L’Essentiel : M. [W] a été engagé par la société Les vignes en tant que demi-chef de rang le 18 octobre 2019, sans contrat écrit. En raison de la crise sanitaire, il a été placé en activité partielle du 14 mars au 18 juin 2020, après quoi il n’a pas repris son poste. Licencié pour faute grave le 9 octobre 2020 en raison d’absences injustifiées, M. [W] a pris acte de la rupture de son contrat le 12 octobre et a saisi le conseil de prud’hommes. Le 5 novembre 2021, il a été débouté de ses demandes, entraînant un appel le 21 décembre 2021.
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Engagement de M. [W]M. [W] a été engagé en tant que demi-chef de rang le 18 octobre 2019 par la société Les vignes, exploitant le restaurant Bistrot des vignes, sans contrat écrit. Contexte de la crise sanitaireEn raison de la crise sanitaire liée à la Covid-19, M. [W] a été placé en activité partielle du 14 mars 2020 au 18 juin 2020, après quoi il n’a pas repris son travail. Licenciement de M. [W]La société Les vignes a prononcé le licenciement de M. [W] pour faute grave par une lettre recommandée non datée, présentée le 9 octobre 2020, en raison de ses absences injustifiées depuis le 18 juin 2020. Prise d’acte de ruptureLe 12 octobre 2020, M. [W] a pris acte de la rupture de son contrat de travail et a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 26 octobre 2020, demandant que cette prise d’acte soit considérée comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Jugement du conseil de prud’hommesLe 5 novembre 2021, le conseil de prud’hommes a débouté M. [W] de toutes ses demandes et l’a condamné à verser 1,00 euro à la société Les vignes au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens. Appel de M. [W]M. [W] a interjeté appel de ce jugement le 21 décembre 2021, demandant la réformation de la décision et la condamnation de la société Les vignes à lui verser diverses sommes. Conclusions de la société Les vignesDans ses conclusions du 13 juin 2022, la société Les vignes a demandé la confirmation du jugement du conseil de prud’hommes et a sollicité une condamnation de M. [W] à verser 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Ordonnance de clôture et audienceL’ordonnance de clôture a été rendue le 17 septembre 2024, et l’affaire a été évoquée à l’audience du 18 novembre 2024, où la cour a soulevé d’office la question de la caducité de l’appel. Caducité de l’appelLa cour a constaté que M. [W] n’avait pas demandé l’infirmation du jugement dans ses conclusions, entraînant la caducité de son appel, malgré les arguments présentés concernant la communication des conclusions de la société Les vignes. Décision finaleLa cour a déclaré caduc l’appel formé par M. [W], a laissé à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles et a condamné M. [W] aux dépens de la procédure d’appel. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la nature de la prise d’acte de rupture du contrat de travail par M. [W] ?La prise d’acte de rupture du contrat de travail par M. [W] est un acte unilatéral par lequel le salarié met fin à son contrat de travail en raison de manquements de l’employeur. Selon l’article L1231-1 du Code du travail, « le contrat de travail peut être rompu à l’initiative de l’une ou l’autre des parties. » La prise d’acte peut produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si elle est justifiée par des manquements de l’employeur. Dans le cas présent, M. [W] a pris acte de la rupture en raison de ses absences injustifiées, ce qui soulève la question de savoir si ces absences étaient effectivement injustifiées ou si elles résultaient d’une situation liée à la crise sanitaire. Quelles sont les conséquences juridiques de la caducité de l’appel de M. [W] ?La caducité de l’appel de M. [W] a pour effet de rendre le jugement de première instance définitif. L’article 542 du Code de procédure civile précise que « l’appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d’appel. » En l’absence de demande d’infirmation ou d’annulation dans le dispositif des conclusions, la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement. L’article 914 du même code permet à la cour d’appel de relever d’office la caducité de l’appel, ce qui a été fait dans cette affaire. Ainsi, M. [W] ne peut plus contester le jugement du conseil de prud’hommes, et il est condamné aux dépens de la procédure d’appel conformément à l’article 696 du Code de procédure civile. Quels sont les effets de l’absence de communication des conclusions de la société Les vignes à M. [W] ?L’absence de communication des conclusions de la société Les vignes à M. [W] soulève des questions sur le respect du principe du contradictoire. L’article 16 du Code de procédure civile stipule que « le juge doit assurer l’équilibre des droits des parties et veiller à ce qu’elles puissent faire valoir leurs arguments. » Cependant, dans le cas présent, la cour a relevé d’office la caducité de l’appel, ce qui rend inopérante l’argumentation de M. [W] sur la violation du principe de la contradiction. En effet, même si la société Les vignes n’avait pas communiqué ses conclusions, cela ne change pas le fait que M. [W] n’a pas respecté les exigences formelles de l’article 954 du Code de procédure civile concernant le dispositif de ses conclusions. Ainsi, la caducité de l’appel est maintenue, et les arguments de M. [W] sur la communication des conclusions ne peuvent pas être pris en compte. |
