Reconnaissance d’un lien entre épuisement professionnel et harcèlement au travail

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Reconnaissance d’un lien entre épuisement professionnel et harcèlement au travail

L’Essentiel : Monsieur [B] [G] a déclaré une maladie professionnelle, un épuisement professionnel, le 28 mars 2019. Malgré un avis défavorable du CRRMP, il a contesté cette décision devant le tribunal judiciaire de Lyon. Le 15 janvier 2024, un second CRRMP a été désigné pour évaluer le lien entre sa maladie et son travail. Ce dernier a conclu, le 22 mai 2024, à l’absence de lien direct. Cependant, le tribunal a reconnu que Monsieur [G] souffrait d’un syndrome anxio-dépressif lié à du harcèlement au travail, ordonnant à la CPAM de prendre en charge sa maladie au titre de la législation professionnelle.

Déclaration de maladie professionnelle

Monsieur [B] [G] a déclaré le 28 mars 2019 une maladie professionnelle hors tableau, spécifiquement un épuisement professionnel, selon un certificat médical daté du 1er octobre 2018. La caisse a mené une enquête, et le médecin-conseil a confirmé la pathologie, notant qu’elle n’était pas répertoriée dans les tableaux des maladies professionnelles, mais que le taux d’incapacité permanente était égal ou supérieur à 25 %.

Transmission au CRRMP

Conformément à l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, la caisse a transmis le dossier de Monsieur [G] au Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles (CRRMP) de la région AURA. Dans son avis du 26 juin 2020, le CRRMP a émis un avis défavorable concernant la prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle.

Recours judiciaire

Monsieur [B] [G] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon le 1er juin 2021 pour contester la décision de la commission de recours amiable du 11 mars 2021, qui avait refusé la prise en charge de son affection. Le tribunal a ordonné, par jugement du 15 janvier 2024, la désignation d’un second CRRMP pour évaluer le lien entre la maladie et le travail de Monsieur [G].

Avis du second CRRMP

Le CRRMP PACA CORSE a rendu un avis le 22 mai 2024, concluant qu’il n’existait pas de lien direct et essentiel entre l’affection de Monsieur [G] et son exposition professionnelle.

Contexte professionnel de Monsieur [G]

Monsieur [G] travaille comme releveur de compteur de gaz et d’électricité depuis le 18 octobre 2002 pour la société [3]. Il est également délégué du personnel et membre du comité d’entreprise depuis 2014. Il a été confronté à des comportements hostiles de la part de son employeur, qui ont entravé l’exercice de ses fonctions.

Comportements de l’employeur

Monsieur [G] a subi diverses entraves, telles que l’interdiction d’accès à certains locaux, l’absence de matériel nécessaire à son travail, des reproches injustifiés, des tentatives de privation de congés, des remarques racistes, et des sanctions disciplinaires non justifiées. L’inspection du travail a confirmé ces entraves lors d’un contrôle en avril 2018.

Conséquences sur la santé de Monsieur [G]

Le climat de pression constant a conduit à un arrêt de travail à partir du 1er octobre 2018. Un médecin du travail a constaté un syndrome anxio-dépressif réactionnel à une situation délétère au travail. La cour d’appel de Lyon a par la suite confirmé que Monsieur [G] avait été victime de harcèlement discriminatoire.

Réponse de la CPAM

La CPAM du Rhône a soutenu que le CRRMP PACA CORSE avait confirmé l’absence de lien entre l’affection de Monsieur [G] et son exposition professionnelle, concluant ainsi au refus de prise en charge de sa maladie.

Motifs de la décision judiciaire

Le tribunal a reconnu que Monsieur [G] présentait un syndrome anxio-dépressif lié à une situation de harcèlement au travail. Les avis des CRRMP ne sont pas contraignants pour les juges, qui doivent évaluer tous les éléments du dossier. Les sanctions disciplinaires infligées par l’employeur ont été annulées par la juridiction prud’homale.

Conclusion du tribunal

Le tribunal a établi un lien direct et essentiel entre l’affection de Monsieur [G] et son exposition professionnelle, ordonnant à la CPAM de prendre en charge sa maladie au titre de la législation professionnelle. Le jugement a été rendu le 20 janvier 2025, et Monsieur [G] a été renvoyé devant la CPAM pour la liquidation de ses droits.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la définition d’une maladie professionnelle selon le Code de la sécurité sociale ?

La maladie professionnelle est définie par l’article L. 461-1 du Code de la sécurité sociale, qui stipule que :

« Est considérée comme maladie professionnelle, toute maladie qui résulte directement de l’exposition à un risque professionnel, et qui figure sur une liste établie par décret. »

Cet article précise également que les maladies qui ne figurent pas dans les tableaux des maladies professionnelles peuvent être reconnues comme telles si elles sont causées par le travail habituel de la victime.

Il est donc essentiel de déterminer si la pathologie de Monsieur [G] peut être considérée comme une maladie professionnelle, même si elle ne figure pas dans les tableaux.

En l’espèce, le tribunal a reconnu que le lien entre l’affection de Monsieur [G] et son exposition professionnelle était établi, ce qui a conduit à la prise en charge de sa maladie.

Quels sont les droits des salariés en matière de protection contre le harcèlement au travail ?

Les droits des salariés en matière de protection contre le harcèlement au travail sont énoncés dans l’article L. 1152-1 du Code du travail, qui dispose que :

« Aucun salarié ne doit subir des faits de harcèlement moral, qu’ils soient commis par un employeur ou par un collègue. »

Cet article précise également que l’employeur a une obligation de sécurité de résultat en matière de santé et de sécurité au travail, ce qui inclut la prévention du harcèlement.

Dans le cas de Monsieur [G], la cour d’appel a confirmé qu’il avait été victime de harcèlement discriminatoire, ce qui a eu des conséquences directes sur sa santé mentale et physique.

L’employeur a donc manqué à son obligation de protéger son salarié, ce qui a été pris en compte dans la décision de prise en charge de la maladie professionnelle.

Comment se déroule la procédure de reconnaissance d’une maladie professionnelle ?

La procédure de reconnaissance d’une maladie professionnelle est régie par l’article L. 461-1 du Code de la sécurité sociale, qui prévoit que :

« La déclaration de maladie professionnelle doit être faite par le salarié à la caisse primaire d’assurance maladie dans un délai de deux ans à compter de la date de la constatation de la maladie. »

La caisse procède ensuite à une enquête et peut faire appel à un médecin-conseil pour évaluer la situation. Si la maladie n’est pas inscrite dans les tableaux, le dossier peut être transmis à un Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles (CRRMP).

Dans le cas de Monsieur [G], la CPAM a transmis son dossier au CRRMP, qui a rendu un avis défavorable. Cependant, le tribunal a décidé de désigner un second CRRMP pour réévaluer la situation, ce qui a finalement conduit à la reconnaissance de la maladie professionnelle.

Quelles sont les conséquences d’une reconnaissance de maladie professionnelle sur les droits du salarié ?

La reconnaissance d’une maladie professionnelle a des conséquences significatives sur les droits du salarié, comme le stipule l’article L. 431-1 du Code de la sécurité sociale :

« Les assurés victimes d’une maladie professionnelle ont droit à des prestations en nature et en espèces, ainsi qu’à une prise en charge des soins liés à leur affection. »

Cela inclut le remboursement des frais médicaux, des indemnités journalières en cas d’arrêt de travail, et potentiellement une rente d’incapacité permanente si le taux d’incapacité est supérieur à 10 %.

Dans le cas de Monsieur [G], la reconnaissance de sa maladie professionnelle lui ouvre droit à une prise en charge par la CPAM, ce qui est essentiel pour sa réhabilitation et son retour à une vie professionnelle normale.

MINUTE N° :

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE LYON

POLE SOCIAL – CONTENTIEUX GENERAL

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

JUGEMENT DU :

MAGISTRAT :
ASSESSEURS :

DÉBATS :

PRONONCE :

AFFAIRE :

NUMÉRO R.G :

20 Janvier 2025

Florence AUGIER, présidente
assesseur collège employeur – absent
Marie-José MARQUES, assesseur collège salarié
assistés lors des débats et du prononcé du jugement par Florence ROZIER, greffière

En l’absence d’un assesseur, le Président a statué seul avec l’accord des parties présentes ou représentées après avoir recueilli l’avis de l’assesseur présent conformément à l’article L.218-1 du COJ.

tenus en audience publique le 12 Novembre 2024

jugement contradictoire, rendu en premier ressort, le 20 Janvier 2025 par le même magistrat

Monsieur [B] [G] C/ CPAM DU RHONE

N° RG 21/01172 – N° Portalis DB2H-W-B7F-V4GT

DEMANDEUR
Monsieur [B] [G]
né le 30 Octobre 1974 à [Localité 6], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me François DUMOULIN, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 2349 substitué par Me Sandrine PIERI, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 2349

DÉFENDERESSE
CPAM DU RHONE, dont le siège social est sis Service contentieux général – [Localité 2]
comparante en la personne de Madame [Z] [H], munie d’un pouvoir

Notification le :
Une copie certifiée conforme à :

[B] [G]
CPAM DU RHONE
Me François DUMOULIN, vestiaire : 2349
Une copie revêtue de la formule exécutoire :

Me François DUMOULIN, vestiaire : 2349
Une copie certifiée conforme au dossier

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Monsieur [B] [G] a déclaré le 28 mars 2019 une maladie professionnelle hors tableau relative à un épuisement professionnel selon certificat médical initial du 1er octobre 2018.

La caisse a procédé à une enquête et le médecin-conseil a émis l’avis suivant :
– l’assuré présente la pathologie décrite sur le certificat médical initial,
– l’affection n’est pas répertoriée dans l’un des tableaux des maladies professionnelles,
– le taux d’incapacité permanente est égal ou supérieur à 25 %.

En application des dispositions de l’article L. 461 –1 du code de la sécurité sociale, la caisse a transmis le dossier de Monsieur [G] au CRRMP région AURA.

Le CRRMP dans son avis du 26 juin 2020 a donné un avis défavorable à la prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle.

Monsieur [B] [G] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon le 1er juin 2021 d’un recours contre la décision de la commission de recours amiable du 11 mars 2021 refusant la prise en charge au titre des maladies professionnelles, hors tableau, de l’affection diagnostiquée le 1er octobre 2018.

Par jugement du 15 janvier 2024, le tribunal a ordonné avant-dire droit la désignation d’un second comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles pour qu’il donne son avis et dise si la maladie dont Monsieur [G] souffre a un lien direct et essentiel avec le travail habituel de la victime.

Le CRRMP PACA CORSE, dans son avis du 22 mai 2024, conclut qu’il n’y a pas de lien direct et essentiel entre l’affection présentée et l’exposition professionnelle.

Monsieur [G] expose qu’il réalise un travail de releveur de compteur de gaz et d’électricité pour la région Rhône-Alpes depuis le 18 octobre 2002 pour le compte de la société [3], sous-traitante des sociétés [4] et [5] ; qu’il est par ailleurs délégué du personnel et membre du comité d’entreprise depuis 2014 ; qu’il s’est trouvé confronté à des comportements délétères de la part du dirigeant de la société [3] qui s’est employé à l’entraver dans l’exercice de son mandat et à le déstabiliser dans l’exercice de ses fonctions.

Il explique qu’il a du subir :

– l’interdiction d’accès aux locaux de travail du premier étage de l’entreprise où se trouve les salariés du secrétariat et de la plate-forme téléphonique ainsi que les documents relatifs au fonctionnement du comité d’entreprise ;

– l’interdiction de faire des copies du registre des délégués du personnel et des comptes-rendus des réunions ;

– l’absence de mise à disposition du matériel informatique et d’une messagerie professionnelle nécessaire pour l’exercice de ses missions ;

– des reproches injustifiés sur le non-respect du pointage alors que le système de pointeuse rencontrait des difficultés techniques ;

– une tentative de l’employeur de le priver de ses congés annuels tout en faisant croire à ses collègues que les congés d’été ne pouvaient être fixés à cause de lui ;

– des remarques à connotation raciste ;

– de fausses accusations de vol et de recel destinées à le déstabiliser ;

– des sanctions disciplinaires injustifiées, des suppressions de primes de rendement, des refus de paiement des heures supplémentaires, l’exclusion des manifestations collectives, un refus de formation.

Il précise que l’inspection du travail est intervenue dans l’entreprise et a procédé après un contrôle le 24 avril 2018 à un rappel des règles que devait respecter l’entreprise vis-à-vis des représentants du personnel confirmant l’entrave qu’il a subie dans l’exercice de ses fonctions de délégué du personnel et membre du comité d’entreprise.

