L’Essentiel : La société Elite auto a mandaté Joye t’rec pour transporter six voitures de Belgique vers la France. À la réception, cinq véhicules présentaient des rayures, entraînant des frais de réparation de 4.814 euros. Joye t’rec a contesté sa responsabilité, arguant que les dommages n’étaient pas liés au transport. Après une assignation devant le tribunal de commerce de Versailles, celui-ci a initialement jugé en faveur d’Elite auto. Cependant, Joye t’rec a fait appel, soutenant que le droit belge s’appliquait. Finalement, la cour a infirmé le jugement initial, exonérant Joye t’rec de toute responsabilité et condamnant Elite auto à des frais.
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Contexte de l’affaireLa société Elite auto, anciennement Club solution, a mandaté la société belge Joye t’rec pour transporter six voitures de Belgique vers la France. Les véhicules ont été livrés le 4 décembre 2019. Constatation des dommagesÀ la réception des voitures, Elite auto a constaté des rayures sur cinq d’entre elles et a engagé des frais de 4.814 euros TTC pour les réparations. Joye t’rec a contesté sa responsabilité, arguant que les dommages n’étaient pas liés au transport. Procédures judiciairesAprès une mise en demeure infructueuse, Elite auto a assigné Joye t’rec devant le tribunal de commerce de Versailles le 30 novembre 2020. Le tribunal a jugé en faveur d’Elite auto le 19 novembre 2021, condamnant Joye t’rec à payer des sommes pour les réparations et les frais de recouvrement. Appel de Joye t’recJoye t’rec a fait appel le 5 juillet 2022, demandant l’annulation du jugement et soutenant que le droit belge était applicable. Elle a également demandé à être exonérée de toute responsabilité pour les dommages. Arguments des partiesJoye t’rec a affirmé que la convention CMR régissait le transport et que le droit belge devait s’appliquer. Elite auto a soutenu que le tribunal de Versailles était compétent, invoquant la loi française et la convention CMR. Analyse de la loi applicableLe tribunal a examiné la loi applicable, concluant que la loi belge était pertinente en raison de la résidence habituelle du transporteur et des lieux de chargement et de livraison. La convention CMR a été jugée applicable au litige. Compétence juridictionnelleLe tribunal a confirmé sa compétence, notant que les véhicules avaient été livrés en France, permettant à Elite auto de saisir le tribunal de Versailles. Responsabilité du transporteurJoye t’rec a soutenu qu’elle n’était pas responsable des dommages, invoquant des articles de la convention CMR. Elite auto a affirmé que Joye t’rec devait prouver que les dommages n’étaient pas survenus pendant le transport. Conclusion sur les dommagesLe tribunal a constaté que les rayures avaient été notées à la livraison, mais Joye t’rec a prouvé que les dommages pouvaient résulter de l’absence d’emballage des véhicules, ce qui l’a exonérée de responsabilité. Décision finaleLa cour a infirmé le jugement initial concernant les paiements dus par Joye t’rec et a débouté Elite auto de ses demandes. Elite auto a été condamnée à payer des frais à Joye t’rec pour les frais irrépétibles. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la compétence juridictionnelle applicable au litige entre Elite auto et Joye t’rec ?La compétence juridictionnelle dans le cadre de ce litige est régie par l’article 31 de la convention CMR, qui stipule que « pour tous litiges auxquels donnent lieu les transports soumis à la présente Convention, le demandeur peut saisir, en dehors des juridictions des pays contractants désignées d’un commun accord par les parties, les juridictions du pays sur le territoire duquel : – le défendeur a sa résidence habituelle, son siège principal ou la succursale ou l’agence par l’intermédiaire de laquelle le contrat de transport a été conclu, ou : Dans cette affaire, la société Elite auto a choisi de saisir le tribunal de commerce de Versailles, situé en France, car les véhicules ont été livrés à son siège social à Coignières. Ainsi, le tribunal a confirmé sa compétence, car le lieu de livraison des marchandises se situe en France, conformément à l’article 31 de la convention CMR. Quelle loi est applicable au contrat de transport entre Elite auto et Joye t’rec ?La loi applicable au contrat de transport est déterminée par l’article 5 du Règlement 593/2008, qui précise que « à défaut de choix exercé conformément à l’article 3, la loi applicable au contrat de transport de marchandises est la loi du pays dans lequel le transporteur a sa résidence habituelle, pourvu que le lieu de chargement ou le lieu de livraison ou encore la résidence habituelle de l’expéditeur se situe aussi dans ce pays. Si ces conditions ne sont pas satisfaites, la loi du pays dans lequel se situe le lieu de livraison convenu par les parties s’applique. » Dans le cas présent, la société Joye t’rec, transporteur, a son siège social en Belgique, et le lieu de chargement était également en Belgique. Par conséquent, la loi belge est applicable au litige, même si la société Elite auto n’a pas signé les conditions générales de vente mentionnant cette loi. Le