Condamnation et aménagement de peine : enjeux de motivation judiciaire

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Condamnation et aménagement de peine : enjeux de motivation judiciaire

L’Essentiel : Le tribunal correctionnel a condamné Mme [G] [W] le 9 février 2021 pour non-paiement d’une pension alimentaire, lui infligeant six mois d’emprisonnement avec sursis probatoire de deux ans. En appel, Mme [W] conteste cette décision, arguant que la cour n’a pas examiné les possibilités d’aménagement de peine, malgré sa présence à l’audience. La défense souligne que sa résidence à l’île Maurice ne devrait pas empêcher un aménagement. Cependant, la cour d’appel a justifié sa décision en se basant sur l’absence d’alternatives de domicile en France et l’impossibilité d’exécution des peines à l’étranger.

Contexte de l’affaire

Le tribunal correctionnel a rendu un jugement le 9 février 2021, déclarant Mme [G] [W] coupable de non-paiement d’une pension alimentaire. Elle a été condamnée à six mois d’emprisonnement avec sursis probatoire de deux ans, et des décisions ont été prises concernant les intérêts civils.

Appels et contestations

Suite à cette décision, Mme [W] a interjeté appel, tandis que le ministère public a également formé un appel incident. Le moyen soulevé dans le cadre de cet appel critique la condamnation à l’emprisonnement et la révocation du sursis antérieur, en soulignant l’absence d’examen des possibilités d’aménagement de peine.

Arguments de la défense

La défense soutient que la cour d’appel n’a pas respecté son obligation de motivation en ne vérifiant pas si Mme [W], présente à l’audience, avait la possibilité de discuter d’un aménagement de sa peine. Elle conteste également la décision de la cour d’appel, qui a considéré que la résidence de Mme [W] à l’île Maurice rendait impossible tout aménagement de peine.

Réponse de la Cour d’appel

La cour d’appel a justifié sa décision en rappelant les éléments de la personnalité de Mme [W] et sa résidence à l’étranger. Elle a conclu que l’aménagement de peine était impossible, car Mme [W] n’a pas présenté d’alternative de domicile en France ni d’options d’aménagement.

Conséquences juridiques

La cour a également noté qu’aucune disposition légale ne permet l’exécution transfrontalière des peines privatives de liberté, ce qui rend impossible l’aménagement de peine à l’étranger. En conséquence, le moyen soulevé par la défense a été jugé non fondé, et l’arrêt a été déclaré régulier en la forme.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conséquences juridiques du non-paiement d’une pension alimentaire selon le code pénal ?

Le non-paiement d’une pension ou d’une prestation alimentaire est régi par l’article 227-3 du Code pénal, qui stipule que « le fait de ne pas payer une pension alimentaire, en vertu d’une décision de justice, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. »

Cette infraction est considérée comme un délit, et la peine peut être aggravée si le débiteur est en mesure de payer mais refuse de le faire.

En l’espèce, Mme [W] a été condamnée à six mois d’emprisonnement avec sursis pour non-paiement de sa pension alimentaire, ce qui illustre l’application de cette disposition légale.

Quelles sont les conditions d’aménagement de peine selon le code pénal ?

Les articles 132-25 à 132-28 du Code pénal traitent des mesures d’aménagement de peine. L’article 132-25 précise que « le juge peut, à tout moment, aménager la peine d’emprisonnement prononcée, sous réserve que le condamné présente des garanties suffisantes de réinsertion. »

L’article 132-19, quant à lui, impose au juge de motiver sa décision en cas de refus d’aménagement. Il est stipulé que « le juge doit justifier sa décision par des éléments concrets relatifs à la personnalité du condamné et à sa situation. »

Dans le cas de Mme [W], la cour d’appel a estimé que l’aménagement de peine était impossible en raison de sa résidence à l’île Maurice, sans avoir constaté si elle avait la possibilité d’un aménagement en France.

Quels sont les droits de la défense en matière d’aménagement de peine ?

L’article 464-2 du Code de procédure pénale stipule que « le condamné a le droit d’être entendu sur les mesures d’aménagement de sa peine. » Cela signifie que le juge doit permettre au condamné de s’exprimer sur sa situation et sur les possibilités d’aménagement.

