Licenciement pour comportement inapproprié dans un établissement médico-social

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Licenciement pour comportement inapproprié dans un établissement médico-social

L’Essentiel : La fondation Les Diaconesses de [Localité 8] est une entité d’utilité publique dédiée à l’accueil et à l’accompagnement des personnes vulnérables. Mme [L], engagée en 2008 comme aide médico-psychologique, a été licenciée en février 2020 pour des agissements inappropriés envers une patiente, causant des brûlures. Malgré son appel, le tribunal a confirmé la légitimité de son licenciement, considérant les faits avérés et préjudiciables. La cour a rejeté ses demandes de dommages-intérêts, soulignant que le comportement de Mme [L] était contraire aux valeurs de la fondation.

Présentation de la fondation

La fondation Les Diaconesses de [Localité 8] est une entité reconnue d’utilité publique, enregistrée au répertoire Sirene sous le n° 521 504 969. Son objectif est d’accueillir, d’héberger et d’accompagner médico-socialement des personnes vulnérables, et elle emploie plus de 11 salariés.

Engagement de Mme [L]

Mme [Z] [L] a été engagée par la fondation en tant qu’aide médico-psychologique par un contrat à durée indéterminée à temps plein, à compter du 1er mars 2008, avec une reprise d’ancienneté au 24 décembre 2005. Elle exerçait ses fonctions au sein d’une maison de santé spécialisée dans l’accompagnement de la fin de vie.

Contexte du licenciement

Le 13 janvier 2020, Mme [L] a été convoquée à un entretien préalable à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement, en raison d’agissements inappropriés envers une patiente, Mme [Y]. Les faits reprochés incluaient l’utilisation d’eau de Cologne sur le visage de la patiente, causant des brûlures et un état d’angoisse.

Notification du licenciement

Le 27 février 2020, la fondation a notifié à Mme [L] son licenciement pour faute, en se basant sur les témoignages de la patiente et d’autres soignants. La fondation a souligné que ces comportements étaient contraires aux valeurs de l’établissement et qu’ils avaient déjà été signalés dans le passé.

Procédure judiciaire

Mme [L] a saisi le conseil de prud’hommes de Versailles le 22 octobre 2020, demandant que son licenciement soit jugé sans cause réelle et sérieuse. Le jugement rendu le 15 mars 2022 a confirmé la légitimité du licenciement, déboutant Mme [L] de ses demandes de dommages-intérêts.

Appel de Mme [L]

Mme [L] a interjeté appel de ce jugement le 13 avril 2022, demandant l’infirmation de la décision et la reconnaissance de son licenciement comme dépourvu de cause réelle et sérieuse. Elle a également sollicité des dommages-intérêts significatifs.

Arguments de la fondation

La fondation a demandé la confirmation du jugement initial, arguant que le licenciement était justifié par des faits avérés et des témoignages corroborants. Elle a également proposé que le barème de l’indemnité de licenciement soit appliqué.

Évaluation des preuves

Le tribunal a examiné les éléments de preuve, y compris les témoignages des collègues et des plaintes de la patiente, concluant que les faits reprochés à Mme [L] étaient fondés. Le comportement de la salariée a été jugé préjudiciable aux résidents, justifiant ainsi le licenciement.

Décision finale

La cour a confirmé le jugement du conseil de prud’hommes, rejetant les demandes de Mme [L] et condamnant cette dernière à payer des frais à la fondation. Le licenciement a été jugé fondé sur une cause réelle et sérieuse, et les demandes indemnitaires ont été rejetées.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de justification d’un licenciement pour motif personnel selon le Code du travail ?

Le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, conformément à l’article L. 1232-1 du Code du travail. Cet article stipule que :

« Tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. »

Cela signifie que l’employeur doit fonder son licenciement sur des éléments objectifs, vérifiables et imputables au salarié.

De plus, l’article L. 1235-1 précise que :

« En cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié. »

Ainsi, la charge de la preuve concernant le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement incombe à l’employeur, qui doit apporter des faits précis et matériellement vérifiables.

Quels sont les éléments constitutifs d’une faute grave dans le cadre d’un licenciement ?

