Prise en charge d’un accident du travail : respect des procédures et du contradictoire

·

·

Prise en charge d’un accident du travail : respect des procédures et du contradictoire

L’Essentiel : Monsieur [L] [B], ouvrier intérimaire à la SAS CRIT, a subi un accident du travail le 14 août 2020, causé par un élément en béton, entraînant des fractures aux chevilles. La CPAM a pris en charge l’accident le 13 novembre 2020, décision contestée par la SAS CRIT. Après un rejet de la Commission de Recours Amiable, la société a saisi le Tribunal judiciaire de Paris, qui a radié l’instance en janvier 2023. La SAS CRIT a demandé une réinscription, et lors de l’audience du 13 novembre 2024, le tribunal a confirmé la prise en charge par la CPAM.

Accident du travail de Monsieur [B]

Monsieur [L] [B], ouvrier d’exécution en intérim au sein de la SAS CRIT, a subi un accident du travail le 14 août 2020. La déclaration d’accident, faite par l’employeur le 17 août 2020, indique que la victime a été heurtée par un élément en béton, entraînant des douleurs aux chevilles. Un certificat médical du 15 août 2020 a confirmé des fractures aux chevilles gauche et droite.

Prise en charge par la CPAM

La Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) de l’ARTOIS a pris en charge l’accident au titre de la législation professionnelle par une décision du 13 novembre 2020, après avoir instruit le dossier. La SAS CRIT a contesté cette décision, arguant que les faits n’étaient pas établis et que le principe du contradictoire n’avait pas été respecté.

Recours de la SAS CRIT

La SAS CRIT a saisi la Commission de Recours Amiable le 8 janvier 2021, qui a rejeté sa demande le 9 février 2021. Par la suite, la SAS CRIT a introduit un recours devant le Tribunal judiciaire de Paris, qui a été retenu pour audience le 7 décembre 2022. Cependant, le tribunal a radié l’instance le 3 janvier 2023 en raison de l’absence de la requérante.

Demande de réinscription et audience

La SAS CRIT a demandé la réinscription de l’affaire le 19 décembre 2023, et l’audience a été convoquée pour le 28 août 2024, avec un renvoi à une nouvelle audience le 13 novembre 2024. Lors de cette audience, la SAS CRIT a demandé l’infirmation de la décision de la CPAM et la déclaration de l’inopposabilité de la prise en charge de l’accident.

Position de la CPAM

La CPAM a soutenu que la prise en charge de l’accident était fondée et opposable à la SAS CRIT, demandant le déboutement de cette dernière. Le tribunal a examiné la recevabilité du recours et le respect du principe du contradictoire, concluant que la CPAM avait respecté les délais et procédures d’information.

Décision du Tribunal

Le Tribunal a déclaré la SAS CRIT recevable dans son recours, mais a débouté la société de sa demande d’inopposabilité de la décision de prise en charge de l’accident. La SAS CRIT a été condamnée aux dépens, et l’exécution provisoire a été ordonnée. Le jugement a été rendu le 22 janvier 2025.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le cadre légal concernant la prise en charge des accidents du travail ?

La prise en charge des accidents du travail est régie par le Code de la sécurité sociale, notamment par l’article L. 411-1 qui stipule :

« Tout accident survenu à un salarié dans le cadre de son travail est considéré comme un accident du travail, sauf preuve du contraire. »

En vertu de cet article, la présomption d’imputabilité à l’accident du travail est en faveur du salarié, ce qui signifie que l’employeur doit prouver que l’accident ne relève pas de cette qualification.

De plus, l’article R. 441-8 du même code précise les modalités d’instruction des accidents du travail :

« I.-Lorsque la caisse engage des investigations, elle dispose d’un délai de quatre-vingt-dix jours francs à compter de la date à laquelle elle dispose de la déclaration d’accident et du certificat médical initial pour statuer sur le caractère professionnel de l’accident. »

Cet article établit les délais et les obligations de la caisse d’assurance maladie pour informer les parties concernées et recueillir leurs observations.

