Licenciement pour motif économique : enjeux de reclassement et contestations des droits des salariés

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Licenciement pour motif économique : enjeux de reclassement et contestations des droits des salariés

L’Essentiel : M. [M] [K] a été engagé par la société RLD2 en tant qu’agent de production depuis le 1er novembre 2002, avec une ancienneté reconnue depuis 1995. En raison de difficultés économiques, un plan de sauvegarde de l’emploi a été mis en place en mai 2015, entraînant des licenciements, dont celui de M. [M] [K] le 24 juillet 2015. Contestant son licenciement, il a saisi le conseil de prud’hommes, mais a été débouté. En appel, la cour a confirmé le jugement initial, considérant le licenciement comme justifié et condamnant M. [M] [K] à des frais pour procédure abusive.

Engagement de M. [M] [K]

M. [M] [K] a été engagé par la société RLD2, devenue Kalhyge 2, en tant qu’agent de production par un contrat à durée indéterminée à partir du 1er novembre 2002, avec une ancienneté reconnue depuis le 4 avril 1995. La société RLD2, qui fait partie du groupe RLD, est spécialisée dans la location et l’entretien de linge et de vêtements pour divers secteurs professionnels.

Contexte économique et licenciement

La société RLD2 a connu des difficultés économiques importantes, avec une baisse de chiffre d’affaires et des pertes significatives sur plusieurs années. En mai 2015, un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) a été homologué, entraînant des propositions de modification de contrat pour M. [M] [K], qu’il a refusées. Suite à cela, la société a procédé à des licenciements économiques, y compris celui de M. [M] [K], notifié le 24 juillet 2015.

Procédure judiciaire

M. [M] [K] a contesté son licenciement devant le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt, demandant des indemnités et la communication de documents. Le jugement du 26 février 2021 a débouté M. [M] [K] de toutes ses demandes et mis hors de cause plusieurs sociétés, tout en le condamnant à verser des frais à certaines d’entre elles.

Appel et incidents procéduraux

M. [M] [K] a interjeté appel de ce jugement. Des incidents ont eu lieu concernant la recevabilité de l’appel et des demandes de communication de pièces, avec des décisions successives de la cour d’appel de Versailles. Le salarié a été condamné à verser des frais irrépétibles aux sociétés mises en cause.

Prétentions des parties

Les parties ont formulé diverses prétentions, M. [M] [K] demandant l’infirmation du jugement et des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, tandis que les sociétés intimées ont demandé la confirmation du jugement initial et la mise hors de cause de certaines d’entre elles.

Décision de la cour d’appel

La cour d’appel a confirmé le jugement du conseil de prud’hommes, déclarant que le licenciement de M. [M] [K] reposait sur une cause réelle et sérieuse. Elle a également condamné M. [M] [K] à verser des sommes pour procédure abusive et a débouté toutes les parties de leurs demandes supplémentaires.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de validité d’un licenciement pour motif économique ?

Le licenciement pour motif économique doit respecter certaines conditions prévues par le Code du travail, notamment l’article L1233-3 qui stipule que :

« Le licenciement pour motif économique ne peut intervenir que dans les cas suivants :
1. La cessation d’activité de l’entreprise ;
2. La réduction d’activité de l’entreprise entraînant des suppressions d’emplois ;
3. La réorganisation de l’entreprise pour sauvegarder sa compétitivité. »

Dans le cas de M. [M] [K], la société RLD2, devenue Kalhyge 2, a justifié son licenciement par des difficultés économiques sérieuses, une baisse de chiffre d’affaires et la nécessité de fermer un site de production.

Il est essentiel que l’employeur prouve la réalité des difficultés économiques et la nécessité de la mesure de licenciement.

En l’espèce, la société a fourni des éléments financiers démontrant une dégradation de ses résultats, ce qui semble justifier le licenciement pour motif économique.

Quelles sont les obligations de l’employeur en matière de reclassement avant un licenciement économique ?

L’article L1233-4 du Code du travail impose à l’employeur une obligation de reclassement avant de procéder à un licenciement économique. Cet article précise que :

« L’employeur doit rechercher, avant de procéder à un licenciement pour motif économique, des solutions de reclassement au sein de l’entreprise ou du groupe auquel elle appartient. »

Dans le cas de M. [M] [K], la société a proposé plusieurs postes de reclassement, que le salarié a refusés.

L’employeur doit démontrer qu’il a effectué des recherches sérieuses et qu’il a proposé des postes adaptés aux compétences du salarié.

Le refus de M. [M] [K] de ces propositions peut être interprété comme une acceptation de la situation, ce qui pourrait alléger la responsabilité de l’employeur en matière de reclassement.

Comment se prononce la jurisprudence sur la notion de coemploi dans le cadre d’un licenciement ?

La notion de coemploi est abordée dans la jurisprudence, notamment en ce qui concerne la responsabilité des différentes entités d’un groupe vis-à-vis des salariés.

La Cour de cassation a établi que le coemploi peut être reconnu lorsque plusieurs sociétés exercent un contrôle commun sur un salarié, ce qui peut être fondé sur des éléments tels que la direction, la gestion des ressources humaines ou la prise de décision.

Dans cette affaire, M. [M] [K] a tenté de faire valoir que plusieurs sociétés du groupe RLD étaient coemployeurs.

Cependant, la décision du conseil de prud’hommes a mis hors de cause les sociétés Sagard SAS et Vermeer Capital Partners, ce qui indique que la preuve d’un coemploi n’a pas été établie.

Quelles sont les conséquences d’un licenciement jugé sans cause réelle et sérieuse ?

L’article L1235-2 du Code du travail prévoit que :

« En cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à six mois de salaire. »

Dans le cas de M. [M] [K], si le licenciement avait été jugé sans cause réelle et sérieuse, il aurait pu prétendre à une indemnité conséquente.

Cependant, la cour a confirmé que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, ce qui a écarté toute demande d’indemnisation pour licenciement abusif.

Il est donc crucial pour un salarié de prouver l’absence de cause réelle et sérieuse pour bénéficier des protections offertes par le Code du travail.