La faute grave est définie comme un manquement aux obligations contractuelles du salarié qui rend impossible son maintien dans l’entreprise. Dans le cas de Mme [L], la fondation a invoqué des comportements inappropriés à l’égard d’une patiente, ce qui pourrait constituer une faute grave.

L’article L. 1234-1 du Code du travail précise que :

« Le licenciement pour faute grave ne donne pas droit à l’indemnité de licenciement. »

Les éléments constitutifs de la faute grave incluent des comportements tels que la maltraitance, le non-respect des règles de sécurité, ou tout acte qui compromet la sécurité ou la santé des patients. Dans cette affaire, les témoignages de la patiente et des collègues ont été déterminants pour établir la réalité des faits reprochés à Mme [L].

Comment le juge apprécie-t-il la régularité de la procédure de licenciement ?

Le juge doit vérifier la régularité de la procédure de licenciement en s’assurant que l’employeur a respecté les étapes nécessaires avant de prononcer le licenciement. Selon l’article L. 1232-2 du Code du travail :

« L’employeur doit convoquer le salarié à un entretien préalable, lui faire connaître les motifs de la sanction envisagée et recueillir ses explications. »

Dans le cas de Mme [L], la fondation a respecté cette procédure en convoquant la salariée à un entretien préalable et en lui exposant les faits qui lui étaient reprochés. Le respect de cette procédure est essentiel pour garantir les droits du salarié et éviter un licenciement abusif.

Quelles sont les conséquences d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ?

Un licenciement sans cause réelle et sérieuse expose l’employeur à des sanctions financières. L’article L. 1235-3 du Code du travail stipule que :

« En cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le juge peut condamner l’employeur à verser au salarié une indemnité dont le montant est fixé par le juge dans la limite d’un plafond. »

Cette indemnité est calculée en fonction de l’ancienneté du salarié et de la taille de l’entreprise. Dans le cas de Mme [L], elle a demandé des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ce qui a été rejeté par le conseil de prud’hommes, confirmant ainsi la légitimité du licenciement.

Quelles sont les implications de la convention collective sur le licenciement ?

La convention collective applicable peut influencer les modalités de licenciement et les droits des salariés. Dans cette affaire, la convention collective nationale des établissements privés d’hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif régit les relations de travail.

L’article L. 2261-1 du Code du travail précise que :

« Les conventions collectives ont pour objet de déterminer les conditions d’emploi, de travail et de rémunération des salariés. »

Ainsi, les dispositions de la convention collective peuvent prévoir des procédures spécifiques à suivre en cas de licenciement, ainsi que des droits supplémentaires pour les salariés. Dans le cas de Mme [L], la fondation a respecté les dispositions de la convention collective en matière de licenciement, ce qui a été pris en compte par le juge.

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-3

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 20 JANVIER 2025

N° RG 22/01196 –

N° Portalis DBV3-V-B7G-VEHH

AFFAIRE :

[Z] [L]

C/

Fondation DIACONESSES DE [Localité 8]

Décision déférée à la cour : Jugement rendue le 15 Mars 2022 par le Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de VERSAILLES

N° Section : AD

N° RG : 20/00754

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me David METIN

Me Claire MATHURIN

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

APPELANTE

Madame [Z] [L]

née le 05 Février 1960 à [Localité 6] (BENIN)

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentant : Me David METIN de l’AARPI METIN & ASSOCIES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 159

Substitué : Me Christelle LONGIN, avocat au barreau de PARIS

****************

INTIMÉE

Fondation DIACONESSES DE [Localité 8]

N° SIRET : 521 504 969

Prise en la personne de son représentant légal domicilié au siège social

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Claire MATHURIN de la SELAS NORMA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0066

Substitué : Me Anaïs ACHOUR, avocat au barreau de PARIS

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 19 Novembre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseillère chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence SINQUIN, Présidente,

Mme Florence SCHARRE, Conseillère,

Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseillère,

Greffier lors des débats : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI,

Greffier placé lors du prononcé : Madame Solène ESPINAT

FAITS ET PROCÉDURE

La fondation Les Diaconesses de [Localité 8] est une fondation reconnue d’utilité publique par décret du 24 novembre 2009, enregistrée au répertoire Sirene sous le n° 521 504 969.