Quelles sont les obligations de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie en matière de respect du contradictoire ?

L’article R. 441-8 du Code de la sécurité sociale impose à la Caisse de respecter le principe du contradictoire lors de l’instruction des accidents du travail.

Il est précisé que :

« La caisse adresse un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l’accident à l’employeur ainsi qu’à la victime ou ses représentants, dans le délai de trente jours francs mentionné à l’article R. 441-7. »

Cela signifie que la Caisse doit permettre à l’employeur et à la victime de formuler des observations sur le dossier avant la prise de décision.

En l’espèce, la Caisse a informé la SAS CRIT des dates d’ouverture et de clôture des phases de consultation, ce qui est conforme aux exigences légales.

La SAS CRIT a cependant allégué des difficultés d’accès à la plateforme de consultation, mais n’a pas prouvé que ses demandes avaient été refusées, ce qui a conduit le tribunal à considérer que le principe du contradictoire avait été respecté.

Quels sont les effets de la décision de la Commission de Recours Amiable sur le recours judiciaire ?

La décision de la Commission de Recours Amiable est un acte administratif qui peut être contesté devant le tribunal judiciaire.

L’article R. 142-10-6 du Code de la sécurité sociale stipule que :

« Les décisions de la Commission de Recours Amiable peuvent faire l’objet d’un recours devant le tribunal judiciaire dans un délai de deux mois à compter de leur notification. »

Dans le cas présent, la SAS CRIT a saisi le tribunal dans les délais impartis, ce qui rend son recours recevable.

Cependant, le tribunal a jugé que la demande d’inopposabilité de la décision de prise en charge de l’accident était infondée, car la Caisse avait respecté les procédures légales.

Quelles sont les conséquences financières pour la SAS CRIT suite à la décision du tribunal ?

Conformément à l’article 696 du Code de procédure civile, la partie qui succombe dans ses prétentions est condamnée aux dépens.

Dans cette affaire, la SAS CRIT, ayant été déboutée de sa demande, a été condamnée aux dépens, ce qui signifie qu’elle devra supporter les frais de justice liés à la procédure.

De plus, le tribunal a ordonné l’exécution provisoire de sa décision, ce qui permet à la Caisse de mettre en œuvre immédiatement la prise en charge de l’accident, même en cas d’appel.

Cela souligne l’importance de la décision du tribunal et les implications financières pour la SAS CRIT, qui doit non seulement faire face aux dépens, mais également à la prise en charge des conséquences de l’accident.

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] 2 Expéditions exécutoires délivrées aux parties en LRAR le :
2 Expéditions délivrées aux avocats en LS le :

PS ctx protection soc 3

N° RG 24/02955 – N° Portalis 352J-W-B7H-C5LHX

N° MINUTE :

Requête du :

19 Décembre 2023

JUGEMENT
rendu le 22 Janvier 2025
DEMANDERESSE

S.A.S. CRIT
[Adresse 2]
[Localité 4]

Représenté par Monsieur [M] [F] [Z], muni d’un pouvoir spécial

DÉFENDERESSE

CPAM D’ARTOIS
[Adresse 1]
[Localité 3]

Représentée par Maître Amy TABOURE de la SELARL KATO & LEFEBVRE ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame RANDOULET, Magistrate
Monsieur BERTAIL, Assesseur
Monsieur SUDRY, Assesseur

assistés de Marie LEFEVRE, Greffière

Décision du 22 Janvier 2025
PS ctx protection soc 3
N° RG 24/02955 – N° Portalis 352J-W-B7H-C5LHX

DEBATS

A l’audience du 13 Novembre 2024 tenue en audience publique, avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 22 Janvier 2025.