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-4

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 22 JANVIER 2025

N° RG 21/01504

N° Portalis DBV3-V-B7F-UQQQ

AFFAIRE :

[D] [W]

C/

Société SAGARD

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Février 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de BOULOGNE-

BILLANCOURT

Section : C

N° RG : F 16/00917

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Fiodor RILOV

Me Oriane DONTOT

Me Harold HERMAN

Me Jacques PEROTTO

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT DEUX JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [D] [W]

né le 29 novembre 1964 à [Localité 16] (Comores)

[Adresse 2]

[Localité 8]

Représentant : Me Fiodor RILOV de la SCP SCP RILOV, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0157

APPELANT

****************

Société SAGARD

N° SIRET : 439 725 524

[Adresse 4]

[Localité 6]

Plaidant : Me Joël GRANGÉ de la SCP FLICHY GRANGÉ AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0461

Représentant : Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF & TEYTAUD SALEH, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617

Société VERMEER CAPITAL PARTNERS

N° SIRET : 494 007 644

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentant : Me Harold HERMAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire: T03

Plaidant: Me François Vergne, avocat au barreau de Paris, substitué à l’audience par Me Corentin SOUCACHET, avocat au barreau de Paris

Société KALHYGE 1 venant aux droits de la société KALHYGE 2

N° SIRET : 971 503 578

[Adresse 3]

[Localité 9]

Représentant : Me Jacques PEROTTO de la SELARL ALERION AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0126

Plaidant: Me Maxime HERMES, avocat au barreau de Paris

Société KALHYGE

N° SIRET : 351 315 072

[Adresse 19]

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentant : Me Jacques PEROTTO de la SELARL ALERION AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0126

Plaidant: Me Maxime HERMES, avocat au barreau de Paris

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 27 novembre 2024, Madame Aurélie PRACHE, présidente ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Présidente,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseillère,

qui en ont délibéré,

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [M] [K] a été engagé par la société RLD2, devenue Kalhyge 2, qui appartient au groupe RLD, en qualité d’agent de production, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er novembre 2002, avec reprise d’ancienneté au 4 avril 1995.

La société RLD2, aux droits de laquelle vient la société Kalhyge 1, est spécialisée dans la location et l’entretien du linge plat, des vêtements de travail et des produits d’hygiène pour les professionnels de la restauration, de la santé et de l’industrie. Elle applique la convention collective de la blanchisserie, laverie, location de linge, nettoyage à sec, pressing et teinturerie.

Le groupe RLD est constitué de :

– de la société RLH (holding de tête)

– la société Régie Linge Finances (la société RLF), société de « Services centraux », regroupant l’ensemble des services supports centraux (direction financière, direction informatique, direction ressources humaines, direction commerciale et marketing, direction industrielle)

– de 3 sociétés opérationnelles

* la société RLD MC, ayant une activité de magasin centralisant les achats et les stocks de vêtements de travail neufs, les personnalisant et approvisionnant les sites

* la société RLD1, devenue la société Kalhyge 1, réalisant l’activité de location de linge du Groupe sur les établissements de la moitié Sud de la France ainsi que l’activité hygiène du groupe sur les établissements de [Localité 14] et [Localité 15].

* la société RLD 2, devenue la société Kalhyge 2, aux droits de laquelle vient la société Kalhyge 1, réalisant la même activité de location de linge du groupe sur les établissements de la moitié Nord de la France, ainsi que l’activité Hygiène du groupe sur les établissements de [Localité 18] et [Localité 20].

La société Sagard SAS est une société de gestion de portefeuille d’instruments financiers pour le compte de ses clients. Elle intervient pour le compte du fonds d’investissement Sagard FCPR qui détient une partie du capital de la société RLD2, devenue Kalhyge 2. Le 31 mai 2013, le fonds d’investissement Sagard FCPR a cédé au fonds d’investissement Vermeer Capital l’intégralité des titres qu’il détenait.

Le 12 mai 2015, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) d’Île-de-France a homologué le document unilatéral portant PSE.

Le 13 mai 2015, la société RLD2 a proposé à M. [M] [K] la modification de son contrat de travail pour motif économique, ce qu’il a refusé le 8 juin 2015.

Par lettre du 17 juin 2015 le salarié a reçu des propositions de reclassement, qu’il a refusées.

Les 21 et 24 juillet 2015, la société RLD 2 a procédé à un licenciement pour motif économique d’une partie de ses salariés dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), dont celui de M. [M] [K], notifié par lettre du 24 juillet 2015 dans les termes suivants :

« Comme vous avez pu en être informé, les instances représentatives du personnel ont été consultées sur le projet de fermeture du site [Localité 11] et de transfert de l’activité vers les autres établissements d’Île de France ainsi que sur le projet de licenciement collectif pour motif économique accompagnant ce projet. Ce projet a fait l’objet d’une homologation par la Direccte du document unilatéral au plan de sauvegarde de l’emploi de la société RLD2 en date du 12 Mai 2015. RLD2 a pour activité principale la location et l’entretien de linge plat et de vêtements de travail pour les professionnels, ainsi que la fourniture d’équipements et de produits d’hygiène.

Tant la société RLD2 que les entreprises du Groupe RLD, dont elle fait partie, sont confrontées a des difficultés économiques très sérieuses depuis plusieurs années: ce secteur très concurrentiel est marqué par une tendance baissière des prix lors des renouvellements des contrats clients sans réussir a stabiliser les coûts d’exploitation, ce qui entraîne une dégradation régulière du résultat.

La société fait face à une baisse de son chiffre d’affaires 2013 et 2014 (-3.12%) et une diminution drastique de son résultat qui est désormais négatif (résultat net comptable de -2 millions d’euros en 2013 et – 9 millions euros en 2014).

Le Groupe RLD est également touché par un recul du chiffre d’affaires et une nette diminution du résultat qui a tout juste atteint 4,1 millions en 2014.

Les perspectives sur l’exercice 2015 demeurent tout aussi pessimistes, avec un résultat courant au 30 juin 2015 à – 3.8 millions d’euros.

Or, le très faible niveau de résultat met en péril la survie de |’entreprise et du Groupe compte tenu du métier de la location et distribution du linge. En effet, cette activité impose de réaliser chaque année des investissements financiers très élevés à la fois pour acheter du linge neuf et moderniser l’outil industriel. Les investissements financiers absolument indispensables représentent entre 4 et 6 millions d’euros par an que le Groupe ne parvient plus à financer (5,6 millions d’euros en 2014 et 5.9 millions d’euros en prévision 2015).

Ainsi, le résultat comptable de la Société est aujourd’hui insuffisant pour faire face aux dépenses réelles d’investissement nécessaires à cette activité.

II en ressort que le résultat économique réel du Groupe RLD, qui est par ailleurs très endetté vis-à-vis de ses actionnaires auprès desquels la dette n’est plus remboursée depuis 2012, est négatif.

Ces mauvais résultats, qui obèrent tout investissement futur sont particulièrement visibles au sein de la Société.

La Société RLD2 est en grande difficulté, laquelle est confrontée à la perte de l’un de ses plus gros clients.

C’est dans ces circonstances que la Société n’a pas eu d’autre choix que de concentrer son activité industrielle de location de linge sur 5 sites en Ile de France, au lieu de 6, en envisageant de fermer le site [Localité 11], qui non seulement était vétuste et en sur-capacité de production par rapport au niveau de commandes confiées.

Il a donc été décidé de fermer le site [Localité 11] et de transférer l’intégralité de l’activité entre les 5 autres sites de production en Ile de France, et précisément les établissements [Localité 13] (78), [Localité 10] (92), [Localité 17] (91), et [Localité 12] (77).

Ce projet vise notamment à stabiliser et pérenniser les sites RLD2 d’Île de France bénéficiant de ces transferts qui sont eux-mêmes touchés par une baisse du volume de linges à traiter, à optimiser les coûts de production et à participer à la stratégie globale du groupe d’optimisation d’organisation industrielle régionale par une économie de structure.