La fondation Les Diaconesses de [Localité 8] a pour objet social l’accueil, l’hébergement et l’accompagnement médico-social des personnes vulnérables.

Elle emploie plus de 11 salariés.

Par contrat de travail à durée indéterminée à temps plein, Mme [Z] [L] a été engagée par la fondation Les Diaconesses de [Localité 8], en qualité d’aide médico-psychologique à compter du 1er mars 2008, assortie d’une reprise d’ancienneté au 24 décembre 2005.

Au dernier état de la relation de travail, Mme [L] exerçait ses fonctions au sein de la maison de santé de « [7] », située à [Localité 9] et spécialisée dans l’accompagnement de la fin de vie.

La rémunération moyenne brute de la salariée est estimée par elle à la somme de 2 619,93 euros par mois et par l’employeur à 2 171,35 euros.

Les relations contractuelles étaient régies par les dispositions de la convention collective nationale des établissements privés d’hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif.

A compter du 8 décembre 2016, Mme [L] bénéficiait du statut de travailleur handicapé.

Par courrier en date du 13 janvier 2020, la fondation Les Diaconesses de [Localité 8] a convoqué Mme [L] à un entretien préalable à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement, qui s’est tenu le 30 janvier 2020 en présence d’un représentant du personnel.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 27 février 2020, la fondation Les Diaconesses de [Localité 8] a notifié à Mme [L] son licenciement pour faute, en ces termes :

« Mme,

Nous vous avons convoquée le 30 janvier 2020 dans le cadre d’un entretien préalable à une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement, dans les locaux de la Maison de santé [7], située [Adresse 1].

Vous vous êtes présentée au bureau de la Direction à l’heure fixée sur la convocation, accompagnée de Mme [S] [T], membre titulaire du CSE.

J’étais moi-même accompagnée de Mme [K] [V], directrice adjointe.

Nous vous avons alors exposé les faits suivants :

Nous vous avons convoquée afin de vous entendre concernant des agissements de votre part à l’égard d’une patiente, Mme [Y] chambre 109, le 13 janvier 2020.

Je l’ai moi-même entendue ce même jour, au vu de l’importance des faits qui m’ont été relatés.

Mme [Y] m’a fait part d’un certain nombre d’agissements de votre part, à son égard, totalement inadmissibles et indignes au regard de la fonction que vous exercez (Aide médico-psychologique). Vous avez lavé et frotté le visage de Mme [Y] avec de l’eau de Cologne à tel point que la patiente s’est retrouvée avec le visage en feu ; vous avez également verbalisé de gros reproches, et après un geste fort vis-à-vis d’elle, à savoir frotter le visage avec de l’eau de Cologne, vous l’avez embrassée sur le front.

La patiente dit que vous êtes aussi gentille que désagréable, que vous manifestez des changements d’état brutaux et dit avoir peur de vos réactions. Elle a manifesté un sentiment d’insécurité dans l’établissement au point d’exprimer le souhait de le quitter.

Comme expliqué lors de l’entretien, ces faits ont été relayés par les témoignages des soignants présents le 13 janvier 2020.

Vous avez réagi en invoquant des faits similaires qui vous étaient reprochés en 2018 et qui avaient déjà fait l’objet d’un avertissement. Nous vous avons alors précisé qu’il s’agissait de nouveaux événements.

Depuis ces événements, Mme [Y] vit dans un état d’angoisse et de craintes permanentes. Nous avons dû faire intervenir la psychologue du service afin de l’aider à surmonter cette situation. En effet, Mme [Y] était littéralement apeurée.

Lors de l’entretien, vous avez nié les faits considérant que Mme [Y] mentait. Vous avez ajouté que vous aviez le souci de bien vous occuper d’elle.

Vous avez dit : « j’ai fait les soins car elle avait arraché son pansement car la nuit il a coulé ».

Malgré ces témoignages, vous ne reconnaissez pas les faits et considérez cela comme de l’acharnement à votre égard.

Nous vous avons alors proposé une suspension de séance pour échanger avec la salariée qui vous accompagnait pour réfléchir à l’attitude à adopter dans la suite de l’entretien.

Après avoir échangé avec Mme [T], vous avez tenté de vous justifier en disant : « j’ai un problème de thyroïde, j’ai une grosse voix. Elle a eu des selles sur le visage, peut-être que c’est ce jour-là ».

Puis vous avez ajouté que « cette dame tellement je m’occupe d’elle. Je n’utilise jamais d’eau de Cologne, elle fait sa toilette, elle avait des selles ».

Nous vous avons précisé que les faits étaient avérés avec des témoignages à l’appui.

Nous vous rappelons que le règlement intérieur de la Fondation précise dans son article 32 que « le personnel concerné doit s’efforcer d’assurer le confort physique et moral ainsi que la sécurité aux malades ou aux personnes hébergées dont il a la charge » et que les faits que nous vous avons présentés vont à l’encontre des valeurs édictées par le règlement intérieur.

Nous déplorons devoir de nouveau constater que vous n’avez pas pris les dispositions nécessaires pour vous ressaisir. Comme vous l’avez-vous-même évoqué lors de l’entretien, des faits similaires vous ont été reprochés en 2018 qui ont donné lieu à la notification d’un avertissement le 24 mai 2018 ;

Au regard des faits qui vous sont reprochés, et des témoignages que nous avons recueillis venant corroborer les faits relatés par Mme [Y] votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible et nous sommes contraints de procéder à votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Conformément à la convention collective applicable à la Fondation, vous bénéficiez d’un préavis d’une durée de deux mois qui débutera à la date de première présentation de cette lettre. Nous vous dispensons toutefois de toute activité pendant ce préavis au cours duquel vous percevrez votre rémunération aux échéances habituelles [‘] »

Par requête introductive reçue au greffe le 22 octobre 2020, Mme [L] a saisi le conseil de prud’hommes de Versailles d’une demande tendant à ce son licenciement pour faute soit jugé comme étant sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement rendu en formation de départage le 15 mars 2022, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Versailles a :

– dit que le licenciement de Mme [Z] [L] est justifié par une cause réelle et sérieuse ;

– débouté Mme [Z] [L] de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– débouté Mme [Z] [L] de sa demande au titre du reliquat de l’indemnité légale de licenciement ;

– dit n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– mis les dépens à la charge de Mme [Z] [L].

Par déclaration d’appel reçue au greffe le 13 avril 2022, Mme [L] a interjeté appel de ce jugement.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 2 octobre 2024.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 27 juin 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, Mme [L], appelante, demande à la cour de :

– recevoir Mme [L] en ses demandes et l’y déclarer bien fondée ;

– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Versailles en ce qu’il a :

* dit que le licenciement de Mme [L] est justifié par une cause réelle et sérieuse ;

* débouté Mme [Z] [L] de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* débouté Mme [L] de sa demande au titre du reliquat de l’indemnité légale de licenciement ;

* dit n’y avoir lieu à intérêt ;

* mis les dépens à la charge de Mme [L].

Statuant à nouveau,

– juger le licenciement de Mme [L] dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

A titre principal,

– juger que doit être écarté le plafonnement prévu par l’article L. 1235-3 du code du travail en raison de son inconventionnalité, ce plafonnement violant les dispositions de l’article 24 de la charte sociale européenne, les articles 4 et 10 de la convention 158 de l’OIT et le droit au procès équitable ;

– condamner en conséquence la fondation Les Diaconesses de [Localité 8] à verser à Mme [L] la somme de 50 000 euros nets de CSG et de CRDS à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

A titre subsidiaire,

– condamner la fondation Les Diaconesses de [Localité 8] à verser à Mme [L] une somme d’un montant de 31 400 euros nets de CSG et de CRDS à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l’article L. 1235-3 du code du travail (plafonnée).

En tout état de cause,

– condamner la fondation Les Diaconesses de [Localité 8] à verser à Mme [L] la somme de

1 562,10 euros au titre du reliquat de l’indemnité légale de licenciement ;

– condamner la fondation Les Diaconesses de [Localité 8] à verser à Mme [L] la somme de

4 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la fondation Les Diaconesses de [Localité 8] aux entiers dépens y compris les éventuels frais d’exécution de l’arrêt à intervenir.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 13 juillet 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la fondation Les Diaconesses de [Localité 8], intimée, demande à la cour de :

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Versailles en ce qu’il a débouté Mme [L] de l’intégralité de ses demandes.