JUGEMENT

Rendu par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTION DES PARTIES
Monsieur [L] [B], né le 2 février 1990, ouvrier d’exécution en intérim au sein de la SAS CRIT depuis le 13 août 2020, a été victime d’un accident du travail en date du 14 août 2020 à 9h30.
La déclaration d’accident du travail du 17 août 2020 établie sans réserve par l’employeur mentionne : « Activité de la victime lors de l’accident, selon les informations de l’entreprise utilisatrice, heurt avec un élément en béton, siège des lésions : cheville droite et cheville gauche, nature des lésions : douleurs, la victime a été transportée à [Localité 5] ».
Le certificat médical initial en date du 15 août 2020 établi par le médecin remplaçant docteur [T] mentionne une « fracture bimalléolaire cheville gauche, fracture malléolaire intense cheville droite ».
Par décision du 13 novembre 2020, et après instruction par questionnaire, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) de l’ARTOIS a pris en charge l’accident du 14 août 2020 au titre de la législation professionnelle.
La SAS CRIT a saisi la Commission de Recours Amiable en date du 8 janvier 2021 arguant que la matérialité des faits ne serait pas établie et que le principe du contradictoire n’aurait pas été respecté.
La Commission de Recours Amiable a rejeté explicitement la demande de la SAS CRIT en sa séance du 9 février 2021.
Par lettre recommandée expédiée le 8 avril 2021, reçue au greffe le 13 avril 2021, la SAS CRIT a saisi le Tribunal judiciaire de PARIS d’un recours à l’encontre de la décision de rejet explicite de la Commission de Recours Amiable.
L’affaire a été retenue à l’audience du 7 décembre 2022.
Par jugement en date du 3 janvier 2023, le Tribunal judiciaire de PARIS a prononcé la radiation de l’instance engagée par la SAS CRIT aux motifs que la requérante n’a pas fait connaître au tribunal de céans un motif légitime d’absence.
Par lettre recommandée expédiée le 19 décembre 2023, reçue au greffe le 22 décembre 2023, la SAS CRIT a saisi le Tribunal judiciaire de PARIS aux fins d’une demande de réinscription de l’affaire au rôle.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l’audience du 28 août 2024 à laquelle l’affaire a été renvoyée à l’audience du 13 novembre 2024.
Par conclusions reprises oralement à l’audience, la SAS CRIT, sollicite du tribunal de :
déclarer recevable et bien fondé le recours de la SAS CRIT,infirmer la décision de rejet du 9 février 2020 (sic) de la Commission de Recours Amiable de la caisse primaire d’assurance maladie de l’ArtoisEn conséquence,
déclarer inopposable à l’égard de l’employeur la décision de prise en charge de l’accident du 14 août 2020 déclaré par monsieur [B] ; débouter la Caisse de toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre,
Reprenant oralement ses conclusions reçues le 05 décembre 2022, la CPAM de l’ARTOIS, représentée par son conseil, sollicite du tribunal de :
déclarer la prise en charge au titre de la législation professionnelle de l’accident du 14 août 2020 de Monsieur [L] [B] parfaitement fondée et opposable à la société CRIT ; débouter la SAS CRIT de ses prétentions.MOTIFS DE LA DECISION :
La recevabilité du recours n’est pas contestée.
Sur le respect du principe du contradictoire :Vu l’article R 441-8 du Code de la sécurité sociale,
« I.-Lorsque la caisse engage des investigations, elle dispose d’un délai de quatre-vingt-dix jours francs à compter de la date à laquelle elle dispose de la déclaration d’accident et du certificat médical initial pour statuer sur le caractère professionnel de l’accident.
Dans ce cas, la caisse adresse un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l’accident à l’employeur ainsi qu’à la victime ou ses représentants, dans le délai de trente jours francs mentionné à l’article R. 441-7 et par tout moyen conférant date certaine à sa réception. Ce questionnaire est retourné dans un délai de vingt jours francs à compter de sa date de réception. La caisse peut en outre recourir à une enquête complémentaire. En cas de décès de la victime, la caisse procède obligatoirement à une enquête, sans adresser de questionnaire préalable.
La caisse informe la victime ou ses représentants ainsi que l’employeur de la date d’expiration du délai prévu au premier alinéa lors de l’envoi du questionnaire ou, le cas échéant, lors de l’ouverture de l’enquête.
II.-A l’issue de ses investigations et au plus tard soixante-dix jours francs à compter de la date à laquelle elle dispose de la déclaration d’accident et du certificat médical initial, la caisse met le dossier mentionné à l’article R. 441-14 à la disposition de la victime ou de ses représentants ainsi qu’à celle de l’employeur. Ceux-ci disposent d’un délai de dix jours francs pour le consulter et faire connaître leurs observations, qui sont annexées au dossier. Au terme de ce délai, la victime ou ses représentants et l’employeur peuvent consulter le dossier sans formuler d’observations.
La caisse informe la victime ou ses représentants et l’employeur des dates d’ouverture et de clôture de la période au cours de laquelle ils peuvent consulter le dossier ainsi que de celle au cours de laquelle ils peuvent formuler des observations, par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information et au plus tard dix jours francs avant le début de la période de consultation ».
Ainsi, conformément à ce texte, la Caisse doit informer l’employeur des dates d’ouverture et de clôture des phases de consultation suivantes :
Une phase de consultation d’un délai de 10 jours francs, durant laquelle les parties peuvent émettre des observations.Une seconde phase de consultation « pure », durant un délai « glissant » en référence à la date de prise de décision, permettant aux parties de prendre connaissance des éventuelles observations formulées durant la première phase.En l’espèce, il ressort des éléments du dossier que le 2septembre 2020, la Caisse a informé la SAS CRIT de l’ouverture d’une instruction afin de statuer sur le caractère professionnel de l’accident dont Monsieur [L] [B] a été victime.
En outre, ledit courrier précisait, d’une part, la possibilité pour l’employeur de consulter en ligne les pièces qui constitueraient le dossier et d’y annexer des observations du 29 octobre 2020 au 9 novembre 2020 et d’autre part, qu’au-delà ce délai, le dossier restait consultable jusqu’à la prise de décision à intervenir au plus tard le 18 novembre 2020.
L’employeur était donc informé des dates de la procédure conformément aux dispositions légales.
Il indique pour autant avoir été dans l’impossibilité de faire valoir ses observations en raison d’un problème d’accessibilité à la plateforme dédiée, et ce, malgré de multiples sollicitations auprès de la Caisse. Or, il n’est nullement démontré au préalable par la SAS CRIT que de telles demandes aient effectivement été formulées par l’employeur et refusées par la Caisse.
Par conséquent, les moyens soulevés par la SAS CRIT sur le principe du respect du contradictoire sont inopérants et il y a lieu de débouter la société de sa demande d’inopposabilité.

