L’Essentiel : La caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de la Loire Atlantique a notifié à la SAS AGIS, le 17 mars 2021, une déclaration de maladie professionnelle de sa salariée, Madame [G] [B]. Suite à la prise en charge de cette maladie, la SAS AGIS a contesté la décision devant la commission de recours amiable, qui a rejeté sa demande. Le tribunal judiciaire d’Avignon a ensuite été saisi. Il a conclu que la CPAM n’avait pas violé le principe du contradictoire et a déclaré la décision de prise en charge opposable à la SAS AGIS, condamnant cette dernière aux dépens.
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Exposé du litigeLa caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de la Loire Atlantique a notifié à la SAS AGIS, le 17 mars 2021, une déclaration de maladie professionnelle de sa salariée, Madame [G] [B], accompagnée d’un certificat médical. Ce dernier mentionne une tendinopathie de la coiffe d’origine conflictuelle et une acromioplastie de l’épaule droite. Suite à cela, la CPAM a décidé de diligenter une instruction. Le 30 juin 2021, la CPAM a informé la SAS AGIS de la prise en charge de la maladie de Madame [G] [B] au titre de la législation sur les risques professionnels. En réponse, la SAS AGIS a contesté cette décision devant la commission de recours amiable (CRA), qui a implicitement rejeté sa demande. La société a alors saisi le tribunal judiciaire d’Avignon le 10 novembre 2021 pour contester cette décision. Demandes des partiesLa SAS AGIS a demandé au tribunal de déclarer son recours recevable et fondé, de constater que la CPAM n’avait pas respecté le délai de consultation des pièces du dossier, et de déclarer inopposable la décision de prise en charge de la maladie professionnelle. De son côté, la CPAM a demandé le rejet des demandes de la SAS AGIS, affirmant que la décision de prise en charge était opposable à la société et a demandé la condamnation de cette dernière aux dépens. Motifs de la décisionLe tribunal a rappelé que les demandes visant à « constater » ou « prendre acte » ne constituent pas des prétentions au sens du code de procédure civile. Concernant le délai de consultation, la SAS AGIS a soutenu que la CPAM avait manqué au principe du contradictoire en rendant sa décision avant la fin de la période de consultation. Cependant, la CPAM a argumenté que la décision pouvait être prise avant la fin de cette période, ce qui a été confirmé par le tribunal. Le tribunal a conclu que la CPAM n’avait pas violé le principe du contradictoire et a déclaré la décision de prise en charge opposable à la SAS AGIS. En conséquence, la société a été déboutée de sa demande d’inopposabilité. ConclusionLe tribunal judiciaire d’Avignon a statué en faveur de la CPAM, déclarant la décision de prise en charge opposable à la SAS AGIS et condamnant cette dernière aux dépens de l’instance. Le jugement a été mis à disposition des parties le 22 janvier 2025. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les implications du non-respect du principe du contradictoire dans le cadre de la prise en charge d’une maladie professionnelle ?Le principe du contradictoire est fondamental dans le droit administratif et est notamment encadré par l’article R.461-9 III du code de la sécurité sociale. Cet article stipule que : « A l’issue de ses investigations et au plus tard cent jours francs à compter de la date mentionnée au deuxième alinéa du I, la caisse met le dossier prévu à l’article R.441-14 à disposition de la victime ou de ses représentants ainsi qu’à celle de l’employeur auquel la décision est susceptible de faire grief. La victime ou ses représentants et l’employeur disposent d’un délai de dix jours francs pour le consulter et faire connaître leurs observations, qui sont annexées au dossier. Au terme de ce délai, la victime ou ses représentants et l’employeur peuvent consulter le dossier sans formuler d’observations. La caisse informe la victime ou ses représentants et l’employeur des dates d’ouverture et de clôture de la période au cours de laquelle ils peuvent consulter le dossier ainsi que de celle au cours de laquelle ils peuvent formuler des observations, par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information et au plus tard dix jours francs avant le début de la période de consultation. » Dans cette affaire, la SAS AGIS a soutenu que la CPAM avait manqué à ce principe en rendant sa décision de prise en charge avant l’expiration du délai de consultation. Cependant, le tribunal a relevé que le non-respect du contradictoire ne peut entraîner l’inopposabilité de la décision que si l’employeur n’a pas pu faire valoir ses observations durant le délai réglementaire de dix jours francs. En l’espèce, le tribunal a constaté que la CPAM n’avait pas violé ce principe, car la décision de prise en charge a été rendue après l’expiration du délai pour formuler des