A titre subsidiaire,

– juger que le barème prévu à l’article L. 1235-3 du code du travail est applicable ;

– ramener le quantum de l’éventuelle condamnation à l’encontre de la fondation Les Diaconesses de [Localité 8] à hauteur de 6 514,05 euros au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En tout état de cause, il est demandé à la cour d’appel de Versailles de :

– débouter Mme [L] de sa demande 1 562,10 euros au titre du reliquat de l’indemnité légale de licenciement ;

– débouter Mme [L] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;

– condamner Mme [L] au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

MOTIFS

Sur la rupture du contrat de travail

En vertu des dispositions de l’article L.1232-1 du Code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, c’est-à-dire être fondé sur des éléments objectifs, vérifiables et imputables au salarié.

Selon l’article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

À l’appui de son licenciement, la fondation reproche à Madame [L] des faits du 13 janvier 2020 à l’encontre de Madame [G], la salariée ayant adopté un comportement violent à l’encontre de cette patiente particulièrement vulnérable. Elle lui reproche d’avoir lavé et frotté le visage de la patiente avec de l’eau de Cologne, occasionnant pour la résidente des séquelles psychologiques révélées par des pleurs et un état de stress et d’angoisse, et des séquelles physiques caractérisées par des démangeaisons jusqu’au 27 janvier 2020.

L’employeur considère d’une part que l’usage de Cologne s’avérait inadapté et constitutif d’un manquement à ses obligations de soignante et d’autre part qu’elle semble s’être acharnée sur le visage et le cou de la patiente. Elle produit à l’appui de ce grief le témoignage de Madame [G] et ceux de collègues de travail de la salariée.

La fondation reproche également à la salariée des propos vexatoires et insultants à l’encontre de cette même résidente et produit à ce titre, plusieurs attestations ainsi qu’un recueil de plaintes et de réclamations par oral établissant à l’égard de la salariée un comportement moralement violent à l’égard de la résidente.

La fondation invoque également un précédent qui a donné lieu à un avertissement notifié le 24 mai 2018 dont les faits sont similaires aux faits du 13 janvier 2020 dans la mesure où il révèle une maltraitance morale et physique envers une personne vulnérable. L’employeur fournit à ce titre, un rapport du Docteur [A] du 24 avril 2018.

Madame [L] conteste la réalité des faits qui lui sont reprochés. Elle soutient n’avoir jamais utilisé de l’eau de Cologne pour la toilette et estime que l’employeur ne rapporte pas la preuve qu’elle en a mis sur le visage de la patiente. Le 13 janvier 2020, elle fait le constat qu’aucun fait tel que celui qui lui est reproché par l’employeur n’est relevé dans le cadre « des transmissions ». Seule une mention relative à Madame [G] et signalant « une sensation de brûlure au niveau de son oreille gauche et derrière l’oreille depuis plusieurs jours » ainsi que démangeaisons et brûlures au niveau du visage, rouge au niveau du côté gauche, sont notées le 26 janvier 2020 par l’infirmière Madame [R]. En outre, la salariée relève que Madame [G] n’évoque pas un membre du personnel.

Madame [L] dénie toute crédibilité aux témoignages apportés par l’employeur en considérant que la patiente Madame [G] souffre de la maladie d’Alzheimer et que les collègues qui apportent leur témoignage n’étaient pas présents au moment des faits puisque ces salariés travaillaient dans d’autres services ou n’étaient même pas présents ce jour-là.

Madame [L] fait valoir en outre qu’elle a continué à s’occuper de Madame [G] après les faits sans que cela ne pose de problème à l’employeur.

Elle fait valoir enfin que son licenciement repose sur le désir de la résidente qui a la suite du sentiment d’insécurité a exprimé le soin de quitter la résidence. Elle conclut en conséquence à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Au vu des éléments versés aux débats en cause d’appel, il apparaît que les premiers juges, à la faveur d’une exacte appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve produits, non utilement critiquée en cause d’appel, ont à bon droit retenu dans les circonstances particulières de l’espèce, l’existence d’une cause réelle et sérieuse de licenciement.

