Violation des droits d’un salarié et atteinte à la vie privée au travail

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Violation des droits d’un salarié et atteinte à la vie privée au travail

L’Essentiel : Mme [H]-[F] [Y] a été engagée par la Sarl Prodembal en mai 2011, promue assistante logistique en 2018. En juin 2022, elle a saisi le conseil de prud’hommes pour dénoncer des griefs, dont la non-application de la convention collective et des accusations de harcèlement moral. En mai 2023, un avertissement disciplinaire lui a été notifié pour inexécution de procédures. Le 22 février 2024, le conseil a reconnu certaines de ses demandes, mais a rejeté d’autres. En mars 2024, Mme [H]-[F] a fait appel, demandant la requalification des faits en harcèlement et discrimination, tandis que l’employeur contestait ses allégations.

Contexte de l’Emploi

Mme [P] épouse [H]-[F] [Y] a été engagée par la Sarl Prodembal sous un contrat à durée déterminée du 2 mai 2011 au 30 avril 2012, en tant qu’employée polyvalente. À l’issue de ce contrat, elle a été promue à un contrat à durée indéterminée à partir du 1er mai 2012, continuant à exercer les mêmes fonctions. En décembre 2018, elle a été promue assistante logistique.

Actions en Justice

Le 23 juin 2022, Mme [H]-[F] [Y] a saisi le conseil de prud’hommes de Pointe-à-Pitre, demandant la reconnaissance de plusieurs griefs à l’encontre de son employeur, notamment la non-application de la convention collective, des agissements fautifs, et l’installation d’une caméra de surveillance dans son bureau. Elle a également demandé des dommages et intérêts pour discrimination, harcèlement moral, et exécution déloyale de son contrat de travail.

Avertissement Disciplinaire

Le 2 mai 2023, l’employeur a notifié à Mme [P] un avertissement disciplinaire pour inexécution des procédures relatives aux produits périmés. Ce point a été contesté par la salariée dans le cadre de sa demande.

Jugement du Conseil de Prud’hommes

Le 22 février 2024, le conseil de prud’hommes a rendu un jugement déclarant certaines demandes de Mme [H]-[F] [Y] fondées, notamment la reconnaissance de l’application de la convention collective. Cependant, il n’a pas reconnu les allégations de discrimination, de harcèlement moral, ni d’exécution déloyale du contrat de travail. Il a ordonné l’enlèvement de la caméra de surveillance et a condamné l’employeur à verser des sommes pour la prime d’ancienneté.

Appel de la Salariée

Le 5 mars 2024, Mme [H]-[F] [Y] a formé appel du jugement, demandant la requalification des faits en harcèlement moral et discrimination, ainsi que des dommages et intérêts supplémentaires. Elle a soutenu que les agissements de l’employeur constituaient une exécution déloyale de son contrat de travail.

Réponse de l’Employeur

La Sarl Prodembal a également formulé des demandes reconventionnelles, contestant les allégations de la salariée et soutenant que ses demandes de dommages et intérêts n’étaient pas fondées. L’employeur a affirmé avoir respecté ses obligations et a justifié l’avertissement disciplinaire.

Décisions de la Cour d’Appel

La cour a prononcé l’irrecevabilité de certaines demandes de la salariée, tout en confirmant le jugement de première instance sur plusieurs points. Cependant, elle a infirmé le jugement concernant le harcèlement moral et l’exécution déloyale, condamnant la Sarl Prodembal à verser des dommages et intérêts pour ces griefs. La cour a également statué sur les frais de justice, allouant des sommes à Mme [H]-[F] [Y] au titre des frais irrépétibles.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les obligations de l’employeur en matière de mention de la convention collective sur le bulletin de paie ?

L’article R. 3243-1 du Code du travail stipule que le bulletin de paie doit comporter certaines mentions, dont l’intitulé de la convention collective de branche applicable au salarié.

Il est précisé que :

> « Le bulletin de paie prévu à l’article L.3243-2 comporte : 3° S’il y a lieu, l’intitulé de la convention collective de branche applicable au salarié ou, à défaut, la référence au code du travail pour les dispositions relatives à la durée des congés payés du salarié et à la durée des délais de préavis en cas de cessation de la relation de travail. »

Dans le cas présent, il a été établi que les bulletins de paie de Mme [H]-[F] ne mentionnaient pas la convention collective applicable, ce qui constitue une violation des obligations de l’employeur.

L’employeur a reconnu ce défaut de mention et a justifié avoir régularisé la situation après le jugement de première instance. Cependant, le grief de la salariée est justifié, indépendamment de cette régularisation tardive.

Quelles sont les conséquences de l’installation d’une caméra de surveillance dans le bureau d’un salarié sans son consentement ?

L’article 9 du Code civil garantit le droit au respect de la vie privée. Il stipule que :

> « Chacun a droit au respect de sa vie privée. »

Dans cette affaire, il a été prouvé que l’employeur avait installé une caméra de surveillance dans le bureau de Mme [H]-[F] sans son consentement.

Le jugement a ordonné le retrait de cette caméra, mais il a été constaté que le matériel permettant son installation demeurait en place, ce qui constitue une atteinte continue à la vie privée de la salariée.

L’employeur n’a pas fourni d’explications satisfaisantes sur la nécessité de maintenir ce matériel, ce qui renforce le grief de la salariée.

Quelles sont les obligations de l’employeur en matière de sécurité et de santé au travail ?

L’article L. 421-1 du Code du travail impose à l’employeur de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Il est précisé que :

> « L’employeur est tenu d’une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. »

Dans cette affaire, plusieurs manquements ont été relevés, notamment l’exposition de la salariée à des situations dangereuses, l’absence d’assistance lors de tâches nécessitant une aide, et le non-respect des conditions de travail sécurisées.