Cette nouvelle organisation est rendue nécessaire pour la sauvegarde de la compétitivité du secteur d’activité, compte tenu des difficultés rencontrées.

Cette réorganisation prévoit le transfert du personnel rattaché a certaines activités, mais aussi la suppression de certains postes de travail. Parmi les postes transférés, figurent ceux de d’Agent de production [Localité 11], poste que vous occupez a ce jour.

Compte tenu du transfert de votre poste, résultant de la réorganisation projetée nous vous avons adressé un courrier de proposition de transfert de votre contrat de travail le 13 mai 2015. Par courrier recommandé avec avis de réception vous nous avez informé refuser cette proposition de transfert.

Nous avons été contraints de devoir envisager votre licenciement.

Dans ce contexte, notre Société a engagé des mesures de reclassement afin d’éviter votre licenciement. Après recherche dans l’ensemble de groupe, le 17 juin 2015 nous vous adressions un courrier de proposition de reclassement interne sur 14 postes.

Dans la mesure ou vous n’avez pas répondu à ces propositions de reclassement dans un délai de 14 jours, nous sommes dans l’obligati0n de considérer que vous avez refusé l’intégralité de nos propositions.

Nous avons persévéré dans nos recherches et sommes obligés de constater qu’aucune autre solution de reclassement interne n’est possible.

En conséquence et compte tenu à la fois du transfert de votre poste que vous avez refusé, de votre refus de nos propositions de reclassement et de l’absence d’autres possibilités de reclassement interne, nous n’avons donc pas d’autres solutions que de prononcer votre licenciement pour motif économique. (…). »

Le 2 mai 2016, M. [M] [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt aux fins de contestation de son licenciement et en paiement de diverses sommes de nature salariale et de nature indemnitaire.

Par jugement du 26 février 2021, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt (section Commerce), statuant en départage, a :

. rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription,

. débouté M. [M] [K] de l’ensemble de ses demandes, [notamment de communication de pièces]

. mis hors de cause la société Régie Linge Finances (RLF),

. mis hors de cause la société Sagard SAS,

. mis hors de cause la société Vermeer capital partners,

. condamné M. [M] [K] à verser en application de l’article 700 du code de procédure civile :

. 100 euros à la société Sagard

. 100 euros à la société Vermeer capital partners

. débouté les parties de toutes leurs autres demandes,

. renvoyé l’affaire à l’audience du bureau de jugement du 3 novembre 2021 à 9 heures,

. réservé les dépens de l’instance.

Par déclaration adressée au greffe le 18 mai 2021, M. [M] [K] a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance d’incident du 16 mai 2022 du conseiller de la mise en état de la 25eme chambre de la cour d’appel de Versailles, la société Kalhyge1, venant aux droits de la société Kalhyge 2 (anciennement dénommée RLD 2) a été débouté de sa demande contestant la recevabilité de l’appel à son égard.

L’affaire a été fixée à l’audience du 17 janvier 2024, avec une clôture le 19 décembre 2023. Par conclusions d’incident du 18 décembre 2023, le salarié a saisi le conseiller de la mise en état d’une demande de communication de 27 pièces.

Par ordonnance d’incident du 6 mars 2024, le magistrat de la mise en état de la chambre sociale 4-4 de la cour d’appel de Versailles s’est déclaré incompétent au profit de la cour pour statuer sur la demande de communication de pièces formées par conclusions d’incident des 15 décembre 2023 et 17 janvier 2024 de M. [M] [K], et a condamné M. [M] [K] à verser aux société SAS Kalhyge 1 venant aux droits de la société Kalhyge 2 anciennement dénommée RLD2, SAS Kalhyge, SAS Sagard SAS, SAS Vermeer capital partners, la somme de 100 euros à chacune au titre des frais irrépétibles afférents au présent incident, ainsi qu’aux dépens de l’incident, rejetant toute autre demande.

Le salarié a formé un déféré à l’encontre de cette ordonnance, lequel a été déclaré irrecevable par arrêt du 4 juillet 2024, la cour déclarant également irrecevables les demandes reconventionnelles en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive, et condamnant le salarié à payer, au titre des frais irrépétibles, la somme de 300 euros à chacune des sociétés Sagard SAS, Kalhyge 1, venant aux droits de la société Kalhyge 2, anciennement dénommée RLD 2, Kalhyge, anciennement dénommée Régie Linge Finances, Vermeer Capital Partners, ainsi qu’aux dépens du déféré.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 5 novembre 2024.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 16 octobre 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [M] [K] demande à la cour de :

. Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

. Débouté M. [M] [K] de l’ensemble de ses demandes ;

. Mis hors de cause la société Régie Linge Finances (RLF) ;

. Mis hors de cause la société Sagard SAS ;

. Mis hors de cause la société Vermeer capital partners ;

. Condamné M. [M] [K] à verser :

. 100 euros à la société Sagard SAS,

. 100 euros à la société Vermeer capital partners,

Au titre de l’article 700 du code de procédure civile

. débouté les parties de toutes leurs autres demandes

Statuant à nouveau,

Sur la demande de communication de pièces:

. Condamner la société Vermeer capital partners à communiquer tout contrat passé entre elle ou une société du groupe qu’elle contrôle et la société RLD 2 devenue Kalhyge 2 ou une société du groupe Kalhyge ayant pour objet la participation de Vermeer capital partners aux activités de RLD sous astreinte de 1000 euros par jour de retard pour l’appelant à compter du 8ème jour suivant la signification de la décision à intervenir ;

. Condamner la société Sagard SAS à communiquer tout contrat passé entre elle ou une société du groupe qu’elle contrôle et la société RLD 2 devenue Kalhyge 2 ou une société du groupe Kalhyge ayant pour objet la participation de Sagard SAS aux activités de RLD sous astreinte de 1000 euros par jour de retard pour l’appelant à compter du 8ème jour suivant la signification de la décision à intervenir,

. Condamner les sociétés Kalhyge et Kalhyge 2 à communiquer tout contrat passé entre elles ayant pour objet la participation de Kalhyge aux activités de Kalhyge 2 sous astreinte de 1000 euros par jour de retard pour l’appelant à compter du 8ème jour suivant la signification de la décision à intervenir ;

. Condamner la société Vermeer capital partners à communiquer le pourcentage du capital de Kalhyge et/ou de Kalhyge 2 détenu par elle sous astreinte de 1000 euros par jour de retard pour l’appelant à compter du 8ème jour suivant la signification de la décision à intervenir ;

. Condamner la société Sagard SAS à communiquer le pourcentage du capital de Kalhyge et/ou de Kalhyge 2 détenu par elle sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard pour l’appelant à compter du 8ème jour suivant la signification de la décision à intervenir ;

. Condamner la société Vermeer capital partners à communiquer la liste des sociétés contrôlées par elle sous astreinte de 1000 euros par jour de retard pour l’appelant à compter du 8ème jour suivant la signification de la décision à intervenir ;