L’article 593 du même code précise que « la décision de la cour doit être motivée, notamment en ce qui concerne les éléments qui ont conduit à la décision d’aménagement ou de non-aménagement de la peine. »

Dans le cas présent, la cour d’appel n’a pas suffisamment interrogé Mme [W] sur ses possibilités d’aménagement, ce qui soulève des questions sur le respect de ses droits de défense.

Quelles sont les implications de la résidence à l’étranger sur l’exécution des peines ?

L’article 707-1 du Code de procédure pénale indique que « l’exécution des peines privatives de liberté peut être soumise à des conditions spécifiques lorsque le condamné réside à l’étranger. »

En l’espèce, la cour a retenu que la résidence de Mme [W] à l’île Maurice rendait impossible l’aménagement de sa peine, car aucune disposition légale ne permet l’exécution transfrontalière des peines aménagées.

Cela soulève des questions sur la possibilité d’exécuter des peines à l’étranger et sur les droits des condamnés vivant hors du territoire national.

N° X 24-80.340 F-D

N° 00069

GM
22 JANVIER 2025

REJET

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 22 JANVIER 2025

Mme [G] [W] a formé un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, chambre 5-5, en date du 13 décembre 2023, qui, pour abandon de famille, en récidive, l’a condamnée à six mois d’emprisonnement, a ordonné la révocation d’un sursis, et a prononcé sur les intérêts civils.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de Mme Guerrini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Françoise Fabiani – François Pinatel, avocat de Mme [G] [W], et les conclusions de M. Crocq, avocat général, après débats en l’audience publique du 11 décembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Guerrini, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Par jugement du 9 février 2021, le tribunal correctionnel a déclaré Mme [G] [W] coupable de non-paiement d’une pension ou d’une prestation alimentaire, l’a condamnée à six mois d’emprisonnement avec sursis probatoire pendant deux ans, et a prononcé sur les intérêts civils.

3. Mme [W] a relevé appel de cette décision, le ministère public a formé appel incident.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a condamné Mme [W] à six mois d’emprisonnement délictuel, a ordonné la révocation totale du sursis prononcé le 25 juin 2019 à son égard par arrêt de la chambre des appels correctionnels de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, devenu définitif, l’ayant condamnée à deux mois d’emprisonnement délictuel avec sursis et a constaté l’impossibilité pour la cour d’ordonner l’une des mesures d’aménagement prévues à l’article 13-25 du code pénal, alors « que l’impossibilité matérielle dans laquelle se trouve le juge d’ordonner l’une des mesures d’aménagement prévues aux articles 132-25 à 132-28 du code pénal n’est pas caractérisée lorsque le condamné qui a comparu personnellement à l’audience, n’a pas été mis en mesure de faire état d’une quelconque possibilité d’un éventuel aménagement d’une peine privative de liberté en France ; qu’en retenant, pour refuser d’aménager la peine d’emprisonnement prononcée à l’encontre de Mme [W], que celle-ci résidait à l’Ile Maurice, sans constater que celle-ci, comparant personnellement à l’audience et assistée de son avocat, a été interrogée sur une quelconque possibilité d’un éventuel aménagement d’une peine privative de liberté en France, la cour d’appel n’a pas satisfait à l’obligation spéciale de motivation qui lui est prescrite par la loi, en violation des articles 132-19 et 132-25 du code pénal, 464-2 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

5. Pour dire n’y avoir lieu à aménagement de la peine d’emprisonnement prononcée, l’arrêt attaqué, après avoir rappelé les éléments de la personnalité de Mme [W], et sa résidence à l’île Maurice, retient que cet aménagement est impossible, particulièrement du fait de cette résidence à l’étranger.

6. En l’état de ces énonciations, la cour d’appel a justifié sa décision.

7. En effet, d’une part, Mme [W] ne fait pas état d’un domicile autre que celui qu’elle a déclaré à l’île Maurice, ni d’une possibilité d’un éventuel aménagement d’une peine privative de liberté en France.

8. D’autre part, aucune disposition légale ne prévoit une exécution transfrontalière des peines privatives de liberté faisant l’objet d’un aménagement de peine donnant lieu à une mise sous écrou, de sorte qu’il n’est pas possible de faire exécuter une peine aménagée à l’étranger.

9. En conséquence, le moyen n’est pas fondé.

8. Par ailleurs, l’arrêt est régulier en la forme.


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