2024 les parties comparantes ou leurs conseils, l’ordonnance a été mise en délibéré le 08 janvier 2025 puis prorogé au 15 janvier 2025 par mise à disposition de la décision au greffe.

copie exécutoire à
Me Julie FEHLMANN
Me Philippe MONNET

2 copies expertises
copie dossier

délivrées le

Envoi par Comci à Me Julie FEHLMANN
Me Philippe MONNET

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte sous seing privé du 1ier juillet 2022, la SCI IRECO a donné à bail commercial à Monsieur [V] [B] et Madame [L] [G], un local à usage de studio d’enregistrement, production musicale et audiovisuelle, situé [Adresse 3] à [Adresse 2], moyennant paiement d’un loyer annuel de 12.000 euros HT, payable mensuellement par termes de 1.000 euros et d’avance, outre les provisions sur charges.

Monsieur [V] [B] et Madame [L] [G] ayant laissé certains loyers impayés, la SCI IRECO leur a fait délivrer le 9 février 2024, un commandement de payer la somme de 7.000 euros au principal, visant la clause résolutoire et lui manifestant son intention de s’en prévaloir.

Ce commandement étant demeuré infructueux, par actes du 25 juin 2024, auxquels il est expressément fait référence pour un plus ample exposé des faits, de ses moyens, prétentions et demandes, la SCI IRECO a fait assigner Monsieur [V] [B] et Madame [L] [G], en référé devant le président du tribunal judiciaire de Draguignan, aux fins de voir constater la résiliation du bail, prononcer l’expulsion de l’occupant sous astreinte et de fixer une indemnité provisionnelle d’occupation à hauteur de 1.000 euros par mois. Il est sollicité en outre, leur condamnation solidaire au paiement de la somme de 10.000 euros à titre de provision à valoir sur le paiement des loyers impayés arrêtés au mois de mai 2024, de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civil et aux dépens.

Par conclusions notifiées par RPVA le 30 novembre 2024, Monsieur [V] [B] et Madame [L] [G] ont sollicité à titre principal, de voir annuler le bail et le commandement de payer ainsi que le rejet des demandes et à titre subsidiaire, le rejet des demandes et la condamnation de la demanderesse au paiement de la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

SUR QUOI

A titre liminaire, il convient de rappeler que les demandes tendant à voir prononcer la nullité du bail signé le 1er juillet 2022 et du commandement délivré le 9 février 2024 ne relèvent pas des pouvoirs du juge des référés, qui peut seulement apprécier si les conditions d’établissement de ces actes se heurtent à des contestations sérieuses ou non, de sorte qu’il n’y a lieu à référé sur les demandes reconventionnelles.

Aux termes de l’article L.145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

L’article 835 du Code de procédure civile prévoit par ailleurs : « le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire. ».

En l’espèce, le commandement délivré le 9 février 2024 :
– mentionne le montant des sommes commandées,
– mentionne en page 2 le délai d’un mois pour respecter les clauses du bail,
– reproduit in extenso la clause résolutoire.

Toutefois, en l’absence de reproduction des dispositions de l’article L.145-41, rappelant le fondement de la résiliation de plein droit et la faculté de saisir le juge d’une demande de délais et de suspension des effets de la clause résolutoire et compte-tenu de la situation litigeuse opposant bailleur et preneurs quant aux conditions d’application du contrat de bail et des contestations sur le montant des loyers impayés, ayant conduit la saisine du juge du fond par assignation du 20 novembre 2024, les demandes relatives à la constatation de la clause résolutoire ainsi que la demande de provision apparaissent sérieusement contestables, de sorte qu’il n’y a lieu à référé sur l’intégralité des demandes.

La SCI IRECO conservera la charge des dépens ainsi que ses frais irrépétibles, sans que l’équité ne commande de faire droit à la demande fondée sur l’article 700 du Code de procédure civile formulée contre elle par ses adversaires.

PAR CES MOTIFS

Nous, juge des référés, statuant par ordonnance de référé mise à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

Vu l’article L.145-41 du Code de commerce,
Vu l’article 835 du Code de procédure civile,
Vu l’article 700 du Code de procédure civile,

DISONS n’y avoir lieu à référé ;

CONDAMNONS la SCI IRECO aux dépens ;

DISONS n’y avoir lieu à application de l’article 700 du Code de procédure civile.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe, les jours, mois et an susdits.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon