L’Essentiel : X, né le 13 novembre 2001 au Maroc, est arrivé en France en 2020. Condamné à 6 mois d’emprisonnement et à une interdiction du territoire français de 3 ans, il a été placé en rétention en décembre 2024. La défense a contesté cette prolongation, arguant l’absence de reconnaissance de sa nationalité marocaine. Cependant, le juge a décidé de prolonger la rétention de 30 jours, estimant que des démarches administratives étaient en cours pour envisager un éloignement vers l’Algérie. Cette décision, prise en premier ressort, peut faire l’objet d’un appel dans les 24 heures.
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Contexte de l’affaireX, se présentant sous le nom de [K] [E], est un individu né le 13 novembre 2001 à [Localité 1] au Maroc. Non documenté, il a déclaré sa nationalité marocaine et est arrivé en France en 2020. Condamnation et mesures d’éloignementLe 4 avril 2022, il a été condamné par le tribunal correctionnel de Toulouse à 6 mois d’emprisonnement et à une interdiction du territoire français (ITF) de 3 ans. Cette ITF a été suivie d’un arrêté de renvoi notifié le 14 novembre 2022. Le 21 décembre 2024, alors qu’il était en garde à vue pour plusieurs infractions, il a été informé de son placement dans un local non pénitentiaire en exécution de la mesure d’éloignement. Prolongation de la rétentionLe 26 décembre 2024, le juge des libertés et de la détention a prolongé la rétention de X pour 26 jours, décision confirmée le 27 décembre 2024. Le 19 janvier 2025, le préfet de la Haute-Garonne a demandé une nouvelle prolongation de 30 jours, soutenue par l’administration lors de l’audience du 20 janvier 2025. Arguments de la défenseLa défense a contesté la prolongation, arguant qu’il n’y avait pas de perspective d’éloignement, car X n’a jamais été reconnu comme ressortissant marocain depuis 2021. Elle a également présenté une ordonnance de la cour d’appel de Toulouse ordonnant sa libération lors d’une précédente prolongation. Analyse judiciaireLe juge a examiné la situation en tenant compte des articles du CESEDA, stipulant que la rétention ne peut être prolongée que si des perspectives raisonnables d’éloignement existent. Bien que la défense ait souligné l’absence de reconnaissance par le Maroc, il a été établi que les autorités algériennes avaient demandé des pièces pour l’identification de X. Décision finaleLe juge a décidé de prolonger la rétention de X pour 30 jours, considérant que les démarches administratives étaient suffisantes pour envisager un éloignement vers l’Algérie. La décision a été prise en premier ressort, avec possibilité d’appel dans les 24 heures suivant son prononcé. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de la rétention administrative selon le CESEDA ?La rétention administrative d’un étranger est régie par le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). Selon l’article L741-3 du CESEDA, un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L’administration doit exercer toute diligence à cet effet. Il est donc impératif que la rétention ne dépasse pas le délai nécessaire pour organiser l’éloignement de l’individu concerné. De plus, l’article L. 742-4 précise que le magistrat peut être saisi pour prolonger la rétention au-delà de trente jours dans des cas spécifiques, tels que l’urgence absolue ou la menace pour l’ordre public. Les conditions de prolongation incluent également des situations où l’impossibilité d’exécuter la décision d’éloignement résulte de la perte de documents de voyage ou de l’obstruction volontaire à l’éloignement. Ainsi, la rétention doit être justifiée par des perspectives raisonnables de mise à exécution de la mesure d’éloignement, ce qui implique que l’administration doit démontrer qu’elle a entrepris des démarches suffisantes pour faciliter cet éloignement. Comment le juge évalue-t-il la nécessité de prolonger la rétention ?Le juge judiciaire a la responsabilité d’évaluer si la prolongation de la rétention est justifiée par des perspectives raisonnables d’éloignement. Cette évaluation se base sur les articles L741-3 et L742-4 du CESEDA. L’article L742-4 stipule que le juge doit apprécier concrètement, au regard des données de chaque situation, si la mesure de rétention et sa poursuite sont justifiées. Les perspectives doivent être réalisables dans le délai maximal de rétention applicable, qui est de 90 jours. Il est important de noter que la démonstration d’un éloignement à bref délai n’est exigée que pour les troisième et quatrième prolongations de la rétention. Ainsi, pour une deuxième prolongation, comme dans le cas de X se disant [K] [E], le juge peut se baser sur des diligences administratives suffisantes sans avoir besoin de prouver un éloignement imminent. La défense a soutenu l’absence de perspectives d’éloignement, mais le juge a constaté que des démarches avaient été entreprises par l’administration, ce qui a permis de justifier la prolongation. Quelles sont les implications de la nationalité sur la rétention et l’éloignement ?La question de la nationalité est cruciale dans le cadre de la rétention et de l’éloignement d’un étranger. Dans le cas de X se disant [K] [E], la défense a argumenté que son client n’était pas reconnu comme ressortissant marocain, ce qui compliquerait son éloignement. L’article L742-4 du CESEDA mentionne que l’impossibilité d’exécuter la décision d’éloignement peut résulter de la perte de documents de voyage ou de la dissimulation de l’identité. Dans ce contexte, la nationalité de l’individu peut influencer la capacité de l’administration à obtenir les documents nécessaires pour procéder à l’éloignement. Il a été établi que X se disant [K] [E] est également connu sous un alias algérien, ce qui ouvre la possibilité d’un éloignement vers l’Algérie. Les autorités consulaires algériennes ont d’ailleurs manifesté leur intérêt en demandant des pièces pour traiter le dossier. Ainsi, même si la nationalité marocaine n’est pas reconnue, cela ne signifie pas qu’il n’existe pas d’autres voies d’éloignement, ce qui a été pris en compte par le juge lors de la décision de prolongation de la rétention. Quels recours sont possibles contre la décision de prolongation de la rétention ?La décision de prolongation de la rétention administrative est susceptible d’appel. Selon les dispositions applicables, les parties ont la possibilité de contester cette décision dans un délai de 24 heures à compter de son prononcé. Le greffier a informé les parties des possibilités et des délais de recours, conformément aux exigences légales. L’appel doit être formulé par déclaration motivée, qui peut être transmise par tous moyens au greffe de la Cour d’appel de Toulouse. Il est également précisé que la déclaration peut être faite de manière privilégiée par courriel, en l’absence de télécopieur disponible. Ce cadre juridique permet aux intéressés de faire valoir leurs droits et de contester les décisions qui les affectent, garantissant ainsi un contrôle judiciaire sur les mesures de rétention. Ainsi, même si la prolongation de la rétention a été ordonnée, les voies de recours demeurent ouvertes pour contester cette décision. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE TOULOUSE
Vice-président
ORDONNANCE PRISE EN APPLICATION DES DISPOSITIONS DU CODE D’ENTRÉE ET DE SÉJOUR DES ETRANGERS
(demande de 2ème prolongation)
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N° de MINUTE N° RG 25/00158 – N° Portalis DBX4-W-B7J-TWPY
le 20 Janvier 2025
Nous, Marion STRICKER,,vice-président désigné par le président du tribunal judiciaire de TOULOUSE, assistée de Emilie BENGUIGUI, greffier ;
En présence de M. [L] [Z] [C], interprète en arabe , assermenté ;
Statuant en audience publique ;
Vu les articles L742-1 à L742-3, L742-4, R743-1 à R743-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
Vu notre saisine par requête de M. PREFET HAUTE-GARONNE reçue le 19 Janvier 2025 à 10 heures 38, concernant : Monsieur [K] [E], né le 13 Novembre 2001 à [Localité 1] (MAROC) (MAROC), de nationalité Marocaine
Vu la précédente ordonnance du Vice-président du Tribunal judiciaire territorialement compétent en date du 26 décembre 2024 à 15h58 ordonnant la prolongation du maintien en rétention administrative de l’intéressé confirmée par ordonnance de la Cour d’appel de Toulouse en date du 27 décembre 2024 à 15h45 ;
Vu l’ensemble des pièces de la procédure ;
Monsieur le Préfet sus-désigné ayant été avisé de la date et de l’heure de l’audience ;
Le conseil de l’intéressé ayant été avisé de la date et de l’heure de l’audience ;
Attendu que l’intéressé et son conseil ont pu prendre connaissance de la requête et de ses pièces annexes ;
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Ouï les observations du représentant de la Préfecture qui a sollicité la prolongation de la mesure de rétention administrative ;
Ouï les observations de l’intéressé ;
Ouï les observations de Me Laurent NAKACHE-HAARFI, avocat au barreau de TOULOUSE ;
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :
X se disant [K] [E], né le 13 novembre 2001 à [Localité 1] (Maroc), non documenté, se déclarant de nationalité marocaine depuis le départ de la procédure et y compris ce jour, serait arrivé en France en 2020.
