L’Essentiel : Madame [S] [K] [Z], aide-soignante à l’hôpital de [3], a subi un accident du travail le 20 février 2014, entraînant des douleurs dorsales et une tendinite. Un certificat médical a justifié un arrêt de travail jusqu’au 23 mars 2014, reconnu par la CPAM. En avril 2020, l’hôpital a contesté la durée des soins, menant à une procédure judiciaire. Lors de l’audience du 23 octobre 2024, l’hôpital a renoncé à sa demande principale, mais a insisté sur la nécessité d’une expertise. Le tribunal a finalement débouté l’hôpital, confirmant la prise en charge des arrêts de travail par la CPAM.
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Embauche et Accident du TravailMadame [S] [K] [Z] a été engagée par l’hôpital de [3] en tant qu’aide-soignante le 4 juin 2007. Le 20 février 2014, elle a subi un accident du travail lors de la toilette d’un patient, se blessant au dos. L’hôpital a déclaré cet accident à la CPAM du Rhône le 26 février 2014. Certificat Médical et Arrêts de TravailUn certificat médical établi le 21 février 2014 a mentionné des lésions telles qu’une tendinite du poignet droit et des douleurs dorso-lombaires, entraînant un arrêt de travail jusqu’au 23 mars 2014. La CPAM a reconnu la prise en charge de l’accident le 6 mars 2014, et la guérison de Madame [S] [K] [Z] a été fixée au 31 août 2014, totalisant 191 jours d’arrêts de travail. Contestation de l’HôpitalLe 13 avril 2020, l’hôpital de [3] a contesté la durée des soins et des arrêts de travail pris en charge par la CPAM. En l’absence de réponse de la commission de recours amiable, l’hôpital a saisi le tribunal judiciaire de Lyon le 29 juillet 2020, demandant une expertise médicale pour vérifier l’imputabilité des soins et arrêts de travail. Demande d’Expertise et Réponse de la CPAMLors de l’audience du 23 octobre 2024, l’hôpital a renoncé à sa demande principale concernant l’inopposabilité des arrêts de travail. Il a soutenu que l’expertise était nécessaire pour prouver que la CPAM n’avait pas justifié la prise en charge des arrêts de travail. La CPAM a demandé le rejet de cette demande, arguant que la contestation était d’ordre juridique et que l’employeur n’avait pas prouvé l’existence d’une cause étrangère. Motifs de la DécisionLe tribunal a rappelé que la présomption d’imputabilité au travail s’applique aux accidents survenus au travail et aux soins prescrits. L’employeur peut contester cette présomption, mais doit prouver qu’une cause étrangère est à l’origine des arrêts de travail. La CPAM a fourni des éléments suffisants pour justifier la prise en charge des arrêts de travail, tandis que l’hôpital n’a pas apporté de preuves convaincantes. Conclusion du TribunalLe tribunal a débouté l’hôpital de [3] de sa demande d’expertise médicale, condamnant l’hôpital aux dépens de l’instance. Le jugement a été rendu le 22 janvier 2025, signé par le président et la greffière. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la présomption d’imputabilité des accidents du travail selon le Code de la sécurité sociale ?La présomption d’imputabilité des accidents du travail est régie par l’article L.411-1 du Code de la sécurité sociale. Cet article stipule que : « Tout accident survenu au temps et au lieu du travail est présumé imputable au travail. Cette présomption s’étend aux soins et arrêts de travail prescrits à la suite de l’accident du travail et pendant toute la durée d’incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l’état de la victime. » Cette présomption s’applique dès qu’un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial est assorti d’un arrêt de travail. À défaut, cette présomption s’applique à condition que la caisse justifie de la continuité des symptômes et des soins. Il est également précisé que cette présomption s’applique même aux lésions qui apparaissent comme des conséquences ou des complications de la lésion initiale. Quelles sont les conditions pour contester la présomption d’imputabilité ?L’employeur peut contester l’imputabilité des soins et arrêts de travail pris en charge par la caisse, mais il doit prouver que ces arrêts résultent d’une cause totalement étrangère au travail. L’article L.411-1 précise que : « Cette présomption ne fait toutefois pas obstacle à ce que l’employeur conteste l’imputabilité de tout ou partie des soins et arrêts de travail pris en charge par la caisse ultérieurement à l’accident du travail, mais lui impose alors de rapporter, par tous moyens, la preuve que les arrêts de travail et les soins prescrits résultent d’une cause totalement étrangère au travail. » Il est important de noter qu’une relation causale partielle suffit pour que l’arrêt de travail soit pris en charge au titre de la législation professionnelle. Quel est le rôle de la mesure d’expertise dans ce contexte ?La mesure d’expertise est encadrée par l’article 146 du Code de procédure civile, qui stipule que : « Une mesure d’instruction ne peut avoir pour objet