L’Essentiel : Le 29 juin 2021, Monsieur [D] [F], employé de la S.A.S AGILIS, a signalé un accident du travail lors du déchargement de platines, entraînant une lombalgie. La CPAM des PYRÉNÉES-ORIENTALES a reconnu l’accident comme professionnel le 4 octobre 2021. Contestant cette décision, la S.A.S AGILIS a saisi la commission de recours amiable, qui a confirmé la décision de la CPAM. En désaccord, l’entreprise a introduit un recours devant le tribunal judiciaire d’Avignon. Le tribunal a finalement jugé que la décision de la CPAM n’était pas opposable à la S.A.S AGILIS, en raison de l’absence de preuves suffisantes.
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Contexte de l’accidentLe 29 juin 2021, Monsieur [D] [F], salarié de la S.A.S AGILIS, a déclaré un accident du travail survenu lors du déchargement de platines de guidage, entraînant une douleur au bas du dos. La déclaration a été faite à la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) des PYRENEES-ORIENTALES le 07 juillet 2021, accompagnée de réserves sur le caractère professionnel de l’accident. Constatations médicalesUn certificat médical établi le 01 juillet 2021 a diagnostiqué une lombacruralgie invalidante. Un arrêt de travail a été prescrit jusqu’au 31 juillet 2021. La CPAM a reconnu l’accident comme étant d’origine professionnelle par une décision du 04 octobre 2021. Contestation de la décisionLa S.A.S AGILIS a contesté cette décision en saisissant la commission de recours amiable (CRA) le 03 décembre 2021. La CRA a confirmé la décision de la CPAM lors de sa séance du 17 février 2022, déclarant l’accident opposable à l’employeur. Recours judiciaireEn désaccord avec cette décision, la S.A.S AGILIS a introduit un recours devant le tribunal judiciaire d’Avignon le 27 avril 2022. L’affaire a été fixée pour audience le 27 novembre 2024. Arguments des partiesLa S.A.S AGILIS a demandé au tribunal de déclarer son recours recevable et fondé, arguant que la matérialité de l’accident n’était pas établie. De son côté, la CPAM a soutenu avoir appliqué correctement la législation en vigueur et a demandé que l’accident soit déclaré opposable à l’employeur. Analyse du tribunalLe tribunal a examiné la recevabilité du recours et la matérialité de l’accident. Il a rappelé que la présomption d’accident du travail s’applique lorsque l’accident survient sur le lieu et pendant le temps de travail. Cependant, il a noté l’absence de témoins et le fait que le salarié avait continué à travailler après l’accident, ce qui a soulevé des doutes sur l’origine professionnelle des lésions. Décision du tribunalLe tribunal a finalement déclaré inopposable à la S.A.S AGILIS la décision de la CPAM de reconnaître l’accident comme professionnel, en raison de l’absence de preuves suffisantes établissant la matérialité de l’accident. La CPAM a été condamnée aux dépens de l’instance. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la définition d’un accident du travail selon le Code de la sécurité sociale ?L’article L.411-1 du Code de la sécurité sociale définit l’accident du travail comme suit : « Est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise. » Cette définition implique que tout événement survenant dans le cadre du travail, entraînant une lésion corporelle ou une affection psychique, est susceptible d’être qualifié d’accident du travail. Il est également précisé que l’accident doit survenir pendant le temps et sur le lieu de travail de la victime, ce qui établit une présomption en faveur de la reconnaissance de l’accident comme étant d’origine professionnelle. Quelles sont les obligations de l’employeur en cas de contestation de la prise en charge d’un accident du travail ?Lorsqu’un employeur conteste la décision de prise en charge d’un accident du travail, il doit se conformer à certaines obligations. Selon la jurisprudence, il incombe à l’employeur de détruire la présomption d’imputabilité qui s’attache à toute lésion survenue brusquement au temps et au lieu de travail. Cela signifie que l’employeur doit apporter la preuve que la lésion a une cause totalement étrangère au travail. En revanche, la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), subrogée dans les droits de la victime, doit prouver la matérialité de l’accident du travail. Cette preuve peut être rapportée par tous moyens et doit résulter de présomptions graves, précises et concordantes, conformément à l’article 1382 du Code civil. Quels sont