tribunal a donc appliqué à tort la loi française, alors que la loi belge devait être appliquée conformément au Règlement Rome I. Quelles sont les responsabilités du transporteur selon la convention CMR ?Les responsabilités du transporteur sont définies par les articles 8, 9 et 17 de la convention CMR. L’article 8 stipule que « le transporteur doit vérifier le seul état apparent de la marchandise au moment de la prise en charge. » L’article 9 précise qu’« en l’absence d’inscription sur la lettre de voiture de réserves motivées du transporteur, il y a présomption que la marchandise et son emballage étaient en bon état apparent au moment de la prise en charge par le transporteur. » Enfin, l’article 17.1 indique que « le transporteur est responsable de la perte totale ou partielle ou de l’avarie qui se produit entre le moment de la prise en charge de la marchandise et celui de la livraison. » Dans cette affaire, la société Joye t’rec a soutenu qu’elle n’était pas responsable des avaries, arguant qu’aucune réserve n’avait été formulée au moment de la prise en charge. Cependant, la société Elite auto a prouvé que les rayures avaient été constatées à la livraison, ce qui engage la responsabilité du transporteur. Quels sont les moyens d’exonération de responsabilité du transporteur selon la convention CMR ?L’article 17.4 de la convention CMR prévoit que le transporteur peut être exonéré de sa responsabilité si la perte ou l’avarie résulte de risques particuliers, notamment en cas d’absence d’emballage pour les marchandises exposées à des avaries. Il est précisé que « le transporteur est déchargé de sa responsabilité lorsque la perte ou l’avarie résulte des risques particuliers, dont se prévaut la société Joye t’rec, inhérents à (i) une absence de l’emballage pour les marchandises exposées par leur nature à des déchets ou avaries quand elles ne sont pas emballées et/ou (ii) à la nature de certaines marchandises exposées, par des causes inhérentes à cette nature même, à avarie, notamment par bris, rouille, détérioration interne et spontanée, déchet normal. » Dans cette affaire, la société Joye t’rec a affirmé que les véhicules, qui étaient neufs, avaient été transportés sans emballage, ce qui pourrait justifier une exonération de responsabilité. Toutefois, la société Elite auto a contesté cette affirmation, soutenant que les rayures étaient visibles et que la responsabilité du transporteur devait être engagée. La société Elite auto peut-elle obtenir des dommages et intérêts pour préjudice moral ?La demande de dommages et intérêts pour préjudice moral formulée par la société Elite auto a été rejetée. En effet, la société Elite auto a soutenu que la société Joye t’rec avait fait preuve d’une résistance abusive en refusant de payer le coût des réparations. Cependant, le tribunal a considéré que l’issue du litige ne justifiait pas l’octroi de dommages et intérêts pour préjudice moral. Il est important de noter que, selon l’article 700 du code de procédure civile, « la cour peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles. » Dans ce cas, la société Elite auto a été déboutée de ses demandes, ce qui a conduit à la condamnation de celle-ci aux dépens et à l’absence d’indemnité pour préjudice moral. |
DE
VERSAILLES
Code nac : 56E
Chambre commerciale 3-1
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 22 JANVIER 2025
N° RG 22/04409 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VJOZ
AFFAIRE :
Société JOYE T’REC
C/
S.A.S. LITE AUTO
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 Novembre 2021 par le Tribunal de Commerce de Versailles
N° Chambre : 4
N° RG : 2020F00713
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Guillaume GOMBART
Me Marc LENOTRE
TC VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT DEUX JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Société JOYE T’REC
[Adresse 5]
[Localité 3] (BELGIQUE)
Représentée par Me Guillaume GOMBART, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 646 substituant à l’audience Me Vincent VAN DER MAST & Me Frederik VANDEN BOGAERDE, Plaidants,
APPELANTE
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S.A.S. ELITE AUTO
RCS Versailles n° 400 835 161
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Marc LENOTRE de la SELARL CABINET FOURNIER LA TOURAILLE, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 459 et Me Françoise POUGET-COURBIERES, Plaidant, avocat au barreau de Paris
INTIMEE
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Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 19 Novembre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Présidente chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Présidente,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseillère,
Madame Bérangère MEURANT, Conseillère,
Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,
La société Elite auto, anciennement Club solution, est un mandataire automobile. Elle a demandé à la société de droit belge Joye t’rec de transporter six voitures, acquises auprès de la société Auto Imexso, de la ville de [Localité 7] en Belgique vers la ville de [Localité 4] en France.