Ces manquements constituent une violation de l’obligation de sécurité de l’employeur, justifiant des dommages et intérêts pour la salariée.

Comment se définit l’exécution déloyale du contrat de travail ?

L’article L. 1222-1 du Code du travail stipule que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

Il est mentionné que :

> « Le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. »

Dans le cas présent, plusieurs griefs ont été établis, tels que le refus de l’employeur de mentionner la convention collective sur les bulletins de paie, l’absence de paiement de la prime d’ancienneté, et l’installation d’une caméra de surveillance.

Ces manquements constituent une exécution déloyale du contrat de travail, entraînant un préjudice pour la salariée, qui a été indemnisée en conséquence.

Quelles sont les conditions de reconnaissance du harcèlement moral au travail ?

L’article L. 1152-1 du Code du travail précise que :

> « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité. »

Pour qu’un acte soit qualifié de harcèlement moral, il faut que le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence de tels agissements.

Dans cette affaire, plusieurs éléments ont été mis en avant, tels que la dégradation des conditions de travail et l’absence de collaboration de la part de l’employeur.

Ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral, justifiant l’octroi de dommages et intérêts à la salariée.

Quelles sont les implications de la discrimination au travail selon le Code du travail ?

L’article L. 1132-1 du Code du travail interdit toute forme de discrimination, stipulant que :

> « Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire. »

Dans cette affaire, bien que Mme [H]-[F] ait allégué des faits de discrimination, il a été constaté qu’elle n’a pas apporté de preuves suffisantes pour étayer ses allégations.

Par conséquent, sa demande de dommages et intérêts pour discrimination a été rejetée, confirmant ainsi le jugement de première instance sur ce point.

VS/GB

COUR D’APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT N° 5 DU VINGT JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ

AFFAIRE N° : RG 24/00246 – N° Portalis DBV7-V-B7I-DVEU

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes de POINTE A PITRE du 22 février 2024 – section commerce –

APPELANTE

Madame [Y] [H]-[F]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Maître [Localité 5] LACLUSE de la SELARL LACLUSE

& CESAR, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

– Toque 2 –

INTIMÉE

S.A.R.L. PRODEMBAL

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Maître Pascal BON, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART – Toque 4 –

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 novembre 2024, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Gaëlle Buseine, conseillère, chargée d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente,

Madame Annabelle Clédat, conseillère,

Mme Gaëlle Buseine, conseillère,

Les parties ont été avisées à l’issue des débats de ce que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 20 janvier 2025.

GREFFIER Lors des débats : Mme Valérie Souriant, greffier principal.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l’article 450 al 2 du CPC.

Signé par Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente, et par Mme Valérie Souriant, greffier principal, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :

Mme [P] épouse [H]-[F] [Y] a été embauchée par la Sarl Prodembal par un contrat de travail à durée déterminée du 2 mai 2011 au 30 avril 2012 en qualité d’employée polyvalente.

Par lettre du 30 avril 2012, l’employeur a informé la salariée de la poursuite de son engagement au sein de la société suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er mai 2012 pour exercer les mêmes fonctions.

Par avenant du 3 décembre 2018, la salariée a été promue aux fonctions d’assistante logistique à partir du 3 décembre 2018.

Mme [H]-[F] [Y] saisissait le 23 juin 2022 le conseil de prud’hommes de Pointe-à-Pitre aux fins de voir, dans le dernier état de ses écritures :

– déclarer son action recevable,

– confirmer l’application à la Sarl Prodembal de la convention collective nationale des commerces de détail non alimentaires du 9 mai 2012,

– ordonner à la Sarl Prodembal, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à dater du jugement, de faire mentionner sur son bulletin de paye la convention collective nationale applicable dans l’entreprise et son statut d’agent de maîtrise niveau 6 et de lui délivrer un certificat de travail faisant mention de son statut d’agent de maîtrise niveau 6 à dater du 3 décembre 2018,

– constater les agissements fautifs de son employeur à son encontre constituant une exécution déloyale de son contrat de travail et une situation de discrimination, de harcèlement moral et de harcèlement discriminatoire,

– retenir l’atteinte caractérisée à sa vie privée à travers l’installation à son insu d’une caméra de surveillance dans son bureau personnel,

– ordonner l’enlèvement immédiat de la caméra litigieuse, ceci sous astreinte de 500 euros par jour de retard à dater du jugement,

– annuler l’avertissement disciplinaire en date du 2 mai 2023,

– condamner la Sarl Prodembal, outre les entiers dépens de l’instance, à lui verser les sommes suivantes :

* 15322 euros au titre de dommages et intérêts pour discrimination,

* 15322 euros au titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et harcèlement discriminatoire,

* 15322 euros au titre de dommages et intérêts pour l’exécution déloyale du contrat de travail,

* 7355 euros au titre de la prime d’ancienneté assortie d’intérêts moratoires à dater de la mise en demeure du 23 janvier 2022 et sous astreinte de 500 euros par jour de retard à dater de la décision,

* 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– se réserver le droit de liquider les astreintes,

– débouter la Sarl Prodembal de toutes ses demandes, fins et conclusions.

Par lettre du 2 mai 2023, l’employeur notifiait à Mme [P] épouse [H]-[F] [Y] un avertissement relatif à une inexécution fautive des procédures relatives à la prévention des produits périmés.

Par jugement rendu contradictoirement le 22 février 2024, le conseil de prud’hommes de Pointe-à-Pitre a :

– accueilli les demandes de Mme [P] épouse [H]-[F] [Y] et les a déclarées bien-fondées,

– confirmé l’application à la Sarl Prodembal de la convention collective nationale des commerces de détail non alimentaires du 9 mai 2012,

– dit que le conseil n’a pas reconnu le caractère discriminatoire, le harcèlement moral et discriminatoire ainsi que l’exécution déloyale du contrat de travail de Mme [P] épouse [H]-[F] [Y],

– retenu l’atteinte caractérisée à sa vie privée à travers l’installation à son insu d’une caméra de surveillance dans son bureau personnel,

– ordonné à la Sarl Prodembal de procéder à son enlèvement sous astreinte de 20 euros par jour de retard à compter du 30ème jour de la notification du jugement,

– condamné la Sarl Prodembal, en la personne de son représentant légal à verser à Mme [P] épouse [H]-[F] [Y] la somme de 4677,84 euros au titre de la prime d’ancienneté sous astreinte de 40 euros par jour de retard à compter du 30ème jour après la notification de la décision,

– dit que le conseil se réservait le droit de liquider les astreintes,

– ordonné à la Sarl Prodembal de mentionner sur les bulletins de paye et le certificat de travail de Mme [P] épouse [H]-[F] [Y] la convention collective nationale applicable dans l’entreprise ainsi que la mention de son ancienneté et la régularisation de cette dernière,

– condamné la Sarl Prodembal, en la personne de son représentant légal, à payer à Mme [P] épouse [H]-[F] [Y] la somme de 250 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté la partie demanderesse du surplus de sa requête,

– débouté la partie défenderesse de l’intégralité de ses demandes ainsi que de celle relative à l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la Sarl Prodembal aux éventuels dépens de l’instance.

Par déclaration du 5 mars 2024, Mme [H]-[F] formait régulièrement appel dudit jugement, en ces termes : ‘L’objet de l’appel est de demander à la cour d’appel la réformation de la décision de première instance, en ce qu’elle a dit que le conseil n’a pas reconnu le caractère discriminatoire, le harcèlement moral et discriminatoire, ainsi que l’exécution déloyale du contrat de travail de Mme [P] épouse [H]-[F] [Y]’.

Par ordonnance du 17 octobre 2024, le magistrat chargé de la mise en état a prononcé la clôture de l’instruction et renvoyé la cause à l’audience du lundi 18 novembre 2024 à 14h30.

Par avis adressé aux parties le 4 décembre 2024, la cour les invitées à faire valoir jusqu’au 14 décembre 2024 au plus tard au plus tard leurs observations sur le moyen relevé d’office tiré de l’irrecevabilité de la demande de Mme [H]-[F] relative au versement d’une somme de 15324 euros au titre de dommages et intérêts pour violation de l’obligation légale de sécurité, celle-ci étant nouvelle en cause d’appel.

Par avis adressé aux parties le 5 décembre 2024, la cour les a invitées à faire valoir jusqu’au 14 décembre 2024 au plus tard au plus tard leurs observations sur le moyen relevé d’office tiré de l’absence d’effet dévolutif de l’appel concernant le chef de jugement ayant débouté la salariée de sa demande afférente à la nullité de l’avertissement du 2 mai 2023, la déclaration d’appel, qui n’a pas été régularisée, ne mentionnant pas ce chef de jugement critiqué

Mme [H]-[F] [Y] a présenté des observations le 9 décembre 2024.

La Sarl Prodembal n’a pas présenté d’observation.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Selon ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 5 août 2024 à la Sarl Prodembal, Mme [P] épouse [H]-[F] [Y] demande à la cour de :

– la déclarer recevable en son appel,

En conséquence,

– infirmer le jugement en ce qu’il a refusé de qualifier les agissements fautifs de l’employeur comme caractérisant une situation de discrimination, de harcèlement moral au travail et d’exécution déloyale de la relation contractuelle,

Statuant à nouveau,

– juger que les agissements fautifs de la Sarl Prodembal à son encontre caractérisent une exécution déloyale de son contrat de travail, une situation de discrimination, de harcèlement moral et de harcèlement discriminatoire,

– condamner la Sarl Prodembal, outre les entiers dépens de l’appel, à lui verser les sommes ci-après :

* 15324 euros au titre de dommages et intérêts pour discrimination caractérisée,

* 15324 euros à titre d’indemnité pour harcèlement moral et harcèlement discriminatoire,

* 15324 euros à titre d’indemnité pour violation de l’obligation légale de sécurité de résultat,

* 15324 euros au titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

* 4000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonner à la Sarl Prodembal, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à dater de l’arrêt à intervenir :

* de faire mentionner sur son bulletin de paye son statut d’agent de maîtrise niveau 6,

* de lui délivrer un certificat de travail faisant mention de son statut d’agent de maîtrise niveau 6 à dater du 3 décembre 2018,

– annuler l’avertissement disciplinaire en date du 2 mai 2023,

– se réserver le droit de liquider les astreintes ordonnées,

– débouter la Sarl Prodembal de toutes ses demandes, fins et conclusions.

Mme [P] épouse [H]-[F] [Y] soutient que :

– l’employeur a refusé de manière persistante de mettre en oeuvre la convention collective applicable dans l’entreprise, a installé à son insu une caméra de surveillance dans son bureau de travail, caractérisant des faits fautifs,

– elle justifie de faits de discrimination, de harcèlement moral et d’une exécution déloyale de la relation de travail, consistant notamment en un défaut de paiement du 13ème mois de salaire, en une modification unilatérale et illégale du planning des congés payés, en la suppression unilatérale et injustifiée de ses attributions professionnelles, en la dégradation effective des rapports de travail,

– ses demandes indemnitaires sont justifiées.

Selon ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 29 juillet 2024 à Mme [P] épouse [H]-[F] [Y], la Sarl Prodembal demande à la cour de :

– la recevoir en son appel incident et y faisant droit,

– juger que la demande de paiement de Mme [P] épouse [H]-[F] [Y] de la somme de 15324 euros de dommages et intérêts pour discrimination ne repose sur aucun motif réel et sérieux, elle n’en rapporte pas la preuve,

– juger que la demande de paiement de Mme [P] épouse [H]-[F] [Y] de la somme de 15324 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral et discriminatoire ne repose sur aucun motif réel et sérieux, elle n’en rapporte pas la preuve,

– juger que la demande de paiement de Mme [P] épouse [H]-[F] [Y] de la somme de 15324 euros de dommages et intérêts ne repose sur aucun motif réel et sérieux, elle n’en rapporte pas la preuve,

– juger que l’avertissement disciplinaire en date du 2 mai 2023 à l’encontre de Mme [P] épouse [H]-[F] [Y] est bien-fondé,

– juger qu’il n’y a pas lieu de lui ordonner, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à dater de l’arrêt à intervenir :

* de faire mentionner sur le bulletin de paie de Mme [P] épouse [H]-[F] [Y] de la convention collective nationale applicable dans l’entreprise,

* de délivrer à Mme [P] épouse [H]-[F] [Y] un certificat de travail faisant mention d’un statut d’agent de maîtrise niveau 6 qui ne correspond pas à sa classification au regard de ses fonctions dans l’entreprise et de la convention collective applicable en son sein,

– confirmer le débouté de Mme [P] épouse [H]-[F] [Y] de :

* sa demande de paiement de la somme de 15322 euros de dommages et intérêts pour discrimination,

* sa demande de paiement de 15322 euros d’indemnité pour harcèlement moral et discriminatoire,

* 15322 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

– infirmer partiellement le jugement déféré en ce que la Sarl Prodembal a procédé sans résistance aux injonctions de régularisations fondées qui ont été prononcées à son encontre par ledit conseil, mais à l’exception de l’exigence de Mme [P] épouse [H]-[F] [Y] de l’obtention d’une classification de niveau 6 de la convention collective, contestée par son employeur parce que totalement injustifiée,

– juger que la demande de paiement de Mme [P] épouse [H]-[F] [Y] de la somme de 15322 euros de dommage set intérêts pour discrimination ne repose sur aucun motif réel et sérieux car elle n’en apporte pas la preuve,

– juger que Mme [P] épouse [H]-[F] [Y] ne remplit pas les conditions du bénéfice de la classification de niveau 6 applicable aux commerce de détail non alimentaires du 9 mai 2012,

– débouter Mme [H]-[F] [Y] de sa demande de classification de niveau 6 applicable aux commerces de détail non alimentaires du 09 mai 2012,

– condamner Mme [P] épouse [H]-[F] [Y] à lui payer la somme de 10000 euros de dommages et intérêts au titre des préjudices moraux et de santé subis et du fait des souffrances endurées et des troubles du sommeil engendrés par les agissements fautifs et déloyaux de Mme [P] épouse [H]-[F] [Y] à son égard,

– condamner Mme [P] épouse [H]-[F] [Y] au paiement d’une amende d’un montant de 3000 euros pour agissement abusif en justice par application de l’article 32-1 du code de procédure civile,

– condamner Mme [P] épouse [H]-[F] [Y] à lui payer la somme de 4000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Mme [P] épouse [H]-[F] [Y] aux entiers dépens de première instance et d’appel, lesquels seront recouvrés par Maître Bon Pascal, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La Sarl Prodembal expose que :

– elle a exécuté sans résistance ni opposition plusieurs injonctions prononcées par le conseil de prud’hommes,

– la salariée ne justifie pas les préjudices qu’elle estime avoir subis,

– la salariée ne justifie pas l’exercice de fonctions au niveau de classification qu’elle revendique,

– la sanction disciplinaire infligée à la salariée est justifiée,

– les assertions de la salariée relatives à ses conditions de travail dégradées ne sont pas démontrées,

– aucun agissement fautif de l’employeur ne saurait être retenu.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS :

Sur la discrimination, le harcèlement moral et le harcèlement discriminatoire et l’exécution déloyale du contrat de travail :

Dans ses écritures, Mme [H]-[F] se prévaut des mêmes faits au soutien de ses assertions relatives à l’existence d’une discrimination, d’un harcèlement moral et discriminatoire et d’une exécution déloyale du contrat de travail.

Dans ces conditions, il convient d’examiner le bien fondé des assertions de l’appelante pour ensuite leur donner leur exacte qualification.

En ce qui concerne les faits allégués par l’appelante :

Quant au refus injustifié et persistant d’appliquer la convention collective dans l’entreprise :

Le défaut de mention sur les bulletins de paye de la convention collective applicable :

Aux termes du l’article R. 3243-1 du code du travail, le bulletin de paie prévu à l’article L.3243-2 comporte : 3° S’il y a lieu, l’intitulé de la convention collective de branche applicable au salarié ou, à défaut, la référence au code du travail pour les dispositions relatives à la durée des congés payés du salarié et à la durée des délais de préavis en cas de cessation de la relation de travail.

En l’espèce, il résulte des pièces du dossier que les bulletins de paie de la salariée ne mentionnent pas la convention collective applicable.