les éléments nécessaires pour établir la matérialité d’un accident du travail ?Pour établir la matérialité d’un accident du travail, plusieurs éléments doivent être pris en compte. La jurisprudence indique que la matérialité de l’accident peut être prouvée par des indices et des présomptions. Il est essentiel que la déclaration de l’accident soit faite dans un délai raisonnable, même si aucun délai réglementaire n’est imposé. La constatation médicale des lésions doit également intervenir dans un délai raisonnable après l’accident. En l’absence de témoins, la CPAM doit démontrer que des présomptions graves et concordantes existent pour établir la matérialité de l’accident. Les seules déclarations du salarié ne suffisent pas ; elles doivent être corroborées par d’autres éléments probants. Comment la jurisprudence interprète-t-elle l’absence de témoins dans le cadre d’un accident du travail ?La jurisprudence a établi que l’absence de témoins lors d’un accident du travail n’est pas un obstacle à la reconnaissance de la matérialité de l’accident. En effet, la présence de témoins n’est pas exigée pour établir la réalité de l’accident. La CPAM peut se fonder sur des présomptions graves, précises et concordantes pour prouver la matérialité de l’accident, même en l’absence de témoignages. Cela signifie que d’autres éléments, tels que des rapports médicaux ou des déclarations circonstanciées, peuvent suffire à établir la réalité de l’accident. Ainsi, la jurisprudence considère que l’absence de témoins ne saurait suffire à contester la prise en charge d’un accident du travail, tant que des éléments probants sont présentés. Quelles sont les conséquences d’une décision déclarant inopposable la prise en charge d’un accident du travail ?Lorsqu’une décision judiciaire déclare inopposable la prise en charge d’un accident du travail, cela signifie que la CPAM ne peut pas imposer à l’employeur de reconnaître l’accident comme étant d’origine professionnelle. Cette décision a pour effet de libérer l’employeur de ses obligations liées à la prise en charge des conséquences de l’accident, notamment en ce qui concerne le versement d’indemnités ou la prise en charge des frais médicaux. En conséquence, l’employeur peut contester la décision de la CPAM et ne sera pas tenu de supporter les coûts associés à l’accident, tant que la matérialité de l’accident n’est pas établie de manière satisfaisante. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE D’AVIGNON
N° RG 22/00345 – N° Portalis DB3F-W-B7G-JCQX
Minute N° : 25/00093
CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE
JUGEMENT DU 22 Janvier 2025
DEMANDEUR
S.A.S. AGILIS
ZA LA CIGALIERE
4245 Allée du Sirocco
84250 LE THOR
représentée par Me Morgane COURTOIS D’ARCOLLIERES, avocat au barreau de PARIS
DEFENDEUR :
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES PYRENEES ORIENTALES
Rue des Remparts St Mathieu
BP 88928
66013 PERPIGNAN CEDEX 9
représentée par Mme [X] [T] (Salariée) munie d’un pouvoir spécial
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Madame Olivia VORAZ, Juge, Présidente
M. René BERTOLINI, Assesseur employeur,
Madame Tedjinia-Teddy LOUAFIA, Assesseur salarié,
assistés de Mme Fabienne RAVAT,greffier,
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE
Audience publique du 27 Novembre 2024
JUGEMENT :
A l’audience publique du 27 Novembre 2024 , après débats, l’affaire a été mise en délibéré, avis a été donné aux parties par le tribunal que le jugement sera prononcé à la date du 22 Janvier 2025 par la mise à disposition au greffe, Contradictoire, en premier ressort.
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Copie exécutoire délivrée à :
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Le 07 juillet 2021, la S.A.S AGILIS a transmis à la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) des PYRENEES-ORIENTALES une déclaration d’accident du travail, concernant son salarié Monsieur [D] [F], survenu le 29 juin 2021 dans les circonstances suivantes : “Activité de la victime lors de l’accident : déchargement des platines de guidage ; nature de l’accident : d’après ses dires, notre salarié aurait ressenti une douleur au bas du dos en déchargeant les platines de guidage de la machine à extruder ; éventuelles réserves motivées : nous émettons des reserves quant au caractère professionnel de cet accident voir courrier joint ; siège des lésions : tronc région lombaire ; nature des lésions : douleur””.