II. Sur les dépens :
La société CRIT, succombant, sera condamnée aux dépens conformément à l’article 696 du Code de procédure civile.

III. Sur l’exécution provisoire

L’exécution provisoire sera ordonnée en application des dispositions de l’article R. 142-10-6 du code de la sécurité sociale.

PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, mis à disposition au greffe,
DECLARE la SAS CRIT recevable en son recours ;
DEBOUTE la SAS CRIT de sa demande en inopposabilité de la décision de prise en charge par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de l’Artois de l’accident du travail de Monsieur [B] intervenu le 14 août 2020 au titre de la législation sur les risques professionnels ;
CONDAMNE la SAS CRIT aux dépens ;
ORDONNE l’exécution provisoire.
Fait et jugé à Paris le 22 Janvier 2025.

La Greffière La Présidente

N° RG 24/02955 – N° Portalis 352J-W-B7H-C5LHX

EXPÉDITION exécutoire dans l’affaire :

Demandeur : S.A.S. CRIT

Défendeur : CPAM D’ARTOIS

EN CONSÉQUENCE, LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE mande et ordonne :

A tous les huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ladite décision à exécution,
Aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux judiciaires d`y tenir la main,
A tous commandants et officiers de la force publique de prêter main forte lorsqu`ils en seront légalement requis.

En foi de quoi la présente a été signée et délivrée par nous, Directeur de greffe soussigné au greffe du Tribunal judiciaire de Paris.

P/Le Directeur de Greffe

6ème page et dernière


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon