Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Bobigny
Thématique : Résiliation contractuelle et conséquences financières en cas d’abandon de chantier
→ RésuméContexte de l’affaireLa SCCV NP [Localité 6] 1 a confié le lot gros œuvre d’un projet immobilier à la SAS Anizienne de construction par un contrat signé le 26 mars 2019. En raison de difficultés financières, la SAS Anizienne a été placée en redressement judiciaire le 28 janvier 2021, suivi d’une liquidation judiciaire le 23 avril 2021. Résiliation du contratFace à l’abandon du chantier par la SAS Anizienne, la SCCV NP [Localité 6] 1 a résilié le contrat par courrier le 3 mai 2021. La SCCV a également déclaré une créance chirographaire de 652 105,98 euros, contestée par le mandataire judiciaire. Procédure judiciaireLe juge commissaire a déclaré son incompétence pour statuer sur la créance, invitant la SCCV à saisir le juge du fond. La SCCV a alors assigné la SAS Anizienne et son mandataire devant le tribunal judiciaire de Bobigny pour obtenir une indemnisation. Demandes des partiesLa SCCV NP [Localité 6] 1 a demandé au tribunal de se déclarer compétent et de reconnaître la résiliation du contrat aux torts de la SAS Anizienne, tout en sollicitant des dommages-intérêts. De son côté, la SELARL Evolution a contesté la demande d’incompétence et a formulé des demandes reconventionnelles pour le paiement de situations de travaux impayées. Décisions du tribunalLe tribunal a déclaré la résiliation du contrat à la date du 2 avril 2021, a débouté la SCCV de ses demandes en paiement, et a également rejeté les demandes de la SELARL Evolution. Les dépens ont été mis à la charge de la SCCV, qui a été condamnée à verser 3 500 euros à la SELARL au titre des frais irrépétibles. Exécution provisoireLe jugement a été assorti de l’exécution provisoire de droit, conformément aux dispositions du code de procédure civile. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY
JUGEMENT CONTENTIEUX DU 20 JANVIER 2025
Chambre 6/Section 5
AFFAIRE: N° RG 22/08090 – N° Portalis DB3S-W-B7G-WVRE
N° de MINUTE : 25/00042
La SCCV NP [Localité 6] 1
[Adresse 4]
[Localité 5]
représentée par Me Arthur BARBAT DU CLOSEL, la SELARL ATTIQUE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0301
DEMANDEUR
C/
La S.E.L.A.R.L. EVOLUTION représentée par Maître [S] [J], ès qualités de mandataire liquidateur Judiciaire de la SAS ANIZIENNE DE CONSTRUCTION
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par Maître Emilia ZELMAT de la SELARL JURIS, avocat ( postulant) au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : 228; Me Dominique ROUSSEL, avocat ( plaidant) au barreau de REIMS
DEFENDEUR
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Monsieur David BRACQ-ARBUS, Juge, statuant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l’article 812 du code de procédure civile, assisté aux débats de Madame Reine TCHICAYA, Greffier.
DÉBATS
Audience publique du 14 Novembre 2024, à cette date, l’affaire a été mise en délibéré au 20 Janvier 2025.
JUGEMENT
Rendu publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, par Monsieur David BRACQ-ARBUS, assisté de Madame Reine TCHICAYA, Greffier.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Pour les besoins d’une opération de construction d’un ensemble immobilier situé [Adresse 2] à [Localité 6], la SCCV NP [Localité 6] 1 a, en qualité de maître de l’ouvrage, confié le lot gros œuvre à la SAS Anizienne de construction suivant marché signé le 26 mars 2019.
Par jugement du tribunal de commerce de Saint-Quentin du 28 janvier 2021, la SAS Anizienne de construction a été placée en procédure de redressement judiciaire, Me [J] ayant été désigné mandataire judiciaire.
La procédure de redressement a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du même tribunal en date du 23 avril 2021.
Considération prise de l’abandon du chantier par la SAS Anizienne de construction, la SCCV NP [Localité 6] 1 lui a adressé un courrier de résiliation du marché le 3 mai 2021.
Par courrier recommandé du 7 avril 2021, la SCCV NP [Localité 6] 1 a déclaré à titre chirographaire sa créance pour un montant total de 652 105,98 euros, qui a été contestée par Me [J] (courrier du 9 juin 2021).