Le certificat médical intial en date du 01 juillet 2021 établi par le docteur [D] [Z] a constaté “lombacruralgie droite tronquée L5-S1 invalidante, hyperalgie permanente”. Un arrêt de travail a été prescrit jusqu’au 31 juillet 2021.
La caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) des PYRENEES-ORIENTALES a pris en charge l’accident du 29 juin 2021, au titre de la législation sur les risques professionnels, ce dont elle a informé la S.A.S AGILIS par décision du 04 octobre 2021.
Le 03 décembre 2021, la S.A.S AGILIS a saisi la commission de recours amiable (CRA) de la CPAM des PYRENEES-ORIENTALES en contestation de la décision du 04 octobre 2021.
Par décision explicite en sa séance du 17 février 2022, la CRA a confirmé la décision de la CPAM des PYRENEES-ORIENTALES et déclaré opposable à la S.A.S AGILIS les conséquences de l’accident du travail du 29 juin 2021.
Contestant cette décision, la S.A.S AGILIS, par l’intermédiaire de son avocat, a, par recours du 27 avril 2022, saisi le pôle social du tribunal judiciaire d’Avignon.
Cette affaire a été fixée et évoquée à l’audience du 27 novembre 2024.
La S.A.S AGILIS, par conclusions déposées et soutenues oralement par son avocat, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens et arguments, demande au tribunal de:
– déclarer le recours de la société AGILIS recevable et bien fondé ;
En conséquence,
– déclarer la décision prise par la caisse primaire d’assurance maladie des Pyrénées-Orientales de reconnaître le caractère professionnel de l’accident du 29 juin 2021 déclaré par Monsieur [D] [F] inopposable à la société AGILIS, la matérialité du fait accidentel n’étant pas établie.
Par conclusions déposées et soutenues oralement par sa représentante, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens et arguments, la CPAM des PYRENEES-ORIENTALES demande au tribunal de :
– décerner acte à la concluante de ce qu’elle a fait exacte application des textes en vigueur ;
– déclarer opposable à l’employeur l’accident du travail de Monsieur [D] [F] ;
– rejeter toute autre demande.
Cette affaire a été retenue et mise en délibéré au 22 janvier 2025, par mise à disposition au greffe par application des dispositions de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
Sur la recevabilité du recours
Il n’y a lieu de recevoir la S.A.S AGILIS en sa demande, la recevabilité de sa demande n’étant pas contestée.
Sur la matérialité de l’accident
Selon l’article L.411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise.
Constitue ainsi un accident du travail, un événement ou une série d’événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l’occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle et/ou une affection psychique, quelle que soit la date d’apparition de celles-ci (Soc., 2 avril 2003, n°00-21.768).
L’accident subi pendant le temps et sur le lieu de travail de la victime est présumé être un accident du travail.
Si c’est à l’employeur voulant contester la décision de prise en charge de la caisse qu’il incombe de détruire la présomption d’imputabilité s’attachant à toute lésion survenue brusquement au temps et au lieu de travail, en apportant la preuve que cette lésion a une cause totalement étrangère au travail, il appartient en revanche à la caisse, subrogée dans les droits de la victime, dans ses rapports avec l’employeur d’apporter la preuve de la matérialité de l’accident du travail.
Cette preuve peut être rapportée par tous moyens et peut résulter de présomptions graves, précises et concordantes au sens de l’article 1382 du code civil. Ainsi, elle ne peut résulter des seules déclarations du salarié (Soc., 26 mai 1994, Bull. n° 181), ces dernières devant être complétées par un ou plusieurs indices (Soc., 11 mars 1999, n°97-17.149, civ.2e 28 mai 2014, n°13-16.968) susceptibles d’être retenus à titre de présomptions et de nature à établir le caractère professionnel de l’accident.
S’agissant de la constatation médicale des lésions, aucun délai réglementaire n’est imposé. Elle doit intervenir dans un délai raisonnable suite à l’ accident, afin de prendre en compte l’ensemble des situations pouvant survenir et notamment celle d’une lésion apparemment bénigne dont les troubles persistent ou s’aggravent, nécessitant une consultation a posteriori.