de pallier une carence probatoire d’une partie dans l’administration de la preuve. » Ainsi, une mesure d’expertise n’est justifiée que si l’employeur apporte des éléments de nature à accréditer l’existence d’une cause totalement étrangère au travail qui serait à l’origine exclusive des arrêts de travail contestés. Dans le cas présent, l’hôpital de [3] n’a pas fourni de preuves suffisantes pour justifier sa demande d’expertise. Quels éléments doivent être fournis pour justifier la prise en charge des arrêts de travail ?Pour justifier la prise en charge des arrêts de travail, la caisse primaire d’assurance maladie doit démontrer la continuité des symptômes et des soins. Dans cette affaire, la CPAM a produit plusieurs éléments, notamment : – Le certificat médical initial établi le 21 février 2014, assorti d’un arrêt de travail jusqu’au 23 mars 2014. – La confirmation de la guérison de l’assurée, fixée au 31 août 2014. – Des preuves de règlement d’indemnités journalières à l’assurée entre le 22 février 2014 et le 31 août 2014. Ces éléments permettent à la CPAM de se prévaloir de la présomption d’imputabilité au travail des arrêts de travail et des soins prescrits. Quelles sont les conséquences de la décision du tribunal ?Le tribunal a débouté l’hôpital de [3] de sa demande d’expertise médicale, en considérant que l’employeur n’avait pas apporté de preuves suffisantes pour contester la présomption d’imputabilité. Il a également condamné l’hôpital aux dépens de l’instance. Cette décision souligne l’importance de la présomption d’imputabilité dans le cadre des accidents du travail et la nécessité pour l’employeur de fournir des preuves solides pour contester cette présomption. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE LYON
POLE SOCIAL – CONTENTIEUX GENERAL
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
JUGEMENT DU :
MAGISTRAT :
ASSESSEURS :
DÉBATS :
PRONONCE :
AFFAIRE :
NUMÉRO R.G :
22 Janvier 2025
Jérôme WITKOWSKI, président
Dominique DALBIES, assesseur collège employeur
Fouzia MOHAMED ROKBI, assesseur collège salarié
assistés lors des débats et du prononcé du jugement par Doriane SWIERC, greffiere
tenus en audience publique le 23 Octobre 2024
jugement contradictoire, rendu en premier ressort, le 22 Janvier 2025 par le même magistrat
Etablissement public HOPITAL DE [3] C/ CPAM DU RHONE
N° RG 20/01467 – N° Portalis DB2H-W-B7E-VC2X
DEMANDERESSE
Etablissement public HOPITAL DE [3],
Siège social : [Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Rachid MEZIANI, avocat au barreau de PARIS,
DÉFENDERESSE
CPAM DU RHONE,
Siège social : Service contentieux général
[Localité 2]
comparante en la personne de Mme [U] munie d’un pouvoir spécial
Notification le :
Une copie certifiée conforme à :
Etablissement public HOPITAL DE [3]
CPAM DU RHONE
Me Rachid MEZIANI, (Paris)
Une copie revêtue de la formule exécutoire :
CPAM DU RHONE
Une copie certifiée conforme au dossier
Madame [S] [K] [Z] a été embauchée le 4 juin 2007 par l’hôpital de [3] en qualité d’aide-soignante.
Le 26 février 2014, l’hôpital de [3] a déclaré auprès de la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) du Rhône un accident du travail survenu le 20 février 2014 à 10h30 et décrit de la manière suivante : « Au moment de la toilette d’un patient au lit, madame [S] [K] [Z] s’est fait mal au dos en le changeant de position ».
Le certificat médical initial établi le 21 février 2014 fait état des lésions suivantes : « tendinite du poignet droit ; douleurs dorso lombaires » et prescrit un premier arrêt de travail jusqu’au 23 mars 2014.
Le 6 mars 2014, la CPAM du Rhône a notifié à l’hôpital de [3] la prise en charge de l’accident au titre de la législation professionnelle.
La guérison de madame [S] [K] [Z] a été fixée au 31 août 2014.
Au total, 191 jours d’arrêts de travail ont été imputés à cet accident du travail sur le compte de cotisations de l’employeur.
Le 13 avril 2020, l’hôpital de [3] a saisi la commission de recours amiable de la CPAM du Rhône afin de contester l’opposabilité à son égard de la durée des soins et des arrêts de travail pris en charge au titre de la législation professionnelle.
En l’absence de réponse de la commission de recours amiable de la caisse, l’hôpital de [3] a saisi du litige le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon par requête du 29 juillet 2020 réceptionnée par le greffe le 3 août 2020.
Aux termes de sa requête déposée et soutenue oralement lors de l’audience du 23 octobre 2024, l’hôpital de [3] demande au tribunal d’ordonner une expertise médicale judiciaire afin de vérifier l’imputabilité des soins et arrêts de travail pris en charge par la caisse primaire au titre de l’accident du 20 février 2014.
Il déclare oralement renoncer à la demande principale formulée dans sa requête, tendant à l’inopposabilité à son égard de la prise en charge des arrêts de travail et des soins prescrits à madame [Z] suite à son accident du 20 février 2014.