observations, mais avant la fin du délai de consultation passive. Ainsi, le tribunal a déclaré la décision de prise en charge opposable à la SAS AGIS. Quels sont les effets de la décision de prise en charge d’une maladie professionnelle sur l’employeur ?La décision de prise en charge d’une maladie professionnelle a des conséquences significatives pour l’employeur, notamment en vertu des articles du code de la sécurité sociale. L’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale précise que : « Les maladies professionnelles sont celles qui résultent d’une exposition à des agents ou à des conditions de travail déterminés, et qui figurent sur une liste établie par décret. » Cela signifie que lorsque la CPAM reconnaît une maladie professionnelle, l’employeur est tenu de prendre en charge les conséquences de cette reconnaissance. En effet, l’article L. 452-1 du même code stipule que : « L’employeur est tenu de garantir à ses salariés la protection de leur santé et de leur sécurité. » Ainsi, la prise en charge par la CPAM implique que l’employeur doit assumer les coûts liés à cette maladie, y compris les indemnités journalières et les frais médicaux. De plus, la décision de prise en charge est opposable à l’employeur, ce qui signifie qu’il ne peut pas contester cette décision une fois qu’elle a été rendue, sauf à prouver un vice de procédure, ce qui n’a pas été le cas ici. En conséquence, la SAS AGIS a été condamnée à supporter les dépens de l’instance, conformément à l’article 696 du code de procédure civile, qui prévoit que : « La partie qui succombe est condamnée aux dépens. » Cela souligne l’importance pour les employeurs de respecter les procédures de consultation et de recours en matière de maladies professionnelles. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE D’AVIGNON
N° RG 21/00840 – N° Portalis DB3F-W-B7F-I553
Minute N° : 258/00088
CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE
JUGEMENT DU 22 Janvier 2025
DEMANDEUR
S.A.S. AGIS REPRESENTEE PAR SON PRESIDENT
ZI DE COURTINE
802 RUE SAINTE GENEVIEVE
84000 AVIGNON
représentée par Me Anne-Laure DENIZE, avocat au barreau de PARIS
DEFENDEUR :
C.P.A.M DE LA LOIRE ATLANTIQUE
9 rue Gaëtan RONDEAU
44958 NANTES CEDEX 9
représentée par Mme [H] [F] (Salariée), munie d’un pouvoir spécial
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Madame Olivia VORAZ, Juge, Présidente
M. René BERTOLINI, Assesseur employeur,
Madame Tedjinia-Teddy LOUAFIA, Assesseur salarié,
assistés de Mme Fabienne RAVAT,greffier,
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE
Audience publique du 27 Novembre 2024
JUGEMENT :
A l’audience publique du 27 Novembre 2024 , après débats, l’affaire a été mise en délibéré, avis a été donné aux parties par le tribunal que le jugement sera prononcé à la date du 22 Janvier 2025 par la mise à disposition au greffe, Contradictoire, en premier ressort.
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Copie exécutoire délivrée à :CPAM DE LA LOIRE ATLANTIQUE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Par courrier du 15 mars 2021, notifié le 17 mars 2021, la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de la Loire Atlantique a adressé à la SAS AGIS, copie de la déclaration de maladie professionnelle établie par sa salariée Madame [G] [B] le 19 février 2021 et accompagnée d’un certificat médical initial du 09 février 2021 faisant état d’une « tendinopathie de la coiffe d’origine conflictuelle- acromioplastie de l’épaule droite ».
La CPAM de la Loire Atlantique a estimé nécessaire de diligenter une instruction.
Par courrier du 28 juin 2021, notifié le 30 juin 2021, la CPAM de la Loire Atlantique a informé la SAS AGIS de la prise en charge de la maladie de Madame [G] [B], au titre de la législation sur les risques professionnels et du tableau n°57 : Affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail.
La SAS AGIS a contesté cette décision devant la commission de recours amiable (CRA) de la caisse.
La CRA ayant implicitement rejeté sa demande et déclaré la maladie professionnelle de Madame [G] [B] comme lui étant opposable, la SAS AGIS a saisi le pôle social du tribunal judiciaire d’Avignon, par requête adressée le 10 novembre 2021 d’un recours à l’encontre de cette décision.
Cette affaire a été fixée et évoquée à l’audience du 27 novembre 2024.
Par conclusions déposées et soutenues oralement par son avocat, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens et arguments, la SAS AGIS demande au tribunal de :
– Déclarer recevable et bien fondé son recours ;
– Constater que la CPAM n’a laissé aucun délai à la société AGIS pour consulter les pièces du dossier à l’issue de la phase permettant aux parties de consulter les éléments recueillis et de former des observations ;
– Déclarer inopposable à la société AGIS la décision de prise en charge par la CPAM de la maladie professionnelle déclarée par Madame [B].