Par ordonnance du 30 juin 2022, le juge commissaire du tribunal de commerce de Saint-Quentin s’est déclaré incompétent pour statuer sur la créance et a invité la SCCV NP [Localité 6] 1 à saisir le juge du fond.
C’est dans ces conditions que la SCCV NP Drancy 1 a, par actes d’huissier du 8 août 2022, fait assigner la Société anizienne de construction et la SELARL Evolution en sa qualité de mandataire liquidateur de la Société anizienne de construction devant le tribunal judiciaire de Bobigny aux fins notamment de solliciter l’indemnisation de son préjudice.
Avisée à étude, la Société anizienne de construction n’a pas constitué avocat.
Aux termes de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, et le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.
Le présent jugement, susceptible d’appel, sera réputé contradictoire, conformément aux dispositions des articles 473 (en cas de défendeur unique) et 474 (en cas d’une pluralité de défendeurs dont un au moins ne comparaît pas) du code de procédure civile.
Par ordonnance du 5 février 2024, le juge de la mise en état a déclaré irrecevables les demandes présentées par la SELARL Evolution tendant à voir déclarer inopposable ou irrégulière les déclarations de créance dans le cadre de la procédure collective ouverte contre la SAS Anizienne de construction.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 22 mai 2024 par ordonnance du même jour, et l’affaire appelée à l’audience de plaidoiries du 14 novembre 2024.
Le jugement a été mis en délibéré au 20 janvier 2025, date de la présente décision.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 20 juin 2023, la SCCV NP Drancy 1 demande au tribunal judiciaire de Bobigny de :
– se déclarer incompétent pour juger la créance de la SCCV NP [Localité 6] irrégulière ou inopposable à la procédure collective ;
– recevoir en conséquence, la SCCV NP [Localité 6] 1 de sa demande au fond et la dire bien fondée ;
A titre principal
– prendre acte de la résiliation aux torts exclusifs de la Société anizienne de construction intervenue en application de l’article 81.1.2 du CCG ;
A titre subsidiaire :
– prononcer la résiliation judiciaire du marché du 26 mars 2019 aux torts exclusifs de la Société anizienne de construction à effet au 2 avril 2021 ;
En tout état de cause :
– dire que la société anizienne de construction a engagé sa responsabilité à l’égard de la SCCV NP [Localité 6] 1 ;
– fixer la créance chirographaire de la SCCV NP [Localité 6] 1 à l’encontre de la Société anizienne de construction à hauteur des sommes de 275.356,96 euros HT euros, laquelle somme sera éventuellement réhaussée à la somme de 358.577,15 euros HT si par extraordinaire le Tribunal devait condamner la SCCV NP [Localité 6] 1 au paiement des situations n°22, 23, 24 et 25 de la Société anizienne de construction, augmentant de façon corrélative le coût global des travaux de gros œuvre ;
Sur la demande reconventionnelle articulée par la SELARL Evolution au titre du règlement des situations n°22, 23, 24 et 25 de la Société anizienne de construction :
– dire que la SCCV NP [Localité 6] 1 a réglé les ouvrages exécutés antérieurement à la résiliation du marché de la Société anizienne de construction, de sorte qu’elle n’est redevable d’aucune somme ;
– cantonner subsidiairement le montant des sommes dues au titre des situations de travaux n°22, 23, 24 et 25 à la part en propre de la Société anizienne de construction, déduction faite des sommes dues aux sous-traitants bénéficiaires d’une délégation de paiement, soit à la somme de 147 617,03 euros TTC ;
En cas de condamnation de la maîtrise d’ouvrage à payer quelconques sommes supplémentaires à la liquidation de la SAC :
– ordonner la compensation entre les créances sur le fondement de l’article L622-7 du code de commerce, compte tenu de la connexité entre les créances ;
– débouter la SELARL Evolution en toutes ses demandes, fins et conclusions, notamment au titre de la fourniture d’une garantie de paiement sur le fondement de l’article 1799-1 du code civil et de sa demandes dommages-intérêts ;
– condamner la SELARL Evolution, es-qualité de liquidateur judiciaire la société Société anizienne de construction au paiement des entiers dépens d’instance et d’une somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
*
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 11 septembre 2023, la SELARL Evolution en sa qualité de mandataire liquidateur de la Société anizienne de construction demande au tribunal judiciaire de Bobigny de :
A titre principal,
