L’Essentiel : La société Idzif a promis de vendre quatre lots à Sinemmac pour 310.000 euros, sous condition suspensive d’obtention d’un prêt de 300.000 euros avant le 16 décembre 2022. Après un avenant, le prix a été modifié à 320.000 euros. Sinemmac a assigné Idzif en février 2024, demandant des intérêts moratoires et des frais de justice. Le refus de prêt a été confirmé, rendant la promesse caduque. Le tribunal a ordonné la restitution des fonds séquestrés à Sinemmac et a condamné Idzif à verser des intérêts moratoires, mais a rejeté la demande d’indemnité pour résistance abusive.
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Promesse de vente et conditions suspensivesLa société Idzif a promis de vendre quatre lots d’une copropriété à la société Sinemmac pour un prix de 310.000 euros, sous condition suspensive d’obtention d’un prêt de 300.000 euros au plus tard le 16 décembre 2022. La société Sinemmac a versé une indemnité d’immobilisation de 31.000 euros et une somme de 15.500 euros a été mise en séquestre chez Lbmb Notaires. Un avenant a modifié le prix à 320.000 euros et le taux d’intérêt à 3,10 %, tout en prorogeant les délais d’option et de réalisation de la condition suspensive. Assignation et demandes de SinemmacLa société Sinemmac a assigné Idzif et Lbmb Notaires en février 2024, demandant le paiement d’intérêts moratoires, une indemnité pour résistance abusive, et des frais de justice. Les sociétés assignées n’ont pas constitué avocat, et l’audience a été fixée pour novembre 2024, avec une décision attendue pour janvier 2025. Refus de prêt et caducité de la promesseSinemmac a fait valoir que sa demande de prêt avait été refusée, rendant la promesse caduque. Le refus de prêt a été confirmé par la caisse régionale de crédit agricole, qui a précisé que la décision était indépendante du taux d’intérêt. La condition suspensive a donc échoué sans faute de Sinemmac, entraînant la caducité de la promesse et la restitution des fonds séquestrés. Décision du tribunalLe tribunal a statué que la société Idzif devait restituer les fonds séquestrés à Sinemmac et a condamné Idzif à verser des intérêts moratoires à partir de la mise en demeure. Toutefois, la demande d’indemnité pour résistance abusive a été rejetée, faute de preuve d’un préjudice spécial. Idzif a été condamnée à verser 3.000 euros à Sinemmac au titre de l’article 700 du code de procédure civile. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la nature de la condition suspensive dans le contrat de promesse de vente ?La condition suspensive dans le contrat de promesse de vente est un élément essentiel qui détermine la validité de l’obligation de vente. Selon l’article 1304-1 du Code civil, une condition suspensive est une condition dont l’accomplissement suspend l’exigibilité de l’obligation. Dans le cas présent, la promesse de vente était soumise à l’obtention d’une offre de prêt par la société Sinemmac. L’article 1304-3 du Code civil précise que la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y a intérêt en a empêché l’accomplissement. Ainsi, si la société Sinemmac a fait preuve de diligence dans sa demande de prêt, mais que celle-ci a été refusée sans qu’elle en soit responsable, la condition suspensive a défailli sans faute de sa part. Cela signifie que la promesse de vente est devenue caduque, entraînant la restitution des fonds séquestrés. Quels sont les effets de la caducité de la promesse de vente ?La caducité de la promesse de vente a des conséquences juridiques précises. Selon l’article 1304-6 du Code civil, l’obligation devient pure et simple à compter de l’accomplissement de la condition, mais en cas de défaillance, elle est réputée n’avoir jamais existé. Dans ce cas, la promesse de vente est devenue caduque en raison du refus de prêt, ce qui implique que les parties retournent à la situation antérieure à la promesse. Les fonds séquestrés, qui étaient destinés à garantir l’exécution de la promesse, doivent donc être restitués à la société Sinemmac. Il est important de noter que la caducité ne libère pas nécessairement le débiteur de ses obligations, notamment en ce qui concerne les intérêts ou les indemnités dues. Comment sont calculés les intérêts moratoires en cas de retard de paiement ?Les intérêts moratoires sont régis par l’article 1231-6 du Code civil, qui stipule qu’une