En l’espèce, la S.A.S AGILIS se prévaut tant d’une information tardive de l’accident par le salarié à son employeur (au delà du délai légal de 24h), que d’une constatation médicale des lésions tout aussi tardive (deux jours après les faits). Elle indique également que le salarié a continué à travailler, malgré la gravité des lésions alléguées, le jour de l’accident durant 6 heures et pendant deux jours après la survenance du fait accidentel revendiqué. L’employeur invoque également une absence de témoin de l’accident, la déclaration de l’accident n’ayant été faite que sur la base des seules affirmations de Monsieur [D] [F], alors que le poste de travail de ce dernier n’était pas un poste isolé. La S.A.S AGILIS précise en dernier lieu que les lésions sont constitutives d’un état pathologique antérieur et affirme au vu de ces éléments que la matérialité du fait accidentel n’est pas établie.
La CPAM des PYRENEES-ORIENTALES expose que la présence de témoin n’est pas exigée selon la jurisprudence, et qu’une telle absence ne saurait suffire en présence de présomptions graves et concordantes. Elle estime qu’elle disposait de présomptions graves, précises et concordantes lui permettant d’établir la matérialité de l’accident et considère que la société n’apporte aucun élément probant permettant de combattre la présomption d’imputabilité.
Au cas présent, il est constant que Monsieur [D] [F] était salarié au sein de la S.A.S AGILIS..
Il ressort de l’analyse du dossier qu’une déclaration d’accident du travail a été établie le 07 juillet 2021 par la S.A.S AGILIS, mentionnant la survenue d’un accident le 29 juin 2021 à 11h30 sur le lieu de travail habituel du salarié et pendant son temps de travail ( 07h30 à 12h30 et 13h30 à 18h30) dans les circonstances suivantes : “Activité de la victime lors de l’accident : déchargement des platines de guidage ; nature de l’accident : d’après ses dires, notre salarié aurait ressenti une douleur au bas du dos en déchargeant les platines de guidage de la machine à extruder ; éventuelles réserves motivées : nous émettons des reserves quant au caractère professionnel de cet accident voir courrier joint ; siège des lésions : tronc région lombaire ; nature des lésions : douleur””.
Il n’est fait nulle mention d’un témoin à l’accident. Il n’est néanmoins pas contesté que Monsieur [D] [F] était à son poste de travail à cette date.
Le certificat médical initial, faisant état d’une « lombacruralgie droite tronquée L5-S1 invalidante, hyperalgie permanente», a été établi par le docteur [D] [Z] le 01 juillet 2021.
Il résulte de ce qui précède, que si le constat des lésions affectant Monsieur [D] [F] ne saurait être remis en cause au regard des énonciations figurant sur le certificat sus mentionné, il reste que l’origine professionnelle de ces lésions, ainsi que la matérialité du fait accidenté décrit, n’apparaissent pas établies, en l’absence de témoin de l’accident allégué, alors que le salarié a continué à travailler jusqu’à 18h30, soit durant 6 heures après les faits, au sein de la S.A.S AGILIS mais également compte tenu du délai séparant l’établissement de ce certificat des faits décrits qui, pour être réduit, n’en est pas moins exclusif de toute impossibilité de survenance dans un autre cadre.
Enfin, la caisse ne saurait se prévaloir de la présomption dès lors que la matérialité même de faits accidentels survenus aux temps et lieu de travail n’est pas établie.
En l’état de ces constatations, le tribunal retient que la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l’accident survenu le 29 juin 2021 au préjudice de Monsieur [D] [F], doit être déclarée inopposable à la S.A.S AGILIS.
Sur les dépens
En application de l’article 696 du code de procédure civile, la CPAM des PYRENEES-ORIENTALES succombant, sera condamnée aux dépens.
Le pôle social du tribunal judiciaire d’Avignon, statuant après débats en audience publique par jugement mis à la disposition des parties, contradictoire et en premier ressort :
Dit n’y avoir lieu à statuer sur la recevabilité du recours ;
Déclare inopposable à la S.A.S AGILIS la décision de la CPAM des PYRENEES-ORIENTALES de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l’accident de Monsieur [D] [F] survenu le 29 juin 2021;
Condamne la CPAM des PYRENEES-ORIENTALES aux dépens de l’instance.
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe du pôle social du tribunal judiciaire d’Avignon le 22 janvier 2025.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
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