Par conclusions déposées et soutenues oralement pas sa représentante, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens et arguments, la CPAM de la Loire Atlantique demande au tribunal de:
– Rejeter l’ensemble des demandes de la société AGIS ;
– Dire opposable à la société AGIS, la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de la maladie professionnelle déclarée par Madame [G] [B];
– condamner la société AGIS aux dépens.
Cette affaire a été retenue et mise en délibéré au 22 janvier 2025.
A titre liminaire, il convient de rappeler que les demandes tendant à voir « constater » ou « prendre acte » ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4 et 5 du code de procédure civile et ne saisissent pas le tribunal, de même que les demandes tendant à voir « dire et juger » lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.
Sur le délai de consultation passive
Les dispositions de l’article R.461-9 III du code de la sécurité sociale prévoient que « A l’issue de ses investigations et au plus tard cent jours francs à compter de la date mentionnée au deuxième alinéa du I, la caisse met le dossier prévu à l’article R.441-14 à disposition de la victime ou de ses représentants ainsi qu’à celle de l’employeur auquel la décision est susceptible de faire grief.
La victime ou ses représentants et l’employeur disposent d’un délai de dix jours francs pour le consulter et faire connaître leurs observations, qui sont annexées au dossier. Au terme de ce délai, la victime ou ses représentants et l’employeur peuvent consulter le dossier sans formuler d’observations.
La caisse informe la victime ou ses représentants et l’employeur des dates d’ouverture et de clôture de la période au cours de laquelle ils peuvent consulter le dossier ainsi que de celle au cours de laquelle ils peuvent formuler des observations, par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information et au plus tard dix jours francs avant le début de la période de consultation. ».
La SAS AGIS soutient que la caisse a manqué au principe du contradictoire en rendant sa décision de prise en charge le 28 juin 2021 alors que la période de consultation du dossier pour observations expirait le 25 juin 2021, réduisant ainsi le délai de consultation passive.
La CPAM de la Loire Atlantique fait valoir que l’inopposabilité sanctionne la seule méconnaissance du principe du contradictoire résultant de ce que l’employeur n’aurait pas été en mesure de faire valoir utilement ses observations pendant le délai règlementaire de 10 jours francs, en l’espèce du 14 au 25 juin 2021, ce qui n’est nullement le cas en l’espèce. La caisse considère que la décision de prise en charge intervenue le 28 juin 2021 pouvait parfaitement être prise avant le terme du délai de consultation passive fixé le 05 juillet 2021.
Le tribunal relève que si les dispositions de l’article R.461-9 III précité prévoient un délai de consultation sans possibilité de formuler d’observation, la durée d’un tel délai n’y est nullement précisée. Il ne permet pas d’ajouter des pièces au dossier et constitue donc un simple droit d’accès à ce dernier. Le texte n’impose ainsi pas à la caisse de différer sa prise de décision si elle est d’ores et déjà en mesure de la prendre.
En effet, seul le non-respect du contradictoire au cours de la première phase de consultation de dix jours francs est susceptible d’entrainer l’inopposabilité de la décision de prise en charge, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
Compte tenu de ce qui précède, en rendant sa décision de prise en charge le 28 juin 2021, au terme du délai de consultation avec observations expiré le 25 juin 2021 et pendant le délai de consultation passive dont le terme était fixé au 05 juillet 2021, la CPAM de la Loire Atlantique n’a pas violé le principe du contradictoire, de sorte que la SAS AGIS sera déboutée de sa demande d’inopposabilité de la décision de prise en charge contestée, laquelle lui sera déclarée opposable.
Sur les dépens
En application de l’article 696 du code de procédure civile, la SAS AGIS succombant, sera condamnée aux dépens.
Le pôle social du tribunal judiciaire d’Avignon, statuant après débats en audience publique par jugement mis à la disposition des parties, contradictoire et en premier ressort :
Dit n’y avoir lieu à statuer sur la recevabilité du recours ;
Déclare opposable à la SAS AGIS la décision de prise en charge de la caisse primaire d’assurance maladie de la Loire Atlantique du 28 juin 2021 de la pathologie « tendinopathie de la coiffe d’origine conflictuelle- acromioplastie de l’épaule droite » présentée par Madame [G] [B] au titre de la législation professionnelle ;
Condamne la SAS AGIS aux dépens de l’instance.
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe du pôle social du tribunal judiciaire d’Avignon le 22 janvier 2025.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
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