L’Essentiel : Le 6 août 2016, Monsieur [Z] [L] acquiert une moto YAMAHA 1000 pour 20 000 €. En décembre 2018, Monsieur [D] [W] l’achète pour 15 000 €, mais subit un accident en mars 2019, invoquant une panne due à un vice caché. Après avoir refusé le remboursement, Monsieur [Z] [L] est assigné en justice. Monsieur [D] [W] soutient que le vice était antérieur à la vente, tandis que Monsieur [Z] [L] conteste les allégations, arguant d’un bon entretien. Les experts divergent sur l’état du véhicule. Le tribunal conclut que Monsieur [D] [W] n’a pas prouvé ses allégations et déboute sa demande.
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Acquisition de la motoLe 6 août 2016, Monsieur [Z] [L] a acheté une moto YAMAHA 1000, immatriculée [Immatriculation 3], pour 20 000 €, avec un kilométrage de 3 288 km. Il a ensuite mis le véhicule en vente sur un site d’annonces en ligne. Vente et accidentLe 1er décembre 2018, Monsieur [D] [W] a convenu d’acheter la moto pour 15 000 €. Le 9 mars 2019, il a eu un accident de la route en raison d’une panne du véhicule. Suite à cet incident, une expertise a été réalisée, et Monsieur [D] [W] a demandé le remboursement du prix de vente, demande à laquelle Monsieur [Z] [L] a refusé de faire droit. Procédure judiciaireLe 4 juin 2020, Monsieur [D] [W] a assigné Monsieur [Z] [L] devant le Tribunal judiciaire de Marseille pour obtenir le remboursement du prix de la moto et d’autres compensations. Il a invoqué la garantie des vices cachés, affirmant que la panne était due à un défaut d’entretien imputable à Monsieur [Z] [L]. Arguments de Monsieur [D] [W]Monsieur [D] [W] soutient que le vice était antérieur à la vente et que l’accident était inévitable, citant des témoignages et des documents médicaux. Il conteste également les allégations de mauvais usage du véhicule, affirmant que le changement de pneumatiques ne prouve pas un usage excessif. Arguments de Monsieur [Z] [L]Monsieur [Z] [L] a demandé le rejet des demandes de Monsieur [D] [W], arguant que les conditions de conservation du véhicule après l’accident étaient inconnues et que des modifications pouvaient avoir été apportées. Il a également souligné son expérience en tant que mécanicien et a affirmé avoir entretenu la moto conformément aux préconisations. Expertises et rapportsDeux experts ont été mandatés, chacun par une des parties. L’expert de Monsieur [D] [W] a relevé des défauts d’entretien, tandis que l’expert de Monsieur [Z] [L] a contesté la causalité entre l’accident et le prétendu défaut d’entretien, indiquant que les dommages étaient compatibles avec un usage extrême du véhicule. Décision du tribunalLe tribunal a conclu que Monsieur [D] [W] n’avait pas prouvé l’existence d’un vice caché ni son lien avec l’accident. Il a débouté Monsieur [D] [W] de toutes ses demandes et a condamné ce dernier aux dépens, ainsi qu’à verser 3 000 € à Monsieur [Z] [L] au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La décision est exécutoire à titre provisoire. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de la garantie des vices cachés selon l’article 1641 du Code civil ?La garantie des vices cachés est régie par l’article 1641 du Code civil, qui stipule que : « Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus. » Pour que l’acheteur puisse bénéficier de cette garantie, il doit prouver plusieurs éléments : 1. Un vice de la chose vendue : Le vice doit être réel et affecter la chose vendue. 2. L’antériorité du vice à la vente : Il doit être démontré que le vice existait avant la vente. 3. Le caractère caché du vice : Le vice ne doit pas être apparent, c’est-à-dire que l’acheteur ne doit pas avoir pu le découvrir lors de l’achat. 4. L’impropriété de la chose à l’usage normal : Le vice doit rendre la chose impropre à l’usage pour lequel elle a été achetée. Il est important de noter que la charge de la preuve incombe à l’acheteur, conformément à l’article 9 du Code de procédure civile, qui stipule que « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit prouver les faits qui lui donnent droit à cette exécution. » Comment la charge de la preuve est-elle répartie dans le cadre d’une action en garantie des vices cachés ?Dans le cadre d’une action en garantie des vices cachés, la charge de la preuve incombe à l’acheteur, comme le précise l’article 9 du Code de procédure civile : « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit prouver les faits qui lui donnent droit à cette exécution. » Cela signifie que Monsieur [D] [W], en tant que demandeur, doit prouver : – L’existence d’un vice caché sur la moto. En l’espèce, le tribunal a constaté que Monsieur [D] [W] n’a pas réussi à établir ces éléments, notamment en ce qui concerne le lien de causalité entre le prétendu défaut d’entretien et l’accident survenu. Quels sont les effets de l’article 700 du Code de procédure civile dans cette affaire ?L’article 700 du Code de procédure civile dispose que : « La partie qui succombe est condamnée aux dépens et peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. » Dans cette affaire, le tribunal a débouté Monsieur [D] [W] de toutes ses prétentions, ce qui signifie qu’il a succombé dans son action. Par conséquent, le tribunal a condamné Monsieur [D] [W] à verser à Monsieur [Z] [L] la somme de 3.000 € au titre de l’article 700, en reconnaissance des frais engagés par ce dernier pour se défendre. Cette disposition vise à compenser les frais de justice et à éviter que la partie gagnante ne soit pénalisée par les coûts liés à la procédure. Quelles sont les implications de l’exécution provisoire selon l’article 514 du Code de procédure civile ?L’article 514 du Code de procédure civile stipule que : « Les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. » Dans le cadre de cette affaire, le tribunal a déclaré que la décision est exécutoire de droit à titre provisoire. Cela signifie que, même si la décision peut faire l’objet d’un appel, elle doit être exécutée immédiatement, sans attendre l’issue d’un éventuel recours. Cette mesure vise à garantir que les droits de la partie gagnante soient respectés sans retard, même si la partie perdante conteste la décision. Cela permet également d’éviter que la partie gagnante ne subisse un préjudice en raison de la durée d’une procédure d’appel. |
DE MARSEILLE
TROISIEME CHAMBRE CIVILE – SECTION B
JUGEMENT N°
Enrôlement : N° RG 20/05259 – N° Portalis DBW3-W-B7E-XT5S
AFFAIRE :
M. [D] [W] (la SELARL ABEILLE AVOCATS)
C/
M. [Z] [L] (la SELARL FERNANDEZ GUIBERT & ASSOCIES)
Rapport oral préalablement fait
DÉBATS : A l’audience Publique du 24 Octobre 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré
Président : Monsieur Alexandre BERBIEC, Juge
Greffier : Madame Sylvie PLAZA, lors des débats
A l’issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 09 Janvier 2025, puis prorogée au 16 Janvier 2025
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 16 Janvier 2025
PRONONCE en audience publique par mise à disposition au greffe le 16 Janvier 2025
Par Monsieur Alexandre BERBIEC, Juge
Assisté de Madame Sylvie PLAZA, Greffier
NATURE DU JUGEMENT
contradictoire et en premier ressort
NOM DES PARTIES
DEMANDEUR
Monsieur [D] [W]
né le 01 Juin 1997 à [Localité 5], de nationalité française
demeurant [Adresse 1]
représenté par Maître Etienne ABEILLE de la SELARL ABEILLE AVOCATS, avocats au barreau de MARSEILLE
C O N T R E
DEFENDEUR
Monsieur [Z] [L]
né le 05 Août 1954 à [Localité 4], de nationalité française
demeurant [Adresse 2]
représenté par Maître Jean-Raphaël FERNANDEZ de la SELARL FERNANDEZ GUIBERT & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE
Le 6 août 2016, Monsieur [Z] [L] a acquis une moto modèle YAMAHA 1000 genre MMT2 immatriculée [Immatriculation 3] mise en circulation pour la première fois le 05 août 2015, présentant un kilométrage de 3288 kilomètres pour la somme de 20000 €.
