L’Essentiel : M. [C] [V], acquitté en juin 2019 d’homicide involontaire, a déposé une requête le 20 octobre 2021 pour obtenir une indemnisation suite à sa détention provisoire. Il a sollicité 25 000 euros pour préjudice moral, 11 500 euros pour préjudice matériel et 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La cour a jugé la requête recevable, accordant finalement 8 000 euros pour le préjudice moral et 1 500 euros pour les frais juridiques, tout en rejetant les autres demandes. La décision a été rendue le 18 novembre 2024.
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Contexte de la requêteM. [C] [V], de nationalité marocaine, a été mis en examen pour homicide volontaire en mai 2014 et placé en détention provisoire. Il a été libéré sous contrôle judiciaire en juin 2014. En juin 2019, il a été acquitté des charges de violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner. En juin 2021, la cour d’assises d’appel a confirmé cet acquittement, rendant la décision définitive. Demande d’indemnisationLe 20 octobre 2021, M. [V] a déposé une requête auprès de la cour d’appel de Paris pour obtenir une indemnisation pour sa détention provisoire, sollicitant des réparations pour préjudice moral, matériel et des frais juridiques. Il a demandé 25 000 euros pour le préjudice moral, 11 500 euros pour le préjudice matériel et 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Réponses des partiesL’agent judiciaire de l’État a demandé l’irrecevabilité de la requête, tout en proposant une indemnisation réduite à 7 400 euros pour le préjudice moral et le rejet des demandes de préjudice matériel. Le Ministère Public a également plaidé pour l’irrecevabilité, mais a admis la recevabilité pour une détention de 45 jours, tout en soutenant le rejet des demandes de préjudice matériel. Recevabilité de la requêteLa cour a jugé la requête recevable, notant que M. [V] avait respecté le délai de six mois pour demander réparation après son acquittement. La demande était conforme aux exigences du Code de procédure pénale, et la décision d’acquittement ne relevait d’aucun cas d’exclusion. Évaluation du préjudice moralM. [V] a fait valoir que son isolement en détention, l’éloignement de sa compagne et les conditions de détention avaient aggravé son préjudice moral. L’agent judiciaire a contesté ces éléments, arguant que l’isolement était de son propre fait et que les conditions de détention n’étaient pas pertinentes. La cour a finalement accordé 8 000 euros pour le préjudice moral. Évaluation du préjudice matérielConcernant la perte de revenus, M. [V] a demandé 2 500 euros, mais n’a pas fourni de justificatifs. La cour a rejeté cette demande, notant l’absence de preuves concernant sa rémunération. Pour la perte de chance, M. [V] a sollicité 9 000 euros, mais la cour a estimé qu’il n’avait pas démontré que son incarcération avait causé son départ de la légion étrangère. Décision finaleLa cour a déclaré la requête de M. [C] [V] recevable et a accordé 8 000 euros pour le préjudice moral et 1 500 euros pour les frais juridiques, tout en rejetant le surplus des demandes. Les dépens ont été laissés à la charge de l’État. La décision a été rendue le 18 novembre 2024, avec une prorogation pour mise à disposition de l’arrêt au greffe. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la recevabilité de la requête de M. [C] [V] en vertu des articles 149 et suivants du Code de Procédure Pénale ?La recevabilité de la requête de M. [C] [V] est régie par les articles 149, 149-1, 149-2 et R.26 du Code de Procédure Pénale. Selon l’article 149, toute personne ayant fait l’objet d’une détention provisoire, dont la procédure a abouti à une décision de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement, a droit à une réparation intégrale du préjudice moral et matériel causé par cette détention. L’article 149-1 précise que la demande d’indemnisation doit être faite dans un délai de six mois à compter de la décision définitive. Ce délai ne commence à courir que si la personne a été informée de son droit à réparation. Dans le cas présent, M. [V] a déposé sa requête le 20 octobre 2021, soit dans le délai de six mois suivant la décision d’acquittement du 18 juin 2021, qui est devenue définitive. La requête contient l’exposé des faits, le montant de la réparation demandée, et est signée par son avocat, conformément aux exigences de l’article R.26. Ainsi, la requête de M. [V] est jugée recevable pour une durée de détention de 45 jours, car elle respecte les conditions posées par les articles précités. Comment est évalué le préjudice moral de M. [C] [V] ?L’évaluation du préjudice moral de M. [C] [V] repose sur plusieurs éléments, notamment son état psychologique, ses conditions de détention, et l’impact de son incarcération sur sa vie personnelle. L’agent judiciaire de l’État a contesté la demande de M. [V] en arguant que