Les six voitures ont été livrées le 4 décembre 2019.
La société Elite auto, ayant constaté des rayures sur cinq des six véhicules transportés, a exposé la somme de 4.814 euros TTC auprès d’un carrossier, correspondant à cinq factures, afin de les remettre à neuf.
La société Joye t’rec a contesté devoir ces cinq factures estimant que les dégâts n’étaient pas en lien avec le transport et qu’elle n’avait pas donné son accord pour prendre en charge le coût des réparations.
Après avoir, le 10 juin 2020, vainement mis en demeure la société Joye t’rec de lui payer la somme de 4.011,67 euros HT, la société Elite auto l’a, par acte du 30 novembre 2020, assignée devant le tribunal de commerce de Versailles.
Par jugement du 19 novembre 2021, le tribunal s’est déclaré compétent pour juger le litige, a condamné la société Joye t’rec à payer à la société Elite auto la somme de 4.011,67 euros, celle de 200 euros au titre des frais de recouvrement des cinq factures impayées et celle de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et l’a condamnée aux dépens.
Par déclaration du 5 juillet 2022, la société Joye t’rec a fait appel de ce jugement et, par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 3 octobre 2022, elle demande à la cour de déclarer son appel recevable et bien fondé, d’annuler le jugement du tribunal, de constater que le droit belge est applicable, de se déclarer « sans juridiction et compétence » pour se prononcer sur cette affaire, de rejeter les demandes de la société Elite auto dès lors qu’elles ne sont pas fondées, à titre subsidiaire de réduire la hauteur de la demande comme exposé, et, en tout état de cause, de la condamner à payer les sommes de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel ainsi qu’aux dépens.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 30 décembre 2022, la société Elite auto demande à la cour de débouter la société Joye t’rec de l’ensemble de ses demandes, de déclarer la juridiction française territorialement et matériellement compétente et la loi française applicable au litige, d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages intérêts au titre du préjudice moral et, statuant à nouveau, de condamner la société Joye t’rec à lui verser la somme de 800 euros en réparation de son préjudice moral et celle de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel et de la condamner aux dépens.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 9 novembre 2023.
Il doit être considéré, alors que l’intimée est taisante sur ce point, que la société Joye t’rec, qui demande à la cour d’annuler le jugement sans soutenir de moyen de nullité, demande en fait son infirmation.
Sur la compétence du tribunal de commerce de Versailles et la loi applicable :
La société Joye t’rec soutient que le droit belge s’applique au litige et que les tribunaux belges sont seuls compétents pour le trancher.
Elle fait valoir que le transport en cause est régi par la convention CMR du 19 mai 1956 mais que, pour ce qui n’entre pas dans le champ d’application de cette convention comme les relations entre le transporteur, l’expéditeur et le destinataire, le droit belge est applicable, qu’à ce titre, en vertu de l’article 5 du règlement 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, le droit belge est applicable dès lors que le transporteur est belge et que les lieux de chargement et le siège social de l’expéditeur se situent en Belgique.
Elle se prévaut d’une clause attributive de compétence, que la convention CMR autorise, figurant dans les conditions générales de vente mentionnées au dos de la lettre de voiture et signées par la société Elite auto, stipulant qu’en cas de contestation, les tribunaux du siège social du transporteur sont compétents et que le droit belge est applicable.
La société Elite auto soutient que le tribunal de commerce de Versailles est compétent en vertu de l’article 31 de la convention CMR, les véhicules ayant été livrés dans son ressort, à son siège social situé à Coignières, et que la loi française s’applique au litige.
Elle fait valoir que la lettre de voiture signée par les deux parties mentionne que le transport est soumis à la convention CMR et que le contrat est régi par la convention CMR, la loi belge du 3 mai 1999 relative au transport de choses par route et les conditions générales mais que ni cette loi ni les conditions générales ne désignent de juridictions pour régler les éventuels litiges, que l’article 31 de la convention CMR permet au demandeur de saisir le tribunal du lieu de livraison de la marchandise, que les conditions générales de la Fédération royale belge des transporteurs et des prestataires de services logistiques invoquées par la société Joye t’rec ne sont pas applicables dès lors qu’elles n’ont pas été signées par les parties.
Elle observe qu’en vertu de l’article 5 du règlement 593/2008, applicable en l’absence de clause comprise dans la convention CMR, la loi française est applicable dès lors que les parties n’ont pas choisi la loi applicable au contrat et aux éventuels litiges et que la livraison a eu lieu en France.
Sur la loi applicable :
Les deux parties conviennent qu’à défaut pour la convention CMR de désigner la loi applicable au litige, celle-ci est définie par l’article 5 du Règlement 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles dit Rome I.
Aux termes de cet article 5 consacré aux contrats de transport, « 1. À défaut de choix exercé conformément à l’article 3, la loi applicable au contrat de transport de marchandises est la loi du pays dans lequel le transporteur a sa résidence habituelle, pourvu que le lieu de chargement ou le lieu de livraison ou encore la résidence habituelle de l’expéditeur se situe aussi dans ce pays. Si ces conditions ne sont pas satisfaites, la loi du pays dans lequel se situe le lieu de livraison convenu par les parties s’applique. »
En l’espèce, la société Joye t’rec, transporteur, a son siège social à [Localité 3] ([Localité 6]) en Belgique et il n’est pas contesté qu’il s’agit de sa résidence habituelle. Selon la lettre de voiture, le lieu de chargement des véhicules était [Localité 7], également en Belgique. Les conditions d’application de la loi belge sont donc satisfaites.
Ainsi, peu important que les conditions générales du contrat de transport, qui désignent la loi belge comme loi applicable, n’aient pas été signées par la société Elite auto, la loi belge est applicable au présent litige en application du Règlement Rome I qu’elle invoque elle-même.
Le tribunal a dès lors appliqué, implicitement, la loi française à tort et il y a lieu de faire application de la convention CMR et de la loi belge.
Sur la compétence :
La circonstance que la loi belge est applicable au présent litige n’implique pas que les juridictions belges soient compétentes.
La société Elite auto n’ayant pas signé les conditions générales de la Fédération royale belge des transporteurs et des prestataires de services logistiques, ces conditions générales ne lui sont pas opposables.
Les conditions générales de vente, mentionnées au dos de la lettre de voiture n° 142257996, ne comprennent pas de clause attributive de compétence, seule la loi applicable étant définie par l’article 1er.
Cet article 1er stipule ainsi que le contrat est régi par la convention CMR, la loi du 3 mai 1999 relative au transport de choses par route et les conditions générales.
La société Elite auto affirme sans être contredite par l’appelante que la loi belge du 3 mai 1999 ne désigne pas de juridiction compétente pour trancher le litige.
Il s’ensuit ainsi qu’en toute hypothèse il convient de se référer à la convention CMR pour déterminer la juridiction compétente.