L’employeur, qui ne conteste pas ce défaut de mention, ni l’application de la convention collective nationale des commerces de détail non alimentaires du 9 mai 2012, justifie seulement s’être acquitté de son obligation de la porter sur les bulletins de paie depuis le jugement déféré.

Il convient de constater que le grief est justifié, nonobstant la récente régularisation des bulletins de paie de la salariée.

. Le défaut de classification dans le statut d’agent de maîtrise :

La classification professionnelle doit correspondre aux fonctions réellement exercées par le salarié et il appartient au salarié qui se prévaut d’une classification conventionnelle supérieure à celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail de démontrer qu’il assure dans le cadre de ses fonctions, des tâches et des responsabilités relevant de la classification revendiquée.

La nouvelle classification de la convention collective prévoit un niveau 6, au sein de la filière des services techniques et logistiques, gestion d’une unité, libellé comme suit :

– Autonomie et responsabilités : autonomie limitée aux moyens mis à sa disposition dans l’organisation du magasin ou service ou dans la fonction occupée.

A la responsabilité d’un magasin, d’un service sous l’autorité et les directives du chef d’entreprise, d’un directeur ou d’un responsable commercial ou a la responsabilité d’une activité correspondant à l’emploi occupé en qualité de spécialiste.

A la seule responsabilité d’animer, d’organiser et de coordonner son équipe.

Gestion d’une unité :

– responsable d’un service (technique ou logistique) ;

– responsable de réception qualifié.

Au soutien de sa demande de classification au niveau 6, Mme [H]-[F] se prévaut de son évolution en tant qu’employée polyvalente aux fonctions d’assistante de logistique, dont la fiche de poste précise les missions suivantes :

– Vous êtes le bras droit du chef d’entreprise. Vous jouez un rôle central dans la chaîne de réception, enregistrement, stockage, vérification des articles avant de procéder à leur emplacement adéquat.

– Activités principales :

* Supervise la répartition des emplacements de stockage

* Supervise et vérifie la gestion des stocks de marchandises, produits, etc…

* Détermine les besoins en approvisionnement et en réfère au chef d’entreprise

* Synchronise les besoins de l’équipe

* Vérifie l’entretien de la zone d’entreposage

– Missions principales :

* Réceptionne, enregistre, stocke, vérifie les articles avant de procéder à leur emplacement adéquat

* Vous participez à l’élaboration des stratégies relatives au cheminement des produits

* Vous supervisez la manutention des biens qui arrivent ou qui quittent le site

* Vous veillez à la surveillance sécuritaire des marchandises, en effectuant des inspections de sécurité

* Vous signalez toute anomalie sur le stock (vols, dégradation etc…) au chef d’entreprise

* Vous gérez l’accueil et coordonnez le gardiennage, le nettoyage des locaux en faisant respecter les normes d’hygiène et de sécurité

* Vous veillez au respect des procédures réglementaires

* Vous garantissez les délais et volumes de livraison

* Vous êtes en mesure d’analyser des besoins dans le but d’anticiper sur les ruptures de stocks

* Vous gérez le planning de travail des personnels sous votre responsabilité

Ainsi que le souligne l’employeur, il n’est pas établi par les pièces du dossier que la salariée assure la gestion d’une unité ou d’un service, étant observé que l’entreprise est de taille modeste.

Il appert que les fonctions de la salariée correspondent à la classification de niveau 4, c’est-à-dire à celles de logisticienne ou de gestionnaire d’approvisionnement.

Le grief n’est pas établi.

L’absence de paiement de la prime conventionnelle d’ancienneté :

Mme [H]-[F] se prévaut du jugement déféré ayant condamné l’employeur à lui verser une somme à titre de rappel de prime d’ancienneté, en considération des dispositions de la convention collective applicable.

L’employeur ne s’explique pas sur ce point.

Dans ces conditions, le grief doit être considéré comme étant établi.

Quant à l’installation à l’insu de la salariée d’une caméra de surveillance dans son bureau :

Aux termes de l’article 9 du code civil, chacun a droit au respect de sa vie privée.

Il résulte des pièces du dossier, en particulier des photographies produites par la salariée et du constat du commissaire de justice en date du 24 juillet 2024 que la caméra qui était présente dans le bureau de la salariée a été supprimée.

Le jugement déféré avait enjoint l’employeur de retirer ce matériel, sous astreinte.

Il appert toutefois, ainsi que le souligne Mme [H]-[F], que le dispositif d’installation, composé d’un boîtier et de câbles demeure en place, et qu’elle soutient sans être contredite que ce matériel est de nature à permettre la mise en service d’une nouvelle caméra.

L’employeur ne s’explique pas sur les raisons pour lesquelles il a fait le choix de maintenir le système de boîtier de câblage précité.

Par suite, il convient de retenir ce grief.

Quant au refus injustifié et persistant de respecter le contrat de travail à travers le non paiement du 13ème mois de salaire :

Il résulte des pièces du dossier que la salariée a réclamé par une lettre du 6 janvier 2022, puis par un courrier de son conseil en date du 23 janvier 2022 le versement de sa prime de 13ème mois pour les années 2014 à 2017.

Elle soutient sans être contredite qu’à l’issue de ses réclamations sa situation a été régularisée par le versement de cette prime, point confirmé par la lettre du 12 février 2024 adressée par la société à son Conseil.

Il appert toutefois que l’employeur, qui ne s’explique pas sur les raisons pour lesquelles il n’avait pas procédé spontanément à ce règlement, a manqué à son obligation de paiement de cette prime durant trois années.

Le grief est établi.

Quant à la modification unilatérale et illégale du planning des congés payés :

Il résulte des pièces du dossier que l’employeur a, par note de service du 25 octobre 2022, informé les salariés de ce que les congés payés ne seraient pas accordés durant le mois de décembre 2022 compte tenu de ce qu’il s’agissait d’une période d’accroissement de l’activité et a fixé la période de prise congés jusqu’au mois de novembre de l’année en cours.

Si cette note de service a amené Mme [H]-[F] à devoir modifier sa demande de congés payés formulée initialement le 20 octobre 2022 pour le mois de décembre 2022, en sollicitant finalement des congés pour le mois de novembre 2022, il appert que la fixation de la période des congés payés relève du pouvoir de direction de l’employeur.

La salariée ne saurait se prévaloir de l’article 1er du chapitre VIII de la convention collective applicable, qui fixe notamment les modalités d’octroi et de modification des congés payés accordés aux salariés, cette situation étant étrangère à la sienne dès lors que les congés initialement sollicités n’avaient pas été acceptés par l’employeur.

Le grief ne saurait être retenu.

Quant à la suppression unilatérale et injustifiée des attributions professionnelles :

S’il résulte d’un courriel de la salariée en date du 13 mai 2022 que celle-ci a souhaité cesser la réalisation de certaines tâches de reconditionnement de denrées, en raison de l’absence de moyens dédiés et en considération de ce que celles-ci ne relevaient pas de ses fonctions, il n’est pas justifié d’une suppression de ses tâches, le même courriel mettant en évidence qu’elle assurait l’essentiel de celles-ci conformément aux termes de son contrat de travail.

Par suite, le grief ne peut être retenu.

Quant à la dégradation effective des rapports de travail :

. L’absence manifeste de collaboration franche et loyale du supérieur hiérarchique direct :

D’une part, Mme [H]-[F] soutient sans être utilement contredite que les relations avec sa hiérarchique sont inexistantes. Si l’employeur justifie ce climat relationnel en attribuant la responsabilité initiale à la salariée, il ne le démontre pas, alors que le conseil de celle-ci avait alerté son employeur par le courrier du 23 janvier 2022 de la dégradation des relations de travail, point sur lequel il n’est pas justifié de réponse apportée par celui-ci.

D’autre part, la salariée se prévaut de l’absence de moyens informatiques de nature à lui permettre d’accomplir ses missions. Si l’employeur justifie avoir mis à disposition de la salariée un nouvel ordinateur au mois d’octobre 2023, ainsi que divers logiciels dont il n’est pas démontré qu’ils seraient inadéquats, il ne verse pas de pièces permettant de justifier que son précédent outil informatique, contrairement à ce qu’il soutient, aurait été rendu inutilisable du fait d’un usage inadapté par la salariée.

Le grief est établi.

La violation répétée de l’obligation de confidentialité du bulletin de paie :

Il résulte d’un courriel de la salariée adressé à son employeur le 14 avril 2022 que plusieurs fiches de paie des années 2021 et 2022 lui ont été remises par d’autres employés ou par un stagiaire sans être placées sous pli et qu’elle sollicite dorénavant leur communication en main propre ou sous enveloppe cachetée.

L’employeur ne se justifie pas sur ce point et ne verse aucune pièce aux débats.

Par suite, ce grief devra être retenu.

La fermeture exceptionnelle de l’entreprise sans information préalable :

Il résulte des pièces du dossier que, par courriel du 11 août 2022, la salariée a alerté son employeur sur un déplacement qu’elle a estimé avoir réalisé inutilement le même jour dès lors que la porte de son bureau était fermée, de même que celle du magasin sur laquelle était apposé un document précisant une fermeture exceptionnelle et une réouverture le lendemain.

Si l’employeur se prévaut d’un rendez-vous médical du gérant et de l’indépendance des fonctions de logistique par rapport à celles commerciales, il ne s’explique pas sur le défaut d’information préalable de la salariée, alors qu’elle démontre, au surplus, qu’un incident similaire s’est produit le 26 mai 2022.

Par suite le grief devra être retenu.

L’exposition de la salariée à des situations dangereuses constitutives de la violation caractérisée à l’obligation de garantie de sa sécurité et de sa santé au travail :

Il résulte de l’article L. 421-1 du code du travail que l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il ne méconnaît pas cette obligation légale s’il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

Selon l’article L. 1152-4 du même code, l’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

L’article 1153-5 du même code prévoit que l’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel, d’y mettre un terme et de les sanctionner.

Il résulte des courriels adressés par la salariée à son employeur le 12 mai 2022, le 7 juin 2022 et le 16 juin 2022 qu’elle fait état de la présence de cartons encombrants dans les allées obstruant l’accès à son poste de travail, de risques de blessures corporelles compte tenu de l’état et de la disposition des étagères et du caractère insalubre de son bureau ainsi que des sanitaires situés à proximité.

Si l’employeur a précisé à la salariée par courriel du 9 mai 2022 que l’utilisation des sanitaires du magasin était préconisée, ceux-ci étant bien entretenus et faute de pouvoir recourir à un prestataire pour l’entretien des locaux et toilettes, il indique dans un courrier adressé au Conseil de la salariée en date du 12 février 2024 qu’une nouvelle société a été mandatée et donne entière satisfaction, point non contesté par Mme [H]-[F]. Toutefois, il ne s’explique pas sur les risques de sécurité encourus du fait de l’encombrement des allées et l’état des étagères. La seule circonstance que cette situation était temporaire du fait de l’arrivée d’un conteneur n’est pas de nature à justifier cette situation à risque. De même, l’employeur ne saurait valablement invoquer l’absence d’information de la salariée à ce sujet alors qu’elle aurait en charge la gestion des stocks, les courriels précités mettant en évidence ses différentes alertes à ce sujet.

Le grief est établi.

L’accomplissement seule de tâches professionnelles qui normalement requièrent une assistance:

Il résulte également des courriels du 7 juin 2022 et du 16 juin 2022 adressés par la salariée à son employeur qu’elle a requis l’assistance d’une personne dans le cadre de la gestion de la réception d’un nouveau conteneur et notamment par mesure de sécurité compte tenu des risques de chute d’étagère, ainsi que pour assurer sa sécurité lors de l’accomplissement des tâches dans les conteneurs dont les portes sont susceptibles de se refermer de manière fortuite.

Il appert que l’employeur lui a seulement répondu sur un point de confort relatif à l’impossibilité de poser un climatiseur dans chaque conteneur, élément sur lequel la salariée ne l’avait pas interpellé. Dans ses écritures, l’employeur ne s’explique pas sur ce point relatif au défaut d’aide pourtant sollicitée par la salariée.

Par suite, le grief est établi.

La notification d’une sanction disciplinaire abusive :

Il résulte des pièces du dossier que, par lettre du 2 mai 2023, l’employeur a notifié à la salariée un avertissement relatif à la présence de produits périmés depuis 2019, lui précisant que le préjudice s’élevait à 3509,88 euros et qu’il lui appartenait de mettre en oeuvre les procédures applicables à l’approche de la date de péremption d’un produit.

Si la salariée ne conteste pas la réalité de ces produits périmés, il appert qu’elle avait en charge, ainsi que le souligne à juste titre l’employeur, la gestion et la vérification des stocks, dont il n’est pas établi, contrairement à ses assertions, qu’elle rencontrait des difficultés pour accéder aux sites au sein desquels ils étaient entreposés ou que les boites ne comportaient aucune indication.

Il n’est pas davantage établi que cette sanction présenterait un lien avec une situation de harcèlement au travail qu’elle aurait dénoncée depuis le mois de janvier 2022 et la présente instance prud’homale, la sanction étant au demeurant postérieure de plus d’un an par rapport à ces procédures et objectivement justifiée par les missions dévolues à la salariée ainsi que l’importance des anomalies constatées.

Le grief ne peut être considéré comme étant établi.

L’intensification des pressions psychologiques au moyen de l’affectation de l’appelante à des tâches professionnelles humiliantes et avilissantes ayant dégénéré en ‘burn out’

Il résulte des pièces du dossier que le 11 avril 2024, Mme [H]-[F] a dénoncé auprès de son employeur une dégradation de ses conditions de travail, caractérisée par le défaut de mise à disposition de moyens pour assurer l’inventaire de plus de 10000 références. Il est également établi que son Conseil a, par lettres du 17 janvier 2024 et du 9 février 2024, dénoncé auprès de l’employeur des faits persistants de harcèlement moral consistant en l’isolement de la salariée au sein d’un bureau établi dans un conteneur présentant de nombreuses défaillances, en l’absence de prise en compte de ses demandes, ainsi qu’en lui adressant tardivement ses salaires par virement ou par chèque.

Il est également établi que la Caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe a, par décision du 24 mai 2024, reconnu l’accident du travail du 11 janvier 2024 comme ayant une origine professionnelle, celui-ci étant caractérisé par un traumatisme psychologique professionnel et que la salariée a été placée en arrêts de travail durant l’année 2024 pour dépression sur traumatisme psychologique professionnel.

S’agissant du manque de moyens relevés par la salariée et de sa situation au sein du conteneur, l’employeur précise à son Conseil dans la lettre en date du 12 février 2024 de manière circonstanciée que le bureau de travail, climatisé, est conforme à un espace de travail aménagé, que les éventuelles défaillances constatées ont été réglées et que le défaut d’aide est lié à l’attitude de repli de la salariée qui tarde à la solliciter. Il observe également avoir dû user de son pouvoir de direction pour garantir la sécurité de la salariée qui se plaçait dans des zones de déchargement alors que ses fonctions ne justifiaient pas sa présence à cet endroit. S’agissant des bulletins de salaire et du paiement de celui-ci, l’employeur précise avoir mandaté un cabinet comptable, rappelle la régularité du paiement de celui-ci le 05 de chaque mois et que son salaire et ses bulletins de paie sont tenus à sa disposition lorsque la salariée est absente.

Il appert que l’employeur répond de manière précise et objective aux assertions de la salariée, y compris de harcèlement au travail et de discrimination salariale, ne permettant pas d’en déduire l’intensification des pressions psychologiques au moyen de l’affectation de l’appelante à des tâches professionnelles humiliantes et avilissantes.

La dégradation de l’état de santé de la salariée durant l’année 2024 ne peut, dans ces conditions, être rattachée à une intensification de pressions, dont la réalité n’a pas été reconnue ci-dessus, mais à des manquements antérieurs.

En ce qui concerne la qualification des faits :

Quant à l’exécution déloyale du contrat de travail :

Conformément à l’article L. 1222-1 du code de travail , le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. La bonne foi se présumant, la charge de la preuve de l’ exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur incombe au salarié.

Il résulte des éléments analysés ci-dessus que Mme [H]-[F] établit l’existence des griefs relatifs au refus de l’employeur de mentionner sur les bulletins de paye la convention collective applicable, à l’absence de paiement de la prime conventionnelle d’ancienneté et de celle de 13ème mois durant plusieurs années, à l’installation d’une caméra de surveillance au sein de son bureau et à son insu, la dégradation des rapports de travail caractérisée par l’absence de collaboration entre les parties, la violation répétée de l’obligation de confidentialité du bulletin de paie, la fermeture exceptionnelle de l’entreprise sans information préalable, son exposition à des situations dangereuses, le défaut d’aide dans l’accomplissement de certaines tâches.