son état de santé et les conditions de détention ne peuvent pas être retenus comme aggravants, car ils ne sont pas directement liés à la détention provisoire. L’article 149 du Code de Procédure Pénale stipule que la réparation doit être intégrale, mais cela ne signifie pas que tous les éléments invoqués par le requérant seront pris en compte. En effet, le tribunal a noté que le sentiment d’injustice ressenti par M. [V] est imputable à la procédure pénale elle-même et non à la détention. Au final, le tribunal a décidé d’allouer 8 000 euros à M. [V] en réparation de son préjudice moral, en tenant compte de son statut de détenu sans antécédents judiciaires et de l’impact psychologique de son incarcération, tout en écartant les éléments non prouvés ou non pertinents. Quelles sont les conclusions concernant le préjudice matériel de M. [C] [V] ?Concernant le préjudice matériel, M. [C] [V] a sollicité des réparations pour perte de revenus et perte de chance. Pour la perte de revenus, il a demandé 2 500 euros, affirmant qu’il n’avait pas perçu sa solde de légionnaire durant sa détention. Cependant, l’agent judiciaire de l’État a souligné l’absence de justificatifs, tels que des bulletins de paie ou un contrat de travail, pour prouver la réalité de ce préjudice. L’article 149 du Code de Procédure Pénale exige que le préjudice soit prouvé par des éléments tangibles. En l’absence de documents attestant de la perte de revenus, la demande a été rejetée. Pour la perte de chance, M. [V] a demandé 9 000 euros, soutenant qu’il aurait eu de fortes chances d’être promu s’il n’avait pas été incarcéré. Cependant, là encore, aucun justificatif n’a été produit pour prouver qu’il suivait une formation de mécanicien ou qu’il aurait été promu. Le tribunal a conclu que la cause de son départ de la légion étrangère n’était pas démontrée et a donc rejeté cette demande également. En résumé, M. [C] [V] n’a pas réussi à prouver son préjudice matériel, et toutes ses demandes à ce titre ont été rejetées. Quelle est la décision finale concernant les frais irrépétibles au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ?La décision finale concernant les frais irrépétibles est fondée sur l’article 700 du Code de Procédure Civile, qui permet au juge d’allouer une somme à une partie pour couvrir ses frais de justice, lorsque celle-ci a été contrainte de défendre ses droits en justice. Dans ce cas, bien que M. [C] [V] ait été débouté de la majorité de ses demandes, le tribunal a reconnu qu’il serait inéquitable de le laisser supporter l’intégralité de ses frais. Ainsi, le tribunal a décidé d’allouer à M. [C] [V] une somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700, en tenant compte des circonstances de l’affaire et du fait qu’il a partiellement obtenu gain de cause concernant son préjudice moral. Cette décision souligne l’importance de la protection des droits des justiciables, même lorsque leurs demandes sont en grande partie rejetées. |
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Chambre 1-5DP
RÉPARATION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES
DÉCISION DU 20 Janvier 2025
(n° , 5 pages)
N°de répertoire général : N° RG 21/19869 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEVLO
Décision contradictoire en premier ressort ;
Nous, Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre, à la cour d’appel, agissant par délégation du premier président, assisté de [O] [H], Greffière stagiaire lors des débats et de la mise à disposition avons rendu la décision suivante :
né le [Date naissance 2] 1986 à [Localité 4] ( MAROC), demeurant [Adresse 3]
Non comparant
Représenté par Maître Henri DE BEAUREGARD, avocat au barreau de PARIS
Vu les pièces jointes à cette requête ;
Vu les conclusions de l’Agent Judiciaire de l’Etat, notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;
Vu les conclusions du procureur général notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;
Vu les lettres recommandées avec avis de réception par lesquelles a été notifiée aux parties la date de l’audience fixée au 07 Octobre 2024 ;
Entendu Maître Henri DE BEAUREGARD représentant Monsieur [C] [V],
Entendu Maître Anne-Laure ARCHAMBAULT, avocat au barreau de PARIS représentant l’Agent Judiciaire de l’Etat,
Entendue Madame Laure DE CHOISEUL, magistrate honoraire,
Les débats ayant eu lieu en audience publique, le conseil du requérant ayant eu la parole en dernier ;
Vu les articles 149, 149-1, 149-2, 149-3, 149-4, 150 et R.26 à R40-7 du Code de Procédure Pénale ;
* * *
M. [C] [V], né le [Date naissance 2] 1986, de nationalité marocaine, a été mis en examen du chef d’homicide volontaire le 05 mai 2014 par un juge d’instruction du tribunal de grande instance de Paris. Par ordonnance du juge des libertés et de la détention de la même juridiction, il a été placé en détention provisoire à la maison d’arrêt de [Localité 5].