Monsieur [Z] [L] a mis le véhicule en vente sur un site d’annonces en ligne.
Le 24 novembre 2018, Monsieur [Z] [L] a été contacté par Monsieur [D] [W], qui a fait part de son intérêt pour le véhicule.
Le 1er décembre 2018, Monsieur [D] [W] et Monsieur [Z] [L] ont convenu de la vente du véhicule pour un montant de 15.000 €.
Le 9 mars 2019, Monsieur [D] [W] a subi un accident de la route, suite à une panne du véhicule litigieux.
Une expertise extra-judiciaire contradictoire a été diligentée. Monsieur [D] [W] a sollicité la restitution du prix de vente. Monsieur [Z] [L] n’a pas souhaité faire droit à cette demande.
Par acte d’huissier en date du 4 juin 2020, Monsieur [D] [W] a assigné Monsieur [Z] [L] devant le Tribunal judiciaire de MARSEILLE, aux fins notamment de le voir condamner à lui rembourser le prix de la moto, soit 15.000 €.
Aux termes de ses conclusions communiquées par le réseau privé virtuel des avocats le 18 décembre 2023, au visa des articles 1641, Monsieur [D] [W] sollicite de voir :
– prononcer l’annulation de la vente de la moto ;
– condamner Monsieur [L] à rembourser le prix de la moto à Monsieur [W], soit 15.000 € ;
– condamner Monsieur [L] à rembourser à Monsieur [W] les frais d’expertise à hauteur de 1.059,12 € ;
– condamner Monsieur [L] au paiement de la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts ;
– condamner Monsieur [L] au paiement de la somme de 2.500 €, au titre de l’article 700 du code de procédure civile et ce, comme exposé aux motifs des présentes ;
– condamner Monsieur [L] aux entiers dépens de l’instance ;
– ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
Au soutien de ses prétentions, Monsieur [D] [W] affirme qu’il entend mettre en oeuvre le régime de la garantie des vices cachés. En l’espèce, la casse du véhicule résulte d’un défaut d’entretien et est imputable à Monsieur [Z] [L], aux termes du rapport d’expertise.
Le défendeur est professionnel dans le monde de la moto : non pas en tant que mécanicien et garagiste, comme il l’affirme, mais comme employé par une société de vente d’équipements, tels des casques.
Au regard des conclusions de l’expert, le vice est nécessairement antérieur à la vente.
Contrairement à ce qu’affirme le défendeur, l’accident ne fait aucun doute : Monsieur [D] [W] verse aux débats des témoignages afin d’en attester. La chute était inévitable : les roues ont été imbibées de projections d’huile moteur. Le demandeur verse par ailleurs les documents médicaux relatifs à son accident.
De même, le demandeur conteste les affirmations du défendeur selon lesquelles il aurait fait un usage excessif et inapproprié du véhicule. Le seul fait de changer les pneumatiques ne rapporte pas la preuve d’un tel usage excessif.
Aux termes de ses conclusions communiquées par le réseau privé virtuel des avocats le 30 mai 2023, au visa des articles 1103 et suivants du code civil ensemble l’article 1641, Monsieur [Z] [L] sollicite de voir :
– débouter Monsieur [W] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– condamner Monsieur [W] à payer la somme de 3000 €, au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner Monsieur [W] aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, Monsieur [Z] [L] fait valoir que les conditions de conservation et de stockage du véhicule, entre la date de l’accident prétendu et sa date d’examen par l’expert sont inconnues, de sorte que rien ne permet d’attester que le véhicule n’a pas été modifié dans l’intervalle. La moto était équipée d’un R1M (boite noire de la moto qui enregistre l’ensemble des dysfonctionnement), qui n’a pas pu être exploitée par l’expert. Il existe dans ce dossier un problème probatoire. Les photographies de la moto au moment de l’expertise sont très différentes de celles envoyées par Monsieur [D] [W] à Monsieur [Z] [L] deux mois avant l’accident. Il n’est pas possible d’exclure une modification de l’engin, notamment pendant la période durant laquelle la moto a été stockée au domicile du demandeur en attente de l’expertise, afin de modifier les conclusions de celle-ci. Le demandeur ne verse aux débats aucun élément sur le montage et l’équilibrage des pneus, ni sur les équipements de la moto. En réalité, le demandeur a fait usage de la moto dans des conditions extrêmes et inappropriées.