Au soutien de sa demande d’expertise, l’employeur indique que cette mesure d’instruction est le seul moyen pour lui d’exposer sa cause en justice dans des conditions qui ne le désavantagent pas par rapport à l’organisme, qui a seul assuré la liaison médico-administrative conditionnant la prise en charge. Il ajoute oralement qu’aucune opération chirurgicale n’a eu lieu permettant d’expliquer la disproportion entre les lésions initialement constatées et la durée des arrêts de travail prescrits. Plus généralement, il soutient que la caisse ne produit pas des éléments suffisamment probants permettant de démontrer que la prise en charge des arrêts de travail et des soins était justifiée.
Aux termes de ses conclusions déposées et soutenues oralement lors de l’audience du 23 octobre 2024, la CPAM du Rhône demande au tribunal de débouter l’hôpital de [3] de sa demande d’expertise.
Elle explique que la contestation formulée par l’employeur relève d’un débat d’ordre juridique et non d’un débat d’ordre médical. Elle rappelle que les arrêts de travail et les soins prescrits jusqu’à la guérison ou la consolidation de l’assurée bénéficient d’une présomption d’imputabilité à l’accident et que l’employeur ne peut renverser cette présomption qu’à la condition de prouver l’existence d’une cause totalement étrangère au travail à l’origine des arrêts contestés, ce qu’il ne fait pas en l’espèce.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile.
L’article L.411-1 du code de la sécurité sociale édicte une présomption d’imputabilité au travail d’un accident survenu au temps et au lieu du travail, qui s’étend aux soins et arrêts de travail prescrits à la suite de l’accident du travail et pendant toute la durée d’incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l’état de la victime.
Cette présomption d’imputabilité au travail s’applique dès lors qu’un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial est assorti d’un arrêt de travail. A défaut, cette présomption s’applique à la condition que la caisse justifie de la continuité des symptômes et des soins.
Cette présomption s’applique y compris aux lésions qui apparaissent comme des conséquences ou des complications de la lésion initiale.
De même, la révélation ou l’aggravation, due entièrement à un accident du travail, d’un état pathologique antérieur n’occasionnant auparavant aucune incapacité, doit être indemnisée en totalité au titre de l’accident du travail.
Cette présomption ne fait toutefois pas obstacle à ce que l’employeur conteste l’imputabilité de tout ou partie des soins et arrêts de travail pris en charge par la caisse ultérieurement à l’accident du travail, mais lui impose alors de rapporter, par tous moyens, la preuve que les arrêts de travail et les soins prescrits résultent d’une cause totalement étrangère au travail, étant précisé qu’une relation causale partielle suffit pour que l’arrêt de travail soit pris en charge au titre de la législation professionnelle.
Il est rappelé à cet égard qu’aux termes de l’article 146 du code de procédure civile, une mesure d’instruction ne peut avoir pour objet de palier une carence probatoire d’une partie dans l’administration de la preuve. Ainsi, une mesure d’expertise n’a lieu d’être ordonnée que si l’employeur apporte des éléments de nature à accréditer l’existence d’une cause totalement étrangère au travail qui serait à l’origine exclusive des arrêts de travail contestés.
Enfin, la référence à la durée excessive des arrêts de travail, à la supposée bénignité de la lésion initialement constatée ou à l’existence supposée d’un état pathologique antérieur, n’est pas de nature à établir de manière suffisante l’existence d’un litige d’ordre médical susceptible de justifier une demande d’expertise.
En l’espèce, la CPAM du Rhône verse aux débats le certificat médical initial établi le 21 février 2014 par le docteur [X] [M], assorti d’un arrêt de travail jusqu’au 23 mars 2014 inclus.
Elle justifie également de la guérison de l’assurée, fixée au 31 août 2014.
Elle produit enfin une capture d’écran justifiant du règlement d’indemnités journalières à l’assurée entre le 22 février 2014 et le 31 août 2014.
Au surplus, la CPAM du Rhône justifie que son service médical a procédé à deux contrôles les 16 mai 2014 et le 30 juillet 2014 (pièce n°5) aux termes desquels la prise en charge des arrêts de travail au titre de la législation professionnelle a été confirmée, tandis que l’employeur n’a, pour sa part, fait procéder à aucun contrôle.
La caisse primaire d’assurance maladie justifie ainsi d’éléments suffisants lui permettant de se prévaloir de la présomption d’imputabilité au travail des arrêts de travail et des soins prescrits à l’assurée à compter du 21 février 2020 et jusqu’au 31 août 2014, date de guérison.
Or, en dehors de considérations insuffisantes tenant à la disproportion entre la lésion initiale et la durée des arrêts de travail par référence aux préconisations de la Haute Autorité de Santé, l’hôpital de [3] ne verse aux débats aucun commencement de preuve de nature à accréditer l’hypothèse qu’une cause totalement étrangère justifierait, de manière exclusive, les arrêts de travail et les soins prescrits à compter du 21 février 2014 jusqu’au 31 août 2014.
L’hôpital de [3] sera par conséquent débouté de sa demande d’expertise médicale sur pièces.
Le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort,
DEBOUTE l’hôpital de [3] de l’ensemble de sa demande ;
CONDAMNE l’hôpital de [3] aux dépens de l’instance ;
Ainsi jugé et mis à disposition au greffe du tribunal le 22 janvier 2025 et signé par le président et la greffière.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT
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