Exécution forcée et validité des titres exécutoires : enjeux et conséquences

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Exécution forcée et validité des titres exécutoires : enjeux et conséquences

L’Essentiel : La SARL NEGOCE VENTE LOCATION MOREAU GRANDLECLERC a obtenu un commandement de payer à l’encontre de la SARL SENSATION TOUT TERRAIN, suite à une ordonnance du tribunal de commerce. En réponse, la SARL STT a demandé l’annulation de ce commandement, arguant de son invalidité. Cependant, le juge de l’exécution a jugé que le commandement reposait sur des titres exécutoires, rendant la demande de nullité irrecevable. La SARL STT a été déboutée de ses demandes et condamnée aux dépens, ainsi qu’à verser 2.000 euros à la SARL NVLMG, conformément à l’article 700 du Code de procédure civile.

Contexte de l’affaire

La SARL NEGOCE VENTE LOCATION MOREAU GRANDLECLERC (SARL NVLMG) a obtenu une ordonnance du tribunal de commerce de Bordeaux le 25 juillet 2023, suivie d’un arrêt de la cour d’appel de Bordeaux le 5 mars 2024. En conséquence, un commandement de payer aux fins de saisie-vente a été délivré à la SARL SENSATION TOUT TERRAIN (SARL STT) le 21 mars 2024.

Demande d’annulation du commandement

En réponse, la SARL STT a assigné la SARL NVLMG devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux le 19 avril 2024, demandant l’annulation du commandement. Lors de l’audience du 10 décembre 2024, la SARL STT a demandé la nullité du commandement et, à titre subsidiaire, un sursis à statuer en attendant la décision du tribunal de commerce. Elle a également demandé la condamnation de la SARL NVLMG aux dépens et le versement de 2.500 euros en vertu de l’article 700 du Code de procédure civile.

Réponse de la SARL NVLMG

La SARL NVLMG a contesté les demandes de la SARL STT, demandant le rejet de toutes les demandes et la condamnation de la SARL STT aux dépens, ainsi qu’un paiement de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile. Elle a soutenu que les décisions ayant conduit à la délivrance du commandement étaient exécutoires et justifiaient l’exécution forcée, précisant que le débat sur le fond de la créance ne relevait pas du juge de l’exécution.

Décision du juge de l’exécution

Le juge a statué que le commandement de payer était fondé sur des titres exécutoires, rendant la demande de nullité irrecevable. Il a également rejeté la demande de sursis à statuer, considérant que la SARL NVLMG disposait déjà d’un titre exécutoire. En conséquence, la SARL STT a été déboutée de toutes ses demandes.

Condamnation aux dépens

Conformément aux dispositions du Code de procédure civile, la SARL STT, en tant que partie perdante, a été condamnée aux dépens et à verser 2.000 euros à la SARL NVLMG sur le fondement de l’article 700. La décision a été déclarée exécutoire de droit à titre provisoire.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de la saisie-vente selon l’article L221-1 du Code des procédures civiles d’exécution ?

L’article L221-1 du Code des procédures civiles d’exécution stipule que :

« Tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, après signification d’un commandement, faire procéder à la saisie et à la vente des biens meubles corporels appartenant à son débiteur, qu’ils soient ou non détenus par ce dernier.

Tout créancier remplissant les mêmes conditions peut se joindre aux opérations de saisie par voie d’opposition.

Lorsque la saisie porte sur des biens qui sont détenus par un tiers et dans les locaux d’habitation de ce dernier, elle est autorisée par le juge de l’exécution. »

Ainsi, pour qu’un créancier puisse procéder à une saisie-vente, il doit être en possession d’un titre exécutoire qui atteste d’une créance liquide et exigible.

La signification d’un commandement est également une étape essentielle dans ce processus.

Il est important de noter que la saisie peut concerner des biens meubles corporels, qu’ils soient détenus par le débiteur ou par un tiers.

Dans le cas présent, la SARL NVLMG a respecté ces conditions, justifiant ainsi la délivrance du commandement de payer aux fins de saisie-vente.

Quelle est la portée de l’ordonnance de référé selon l’article 488 du Code de procédure civile ?

L’article 488 du Code de procédure civile précise que :

« L’ordonnance de référé, en ce qu’elle ne tranche pas le fond du litige, n’a pas, au principal, autorité de la chose jugée. »

Cela signifie que les décisions rendues en référé ne peuvent pas être considérées comme ayant force obligatoire sur le fond du litige.

Elles ne tranchent pas le litige principal et n’ont donc pas d’autorité de chose jugée.

Cependant, il est important de noter que l’article 489 du même code prévoit que l’ordonnance de référé bénéficie d’une exécution provisoire.