En effet, les juges du conseil de prud’hommes ont justement relevé que la fondation versait aux débats un recueil de plaintes et de réclamations orales effectués dès le 13 janvier 2020 à 14 heures auprès de la patiente ; que Madame [U], agent de service logistique, et Madame [R], aide-soignante, attestent de ce que la patiente avait été retrouvée en pleurs et s’était plainte du comportement de la soignante qui lui avait fait la toilette ce jour-là (Madame [L] selon le relevé de transmission) et qu’en outre les faits étaient confirmés par Madame [B], infirmière, présente le 13 janvier 2020. Le conseil des prud’hommes a en conséquence estimé à juste titre que Madame [L] ne pouvait sérieusement prétendre qu’il ne s’était rien passé entre elle et Madame [G] ce jour-là.

Le conseil des prud’hommes relève également que la présence effective des salariés est attestée par le planning de l’établissement et qu’en outre le logiciel des transmissions fait état dès le 14 janvier 2020 d’un stress important de la patiente et dès le 16 janvier de douleurs cutanées.

C’est aussi à juste titre que le conseil des prud’hommes a conclu à une cohérence entre le grief invoqué et les éléments produits par l’employeur.

Le conseil a également justement constaté que contrairement à ses dires, Madame [L] n’avait plus été affectée sur le service de Madame [G] à compter du 13 janvier 2020.

La cour constate en outre que les attestations versées aux débats par Madame [L] et rédigées par Madame [C], Madame [M], Madame [F] et Madame [O] si elles vantent les qualités de leur mère et amie ne permettent pas de contredire les témoignages circonstanciés des collègues de travail qui établit la réalité du grief reproché à la salariée. Par ailleurs, la cour relève que la salariée qui prétend à l’absence des attestants le jour des faits ne produit aucun élément de nature à justifier ses allégations.

Enfin, il y a lieu d’ajouter que le précédent fait à l’origine de la procédure disciplinaire de 2018, établi au travers de l’attestation du Docteur [A], permet de considérer que les faits du 13 janvier 2020 ne sont pas des faits isolés et que le comportement de la salariée est préjudiciable aux résidents et de nature à justifier la sanction prononcée par l’employeur. Dans ce contexte, le moyen tiré de ce que le licenciement aurait été commandé par le désir de la résidente de quitter l’établissement est inopérant.

Ainsi, il y a lieu de confirmer la décision prud’homale qui a jugé que le licenciement été fondé sur une cause réelle et sérieuse. Les demandes indemnitaires fondées sur la rupture doivent être rejetées.

Sur le reliquat de l’indemnité légale de licenciement

Madame [L] a perçu une indemnité de licenciement à hauteur de 8625,07 euros et sollicite un reliquat de 1562,10 €. Elle fonde sa demande sur un reliquat de prime décentralisée qui aurait dû être intégrée pour l’évaluation de son salaire moyen. Elle évalue ce salaire à 2345,66 € et son indemnité de licenciement à 9187,17 €.

La société demande la confirmation du jugement en considérant que la prime décentralisée versée en novembre 2019 et le reliquat en décembre 2019 devaient être proratisées sur 12 mois entraînant un salaire de référence de 2171,35 €, écartant tout reliquat sur l’indemnité de licenciement.

Au vu des bulletins de salaire versés aux débats, de la prime décentralisée figurant sur les bulletins de salaire de la salariée, eu égard aux dispositions de l’article R 1234 ‘ 4 du code du travail dans son dernier alinéa qui prévoit que toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel verser au salarié n’est prise en compte que dans la limite d’un montant calculé à due proportion, il convient de confirmer la décision prud’homale qui a constaté que le salaire évalué par l’employeur avec la proratisation annuelle de la prime était justifié.

En conséquence, l’indemnité de licenciement telle que versée à la salariée est justifié et il y a lieu de rejeter le reliquat sollicite.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe:

CONFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Versailles en date du 15 mars 2022 ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Madame [L] à payer à la fondation la somme de 1000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.,

CONDAMNE Madame [L] aux entiers dépens.

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Laurence SINQUIN, Présidente et par Madame Solène ESPINAT, Greffière placée, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


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