– juger irrecevable la demande d’incompétence présentée par la société SCCV NP [Localité 6] 1, cette exception de procédure n’ayant pas été invoquée avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir ;
A titre subsidiaire,
– juger inopposable à la liquidation judiciaire de la SAC la déclaration de créances (Pièce 10) effectuée par la société SCCV NP [Localité 6] 1 ;
A titre très subsidiaire,
– juger irrégulière la déclaration de créance (Pièce 11) de la SAS Immobel faute de justification du mandat consenti ;
A titre infiniment subsidiaire,
– juger n’y avoir lieu à prendre acte de la résiliation du marché aux torts exclusifs de la SAC ;
– juger n’y avoir lieu à prononcer la résiliation judiciaire du marché aux torts exclusifs de la SAC ;
En tout état de cause et en conséquence,
– débouter la société SCCV NP [Localité 6] 1 de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
A titre reconventionnel,
– juger la demande en paiement de la SELARL Evolution prise en la personne de Maître [J], es qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société SAC recevable et bien fondée ;
– condamner la société SCCV NP [Localité 6] 1 à payer à la SELARL Evolution prise en la personne de Maître [J], es qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société SAC, la somme 157 021, 01 euros TTC au titre des situations impayées N° 22 à 25, avec intérêts au taux appliqué par la banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage, soit en détail :
*Situation N° 22, Facture en date du 22/01/2021 à hauteur de 81 935, 21 euros TTC : à compter du 28/02/2021 jusqu’à la date du paiement,
*Situation N° 23, Facture en date du 12/02/2021 à hauteur de 24 151, 87 euros TTC, : à compter du 31/03/2021 jusqu’à la date du paiement,
*Situation N° 24, Facture en date du 25/02/2021 à hauteur de 24 743, 54 euros TTC : à compter du 31/03/2021 jusqu’à la date du paiement,
*Situation N° 25, Facture en date du 11/03/2021 à hauteur de 26 190, 41 euros TTC : à compter du 30/04/2021 jusqu’à la date du paiement,
– condamner la société SCCV NP [Localité 6] 1 à payer à la SELARL Evolution prise en la personne de Maître [S] [J], es qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société SAC, la somme de 174 098, 89 euros TTC s’agissant du solde du marché, avec intérêts au taux de l’intérêt légal augmenté de dix points à compter du 30 juin 2021 jusqu’à la date du paiement ;
– juger que société SCCV NP [Localité 6] 1, maître d’ouvrage n’a pas fourni la garantie de paiement à l’entrepreneur la SAC, visée à l’article 1799-1 du code civil ;
-condamner la société SCCV NP [Localité 6] 1 à fournir à la SELARL Evolution prise en la personne de Maître [S] [J], es qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société SAC, la garantie de paiement d’un montant de 331 119, 90 TTC (174 098, 89 +157 021, 01) sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir ;
– ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l’article 1343-2 du code civil ;
– condamner la société SCCV NP [Localité 6] 1 à payer à la SELARL Evolution prise en la personne de Maître [S] [J], es qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société SAC la somme de 50 000 euros de dommages et intérêts pour inexécution, retard de paiement, résistance abusive et non-respect du marché ;
– condamner la société SCCV NP [Localité 6] 1 à payer à la SELARL Evolution prise en la personne de Maître [S] [J], es qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société SAC, la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles (article 700 CPC) ;
– condamner la SCCV NP [Localité 6] 1 aux entiers dépens ;
– maintenir l’exécution provisoire de droit.
*
Pour un plus ample exposé des moyens développés les parties, il est renvoyé à la lecture des conclusions précitées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
Le tribunal, statuant publiquement par jugement réputé contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition au greffe,
RESILIE le contrat du 26 mars 2019 à la date du 2 avril 2021 ;
DEBOUTE la SCCV NP [Localité 6] 1 de ses demandes en paiement ;
DEBOUTE la SELARL Evolution de ses demandes en paiement ;
MET les dépens à la charge de la SCCV NP [Localité 6] 1 ;
CONDAMNE la SCCV NP [Localité 6] 1 à payer à la SELARL Evolution la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE la SCCV NP [Localité 6] 1 de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
RAPPELLE que le présent jugement est assorti de l’exécution provisoire de droit.
La minute a été signée par Monsieur David BRACQ-ARBUS, Juge, et par Madame Reine TCHICAYA, Greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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