Cela permet à la décision de référé d’être exécutée immédiatement, même si elle ne tranche pas le fond du litige.

Dans le contexte de l’affaire, bien que l’ordonnance de référé du 25 juillet 2023 n’ait pas autorité de chose jugée, elle a néanmoins permis la délivrance d’un commandement de payer, car elle était exécutoire.

Quelles sont les implications de l’article 501 du Code de procédure civile sur la force exécutoire d’un jugement ?

L’article 501 du Code de procédure civile stipule que :

« La force exécutoire d’un jugement est acquise dès lors que celui-ci est insusceptible de recours suspensif ou bénéficie de l’exécution provisoire et a fait l’objet d’une notification ou d’une signification. »

Cet article souligne que pour qu’un jugement ait force exécutoire, il doit être soit insusceptible de recours suspensif, soit bénéficier d’une exécution provisoire.

De plus, il doit avoir été notifié ou signifié aux parties concernées.

Dans le cas présent, l’arrêt de la cour d’appel du 5 mars 2024, qui a été signifié le 21 mars 2024, répond à ces critères.

Il est donc considéré comme un titre exécutoire, permettant à la SARL NVLMG de délivrer un commandement de payer aux fins de saisie-vente.

Cela renforce la légitimité de la saisie-vente entreprise par la SARL NVLMG.

Quelles sont les conséquences de la décision sur les dépens selon l’article 696 du Code de procédure civile ?

L’article 696 du Code de procédure civile dispose que :

« La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie. »

Cela signifie que, par principe, la partie qui perd le procès doit supporter les frais de justice, appelés dépens.

Dans le cas présent, la SARL STT, ayant été déboutée de toutes ses demandes, est considérée comme la partie perdante.

Elle sera donc condamnée à payer les dépens, conformément à l’article 696.

Le juge a également la possibilité de condamner la partie perdante à verser une somme à l’autre partie sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, qui traite des frais exposés non compris dans les dépens.

Ainsi, la SARL STT devra également verser 2.000 euros à la SARL NVLMG sur ce fondement, en plus des dépens.

Quelles sont les implications de l’article 700 du Code de procédure civile sur les frais exposés ?

L’article 700 du Code de procédure civile prévoit que :

« Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. »

Cet article permet au juge d’ordonner à la partie perdante de rembourser les frais engagés par l’autre partie, qui ne sont pas inclus dans les dépens.

Dans cette affaire, la SARL STT, en tant que partie perdante, a été condamnée à verser 2.000 euros à la SARL NVLMG sur le fondement de cet article.

Le juge a exercé son pouvoir discrétionnaire en tenant compte de l’équité et de la situation économique de la SARL STT.

Cette disposition vise à garantir que les parties ne subissent pas un préjudice financier excessif en raison des frais de justice engagés dans le cadre du litige.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L’EXECUTION

JUGEMENT DU 21 Janvier 2025

DOSSIER N° RG 24/03258 – N° Portalis DBX6-W-B7I-Y7XR
Minute n° 25/ 16

DEMANDEUR

E.U.R.L. SENSATION TOUT TERRAIN, immatriculée au RCS de Libourne sous le n° 810 789 818, agissant poursuites et diligences de son représentant légal Monsieur [T] [F]
dont le siège social est [Adresse 1]
[Localité 2]

représentée par Maître Jean-Jacques DAHAN, avocat au barreau de BORDEAUX

DEFENDEUR

S.A.R.L. NEGOCE VENTE LOCATION MOREAU GRANDLECLERC (NVLMG), immatriculée au RCS de Bordeaux sous le n° 533 832 333, prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est [Adresse 4]
[Localité 3]

représentée par Maître Damien LORCY, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

JUGE DE L’EXECUTION : Marie BOUGNOUX, Vice-présidente
GREFFIER : Géraldine BORDERIE, Greffier

A l’audience publique tenue le 10 Décembre 2024 en conformité au Code des Procédures Civiles d’Exécution et des articles L 311-12 et L 311-12-1 du Code de l’organisation judiciaire, les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 21 Janvier 2025, et le jugement prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

Le 21 janvier 2025
Formules exécutoires aux avocats + dossiers
Copies Certifiées Conformes
par LRAR + LS aux parties

EXPOSE DU LITIGE

Se prévalant d’une ordonnance du tribunal de commerce de Bordeaux en date du 25 juillet 2023 et d’un arrêt de la cour d’appel de Bordeaux en date du 5 mars 2024, la SARL NEGOCE VENTE LOCATION MOREAU GRANDLECLERC (ci-après SARL NVLMG) a fait délivrer à la SARL SENSATION TOUT TERRAIN (ci-après SARL STT) un commandement de payer aux fins de saisie-vente par acte du 21 mars 2024.