Monsieur [D] [W] ne démontre pas avoir respecté les préconisations constructeurs. A l’inverse, Monsieur [Z] [L], qui a été mécanicien graisseur pour NESTLE de 1982 à 1994, et a été réparateur à l’occasion du championnat de France et de la compétition du Bol d’or, a entrenu le véhicule conformément aux préconisations. Il n’avait pas à réparer le véhicule en 2017 et l’a fait réviser en 2018.
Le défendeur, s’il ne remet pas nécessairement en cause la survenance d’un accident, indique que celui-ci n’a pu se produire selon les circonstances indiquées par le demandeur. Plusieurs des déclarations du demandeur sont invérifiables : il n’a communiqué la survenance de l’accident qu’un mois plus tard à son vendeur, Monsieur [Z] [L], de sorte que les bandes des caméras de surveillance avaient déjà été effacées ; aucune trace matérielle sur les lieux de l’accident n’a pu être trouvée ; aucune déclaration à l’assurance n’a été faite ; le demandeur indique que l’accident n’a eu aucun témoin direct.
Si le demandeur expose avoir subi des préjudices physiques, cela ne l’a pas empêché de participer, le 29 juin 2019, à un circuit de compétition mécanique sur une autre moto. Et dès les 18 et 19 mai 2019, le demandeur participait au « Circuit Driving Center Paul Ricard ».
Le défendeur n’oppose pas une résistance abusive : il se borne à refuser de payer au regard des incohérences des déclarations de Monsieur [D] [W] et de l’usage extrême par celui-ci de la moto.
Dans un souci de lisibilité du jugement, les mentions du dispositif des conclusions demandant au tribunal de donner acte, constater, dire, dire et juger, rappeler qui ne s’analyseraient pas comme des demandes au sens de l’article 4 du code de procédure civile mais comme des moyens n’appelant pas de décision spécifique n’ont pas été rappelées dans l’exposé des demandes des parties.
Au-delà de ce qui a été repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l’espèce des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, le Tribunal entend se référer pour l’exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessus.
Sur le vice caché :
Monsieur [D] [W] fonde ses prétentions exclusivement sur l’article 1641 du code civil. Celui-ci exige la démonstration :
– d’un vice de la chose vendue ;
– de l’antériorité du vice à la vente ;
– du caractère caché du vice aux yeux de l’acquéreur ;
– de l’impropriété de la chose vendue à l’usage normal en raison de l’existence de ce vice.
Il convient de relever que, Monsieur [D] [W], étant demandeur à la présente procédure, la charge de la preuve de l’ensemble des éléments qui précèdent pèse sur lui, au titre de l’article 9 du code de procédure civile.
En l’espèce, il convient de relever que le véhicule a été examiné par deux experts automobiles, chacun mandaté par l’assureur de l’une des deux parties : Monsieur [E] [O] a été mandaté par la MUTUELLE DES MOTARDS pour le compte de Monsieur [D] [W], et a rédigé un rapport d’expertise du 26 septembre 2019, tandis que Monsieur [Y] [S] a été mandaté par Monsieur [Z] [L]. Monsieur [Y] [S] a assisté aux réunions d’expertise extra-judiciaire des 22 mai et 20 juin 2019 et en a tiré ses propres conclusions dans un courrier daté du 7 novembre 2019, adressé à Monsieur [E] [O].
Aucune expertise judiciaire n’a été ordonnée.
Dans le rapport de Monsieur [E] [O], le juge relève les éléments factuels suivants. L’expert relève un disque avec une forte décoloration thermique « (bleuis) ». Il indique que le vilebrequin est bloqué. L’expert relève que le piston cylindre 1 est cassé. Il relève également une forte usure sur les coussinets de bielles 2 et 4. Enfin, il constate une perforation du carter moteur, à la suite de la rupture d’une bielle.