. Condamner la société Vermeer capital partners à communiquer la liste des sociétés de son portefeuille, sous astreinte de 1000 euros par jour de retard pour l’appelant à compter du 8ème jour suivant la signification de la décision à intervenir ;

. Condamner la société Sagard SAS à communiquer la liste des sociétés contrôlées par elle sous astreinte de 1000 euros par jour de retard pour l’appelant à compter du 8ème jour suivant la signification de la décision à intervenir ;

. Condamner la société Sagard SAS à communiquer la liste des sociétés de son portefeuille, sous astreinte de 1000 euros par jour de retard pour l’appelant à compter du 8ème jour suivant la signification de la décision à intervenir ;

. Condamner les sociétés Kalhyge et Kalhyge 2 à communiquer les rapports annuels relatifs aux comptes consolidés du groupez RLD devenu Kalhyge pour les exercices 2013, 2014, 2015 et 2016, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard pour l’appelant à compter du 8ème jour suivant la signification de la décision à intervenir,

Au fond

I) A titre principal,

. Condamner in solidum du fait de la situation de coemploi les sociétés RLD 2, devenue Kalhyge 2, Sagard, Vermeer Capital Partners et RLF, devenue Kalhyge, à payer à l’appelant l’indemnité suivante pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Nom-prénom

Ancienneté

Montant des indemnités

M. [M] [K]

20 ans et 1 mois

4 ans de salaire soit 81 545,40 euros

II) A titre subsidiaire,

. Condamner RLD2, devenue Kalhyge 2, du fait de l’absence de motif économique réel et sérieux du licenciement à payer à l’appelant l’indemnité suivante pour licenciement sans cause réelle et sérieuse:

Nom-prénom

Ancienneté

Montant des indemnités

M. [M] [K]

20 ans et 1 mois

4 ans de salaire soit 81 545,40 euros

III) A titre plus subsidiaire,

. Condamner RLD2, devenue Kalhyge 2, du fait de la violation de l’obligation individuelle de reclassement à payer à l’appelant l’indemnité suivante pour licenciement sans cause réelle et sérieuse:

Nom-prénom

Ancienneté

Montant des indemnités

M. [M] [K]

20 ans et 1 mois

4 ans de salaire soit 81 545,40 euros

. Condamner les sociétés intimées à payer à l’appelant une indemnité de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

. Assortir les condamnations à intervenir d’intérêts au taux légal ;

. Condamner les sociétés intimées aux entiers dépens ;

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 4 octobre 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles les sociétés Kalhyge 1 (venant aux droits de la société Kalhyge 2, anciennement dénommée RLD 2) et Kalhyge (anciennement dénommée « Régie Linge Finances » ou « RLF ») demandent à la cour de :

. recevoir les sociétés Kalhyge et Kalhyge en leurs conclusions et pièces, (sic)

Et y faisant droit :

A titre liminaire :

. Faire injonction à M. [M] [K] de :

. Justifier la mise en cause des sociétés Vermeer Capital, Sagard mais également RLF et de démontrer en quoi leur intervention serait nécessaire à la résolution du présent litige ;

. mais également, de s’expliquer sur le lien qui existerait entre les pièces dont ils entendent obtenir la communication de manière forcée et une éventuelle situation de coemploi entre la société Kalhyge 1 (RLD 2) et les autres sociétés attraites à la cause.

En toutes hypothèses :

S’agissant des demandes de mise en cause :

. Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’il a mis hors de cause la société Kalhyge (RLF)

S’agissant de la demande de mesure d’instruction :

. Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’il a débouté le Salarié de l’intégralité de ses demandes de mesures d’instruction ;

Sur le fond :

. Dire et juger que le licenciement de M. [M] [K] était parfaitement justifié ;

. Débouter M. [M] [K] de l’ensemble de ses demandes dirigées à l’encontre des sociétés Kalhyge et Kalhyge 1

A titre subsidiaire :

. limiter le montant des condamnations à la somme de 10 193,17 euros bruts

En tout état de cause :

. Condamner M. [M] [K] au paiement de la somme de 1 000 euros à chacune des sociétés Kalhyge 1 et Kalhyge au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

. Condamner M. [M] [K] au paiement des entiers dépens de l’instance, qui seront distraits au profit du Cabinet Alerion.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 22 octobre 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Vermeer capital partners demande à la cour de:

. Confirmer le jugement rendu le 26 février 2021 par la formation de départage du Conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’il a :

. débouté M. [M] [K] de l’ensemble de ses demandes,

. mis hors de cause la société Vermeer capital partners,

. condamné M. [M] [K] à verser 100 euros à la société Vermeer capital partners au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

. déclarer recevable et bien fondé l’appel incident formé par la société Vermeer capital partners à l’encontre du jugement rendu le 26 février 2021 par la formation de départage du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’il a débouté la société Vermeer capital partners de sa demande d’indemnisation du préjudice subi du fait du caractère manifestement abusif de la procédure initiée,

Statuant à nouveau :

. Condamner M. [M] [K] à lui verser :

. la somme de 500 euros au titre de l’indemnisation du préjudice subi du fait du caractère manifestement abusif de la procédure initiée conformément aux dispositions de l’article 32-1 du code de procédure civile,

. la somme de 500 euros au titre de l’indemnisation du préjudice subi du fait du caractère manifestement abusif de l’appel, conformément aux dispositions de l’article 559 du code de procédure civile,

. la somme de 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

. condamner M. [M] [K] aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 21 octobre 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Sagard SAS demande à la cour de :

A titre principal :

. Confirmer le jugement du 26 février 2021 du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’il a :

. Débouté M. [M] [K] de l’ensemble de ses demandes ;

. Mis hors de cause la société Sagard SAS ;

. Condamné M. [M] [K] à verser 100 euros à la société Sagard SAS au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

A titre subsidiaire :

. Infirmer le jugement du 26 février 2021 du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription ;

Statuant à nouveau :

. Constater que les demandes formées par l’appelant sont prescrites ;

. Débouter M. [M] [K] de l’ensemble de ses demandes ;

. Prononcer la mise hors de cause de Sagard SAS ;

En tout état de cause :

. Constater que Sagard SAS n’est pas le coemployeur de M. [M] [K] ;

. Infirmer le jugement du 26 février 2021 du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’il a débouté Sagard SAS de sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

. Condamner M. [M] [K] à verser la somme de 1 821 euros à parfaire de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

. Débouter M. [M] [K] de ses demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et le condamner à 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

MOTIFS

Sur la demande de communication de pièces, qui est préalable

Le salarié expose que les pièces dont la communication est sollicitée des différentes sociétés sont nécessaires à la résolution du litige, et qu’il n’existe aucun obstacle en l’espèce à ce qu’il soit ordonné aux intimés la communication forcée de ces pièces nécessaires à la résolution du litige.

Les intimées objectent qu’il existe une impossibilité matérielle de déférer à la communication de pièces sollicitée, qu’il n’y a aucune justification aux demandes de communication de pièce, cette mesure n’étant sollicitée par le salarié que pour suppléer à sa carence dans la preuve des faits qu’il allègue.