Il a été condamné par le tribunal correctionnel de Toulouse le 4 avril 2022 à titre principal à une peine de 6 mois d’emprisonnement, et à titre complémentaire à une interdiction du territoire français (ITF) pour 3 ans. Cette ITF a été complétée par un arrêté fixant le pays de renvoi du 14 novembre 2022, notifiée le jour même à 8h50.
C’est au moment de la levée d’une nouvelle mesure de garde à vue le 21 décembre 2024 pour vol en réunion, violences en réunion et non-respect d’une assignation à résidence que lui a été notifié à 18h10 l’arrêté du préfet de la Haute-Garonne, daté du 21 décembre 2024, portant placement dans un local ne relevant pas de l’administration pénitentiaire en exécution de la mesure d’éloignement judiciaire précitée.
Par ordonnance rendue le 26 décembre 2024 à 15h58, le juge des libertés et de la détention de Toulouse a ordonné la prolongation de la rétention de X se disant [K] [E], pour une durée de vingt-six jours, décision confirmée par le magistrat délégué à la cour d’appel de Toulouse par ordonnance rendue le 27 décembre 2024 à 15h45.
Par requête datée du 19 janvier 2025, enregistrée au greffe le même jour à 10h38, le préfet de la Haute-Garonne a demandé la prolongation de la rétention de X se disant [K] [E] dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pour une durée de 30 jours (deuxième prolongation).
A l’audience du 20 janvier 2025, le représentant de la préfecture soutient la demande de prolongation faisant valoir l’ensemble des démarches entreprises par l’administration.
Le conseil de X se disant [K] [E] plaide l’absence de perspective d’éloignement en ce que depuis 2021, son client n’a jamais été éloigné faute d’avoir été reconnu ressortissant marocain. Il produit la dernière ordonnance du 9 juillet 2024 de la cour d’appel de Toulouse au profit de son client (connu également sous un alias algérien : X se disant [N] [M]) ayant ordonné sa libération au stade d’une troisième prolongation.
La décision a été mise en délibéré au jour même.
A titre liminaire, il est constaté que la défense ne soutient pas de fin de non-recevoir.
Sur la prolongation de la rétention
Aux termes de l’article L741-3 du CESEDA un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L’administration exerce toute diligence à cet effet.
Aux termes de l’article L. 742-4 du CESEDA, « le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut, dans les mêmes conditions qu’à l’article L. 742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :
1° En cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public ;
2° Lorsque l’impossibilité d’exécuter la décision d’éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l’intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l’obstruction volontaire faite à son éloignement ;
3° Lorsque la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison :
a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l’exécution de la décision d’éloignement ;
b) de l’absence de moyens de transport.
L’étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l’article L. 742-2.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d’une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n’excède alors pas soixante jours ».
Il appartient au juge judiciaire d’apprécier concrètement au regard des données de chaque situation à la date où il statue, si la mesure de rétention et sa poursuite sont justifiées par des perspectives raisonnables de mise à exécution de la mesure d’éloignement, étant précisé que ces perspectives doivent s’entendre comme celles qui peuvent être réalisées dans le délai maximal de rétention applicable à l’intéressé, soit 90 jours, la démonstration par l’administration d’un éloignement à bref délai n’étant exigée que pour les troisième et quatrième prolongations de la rétention. Les diligences de l’administration doivent présenter un caractère suffisant.