L’expert [O] indique que le plan constructeur transmis par Monsieur [V] prévoit une vidange tous les ans ou tous les 10.000 kilomètres. Le véhicule ayant été acquis le 6 août 2016 par Monsieur [Z] [L] et revendu à Monsieur [D] [W] le 29 novembre 2018, Monsieur [O] indique qu’un entretien est manquant en 2017, et qu’aucun élément factuel ne justifie de l’entretien que Monsieur [Z] [L] prétend avoir effectué le 1er juillet 2018.
Monsieur [O] indique que « suivant ces éléments et en accord avec le technicien de YAMAHA FRANCE, le défaut d’entretien imputable à Monsieur [L] est établi ».
Quant à Monsieur [S], dans son courrier du 7 novembre 2019, il fournit les observations suivantes. Il indique que, concernant les dommages moteurs constatés lors de l’expertise, il a relevé des incohérences techniques. Ainsi, il expose que l’analyse du calculateur moteur n’a pas été possible en ce qu’aucune indication n’était enregistrée. Il expose que lors des démontages, les disques d’embrayage étaient totalement secs et bleuis, impliquant un usage extrême du véhicule. Il expose également que les pneumatiques ont été totalement usés par Monsieur [D] [W] sur 2.600 kilomètres, ce qui indique un usage extrême de la machine. L’expert indique également que les dommages constatés sur le véhicule sont incompatibles avec les circonstances de l’accident, telles que décrites par Monsieur [D] [W], à savoir la circulation à 95 kilomètres / heure sur autoroute : les dommages constatés, à savoir la destruction extrêmement violente au niveau du cylindre n°1, piston n°1, ainsi que la rupture de la bielle, ne sont compatibles qu’avec un très haut régime moteur.
Monsieur [S] fait également valoir que Monsieur [V], représentant du constructeur de la moto, YAMAHA MOTOR FRANCE SA, n’a pas pris position dans le litige.
Par ailleurs, Monsieur [S] indique s’être rendu le 24 mai 2019 à l’endroit auquel Monsieur [D] [W] a déclaré avoir chuté. Il indique : « il y a une ligne droite sur un révêtement goudronné en bon état et sans devers. (…) Par ailleurs, vu le trou présent dans le bloc moteur, j’aurais dû retrouver sur la route des traces de glissade à minima, mais surtout la présence d’huile moteur répandue sur une grande longueur et à l’endroit où Monsieur [W] avoir stoppé garer sa moto (sic). On sait que l’huile des moteurs qui se verse sur la route ou autoroute reste visible plusieurs mois et mêmes plusieurs années. Mais, à l’endroit déclaré où M. [W] aurait fait une chute avec glissade, je n’ai pas observé de trace d’huile ».
Enfin, l’expert [S] indique que « compte tenu de l’importance des dommages observés au niveau du moteur (une bielle qui a fait un trou d’environ 10 cm² dans le bloc moteur), M. [W] aurait dû plutôt entendre depuis longtemps de très forts claquements métalliques accompagnés de fortes vibrations ».
Le juge ne reprendra ici que ces observations de M. [S], qui sont d’ordre technique et relèvent de son champ d’expertise. Il convient de mentionner également, sans les reprendre, que Monsieur [Y] [S] forme de plus larges observations sur les incohérences que l’expert entend relever dans le récit et la chronologie faite par Monsieur [D] [W] des circonstances de l’accident. Sur ces derniers points, Monsieur [Y] [S] ne présente pas d’expertise particulière. Il n’y a donc pas lieu de les exposer. Le juge retient en tous cas que Monsieur [Y] [S], au regard d’observations techniques entrant dans son champ de compétence et au regard de déductions sur le récit de Monsieur [W], sortant de son champ d’expertise, remet en cause le récit par Monsieur [D] [W], concernant l’accident.