Ces différents manquements constituent une exécution déloyale du contrat de travail dont le préjudice pour la salariée sera justement réparé lui en allouant des dommages et intérêts d’un montant de 7000 euros, eu égard aux atteintes à sa vie privée et au préjudice moral subi pendant plusieurs années.

Le jugement est infirmé sur ce point.

Quant au harcèlement moral et discriminatoire :

Aux termes de l’article L. 1134-1 du code du travail, lorsque survient un litige en méconnaissance des dispositions du chapitre II, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En outre, aux termes de l’article susvisé et de l’article L 1154-1 du code du travail lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral et, dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Les différents manquements précités, dont la salariée établit l’existence, pris dans leur ensemble, et en considération de la dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral, pour lequel l’employeur ne justifie pas du caractère objectif des décisions prises jusqu’en 2024.

Par suite, il convient d’allouer à Mme [H]-[F] des dommages et intérêts d’un montant de 10000 euros au titre du harcèlement moral subi, étant observé qu’elle ne justifie pas la notion de harcèlement discriminatoire dont elle se prévaut.

Le jugement est infirmé sur ce point.

Quant à la discrimination :

Selon l’article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

Si Mme [H]-[F] se prévaut d’une discrimination salariale, elle n’apporte pas d’éléments sur ce point.

Par suite, sa demande de condamnation de l’employeur à lui verser des dommages et intérêts à ce titre ne pourra qu’être rejetée.

Le jugement est confirmé sur ce chef de demande.

Sur la violation de l’obligation légale de sécurité de résultat :

Aux termes de l’article 564 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

En cause d’appel, Mme [H]-[F] sollicite la condamnation de l’employeur à lui verser une somme de 15324 euros à titre d’indemnité pour violation de l’obligation légale de sécurité de résultat, laquelle est nouvelle.

Invitée à présenter des observations sur ce point, la salariée se prévaut de la possibilité de faire valoir de nouveaux moyens ou de soumettre de nouvelles prétentions dès lors que celles-ci sont liées à la survenance ou la révélation d’un fait.

Il convient de prononcer l’irrecevabilité de cette demande nouvelle, qui ne tend pas aux mêmes fins que celles présentées en première instance.

Sur les demandes reconventionnelles de l’employeur :

En ce qui concerne les dommages et intérêts au titre du préjudice moral et de santé :

En l’absence d’agissements fautifs et déloyaux de la salariée justifiés par les pièces du dossier, il conviendra de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté l’employeur de sa demande de dommages et intérêts présentée à ce titre.

En ce qui concerne le recours abusif :

L’action de la salariée étant fondée, il convient de débouter l’employeur de sa demande présentée au titre du recours abusif sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile.

Le jugement est confirmé sur ce point.

Sur les autres demandes :

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté Mme [H]-[F] de sa demande de délivrance d’une certificat mentionnant une classification au niveau 6, celle-ci n’ayant pas été reconnue par le présent arrêt.

Il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a ordonné à l’employeur de faire figurer sur les bulletins de paie de la salariée la convention collective applicable.

En l’absence d’effet dévolutif de la déclaration d’appel concernant le chef de jugement relatif au rejet de la demande d’annulation de l’avertissement du 2 mai 2023, il n’y a pas lieu de statuer sur ce point, étant observé que la salariée s’en remet à l’appréciation de la cour.

En application du 4ème alinéa de l’article 954 du code de procédure civile, les parties ne formulant plus de demandes relatives à la prime d’ancienneté ni à l’enlèvement d’une caméra sont réputées avoir abandonné ces demandes en cause d’appel. Par voie de conséquence, il n’y a pas lieu de prononcer de liquidation d’astreintes qui sont attachées à ces demandes.

Compte tenu de l’issue du présent litige, il convient de confirmer la somme de 250 euros allouée par les premiers juges à Mme [H]-[F] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et de lui accorder une somme complémentaire de 2250 euros sur le même fondement au titre des frais irrépétibles d’appel.

La Sarl Prodembal sera déboutée de sa demande présentée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Les dépens de première instance et d’appel seront mis à la charge de la Sarl Prodembal.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

Prononce l’irrecevabilité de la demande de versement d’une indemnité pour violation de l’obligation légale de sécurité de résultat,

Confirme le jugement rendu le 22 février 2024 par le conseil de prud’hommes de Pointe-à-Pitre entre Mme [P] épouse [H]-[F] [Y] et la Sarl Prodembal, sauf en ce qu’il a:

– dit que le conseil n’a pas reconnu le harcèlement moral ainsi que l’exécution déloyale du contrat de travail de Mme [P] épouse [H]-[F] [Y],

– débouté Mme [P] épouse [H]-[F] [Y] de ses demandes de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral et de l’exécution déloyale du contrat de travail,

Infirmant et statuant à nouveau sur ces chefs de demandes,

Condamne la Sarl Prodembal à verser à Mme [P] épouse [H]-[F] [Y] les sommes suivantes :

– 7000 euros au titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

– 10000 euros au titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

Y ajoutant,

Condamne la Sarl Prodembal à verser à Mme [P] épouse [H]-[F] [Y] la somme de 2250 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d’appel,

Déboute la Sarl Prodembal de sa demande présentée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Sarl Prodembal aux dépens de l’instance d’appel.

Le greffier, La présidente,


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