En l’espèce, la défense soutient l’absence de toute perspective raisonnable de mise à exécution de la mesure d’éloignement concernant X se disant [K] [E], le Royaume du Maroc ne l’ayant jamais reconnu depuis 2021 comme ressortissant marocain (il est produit une pièce en sens), tandis que les autorités consulaires algériennes (l’intéressé est connu sous un alias algérien) seraient restées muettes depuis le départ de cette nouvelle procédure de placement en rétention.
Il ressort de la lecture des pièces au soutien de la requête du préfet de la Haute-Garonne et des débats de ce jour que X se disant [K] [E] se proclame de nationalité marocaine alors qu’il est également connu sous un alias de nationalité algérienne. Il a été une nouvelle fois placé en rétention par arrêté préfectoral notifié le 21 décembre 2024.
Il n’est pas contesté par la défense la célérité et l’utilité des diligences de l’administration, laquelle en effet a effectué les démarches nécessaires en vue d’une demande d’identification de l’intéressé le 22 décembre 2024 pour la DGEF, le 23 décembre 2024 pour les autorités consulaires marocaines, le 24 décembre 2024 envers les autorités consulaires algériennes. Suite à la décision judiciaire du 26 décembre 2024, confirmée en appel le 27 décembre 2024, l’administration a poursuivi ses diligences à destination des autorités consulaires algériennes puisque des démarches (transmission de la fiche décadactylaire à leur demande) et relances ont été effectuées les 2 et 17 janvier 2025. L’absence de diligence supplémentaire à destination des autorités consulaires marocaines n’est pas soulevée par la défense qui au contraire souligne que X se disant [K] [E] n’est pas ressortissant marocain.
La défense fait en revanche valoir l’absence de toute perspective raisonnable de mise à exécution de la mesure d’éloignement de X se disant [K] [E] dont il est établi qu’il n’est pas ressortissant marocain, et en l’absence de perspective du côté de l’Algérie, ce qui est inexact : il est établi en procédure que les autorités consulaires algériennes se sont manifestées le 2 janvier 2025, il y a 15 jours, pour réclamer des pièces qui leur ont été envoyées.
Enfin, dès lors que l’intéressé ne saurait se prévaloir de sa propre turpitude alors même qu’il affirme encore à l’audience qu’il est marocain, ce qui relève à l’évidence de la mauvaise foi, étant établi par son propre avocat qu’il n’est pas un ressortissant marocain comme il le prétend, et d’autre part, dès lors qu’il convient d’examiner la situation de X se disant [K] [E] selon les critères de la deuxième prolongation, bien différents de ceux de la troisième prolongation, lesquels sont bien plus restrictifs et avaient conduit à la remise en liberté de l’intéressé il y a 6 mois au stade d’une troisième prolongation (pièce transmise par la défense).
Ainsi, au stade d’une deuxième prolongation qui n’exige pas de perspective à brefs délais, dans la mesure où les diligences effectuées par l’administration permettent d’envisager un éloignement vers l’Algérie avant la fin du délai maximal prévu par la loi, les conditions légales d’une seconde prolongation sont réunies et il sera fait droit à la requête aux fins de prolongation de la rétention de X se disant [K] [E], pour une durée de 30 jours.
Statuant publiquement en premier ressort, par décision assortie de l’exécution provisoire,
ORDONNONS la prolongation de la rétention de X se disant [K] [E], pour une durée de trente jours à l’expiration du précédent délai de vingt-six jours imparti par l’ordonnance prise le 26 décembre 2024 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire territorialement compétent, confirmée par la décision de la cour d’appel du 27 décembre 2024.
Le greffier
Le 20 Janvier 2025 à
Le Vice-président
Les parties soussignées ont reçu notification de la présente décision.
Disons avoir informé l’étranger des possibilités et des délais de recours contre toutes les décisions le concernant.
Rappelons que cette décision est susceptible d’appel dans un délai de 24 heures à compter de son prononcé par déclaration motivée transmise par tous moyens au greffe de la Cour d’appel de Toulouse et de manière privilégiée sur la boîte structurelle [Courriel 2] en l’absence de télécopieur disponible.
signature de l’intéressé
Préfecture avisée par mail
avocat avisé par mail
signature de l’interprète
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