Il convient de relever que les deux rapports ne sont pas en contradiction, s’agissant des purs éléments matériels. En revanche, les analyses opérées par les deux experts des causes et conséquences de la casse divergent. Monsieur [O] indique identifier des points de casse qu’il impute à l’accident, fait état d’un défaut d’entretien du véhicule par Monsieur [Z] [L] et en déduit que la responsabilité de ce dernier peut être recherchée.
Monsieur [Y] [S] retient les mêmes points de casse et d’usure, mais fait à l’inverse valoir qu’ils ne sont pas compatibles avec l’accident tel que décrit par Monsieur [D] [W]. Il expose que l’usure, notamment, n’est explicable que par un usage extrême du véhicule par Monsieur [D] [W], et que la casse constatée sur le véhicule n’est compatible ni avec l’absence de bruit anormal avant l’accident, telle qu’exposée par Monsieur [D] [W] dans son récit des faits, ni avec la vitesse (95 km/h) indiquée par le demandeur.
Au delà des rapports d’expertise, Monsieur [Z] [L] fait valoir que les circonstances dans lesquelles le demandeur prétend avoir eu son accident son indémontrables :
– celui-ci n’a pas fait appel à un dépannage, mais explique avoir appelé des amis afin de déplacer la moto ;
– l’équipement que portait Monsieur [D] [W] le jour des faits n’a pu être examiné ;
– le demandeur indique que l’accident n’a eu aucun témoin, s’étant déroulé sur l’autoroute A50 à plus de minuit ;
– Monsieur [Z] [L] n’a été informé que plus d’un mois après les faits, de sorte que les bandes d’enregistrement des caméras de surveillance avaient déjà été effacées.
– le demandeur n’a pas produit aux débats de pièce permettant de vérifier le respect des préconisations constructeur, concernant le montage et l’équilibrage des pneumatiques.
Enfin, le défendeur expose qu’il n’avait pas à procéder à l’entretien du véhicule en 2017 et que, étant professionnel de la moto, il a lui-même procédé à l’entretien de celle-ci en 2018.
Au regard de l’ensemble des éléments qui précèdent, le juge retient les faits suivants : Monsieur [D] [W] a la charge de prouver, à la fois l’existence d’un vice mais aussi le fait que le vice a rendu le véhicule impropre à sa destination.
Monsieur [E] [O] indique que « le plan constructeur transmis par Monsieur [V] prévoit une vidange tous les ans ou tous les 10.000 kilomètres ». Or, ce « plan constructeur » n’est pas versé aux débats par Monsieur [D] [W], alors qu’il s’agit manifestement d’une pièce centrale pour examiner si Monsieur [Z] [L] a respecté, durant le temps de sa possession, ses obligations d’entretien.
Et Monsieur [Y] [S] indique au contraire que Monsieur [V] n’a jamais pris position dans le litige, ce qui n’est pas démenti par les pièces.
La réalité même des obligations d’entretien du véhicule par Monsieur [Z] [L] n’est donc pas démontrée par Monsieur [D] [W].
Mais même à admettre que Monsieur [Z] [L] aurait manqué à ses obligations d’entretien (lesquelles ne sont pas démontrées par Monsieur [D] [W]), il incombe aussi au demandeur de démontrer que ce serait ce manque d’entretien qui est la cause de l’accident, et donc de l’impropriété du véhicule à son usage normal.
Or, Monsieur [E] [O] n’établit jamais un tel lien de causalité. Ce qui ressort de son rapport, sans qu’il le démontre, c’est qu’une « vidange » aurait dû être opérée tous les ans ou tous les dix mille kilomètres. Monsieur [E] [O] n’explique pas en quoi, sur le plan technique, l’absence de réalisation d’une vidange serait nécessairement la cause d’une rupture de bielle, ni en quoi réaliser une vidange aurait permis d’identifier une usure anormale des coussinets de bielle.
L’expert mandaté par l’assurance de Monsieur [D] [W] se borne à relever une absence prétendue d’un entretien courant, et retient ensuite, sans autre explication, la responsabilité de Monsieur [Z] [L] concernant une panne qui, elle, n’est pas ordinaire selon l’avis de Monsieur [Y] [S].
Ce dernier relève au contraire qu’une rupture de bielle de l’importance de celle constatée en l’espèce est annoncée bien à l’avance par de « très forts claquements métalliques accompagnés de fortes vibrations » : Monsieur [D] [W] décrit l’exact inverse dans son exposé des faits du 24 juin 2019, à savoir l’absence de bruit ou de vibrations.
Monsieur [Y] [S] relève également l’incompatibilité entre les dommages observés sur le véhicule et un accident à 95 km/h comme indiqué par Monsieur [D] [W], retenant plutôt une circulation à haut régime moteur.
L’expert [S] relève également une très forte usure de plusieurs pièces (pneumatiques en fin de vie, disques de freinage en état d’usure très avancé), qu’il impute à un usage anormal et extrême du véhicule par Monsieur [D] [W].
Enfin, l’expert [S] relève qu’au lieu indiqué de l’accident, aucune trace d’huile moteur n’est identifiée, alors que Monsieur [D] [W] décrit des fuites importantes d’huile moteur sur ses pneus qui auraient causé la chute et que, selon l’expert, l’huile moteur reste présente des mois sur une route sur laquelle elle s’est déversée.
Par suite, le juge retient qu’alors que Monsieur [D] [W] a la charge de démontrer que l’accident litigieux a eu pour cause le défaut d’entretien par Monsieur [Z] [L], il ne démontre pas ce lien de cause à effet, tandis que Monsieur [Z] [L] présente, quant à lui, des éléments circonstanciés permettant d’envisager une autre version des faits : un accident en lien avec un usage extrême du véhicule, qui aurait dû être anticipé par le demandeur, au regard des importants bruits et vibrations précédant la rupture d’une bielle, accident éventuellement survenu en un lieu différent de celui indiqué par le demandeur (au regard de l’absence de trace d’huile sur le lieu des faits) et à une vitesse différente de celle décrite.
Deux versions des faits se font donc concurrence. Or, non seulement il existe un doute sérieux sur la le prétendu défaut d’entretien par Monsieur [Z] [L], doute que les pièces versées aux débats par le demandeur ne permettent pas d’écarter, mais en outre, l’expertise produite par Monsieur [D] [W] est insuffisante, quant au lien de causalité entre ce défaut d’entretien et les circonstances alléguées de l’accident et ce, alors même que le courrier de Monsieur [Y] [S], bien plus circonstancié sur le plan technique, envisage d’autres circonstances de déroulement de l’accident et un lien causal avec la manière de conduire et de faire usage de la moto par Monsieur [D] [W].
Au regard de l’ensemble de ce qui précède, et notamment, du fait que c’est à Monsieur [D] [W] de prouver les éléments caractérisant le vice caché, du fait qu’un doute sérieux subsiste sur la réalité du vice de défaut d’entretien et du fait qu’une forte incertitude persiste quant à l’imputabilité de l’accident au défaut d’entretien prétendu, le juge retient que les conditions légales d’application de la garantie des vices cachés ne sont pas réunies.
Aussi, il convient de débouter Monsieur [D] [W] de toutes ses prétentions.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :
Il y a lieu de condamner Monsieur [D] [W], débouté de ses demandes, aux entiers dépens.
Il y a lieu de condamner Monsieur [D] [W] à verser à Monsieur [Z] [L] la somme de 3.000 €, au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur l’exécution provisoire :
L’article 514 du code de procédure civile dispose que « les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. »
La présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire.
Le Tribunal, statuant publiquement par mise à disposition de la décision au greffe après débats en audience publique, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort :
DEBOUTE Monsieur [D] [W] de l’ensemble de ses prétentions ;
CONDAMNE Monsieur [D] [W] aux entiers dépens ;
CONDAMNE Monsieur [D] [W] à verser à Monsieur [Z] [L] la somme de trois mille euros (3.000 €) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire à titre provisoire ;
REJETTE les prétentions pour le surplus.
Ainsi jugé et prononcé les jour, mois et an susdits.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT
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