créance exigible produit des intérêts à compter de la mise en demeure. Dans cette affaire, la mise en demeure a été effectuée le 13 octobre 2023, ce qui signifie que la société Idzif doit des intérêts à partir de cette date. L’article 1344-1 du même code précise que les intérêts sont dus jusqu’à la date de paiement effectif. Dans ce cas, les fonds ont été libérés le 10 juin 2024, et les intérêts sont donc dus jusqu’à cette date. La somme de 485,69 euros a été calculée en fonction de cette période, conformément aux dispositions légales. Quelles sont les conditions pour obtenir des dommages et intérêts pour résistance abusive ?Pour obtenir des dommages et intérêts pour résistance abusive, il est nécessaire de prouver un préjudice indépendant du seul retard de paiement. L’article 1231-6 alinéa 3 du Code civil stipule que, en cas de mauvaise foi du débiteur, le créancier ne peut obtenir de dommages et intérêts compensatoires qu’à la condition de justifier d’un préjudice distinct. Dans cette affaire, la société Sinemmac n’a pas réussi à démontrer un préjudice spécial, ce qui a conduit le tribunal à rejeter sa demande de 2.500 euros pour résistance abusive. Il est donc essentiel de fournir des éléments de preuve concrets pour justifier une telle demande, au-delà du simple fait du retard de paiement. Quelles sont les implications de l’article 700 du Code de procédure civile dans cette décision ?L’article 700 du Code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à verser une somme à l’autre partie pour couvrir les frais de justice. Dans cette affaire, la société Idzif a été condamnée à verser 3.000 euros à la société Sinemmac sur le fondement de cet article. Cette indemnité vise à compenser les frais engagés par la société Sinemmac pour faire valoir ses droits en justice. Il est important de noter que cette somme est distincte des dommages et intérêts et est accordée à la discrétion du juge, en tenant compte des circonstances de l’affaire. Ainsi, l’article 700 permet de garantir un accès à la justice en allégeant le fardeau financier des parties qui ont dû engager des procédures judiciaires. |
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Expéditions exécutoires délivrées le:
Copies certifiées conformes délivrées le:
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2ème chambre
N° RG 24/02313
N° Portalis 352J-W-B7I-C36MJ
N° MINUTE :
Assignation du :
08 Février 2024
JUGEMENT
rendu le 22 Janvier 2025
DEMANDERESSE
La société SINEMMAC
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Maître Lucas DOMENACH, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C1757
DÉFENDERESSES
La société LBMB NOTAIRES
[Adresse 2]
[Localité 5]
Non représentée
La société IDZIF
[Adresse 6]
[Localité 3]
Non représentée
Décision du 22 Janvier 2025
2ème chambre
N° RG 24/02313 – N° Portalis 352J-W-B7I-C36MJ
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COMPOSITION DU TRIBUNAL
Par application des articles R.212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire et 812 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.
Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.
M. Jérôme HAYEM, Vice-Président, statuant en juge unique.
assisté de Madame Adélie LERESTIF, Greffière.
DÉBATS
A l’audience du 27 Novembre 2024, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 22 Janvier 2025.
JUGEMENT
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Réputé contradictoire et en premier ressort
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte notarié du 12 octobre 2022, la société Idzif a unilatéralement promis de vendre au prix de 310.000 euros 4 lots d’une copropriété sise à [Localité 7] à la société Sinemmac qui a accepté sous condition suspensive d’obtention au plus tard le 16 décembre 2022 d’au moins une offre de prêt d’un montant maximum de 300.000 euros remboursable en 7 ans au taux maximum de 1,70 % l’an. L’indemnité d’immobilisation a été fixée à 31.000 euros et l’expiration du délai d’option au 16 janvier 2023. La société Sinemmac a versé en séquestre une somme de 15.500 euros à la société Lbmb Notaires.
Par avenant du 4 avril 2023, le prix a été porté à 320.000 euros et le taux d’intérêt maximum à 3,10 %, le délai d’option a été prorogé au 12 juin 2023 et celui de réalisation de la condition suspensive de financement au 9 mai 2023.
L’option n’a pas été levée.
