Type de juridiction : Cour de cassation
Juridiction : Cour de cassation
Thématique : Rupture de contrat et conséquences indemnitaires en contexte de liquidation
→ RésuméContexte de l’affaireLa société [L] [M] a été placée en redressement judiciaire le 29 juillet 2008, suivi d’une liquidation judiciaire le 14 octobre 2008. Cette société exploitait un fonds de commerce en location-gérance appartenant à M. [M]. Résiliation du contrat de location-géranceL’administrateur judiciaire a résilié le contrat de location-gérance le 6 octobre 2008, avant que les salariés, dont M. [K], ne soient licenciés pour motif économique par le liquidateur le 23 octobre 2008. Actions de M. [K]M. [K] a saisi la juridiction prud’homale pour obtenir la reconnaissance de diverses sommes à titre d’indemnité compensatrice de préavis et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à la fois contre les organes de la procédure collective et M. [M]. Arguments de M. [K]M. [K] a soutenu que son contrat de travail avait été transféré à M. [M] et que ce dernier n’avait pas poursuivi ce contrat, ce qui constituait une rupture de fait, entraînant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il a demandé des dommages-intérêts en conséquence. Décision de la cour d’appelLa cour d’appel a débouté M. [K] de ses demandes contre M. [M], arguant que les demandes de « dire et juger » ou de « constater » ne constituaient pas des prétentions au sens de l’article 954 du code de procédure civile. Elle a également noté que la rupture de fait n’était pas un mode de rupture du contrat de travail. Analyse de la courLa cour a constaté que M. [M] n’avait pas procédé à un licenciement pour motif économique et n’avait poursuivi le contrat de travail que temporairement. Elle a conclu que les demandes de M. [K] ne constituaient pas des prétentions valables, car il n’avait pas démontré l’existence d’un licenciement verbal ou d’une demande de résiliation judiciaire. Violation du code de procédure civileLa cour de cassation a estimé que la cour d’appel avait violé l’article 954, alinéa 3, du code de procédure civile en ne tenant pas compte des prétentions de M. [K] qui demandaient la reconnaissance de la rupture de fait comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse. |
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 22 janvier 2025
Cassation partielle
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1 F-D
Pourvoi n° T 23-15.403
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 JANVIER 2025
M. [S] [K], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 23-15.403 contre l’arrêt rendu le 3 mars 2022 par la cour d’appel de Rouen (chambre sociale et des affaires de sécurité sociale), dans le litige l’opposant :
1°/ à la société Bruno Cambon, société d’exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], pris en qualité de mandataire ad hoc de la société [L] [M],
2°/ à M. [L] [M], domicilié [Adresse 3],
3°/ à l’association UNEDIC délégation AGS CGEA [Localité 5], dont le siège est [Adresse 4],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Douxami, conseiller, les observations de Me Balat, avocat de M. [K], après débats en l’audience publique du 26 novembre 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Douxami, conseiller rapporteur, M. Barincou, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à M. [K] du désistement de son pourvoi en ce qu’il est dirigé contre la société Bruno Cambon, en sa qualité de mandataire de la société [L] [M], et l’association UNEDIC délégation AGS CGEA [Localité 5].
Faits et procédure
2. Selon l’arrêt attaqué (Rouen, 3 mars 2022), rendu sur renvoi après cassation (Soc., 25 septembre 2019, pourvoi n° 18-14.615), la société [L] [M] (la société) qui exploitait en location-gérance un fonds de commerce appartenant à M. [M], a été placée, le 29 juillet 2008, en redressement judiciaire converti en liquidation judiciaire, le 14 octobre 2008.
3. Entre-temps, le 6 octobre 2008, l’administrateur judiciaire de la société avait résilié le contrat de location-gérance.
4. Le 23 octobre suivant, les salariés de la société, dont M. [K], ont été licenciés pour motif économique par le liquidateur.
5. M. [K] a saisi la juridiction prud’homale de demandes dirigées contre les organes de la procédure collective et contre M. [M] pour obtenir, à titre principal, la fixation au passif de la liquidation judiciaire de la société diverses sommes à titre d’indemnité compensatrice de préavis et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et, à titre subsidiaire, la condamnation de M. [M] à lui payer les mêmes sommes.
Réponse de la Cour
Vu l’article 954, alinéa 3, du code de procédure civile :
7. Selon ce texte, la cour d’appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.
8. Pour débouter le salarié de ses demandes indemnitaires à l’encontre de M. [M], l’arrêt énonce d’abord que les demandes consistant à « dire et juger » ou à « constater » ne sont pas des prétentions en ce qu’elles ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi.
9. L’arrêt relève ensuite qu’il ne peut être discuté que M. [M] n’a effectivement pas procédé au licenciement pour motif économique du salarié et n’a poursuivi son contrat de travail qu’un temps limité.
10. L’arrêt retient enfin que, malgré ces constats, le salarié conclut qu’il doit être « constaté que cela constitue une rupture de fait du contrat de travail produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse », ce qui ne constitue aucune prétention comme précédemment rappelé. Il ajoute qu’alors que « la rupture de fait » n’est pas un mode de rupture du contrat de travail, la cour n’est saisie d’aucune demande de résiliation judiciaire et il n’est pas soutenu, et encore moins démontré, l’existence d’un licenciement verbal.
11. En statuant ainsi, alors que dans le dispositif de ses conclusions, le salarié demandait de dire et juger que son contrat de travail avait été transféré à M. [M], de constater que ce dernier n’avait pas poursuivi son contrat de travail et que cette absence de poursuite de son contrat de travail constituait, dès lors, une rupture de fait, de dire que cette rupture de fait produisait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et en conséquence de condamner M. [M] à lui verser des sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité de préavis et des congés payés afférents, la cour d’appel, qui était tenue d’examiner ces prétentions, a violé le texte susvisé.
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