Il valoir que ce climat de pression constante entretenue par l’employeur a abouti à son arrêt de travail à compter du 1er octobre 2018 ce qui n’a pas empêché l’employeur de continuer ses pressions pendant sa période d’arrêt de travail.

Il note que le médecin du travail a constaté expressément le 14 mars 2019 un syndrome anxio-dépressif réactionnel à une situation délétère au travail toujours évolutif.

Il précise que par arrêt du 20 septembre 2024, la cour d’appel de Lyon a confirmé qu’il a été victime d’un harcèlement discriminatoire au travail.

La CPAM du Rhône répond que le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de PACA CORSE a confirmé l’avis du comité de la région AURA en ne retenant pas de lien direct et essentiel entre l’affection présentée l’exposition professionnelle.

Elle conclut à la confirmation du refus de prise en charge l’affection de Monsieur[G] .

MOTIFS DE LA DÉCISION

Monsieur [B] [G] qui est employé par la société [3] depuis le 18 octobre 2002 en qualité de releveur de compteur a souscrit le 28 mars 2019, une déclaration de maladie professionnelle relative à un « syndrome anxio-dépressif réactionnel à une situation délétère au travail – syndrome d’épuisement professionnel » selon certificat médical initial du 1er octobre 2018.

L’enquête a permis de retenir que Monsieur [G] présente la pathologie déclarée et que le taux d’incapacité est égal ou supérieur à 25 %.

Les avis rendus par des comité régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles ne s’imposent pas aux juges du fond qui doivent nécessairement apprécier la valeur et la portée de l’ensemble des éléments fournis à leur examen.

Monsieur[G] avait outre ses missions de releveur de compteur, des mandats de délégué du personnel et de membre du comité d’entreprise depuis 2014.

L’employeur a notifié à Monsieur [G] deux sanctions disciplinaires le 19 septembre 2018 et le 10 octobre 2018 qui ont été annulées par la juridiction prud’homale au motif qu’elles n’étaient pas justifiées.

Il est par ailleurs établi que l’employeur a entravé Monsieur [G] dans l’exercice de ses mandats ; qu’il lui a adressé 11 courriers recommandés entre le 27 août et le 17 octobre 2018, y compris pendant ses arrêts de travail, pour des entretiens préalables à sanction, des non-respect des consignes, des rappels sur les heures de délégations, sur l’accès aux sites, sur le processus électoral etc. ; qu’il a discrédité Monsieur [G] auprès de ses collègues en proférant de graves accusations à son égard pour des faits non établis et qu’il a sollicité le transfert de son contrat de travail pendant son arrêt maladie alors que les conditions d’application de l’article L. 1224 – 1 du code du travail n’était pas remplies.

L’inspecteur du travail a relevé une situation d’entrave dans son courrier du 26 juin 2018.

La cour d’appel de Lyon a confirmé une situation de harcèlement discriminatoire de la part de l’employeur à l’égard de Monsieur [G].

Le médecin du travail précise dans un certificat du 14 mars 2019 que Monsieur [G] présente un syndrome anxio-dépressif réactionnel à une situation délétère au travail toujours évolutif et qu’il invite le patient à déclarer la maladie professionnelle, la situation et les conséquences sur sa santé le justifiant pleinement.

Au vu de ces éléments il doit être retenu la réalité d’un syndrome anxieux et un syndrome d’épuisement au travail chez une personne sans antécédent qui a vécu une situation harcèlement discriminatoire de la part de l’employeur.

Le lien direct et essentiel entre l’affection présentée et l’exposition professionnelle est établi et la CPAM doit prendre en charge la maladie au titre de la législation professionnelle.

PAR CES MOTIFS

La présidente du pôle social du tribunal judiciaire de Lyon, statuant seule en l’absence d’assesseur avec l’accord des parties, par jugement mis à disposition, contradictoire et en premier ressort.

Dit que la maladie déclarée par Monsieur [B] [G] le 28 mars 2019 sur la base du certificat médical du 1er octobre 2018 doit être prise en charge par la CPAM du Rhône au titre de la législation professionnelle.

Renvoie Monsieur [G] devant la CPAM du Rhône pour la liquidation de ses droits.

Laisse les dépens à la charge de la CPAM du Rhône.

Jugement rendu par mise à disposition au greffe, le 20 janvier 2025, dont la minute a été signée par la présidente et la greffière.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

Florence ROZIER Florence AUGIER


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