L’article 31 de cette convention stipule que « pour tous litiges auxquels donnent lieu les transports soumis à la présente Convention, le demandeur peut saisir, en dehors des juridictions des pays contractants désignées d’un commun accord par les parties, les juridictions du pays sur le territoire duquel :
le défendeur a sa résidence habituelle, son siège principal ou la succursale ou l’agence par l’intermédiaire de laquelle le contrat de transporta été conclu, ou :
le lieu de la prise en charge de la marchandise ou celui prévu pour la livraison est situé, et ne peut saisir que ces juridictions. »
Il en résulte que le demandeur a la faculté de saisir plusieurs juridictions et qu’il peut choisir de saisir les juridictions du pays sur le territoire duquel est situé le lieu prévu pour la livraison de la marchandise.
Les véhicules transportés en cause ayant été livrés en France, au siège social de la société Elite auto situé à Coignères (78) dans le ressort du tribunal de commerce de Versailles, la société Elite auto était en droit d’attraire la société Joye t’rec devant ce tribunal.
Le jugement sera donc confirmé en ce que le tribunal de commerce de Versailles s’est déclaré compétent.
Sur la demande en paiement des factures :
La société Joye t’rec soutient qu’elle n’est pas responsable des avaries aux véhicules transportés sur le fondement des articles 8 et 17 de la convention CMR aux termes desquels le transporteur doit vérifier le seul état apparent de la marchandise au moment de la prise en charge et n’est pas responsable de tous les dommages se produisant entre le chargement et le déchargement des marchandises.
Elle fait valoir que la société Elite auto ne rapporte pas la preuve que les dommages se sont produits entre le chargement et la livraison exposant que la société Elite auto n’ayant pas formulé de réserves au transporteur au plus tard au moment de la livraison, mais trois heures plus tard et de manière non contradictoire, elle est présumée avoir reçu la marchandise dans l’état décrit par la lettre de voiture, conformément à l’article 30.1. de la convention CMR, qu’il n’est pas établi que les mentions de rayures dans la lettre de voiture émanent de la société Elite auto, alors qu’elles figurent dans la case réservée à l’expéditeur de la marchandise, mais qu’au contraire la lettre de voiture établit que les avaries ont été mentionnées avant la livraison.
Elle ajoute que la livraison concerne des véhicules d’occasion et non des véhicules neufs comme le prétend la société Elite auto qui ne produit pas les factures d’achat permettant de l’établir, qu’il n’est pas établi qu’elle a causé les rayures pendant le transport, qu’elle n’avait pas à vérifier de manière détaillée les rayures présentes sur chaque véhicule, déjà placé sur une remorque par l’expéditeur avant sa prise en charge, qui apparaissent minimes sur les photographies produites aux débats, le transporteur devant seulement vérifier si l’état apparent des marchandises est conforme à leur description précisée dans la lettre de voiture, que la nature des rayures montre qu’elles n’ont pas été causées pendant le transport par des branches d’arbres, que la société Elite auto n’a pas organisé d’expertise contradictoire pour constater les avaries.
Elle soutient en outre, sur le fondement de l’article 17.4 de la convention CMR, qu’elle bénéficie d’une cause d’exonération de responsabilité en l’absence d’emballage des véhicules ou de la nature même de la peinture du véhicule exposée à avarie notamment par bris, rouille, détérioration ou déchet.
La société Elite auto prétend que la société Joye t’rec est responsable de l’avarie en vertu des articles 8, 9 et 17 de la convention CMR, la présomption de responsabilité du transporteur étant en l’espèce applicable.
Elle fait valoir que lors de la prise en charge des six véhicules, la société Joye t’rec n’a formulé aucune réserve, comme cela ressort de la lettre de voiture, qu’elle rapporte la preuve que les constatations relatives aux rayures, mentionnées par elle-même sur la lettre de voiture, ont été faites contradictoirement avec le transporteur représenté au moment de la livraison par son chauffeur préposé, qu’il appartient par conséquent à la société Joye t’rec de démontrer que l’avarie aurait eu pour cause l’un des faits exonératoires de responsabilité prévus à l’article 17.2 de la convention CMR, ce qu’elle ne fait pas.
Elle oppose à l’appelante que les véhicules étaient neufs, que les rayures étaient visibles à l »il nu et profondes, et non pas indétectables comme elle l’affirme, et qu’aucune expertise contradictoire n’a été organisée dès lors que la société Joye t’rec n’a jamais contesté l’existence des avaries avant que les travaux aient été effectués.
Sur ce,
Il résulte des cinq factures d’achat des véhicules émises par la société Auto Imexso que les véhicules transportés étaient neufs, la mention « véhicule neuf » y étant apposée.
Le transport a eu lieu du 3 décembre 2019, date de prise en charge, au 4 décembre suivant, date de livraison.
Il apparaît clairement de l’exemplaire pour le destinataire de la lettre de voiture n° 142257996 ‘ produit en original par la société Elite auto alors que l’exemplaire de cette même lettre de voiture pour le transporteur est produit en copie par la société Joye t’rec dont il ne peut être tiré aucune conclusion ‘ qu’il a été rempli de trois façons différentes :
les parties 1 à 5 dédiées à l’identité de l’expéditeur et du destinataire, des lieux de prise en charge et de livraison et à l’identité du transporteur principal, la partie 10 dédiée à la description des marchandises transportées et la partie 12 relative aux date et lieu d’établissement de la lettre de voiture sont remplies de manière manuscrite et en lettres capitales et grisées ; la partie 10 mentionne comme marchandises 6 Renault Scenic et le numéro de châssis de chaque véhicule et la partie 3 mentionne comme date de prise en charge le 3 décembre 2019 ;
la partie 8 relative aux frais afférents au transport porte les mentions manuscrites de couleur bleue en lettres capitales « arrivée 11 heures 15 » « départ » et « lieu de déchargement » ;
cette même partie 8 porte une mention manuscrite en noir après le terme « départ » : « 15 h 05 » ; la partie 10 porte également des mentions manuscrites en noir par-dessus une grande accolade et les mots « 2 clés pas de kit » en lettres manuscrites grisées, les mentions en noir correspondant à la description des rayures affectant chaque véhicule.
La case 15 du transporteur effectif porte le cachet, grisé, de la société Joye t’rec et une signature grisée tandis que la case 16 du destinataire porte le cachet bleue de la société Club solution, devenue Elite auto, la date manuscrite en noire « 4.12.19 » et une signature en noir.
Il se déduit de ces constats, d’une part, que cet exemplaire de la lettre de voiture a été rempli une première fois, par un procédé de copie-carbone à partir d’un autre exemplaire, le 3 décembre 2019 au moment de la prise en charge des véhicules par le transporteur à [Localité 7] et une seconde fois, par surcharge, le 4 décembre 2019 ou plus tard, soit à la livraison ou après la livraison et, d’autre part, que le cachet et la signature de la société Joye t’rec ont été apposés en même temps que les autres mentions grisées sur un autre exemplaire de la lettre de voiture et non en même temps que le cachet et la signature de la société Elite auto.
Aucune constatation quant aux rayures affectant les véhicules, neufs, n’a donc été faite au moment de leur prise en charge le 3 décembre 2019, que ce soit par l’expéditeur ou le transporteur.
Or l’article 9 de la convention CMR dispose qu’ « en l’absence d’inscription sur la lettre de voiture de réserves motivées du transporteur, il y a présomption que la marchandise et son emballage étaient en bon état apparent au moment de la prise en charge par le transporteur ».
Compte tenu de l’absence de réserves motivées de la société Joye t’rec sur la lettre de voiture, les véhicules et leur emballage sont présumés en bon état apparent.
La société Joye t’rec ne rapporte pas la preuve que les rayures dénoncées par la société Elite auto affectaient les véhicules avant qu’elle ne les prenne en charge et ce, alors qu’il s’agissait de véhicules neufs. Elle se borne en effet à considérer en premier lieu que l’emplacement des rayures sur les véhicules ne correspond pas à des dégâts causés par des branches d’arbres, comme l’explique l’intimée, sans qu’aucune expertise n’ait pu identifier la cause du dommage, et, en second lieu, qu’en indiquant, dans un courriel du 4 décembre 2019, que « toute avarie non mentionnée au chargement mais mentionnée au déchargement est imputable au transporteur, et ce même si ce n’est pas un dégât de transport », la société Elite auto avait avoué que les dégâts n’avaient pas été causés durant le transport alors que l’énoncé de la société Elite auto n’a pas ce sens.