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 6
ARRET DU 22 JANVIER 2025
(n°2025/ , 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/00406 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CE6HU
Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Novembre 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 20/07993
APPELANT
Monsieur [V] [W]
Chez [W] [M]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par M. [L] [R] (Délégué syndical ouvrier)
INTIMEE
E.U.R.L. LES VIGNES
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Me Pierre-jacques CASTANET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0349
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Novembre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Didier LE CORRE, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Monsieur Didier LE CORRE, Président de chambre et de la formation
Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre
Monsieur [V] THERME, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Gisèle MBOLLO
ARRET :
– Contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, initialement prévue le 15 Janvier 2025 et prorogée au 22 Janvier 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Monsieur Didier LE CORRE, Président de chambre et par Gisèle MBOLLO, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. [W] a été engagé en qualité de demi-chef de rang le 18 octobre 2019, sans contrat écrit, par la société Les vignes, laquelle exploite un restaurant à l’enseigne Bistrot des vignes.
En raison de la crise sanitaire liée à la Covid-19, M. [W] a été placé en activité partielle du 14 mars 2020 au 18 juin suivant. Il n’a pas ensuite repris le travail.
Par lettre recommandée non datée et non réclamée, présentée le 9 octobre 2020 à l’adresse « Chez [F] [Adresse 4] », la société Les vignes a prononcé le licenciement pour faute grave de M. [W] « en raison de vos absences injustifiées depuis le 18 juin 2020 ».
Par lettre datée du 12 octobre 2020 adressée à la société Les vignes, le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail.
M. [W] a saisi le 26 octobre 2020 le conseil de prud’hommes de Paris de demandes tendant à voir juger que sa prise d’acte de la rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et à voir condamner la société Les vignes à lui payer diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture du contrat de travail.
Par jugement du 5 novembre 2021, auquel il est renvoyé pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud’hommes de Paris a rendu la décision suivante:
« DEBOUTE M. [W] de l’ensemble de ses demandes.
CONDAMNE M. [W] à verser à la société Les Vignes 1,00 euro au titre de l’article 700 du code de procédure civile
CONDAMNE M. [W] aux entiers dépens. »
M. [W] a relevé appel de ce jugement par déclaration parvenue au greffe le 21 décembre 2021, adressée par son défenseur syndical.
Dans ses dernières conclusions parvenues au greffe le 15 mars 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé des moyens, M. [W] demande à la cour de:
« La cour de céans la décision déférée en toutes ses dispositions et
En statuant à nouveau arrêtera que
– la prise d’acte de rupture du contrat de travail est bien fondée et que la rupture du contrat de travail est aux torts de l’employeur.
– que la date de la rupture doit s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Et, en conséquence,
Condamner la SARL LES VIGNES à verser à Monsieur [V] [W] les sommes suivantes:
‘ Salaire du 18/06/2020 au 15/10/2020 : 7 431,75 €
‘ Indemnité de congés payés du 18/06/2020 au 15/10/2020 : 743,17 €
‘ Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réel et sérieuse : 1 992,71 €
‘ Indemnité de licenciement légale : 1 992,71 €
‘ Indemnité compensatrice de préavis : 1 992,71 €
‘ Indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 199,27 €
‘ Heures supplémentaires : 2 245,60 €
‘ Congés payés afférents aux heures supplémentaires : 224,56 €
‘ Article 700 du CPC : 2 000,00 €
‘ Remise des Bulletins de Paie de Mars à Octobre 2020 conformes à la décision, du certificat de travail, de l’attestation Pôle Emploi rectifiée, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document pendant 60 jours, que le Conseil se réserve le droit de liquider ladite astreinte
‘ Intérêts au taux légal, capitalisation
‘ Exécution provisoire
‘ Aux entiers dépens » [
Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 13 juin 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé des moyens, la société Les vignes demande à la cour de:
« confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris en ce qu’il :
– DEBOUTE M. [W] de l’ensemble de ses demandes ;
– CONDAMNE M. [W] aux entiers dépens ;
Il est également demande à la cour d’appel de Paris de :
– CONDAMNER M. [W] à verser à la société Les Vignes la somme de 4 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 17 septembre 2024.