Par acte de commissaire de justice en date du 19 avril 2024, la SARL STT a fait assigner la SARL NVLMG devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux afin de voir annulé ce commandement.

A l’audience du 10 décembre 2024 et dans ses dernières conclusions, la demanderesse sollicite à titre principal que la nullité du commandement du 21 mars 2024 soit prononcée et à titre subsidiaire, un sursis à statuer dans l’attente de la décision du tribunal de commerce de Bordeaux. En tout état de cause, elle sollicite la condamnation de la défenderesse aux dépens et à lui payer la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, la SARL STT fait valoir que les décisions fondant la délivrance du commandement n’ont pas l’autorité de chose jugée et sont erronées sur le fond de leur appréciation.

A l’audience du 10 décembre 2024 et dans ses dernières écritures, la SARL NVLMG conclut au rejet de toutes les demandes et à la condamnation de la demanderesse aux dépens et au paiement d’une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
La SARL NVLMG soutient que les décisions ayant fondé la délivrance du commandement sont néanmoins exécutoires et donc en mesure de justifier la réalisation d’une exécution forcée, plusieurs saisies-attribution ayant du reste été diligentées. Elle souligne que le débat sur le fond de la créance ne relève pas du juge de l’exécution.

L’affaire a été mise en délibéré au 21 janvier 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes principales

– Sur le commandement de payer aux fins de saisie-vente

L’article L221-1 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit : « Tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, après signification d’un commandement, faire procéder à la saisie et à la vente des biens meubles corporels appartenant à son débiteur, qu’ils soient ou non détenus par ce dernier.
Tout créancier remplissant les mêmes conditions peut se joindre aux opérations de saisie par voie d’opposition.
Lorsque la saisie porte sur des biens qui sont détenus par un tiers et dans les locaux d’habitation de ce dernier, elle est autorisée par le juge de l’exécution. »

Si l’article 488 du Code de procédure civile prévoit que l’ordonnance de référé, en ce qu’elle ne tranche pas le fond du litige, n’a pas, au principal, autorité de la chose jugée, l’article 501 du même code définit la force exécutoire d’un jugement acquise dès lors que celui-ci est insusceptible de recours suspensif ou bénéficie de l’exécution provisoire et a fait l’objet d’une notification ou d’une signification.

L’article 489 du Code de procédure civile donne par principe à l’ordonnance de référé l’exécution provisoire.

Enfin, l’article R121-1 alinéa 2 du Code des procédures civiles d’exécution dispose que:
« Le juge de l’exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l’exécution. »

Dès lors, tant l’ordonnance de référé du 25 juillet 2023 signifiée le 19 septembre 2023 que l’arrêt du 5 mars 2024 signifié par acte du 21 mars 2024, sont dotés de la force exécutoire et constituent des titres exécutoires à même de fonder la délivrance d’un commandement de payer aux fins de saisie-vente.

Il n’entre par ailleurs pas dans la compétence de la présente juridiction de statuer sur le fond du litige opposant les parties et de modifier le dispositif des deux décisions susvisées fondant la délivrance du commandement.

La demande de nullité du commandement sera par conséquent rejetée.

– Sur le sursis à statuer

Outre qu’il constitue une exception de procédure devant être soulevée in limine litis, ce qui n’est pas le cas en l’espèce mais n’a pas été soulevée par la défenderesse, le sursis à statuer n’est pas justifié dans la présente instance, la défenderesse disposant d’ores et déjà d’un titre exécutoire fondé sur un arrêt d’appel. Il appartiendra aux parties de prévoir les restitutions nécessaires en cas de décision favorable à la demanderesse, un simple commandement aux fins de saisie-vente qui plus est non poursuivi, n’ayant à ce stade aucune conséquence financière pour la demanderesse.

Cette demande sera donc rejetée.

Sur les autres demandes
Il résulte des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.

En outre l’article 700 du même code prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.

La SARL STT, partie perdante, subira les dépens et sera condamnée au paiement d’une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.

PAR CES MOTIFS
Le Juge de l’exécution statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort,
DEBOUTE la SARL SENSATION TOUT TERRAIN de toutes ses demandes ;
CONDAMNE la SARL SENSATION TOUT TERRAIN à payer à la SARL NEGOCE VENTE LOCATION MOREAU GRANDLECLERC la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE la SARL SENSATION TOUT TERRAIN aux dépens ;
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.
La présente décision a été signée par le Juge de l’exécution et par le Greffier présent lors de sa mise à disposition.

LE GREFFIER, LE JUGE DE L’EXECUTION,


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