**

En application des articles 10, 11, 133, 138 et 139 du code de procédure civile, le juge peut à la demande d’une partie enjoindre à une autre de communiquer des pièces qu’elle détiendrait et peut également demander ou ordonner la production de documents détenus par des tiers sauf empêchement légitime.

La demande de communication doit être légitime, utile à la solution du litige et indispensable à la manifestation de la vérité.

L’article 146 alinéa 2 du code de procédure civile dispose qu’en aucun cas, une mesure d’instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l’administration de la preuve.

En l’espèce, la cour relève que le salarié formule devant elle à l’égard des trois sociétés des demandes indistinctes et imprécises de communication de « tout contrat passé » entre les unes et/ou les autres sociétés, de communication du pourcentage du capital de Kalhyge 1 et/ou 2 détenu par la société Vermeer et de la liste des sociétés contrôlées par celle-ci ou figurant dans son portefeuille, la même demande étant formulée à l’égard de la société Sagard. Or, la seule production d’une convention d’assistance technique et d’une convention de trésorerie ne constitue pas le commencement de preuve de l’existence d’un coemploi de nature à rendre légitime la demande de communication de pièces non précisément définies.

La cour ne peut en effet que constater que, à l’exception des rapports annuels des comptes consolidés du groupe RLD qui ne concernent que le motif économique, ces pièces sont très insuffisamment identifiées dans le dispositif, rappelé ci-dessus, de ses dernières conclusions au fond en date du 16 octobre 2024, qui seul détermine ses prétentions, en application de l’article 954 du code de procédure civile, le salarié procédant, y compris dans la partie Discussion de ses écritures, avec une généralisation excessive ne permettant en aucun cas d’ordonner une production forcée efficace. Leur existence même est hypothétique, le salarié n’invoquant, à l’appui de cette demande de communication, aucun élément de nature à accréditer leur matérialité.

Au surplus, les pièces concernant les sociétés détenues et /ou contrôlées par les sociétés Sagard et Vermeer ne sont pas de nature à établir le périmètre de reclassement de la société RLD2 devenue Kalhyge 2 puis 1, à l’égard du salarié, peu important l’existence éventuelle d’un lien capitalistique, compte tenu de ce qu’il s’apprécie, si la société fait partie d’un groupe, auprès des autres sociétés de ce groupe dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation permettent, en raison des relations qui existent entre elles, d’y effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

Enfin, la preuve de la charge du périmètre du groupe de reclassement étant partagée en cas de contestation entre le salarié et l’employeur quant à l’appréciation du périmètre, l’appelant n’est pas fondé à solliciter la communication forcée de pièces dont rien ne permet d’établir qu’elles seraient en possession des intimées et de considérer qu’elles sont utiles à la solution du litige et indispensables à la manifestation de la vérité.

En tout état de cause, la cour pourra le cas échéant, au regard du régime probatoire, tirer toute conséquence de l’absence de certaines pièces sollicitées, notamment s’agissant des rapports annuels relatifs aux comptes consolidés du groupe RLD pour les exercices 2013, 2014, 2015 et 2016.

Par des motifs pertinents que, pour le surplus, la cour adopte, les premiers juges ont à juste titre rejeté la demande de communication de pièces.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le coemploi et la mise hors de cause des sociétés Kalhyge (RLF), Sagard et Vermeer capital partners

A titre liminaire, la cour relève que la demande de la société Sagard d’infirmation du jugement du 26 février 2021 du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu’il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription n’est formulée qu’à titre subsidiaire, la demande principale de cette société étant une demande de confirmation du jugement qui l’a mise hors de cause.

L’actuelle définition jurisprudentielle du coemploi a été donnée par la chambre sociale de la Cour de cassation dans l’arrêt AGC qui énonce que « hors l’existence d’un lien de subordination, une société faisant partie d’un groupe ne peut être qualifiée de coemployeur du personnel employé par une autre que s’il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière » (Soc., 25 novembre 2020, pourvoi n° 18-13.769, FP-PBRI).

Il est ainsi constant que ne caractérise pas une situation de coemploi :

– le fait que le capital de la filiale soit détenu à 100 % par le groupe, l’identité de siège social et de secteur d’activité, la fourniture et la gestion par le groupe de tous les services stratégiques, sur lesquelles les filiales n’ont pas de marge de man’uvre, l’absence de marge de man’uvre de la filiale dans le choix de ses investissement, la définition de la stratégie et de la politique de gestion des ressources humaines ainsi que les décisions de mesures d’organisation interne, par exemple mise en place d’un badge pour les salariés, par le seul groupe ou le choix de l’opération téléphonique, l’annonce par le groupe de la mise en place des outils informatiques et de vidéosurveillance, la réalisation de l’établissement de la paie et des bulletins de salaire par une autre filiale choisie par le groupe, la négociation par le groupe des contrats de mutuelle et prévoyance appliqués dans chaque filiale, la demande et l’obtention par le groupe d’une indemnité en qualité de partie civile dans une procédure initiée par une société filiale contre un salarié (Soc., 28 mars 2018, pourvoi n°16-22.188),

– l’intervention de la société mère dans la nomination des instances dirigeantes et le contrôle de leur action, l’attribution d’une prime exceptionnelle aux cadres dirigeants, la gestion financière de la filiale par le biais d’une convention d’assistance technique et de gestion de trésorerie (Soc., 24 mai 2018, pourvoi n° 16-18.621),

– le fait que les clients ne soient pas attitrés à la filiale mais gérés directement par le groupe, que la filiale ne dispose ni d’un service commercial ni d’un service recherche développement en sorte que tant au niveau de la recherche de nouveaux marchés ou encore des négociations d’achat, c’est le groupe qui assure toutes les fonctions (Soc., 28 juin 2018, pourvois n° 14-26.616 et s.),

– le fait que les ressources soient mutualisées au sein du groupe, et que le directeur général du groupe prenne des initiatives dans l’urgence en matière sociale pour pallier l’absence de dirigeant sur le site durant des périodes limitées (Soc. 14 avril 2021, pourvoi n° 19-18.752),

– le fait qu’un représentant de la société-mère soit présent à la direction de chacune de ces structures, que les services des ressources humaines, direction Financière et Système d’Information, direction pédagogique et recherche, direction marketing aient compétence pour intervenir de manière transverse sur chacune des entités », que la société-mère ait confié la responsabilité directe des principaux secteurs à ses propres salariés et mis en place une organisation transversale » dans les fonctions essentielles de la filiale, induisant un contrôle direct et quotidien de tous les actes de cette filiale, et que la clientèle visée soit commune à l’ensemble du groupe (Soc. 14 avril 2021, pourvoi n° 19-10.150).

L’existence d’un coemploi n’est admis par la Cour de cassation que lorsqu’est constaté, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, que la société employeur a perdu tout client propre et se trouve sous la totale dépendance économique de la société mère, laquelle lui sous-traite et organise elle-même les transports qui constituaient son activité, que ses dirigeants ont perdu tout pouvoir décisionnel, que la société mère s’est substituée à sa filiale dans la gestion de son personnel dans les relations tant individuelles que collectives et assure également sa gestion financière et comptable, ce qui caractérise une immixtion permanente dans la gestion économique et sociale, conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de la société employeur (cf Soc., 23 novembre 2022, pourvoi n° 20-23.206, FS-P).

Au cas présent, à l’appui du coemploi allégué à l’égard des sociétés Sagard et Vermeer capital partners, le salarié invoque d’abord le fait qu’elles se présentent elles-mêmes comme des sociétés de capital risque dont l’activité ne se limite pas à disposer d’une partie du capital des sociétés cibles, leur véritable activité consistant à participer à la gestion de ces entreprises afin de les restructurer dans le but d’en augmenter la valeur financière.

Or, le fait que la société Vermeer possède « un véritable savoir-faire en termes de développement de redéploiement opérationnel d’entreprises » (Pièce n°31 du salarié : Extraits du site internet de la société Vermeer capital partners) et que la société Sagard se présente comme une « équipe spécialisée dans la création de valeur offre un soutien pratique à nos sociétés en portefeuille dans les domaines de la mise en marché, de la technologie, de la cybersécurité, de l’accélération des activités’ », ne suffit pas à caractériser l’existence d’une immixtion permanente dans la gestion économique et sociale, conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de la société employeur.

Au surplus, il ressort des pièces du dossier que la société Sagard SAS était seulement spécialisée dans la gestion de portefeuilles d’instruments financiers pour le compte de ses clients, dont la société RLD2, sans détention d’une quelconque participation en capital, et qu’elle a seulement détenu, par l’intermédiaire de la société Sagard FCPR, entre les mois de juin 2009 et mai 2013, la détention de 26 479 actions du capital de la société RLD 2, ce seul fait ne caractérisant pas l’existence du coemploi allégué.

Ensuite, à l’appui du coemploi allégué à l’égard de la société Kalhyge, le salarié fait valoir que l’intégration particulièrement intense de RLD 2, désormais dénommée Kalhyge 2, dans l’organisation du groupe RLD / Kalhyge, fait que la filiale était dépourvue de tout pouvoir organisationnel et décisionnel et n’était qu’une succursale de sa société mère RLF, désormais dénommée Kalhyge, comme le démontrent les conventions de trésorerie et de « management fees » versées aux débats par les intimées, toutes les fonctions opérationnelles de la société RLD 2 étaient assurées par RLF directement.

A ce titre, la cour relève toutefois que le « Contrat de frais de siège, de licence de marque et d’occupations de locaux » (pièce 33 du salarié) du 11 décembre 2006, soit près de dix ans avant le licenciement notifié aux salariés par la société RLD2, prévoit que la société RLF, qualifiée de prestataire, met à disposition de RLD 2, qualifiée de bénéficiaire, son propre personnel de façon à l’assister (cf page 3 et suivantes : « le prestataire assistera le bénéficiaire ») dans le contrôle de gestion, la comptabilité finance, la prospection et orientation commerciale, le développement industriel, les ressources humaines, la communication, l’informatique et les achats.

Il s’agit donc classiquement d’une centralisation des fonctions supports d’une filiale opérationnelle d’un groupe au sein d’une société holding et d’une convention d’assistance technique entre cette filiale opérationnelle et la société holding dont il ne résulte d’aucun élément du dossier du salarié qu’elle a eu pour effet de transférer la gestion économique et sociale de la filiale à la société holding, ni par suite de créer une situation de coemploi, peu important que les services RH aient été centralisés au même titre que les services comptables, financiers ou informatiques, et qu’un unique directeur des ressources Humaines, pour l’ensemble du groupe, ait supervisé les recherches de postes de reclassement dans chacune des entités du groupe.

Ainsi aucun des éléments versés aux débats par les parties ne permet de retenir que la société RLF ait, durant ces dix années d’existence de la convention d’assistance, procédé au recrutement des salariés de RLD2, ni mis en ‘uvre leur égard un pouvoir de directive ou de sanction, ni que les dirigeants de la société RLD2 ne s’occupaient plus que de l’opérationnel et ne prenait plus en charge les problèmes de nature contractuelle, administrative et financière rencontrés.

La convention de trésorerie du groupe RLD concernant neuf de ses filiales, en date également du 13 janvier 2006, ne vise quant à elle, qu’à faciliter les opérations financières et de placement à l’intérieur du groupe, dans le souci d’assurer une meilleure gestion de la trésorerie de l’ensemble des sociétés du groupe, en mettant en place un compte courant commun groupe dans les livres de la société-mère. Il n’en ressort aucune immixtion de la société-mère dans la gestion comptable et financière de la société RLD2. Au contraire, cette convention indique par exemple (page 7) que « dans le cas où la filiale souhaiterait disposer d’une avance en trésorerie dans le cadre du compte-courant groupe, elle en informera la société-mère », dont il ressort une autonomie de la filiale dans ses décisions quotidiennes de gestion financière et comptable.

Contrairement à ce qu’allègue le salarié, il ne ressort d’aucun élément du dossier du salarié que la société RLD2 et la société RLF avaient la même activité de location et d’entretien de linge, la société RLF étant une société ayant pour seule activité les fonctions support, que les dirigeants de la filiale avaient perdu tout pouvoir décisionnel, que le dirigeant de la filiale devait rendre des comptes aux dirigeants de la RLF et prendre ses consignes auprès d’eux, que la société RLF assurait la gestion financière et comptable de sa filiale en lieu et place de celle-ci, que la société RLF s’est substituée à la société RLD2 dans la gestion de son personnel dans les relations tant individuelles que collectives, que la société RLD2 avait perdu tout client propre et se trouvait sous la totale dépendance économique de la société RLF, ni que celle-ci sous-traitait et organisait elle-même l’activité de la filiale.

Il résulte de l’ensemble de ces constatations que les seuls éléments invoqués par le salarié à l’appui de sa demande de reconnaissance de l’existence d’un coemploi à l’égard des sociétés Sagard, Vermeer capital partners et Kalhyge ne sont pas de nature à caractériser l’existence d’une immixtion permanente dans la gestion économique et sociale, conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de la société employeur RLD2, et donc l’existence d’une situation de coemploi, dont le salarié ne fournit aucun commencement de preuve.

Par des motifs pertinents que, pour le surplus et en tout état de cause, la cour adopte, les premiers juges ont à juste titre rejeté la demande au titre du coemploi et, en conséquence, mis hors de cause les sociétés Sagard, Vermeer capital partners et Régie Linge Finances (RLF) aux droits de laquelle vient la société Kalhyge.

Sur le licenciement

A titre liminaire, la cour relève que le bien-fondé licenciement n’a pas été examiné par les premiers juges, saisis de la contestation du licenciement, qui n’ont tranché que les questions de communication de pièces, de coemploi et de mise hors de cause, mais que l’ensemble des parties, compte tenu des délais procéduraux, souhaitent à juste titre que le fond soit évoqué afin de pouvoir clore cette affaire (cf notamment page 10 des conclusions des sociétés Kalhyge), dans le cadre du pouvoir d’évocation de la cour.

Sur le motif économique

Le salarié expose d’abord qu’en leur qualité de coemployeurs, les sociétés Sagard, Vermeer et RLF auraient dû être coauteurs du plan de sauvegarde de l’emploi (Soc., 22 Juin 2011, pourvoi n°09-69.021) et mobiliser tous ses moyens à l’occasion de l’élaboration du plan, ce qui n’a pas été le cas, de même que ces sociétés n’ont jamais exécuté l’obligation de reclassement individuel mise à leur charge en vertu de l’article L. 1233-4 du code du travail.

Toutefois, la cour ayant précédemment confirmé le jugement qui a écarté l’existence d’un coemploi et mis hors de cause les sociétés Sagard, Vermeer et RLF, ce moyen est inopérant.

Le salarié expose ensuite que l’entreprise RLD 2 en ses différents établissements (et donc le site [Localité 11]) se rattache à l’unique secteur d’activité du groupe RLD : la location et l’entretien de vêtements et de linge pour les professionnels ainsi que d’articles d’hygiènes pour les sanitaires, que c’est donc au niveau du groupe RLD et de ses résultats dans ce secteur d’activité que doit s’apprécier la réalité du motif économique ayant entraîné les licenciements, et que la cour constatera que les performances économiques du groupe RLD dans ce secteur d’activité sont telles qu’il est parfaitement vain de vouloir y trouver une cause économique susceptible de justifier la rupture des contrats de travail, ce secteur ne cessant au contraire de gagner des parts de marchés, d’augmenter son chiffre d’affaires et ses bénéfices.

La société Kalhyge 1 venant aux droits de la société RLD2 objecte que dans un contexte économique tendu, les indicateurs de marché sous-jacents à l’activité de la société étaient en recul en 2013 puis en 2014, que tant la société RLD2 que les entreprises du groupe RLD dont elle fait partie, étaient confrontées à des difficultés économiques sérieuses depuis plusieurs années impactant très fortement leurs résultats financiers comptables.

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Il résulte de l’article L. 1233-3 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 que la cause économique d’un licenciement s’apprécie au niveau de l’entreprise ou, si celle-ci fait partie d’un groupe, au niveau du secteur d’activité du groupe dans lequel elle intervient.

Il appartient aux juges du fond de vérifier si la réorganisation de la société, dont l’appartenance à un groupe n’est pas contestée, est justifiée par l’existence, au niveau du secteur d’activité du groupe dans lequel elle intervenait, d’une menace pesant sur la compétitivité de ce secteur.

La jurisprudence y a ajouté notamment la réorganisation de l’entreprise qui peut être nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise ou justifiée par des difficultés économiques.

Lorsque l’entreprise fait partie d’un groupe, des difficultés économiques ou la menace pesant sur la compétitivité ne peuvent justifier un licenciement que si elles affectent le secteur d’activité du groupe dans lequel intervient l’employeur.

Lorsque la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige auquel peut ensuite donner lieu cette mesure, fait état d’une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité, le juge doit rechercher si la décision de l’employeur était nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise ou du secteur d’activité du groupe dont elle relève.

Répond à ce critère la réorganisation mise en ‘uvre pour prévenir des difficultés économiques à venir liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l’emploi, sans être subordonnée à l’existence de difficultés économiques à la date du licenciement. La réorganisation, en revanche, ne peut avoir pour objet d’optimiser la rentabilité de l’entreprise et d’accroître les profits du groupe. Mais, dès lors que sont établis la réalité et le sérieux du motif économique du licenciement et l’adéquation entre la situation économique de l’entreprise et les mesures affectant l’emploi ou le contrat de travail, le juge ne peut se substituer à l’employeur quant aux choix qu’il effectue dans la mise en ‘uvre de la réorganisation.

Enfin, la constatation de l’existence ou non d’une menace pesant sur la compétitivité de l’entreprise ou de difficultés économiques relève du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond, qui, pour cette appréciation, peuvent tenir compte d’éléments postérieurs à la date du licenciement.

En l’espèce, il n’est pas contesté par l’employeur, qui l’affirme lui-même dans ses conclusions, que « l’activité du groupe auquel appartient la société et celle de la société étant les mêmes, la réalité du motif économique doit s’apprécier au niveau du groupe », et que « la société RLD 2, comme les autres sociétés du groupe RLD, a pour activité principale la location et l’entretien de linge plat et de vêtements de travail ainsi que la fourniture d’équipements et de produits d’hygiène destinés à une clientèle de professionnels dans les secteurs de l’industrie, de l’hôtellerie-restauration et de la santé. »

C’est donc au niveau de ce secteur d’activité du groupe que doit s’apprécier le motif économique invoqué par l’employeur, de sorte que le moyen du salarié (cf page 42 de ses conclusions) selon lequel la société RLF produit d’excellents résultats financiers est inopérant, celle-ci ne relevant pas du même secteur d’activité que la société RLD2, mais étant la société regroupant l’ensemble des services centraux du groupe, et ne relevant donc pas du même secteur d’activité de location de linge que la société RLD2, ainsi qu’il a été vu précédemment, au titre du coemploi allégué à l’égard de la société RLF.

En revanche, l’employeur produit les comptes consolidés du groupe RLD (pièce 13 de l’employeur) dont il ressort que, dans un contexte de forte récession du marché de location de linge depuis début 2013 et de concurrence accrue entraînant une baisse des prix, le chiffre d’affaires net du groupe RLD est passé de 154 659 Keuros en 2012 à 141 875 Keuros en 2014, et son résultat d’exploitation de 1 130 Keuros à -8 142 Keuros en 2014, dont une baisse de celui de la société RLD2 sur la même période de 1 105 Keuros à ‘ 4 986 Keuros, son résultat d’exploitation passant quant à lui de -16 Keuros à ‘ 7 118 Keuros et son résultat net de ‘ 2 871 Keuros à ‘ 7 847 Keuros (cf pièce 3 de la société).

A l’inverse, l’allégation du salarié selon laquelle « les intimées sont totalement dans l’incapacité d’établir la moindre contre performance du secteur d’activité du groupe RLD auquel appartient RLD2, puisque ce secteur ne cesse de gagner des parts de marchés, d’augmenter son chiffre d’affaires et ses bénéfices. » est dépourvue d’offre de preuve.

Il ressort au contraire de la note remise aux institutions représentatives du personnel dans le cadre du projet de PSE de l’établissement [Localité 11] de la société RLD2 (pièce 2 de l’employeur) que :

le groupe a dû solliciter le report des échéances de sa dette et rechercher des financements supplémentaires,

le paiement des intérêts courus sur les dettes seniors résiduelles a été différé d’un an, le solde du paiement de dette résiduelle étant reporté,

la mise à disposition par la société Vermeer capital partners d’une avance remboursable de 2 millions d’euros pour sécuriser la trésorerie du groupe en 2015,

la conversion de 80 % du prêt résiduel consenti par la société Sagard en obligations remboursables en actions, et le report in fine du remboursement des 20 % résiduels sans intérêts.

La cour relève qu’après un premier refus, la Direccte a homologué le document unilatéral relatif au contenu du plan de sauvegarde de l’emploi de la société RLD 2, et que ce dernier n’a fait l’objet d’aucun contentieux devant le juge administratif.

Enfin, il ressort du rapport de l’expert-comptable du comité central d’entreprise établi en janvier 2015 que le chiffre d’affaires du groupe a connu en 2013 et en 2014 une baisse de 4% par an, l’expert-comptable précisant qu’au « regard du repli de ses résultats dans un marché dégradé et fortement concurrentiel, il [le Groupe] se retrouve de nouveau en difficulté face aux contraintes financières mais se retrouve cette fois ci également dans une situation où l’activité ne parvient pas à générer une trésorerie suffisante pour couvrir les investissements, avec une menace claire sur sa pérennité ». (pièce 3 de l’employeur).

La cour relève en dernier lieu que, s’agissant des salariés protégés, la cour administrative d’appel de Versailles a retenu, dans un arrêt du 31 mai 2021 (pièce 23E), que « Le tribunal administratif [ de Montreuil] a en effet retenu le bien-fondé du motif économique invoqué au soutien du licenciement en litige, tiré de la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise par une réorganisation, motif entrant dans les dispositions légales précitées et justifié par la baisse du chiffre d’affaires du groupe entre 2012 et 2015, par son résultat négatif de 6 279 000 euros en 2015 et par la diminution de près d’un tiers du bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement entre 2012 et 2015, en deuxième lieu s’agissant de la société RLD 2, par la baisse du chiffre d’affaires depuis 2012, par un déficit constant s’élevant à 7,8 millions d’euros et par une dégradation ininterrompue du résultat d’exploitation depuis cette date atteignant 7,11 millions d’euros ainsi que des besoins d’investissement de 5 millions d’euros ne pouvant pas être autofinancés du fait des difficultés de trésorerie de l’entreprise et ne pouvant pas davantage être financés par le groupe en raison de sa position financière fragilisée telle que sus-décrite, en troisième lieu, par la concentration de l’activité industrielle de location de linge de la société RLD 2 sur cinq sites en Ile-de-France, dont le site [Localité 11], vétuste et en surcapacité de production, dans un contexte de baisse des volumes de linge à traiter et d’optimisation des coûts de production, qui a conduit à la décision managériale de fermeture du site [Localité 11] et de relocalisation de l’activité de location de linge sur les autres sites de la région parisienne. » (cf page 4 de l’arrêt)

Au regard des pièces produites par l’employeur, la cour ne peut qu’effectuer le même constat que le juge administratif, et retenir que la menace pesant sur la compétitivité de RLD2 et du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient, est caractérisée à la date de notification des licenciements.

Sur le reclassement

Le salarié expose que la société RLD 2 n’a pas mené de bonne foi de véritables recherches des

possibilités de reclassement auprès des autres entreprises du groupe, et particulièrement auprès de la société Vermeer qui contrôlait RLD au sens des articles L. 233-3 et L. 233-16 du code de commerce, que l’intimée affirme faussement avoir interrogés les sociétés du groupe RLD sur les possibilités de reclassement dont elles disposent, mais n’apporte aucune preuve de l’envoi de courriers de recherche de reclassement aux sociétés faisant partie du groupe de reclassement. Il fait également valoir que les salariés appelants se sont vu adresser une lettre circulaire contenant un ou des postes énoncés sans aucune précision, les offres de reclassement faites par RLD 2 aux salariés ne comprenant pas le type de contrat proposé (CDI ou CDD).

L’employeur objecte qu’un plan de reclassement détaillé et sérieux a été prévu par le PSE mis en ‘uvre au sein de la société, et homologué par la Direccte, et qu’il prévoyait un périmètre constitué des sociétés du groupe RLD au sein desquelles la permutabilité des emplois est possible, ainsi qu’au sein du groupe MNH, que ce plan détaille l’ensemble des postes ouverts au sein du groupe au moment de son élaboration et susceptibles d’être proposés au reclassement des salariés qui seraient impactés par le projet de réorganisation, et le plan prévoit par ailleurs que seront aussi proposés au reclassement des salariés les postes transférés du site [Localité 11] vers les autres sites d’Île de France qui n’auraient pas été pourvus lors de la procédure de transfert, et que ce sont ainsi quatorze postes qui ont été proposés au salarié, les propositions étant suffisamment précises et individualisés.

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Selon l’article L. 1233-4 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, en vigueur du 20 mai 2010 au 8 août 2015, le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré dans l’entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l’entreprise appartient. Cette recherche de possibilités de reclassement doit être réalisée par l’employeur, si la société fait partie d’un groupe, auprès des autres sociétés de ce groupe dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation permettent, en raison des relations qui existent entre elles, d’y effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

Le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d’une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, le reclassement s’effectue sur un emploi d’une catégorie inférieure.

Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.

Si la preuve de l’exécution de l’obligation de reclassement incombe à l’employeur, il appartient au juge, en cas de contestation sur l’existence ou le périmètre du groupe de reclassement, de former sa conviction au vu de l’ensemble des éléments qui lui sont soumis par les parties. (Soc., 31 mars 2021, pourvois n° 19-17.303 et s., publié).

Il est constant que le plan de sauvegarde de l’emploi doit comporter des dispositions de nature à garantir l’attribution « prioritaire » des emplois disponibles au sein du groupe aux salariés menacés de licenciement (Soc., 12 juillet 2010, pourvoi n° 99-16.182, bull. N° 166), et que la pertinence d’un plan social doit être appréciée en fonction des moyens dont disposent l’entreprise et le groupe auquel elle est éventuellement intégrée (Soc., 9 mai 2000, pourvoi n°98-20.588, Bull. 2000, V, n° 172).

Enfin, l’employeur satisfait à son obligation de reclassement en adressant une proposition correspondant aux aptitudes et compétences du salarié, et adressé simultanément à plusieurs salariés pouvant se porter candidats sur ce poste (cf Soc., 11 mai 2022, pourvoi n° 21-15.249).

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe:

CONFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu’il déboute la société Sagard SAS de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,

Statuant à nouveau de ce seul chef, évoquant et y ajoutant,

DIT que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

DEBOUTE M. [M] [K] de l’ensemble de ses demandes,

CONDAMNE M. [M] [K] à payer à la société Sagard SAS la somme de 1 000 euros pour procédure abusive,

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et rejette les demandes,

CONDAMNE M. [M] [K] aux dépens d’appel.

. prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

. signé par Madame Aurélie Prache, Présidente et par Madame Dorothée Marcinek, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


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