Décision du 22 Janvier 2025
2ème chambre
N° RG 24/02313 – N° Portalis 352J-W-B7I-C36MJ
Par actes de commissaire de justice des 7 et 8 février 2024, la société Sinemmac a assigné les sociétés Idzif et Lbmb Notaires devant le tribunal de céans aux fins, en l’état de leurs dernières écritures signifiées le 17 septembre 2024 à la société Idzif et le 19 septembre 2024 à la société Lbmb Notaires, de:
condamner la société Idzif au paiement des intérêts au taux légal à compter du 13 octobre 2023 et jusqu’à libération du séquestre, soit la somme de 485,69 euros,condamner la société Idzif à lui verser une somme de 2.500 euros à titre indemnitaire pour résistance abusive,la condamner à lui verser une somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Les sociétés Idzif et Lbmb Notaires, assignées à personne, n’ont pas constitué avocat.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 octobre 2024 et l’audience de plaidoiries fixée au 27 novembre suivant.
A l’issue des débats, les parties ont été informées que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 22 janvier 2025.
Vu les conclusions de la société Sinemmac signifiées les 17 et 19 septembre 2024;
La société Sinemmac fait valoir:
que sa demande de prêt a été refusée, que la promesse est caduque et les fonds séquestrés doivent lui être remis,que la société Idzif s’est opposée à la restitution des fonds séquestrés jusqu’au 1er juin 2024, qu’ils ont été remis le 10 juin 2024,que la société Idzif lui doit une somme de 2.500 euros pour résistance abusive, outre l’intérêt légal à compter de sa mise en demeure.
Sur ce, l’article 1103 du code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
L’article 1304–3 du code civil prévoit que la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y a intérêt en a empêché l’accomplissement et l’article 1304–6 du même code que l’obligation devient pure et simple à compter de l’accomplissement de la condition mais qu’en cas de défaillance, elle est réputé n’avoir jamais existé.
Le 27 avril 2023, la caisse régionale de crédit agricole d’Ile de France a indiqué rejeter une demande de prêt de la société Sinemmac pour un capital de 300.000 euros remboursable en 7 ans et a précisé le 21 septembre 2023 que ce refus avait été décidé « quel que soit le taux d’intérêt applicable au prêt sollicité ».
Décision du 22 Janvier 2025
2ème chambre
N° RG 24/02313 – N° Portalis 352J-W-B7I-C36MJ
La condition suspensive a donc défailli sans faute du bénéficiaire dès le 27 avril 2023.
Par suite, la promesse est devenue caduque et les fonds séquestrés devaient être restitués à la société Sinemmac.
Le fait que l’indemnité soit exigible ne suffit pas à lui faire produire des intérêts, faute de stipulation en ce sens. Comme le prévoient les articles 1231–6 et 1344–1 du code civil, c’est à compter de la mise en demeure qu’une créance exigible produit des intérêts au taux légal.
La mise en demeure ayant été faite le 13 octobre 2023, la société Idzif doit l’intérêt légal sur les fonds séquestrés à compter de cette date.
Les fonds ayant été libérés le 10 juin 2024, les intérêts sont dus jusqu’à cette date. Mais la demanderesse arrêtant ses comptes et sa demande au 7 juin 2024, il y a lieu de ne condamner la société Idzif que dans les limites de la demande, soit à la somme de 485,69 euros.
Il résulte de l’article 1231–6 alinéa 3 du code civil, disposition spéciale évinçant l’article 1240 du même code, qu’en cas de mauvaise foi du débiteur, le créancier ne peut obtenir de dommages et intérêts compensatoires qu’à la condition de justifier d’un préjudice indépendant du seul retard de paiement.
La société Sinemmac ne justifiant d’aucun préjudice spécial, sa demande pour résistance abusive doit être rejetée.
La société Idzif succombant dans la présente instance, il convient de la condamner à verser à la société Sinemmac une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Le tribunal statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort:
CONDAMNER la société Idzif à payer à la société Sinemmac une somme de 485,69 euros à titre d’intérêts moratoires;
La CONDAMNE à payer à la société Sinemmac une indemnité de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
DÉBOUTE la société Idzif de sa demande tendant à:
condamner la société Idzif à lui verser une somme de 2.500 euros à titre indemnitaire pour résistance abusive;
CONDAMNE la société Idzif aux dépens;
Fait et jugé à Paris le 22 Janvier 2025
La Greffière Le Président
Adélie LERESTIF Jérôme HAYEM
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