La copie produite aux débats de l’exemplaire du transporteur de la lettre de voiture contient les mêmes mentions que celles apposées successivement sur l’exemplaire du destinataire, ce dont il se déduit que les rayures ont été constatées contradictoirement le jour de la livraison, le 4 décembre 2019.
Ainsi, dès lors que des rayures ont été constatées, contradictoirement, à la livraison des véhicules, sans l’avoir été au moment de leur prise en charge par la société Joye t’rec, est susceptible de s’appliquer l’article 17.1. de la convention CMR qui dispose que « le transporteur est responsable de la perte totale ou partielle ou de l’avarie qui se produit entre le moment de la prise en charge de la marchandise et celui de la livraison ».
L’article 17.4. de la convention CMR prévoit toutefois, que le transporteur est déchargé de sa responsabilité lorsque la perte ou l’avarie résulte des risques particuliers, dont se prévaut la société Joye t’rec, inhérents à (i) une absence de l’emballage pour les marchandises exposées par leur nature à des déchets ou avaries quand elles ne sont pas emballées et/ou (ii) à la nature de certaines marchandises exposées, par des causes inhérentes à cette nature même, à avarie, notamment par bris, rouille, détérioration interne et spontanée, déchet normal.
L’article 18.2 précise que « lorsque le transporteur établit que, eu égard aux circonstances de fait, la perte ou l’avarie a pu résulter d’un ou de plusieurs des risques particuliers prévus à l’article 17.4., il y a présomption qu’elle en résulte. L’ayant droit peut toutefois faire la preuve que le dommage n’a pas eu l’un de ces risques pour cause totale ou partielle ».
La société Joye t’rec affirme, sans être contredite par la société Elite auto, que les véhicules, dont il est rappelé qu’ils étaient neufs, ont été transportés sur une remorque sans emballage. Or la carrosserie de véhicules est exposée à des risques de rayures lorsqu’elle n’est pas protégée et ce, d’autant plus sur un parcours de 400 kms comme en l’espèce.
La société Elite auto explique en outre elle-même que les rayures constatées ont pu avoir pour cause des chocs avec des branches d’arbres pendant le transport. Elle a ainsi indiqué à la société Joye t’rec, par courriel du 6 février 2020, que « les voitures [étaient] arrivées endommagées visiblement à la suite de frottements de branches d’arbres ».
Ainsi la société Joye t’rec établit que les rayures ont pu résulter, pendant le transport, de l’absence d’emballage des véhicules dont la carrosserie est exposée à de telles avaries de sorte qu’elle est déchargée de sa responsabilité.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a condamné la société Joye t’rec à payer à la société Elite auto la somme de 4.011,67 euros et celle de 200 euros au titre des frais de recouvrement des cinq factures impayées.
Sur la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral subi par la société Elite auto :
La société Elite auto soutient que la société Joye t’rec a fait preuve d’une résistance abusive en refusant de payer le coût des réparations dès lors que les pièces produites aux débats démontrent la bonne foi de la société Elite auto et ses nombreuses tentatives de remboursement auprès de la société Joye t’rec.
Mais l’issue du litige impose de rejeter cette demande. Réparant l’omission du tribunal de statuer sur cette demande, la cour en déboutera la société Elite auto.
Sur les demandes accessoires :
Partie perdante, la société Elite auto sera condamnée aux dépens de première instance, le jugement étant infirmé, et aux dépens d’appel. Elle ne peut dès lors prétendre à une indemnité procédurale mais sera condamnée à payer à la société Joye t’rec une somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles que l’appelante a exposés en première instance et en appel.
La Cour statuant contradictoirement,
Infirme le jugement entrepris sauf en ce que le tribunal s’est déclaré compétent ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Dit la loi belge applicable au présent litige ;
Déboute la société Elite auto de ses demandes formées au titre des factures de réparation, des frais de recouvrement des factures, d’un préjudice moral et de ses frais irrépétibles ;
Condamne la société Elite auto à payer à la société Joye t’rec la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles qu’elle a exposés en première instance et en appel ;
Condamne la société Elite auto aux dépens de première instance et d’appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Présidente, et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier La Présidente
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