L’affaire a été évoquée à l’audience du 18 novembre 2024, durant laquelle, en application de l’article 442 du code de procédure civile, la cour a invité les parties à lui adresser une note en délibéré portant sur l’absence, dans le dispositif des conclusions de l’appelant, de demande d’infirmation ou d’annulation du jugement et sur les conséquences de cette absence au regard des articles 542 et 954 du code de procédure civile, ainsi que sur la caducité de l’appel pouvant en résulter qui a été soulevée d’office à l’audience par la cour en application de l’article 914 du même code.
La société Les vignes a adressé une note en délibéré à la cour le 19 novembre 2024.
M. [W] a adressé une note en délibéré, de nouvelles pièces et de nouvelles conclusions qui sont toutes parvenues au greffe le 2 décembre 2024.
L’article 542 du code de procédure civile dispose que « L’appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d’appel ».
L’article 914 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret n°2023-1391 du 29 décembre 2023, dispose notamment que « Les parties ne sont plus recevables à invoquer devant la cour d’appel la caducité ou l’irrecevabilité après la clôture de l’instruction, à moins que leur cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement. Néanmoins, sans préjudice du dernier alinéa du présent article, la cour d’appel peut, d’office, relever la fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de l’appel ou la caducité de celui-ci ».
L’article 954 du même code, dans la même rédaction, dispose que:
« Les conclusions d’appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l’article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.
Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l’énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.
La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.
Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.
La partie qui conclut à l’infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu’elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance.
La partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs. »
La Cour de cassation juge qu’il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l’appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l’infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l’anéantissement ni l’annulation du jugement, la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement, sauf la faculté qui lui est reconnue de relever d’office la caducité de l’appel (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626, B, rapport annuel; Soc., 15 mai 2024, pourvoi n° 22-12.546).
En l’espèce, dans le dispositif de ses conclusions parvenues au greffe le 15 mars 2022, M. [W], avant d’indiquer les différentes condamnations de la société Les vignes qu’il sollicite, énonce:
« La cour de céans la décision déférée en toutes ses dispositions
En statuant à nouveau arrêtera que
– la prise d’acte de rupture du contrat de travail est bien fondée et que la rupture du contrat de travail est aux torts de l’employeur.
– que la date de la rupture doit s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse. »
Il en résulte que le dispositif de ces conclusions de l’appelant, qui ont été remises au greffe dans le délai de trois mois prévu à l’article 908 du code de procédure civile, ne comporte aucune demande d’infirmation, de réformation ou d’annulation du jugement attaqué, le défenseur syndical de M. [W] faisant à cet égard une confusion, dans sa note en délibéré, entre les obligations devant être respectées par la déclaration d’appel et celles devant être respectées aussi dans le dispositif des conclusions de l’appelant.
En conséquence, la cour prononce la caducité de l’appel, étant ajouté que l’absence éventuelle de communication par la société Les vignes de ses conclusions et pièces du 13 juin 2022 à M. [W], invoquée par celui-ci dans sa note en délibéré et ses conclusions, parvenues au greffe le 2 décembre 2024, pour solliciter la réouverture des débats au motif d’une violation du principe de la contradiction, est inopérante au regard de cette caducité relevée d’office par la cour.
M. [W] succombant, il est condamné aux dépens de la procédure d’appel en application de l’article 696 du code de procédure civile.
Par ailleurs, il paraît équitable de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles pour la procédure d’appel.
Déclare caduc l’appel formé par M. [W].
Laisse à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles et les déboute de leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
Condamne M. [W] aux dépens de la procédure d’appel.
La Greffière Le Président
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