Par ordonnance du 19 juin 2014, le magistrat instructeur a remis en liberté M. [V] et l’a placé sous contrôle judiciaire.
Par arrêt du 21 juin 2019, la cour d’assises de Paris a acquitté M. [V] du chef de violences avec usage ou menace d’une arme ayant entraîné la mort sans intention de la donner.
Sur appel du Ministère Public, par arrêt du 18 juin 2021, la cour d’assises d’appel de Seine-Saint-Denis a acquitté le requérant. Cette décision est devenue définitive à son égard comme en atteste le certificat de non pourvoi du 19 juillet 2024.
Le 20 octobre 2021, M. [V] a adressé une requête au premier président de la cour d’appel de Paris en vue d’être indemnisé de sa détention provisoire en application de l’article 149 du code de procédure pénale et sollicite dans celle-ci, de :
– Déclarer recevable et bien fondée la demande d’indemnisation ;
– Ordonner l’allocation au bénéfice de M. [V] des sommes suivantes :
– 25 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
– 11 500 euros en réparation de son préjudice matériel ;
– 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA, déposées le 15 juillet 2024 et développées oralement, l’agent judiciaire de l’Etat demande au premier président de :
A titre principal
– Déclarer irrecevable la requête de M. [V] ;
A titre subsidiaire
– Réduire à de plus justes proportions qui ne sauraient excéder la somme de 7 400 euros l’indemnité qui sera allouée à M. [V] en réparation de son préjudice moral ;
– Rejeter la demande d’indemnisation de M. [V] en réparation de son préjudice matériel ;
– Réduire à de plus justes proportions la demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le Ministère Public, dans ses dernières conclusions notifiées le 10 juillet 2024 et reprises oralement à l’audience, conclut :
A titre principal
– A l’irrecevabilité de la requête ;
A titre subsidiaire
– A la recevabilité de la requête pour une détention provisoire de 45 jours ;
– A la réparation du préjudice moral dans les conditions indiquées ;
– Au rejet de la demande de réparation du préjudice matériel.
Sur la recevabilité
Au regard des dispositions des articles 149, 149-1, 149-2 et R.26 du code de procédure pénale, la personne qui a fait l’objet d’une détention provisoire au cours d’une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, relaxe ou acquittement devenue définitive, a droit, à sa demande, à la réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention.
Il lui appartient dans les six mois de cette décision, de saisir le premier président de la cour d’appel dans le ressort de laquelle celle-ci a été prononcée, par une requête, signée de sa main ou d’un mandataire, remise contre récépissé ou par lettre recommandée avec accusé de réception au greffe de la cour d’appel. Cette requête doit contenir l’exposé des faits, le montant de la réparation demandée et toutes indications utiles prévues à l’article R.26 du même code.
Le délai de six mois ne court à compter de la décision définitive que si la personne a été avisée de son droit de demander réparation ainsi que des dispositions des articles 149-1, 149-2 et 149-3 du code précité.
En l’espèce, M. [V] a présenté sa requête en vue d’être indemnisé de sa détention provisoire le 20 octobre 2021, dans le délai de six mois suivant le jour où la décision d’acquittement du 18 juin 2021 est devenue définitive. Cette requête contenant l’exposé des faits, le montant de la réparation demandée, ainsi que le certificat de non pourvoi, est signée par son avocat et la décision d’acquittement n’est pas fondée sur un des cas d’exclusions visé à l’article 149 du code de procédure pénale.
Par conséquent, la requête du requérant est recevable pour une durée de détention de 45 jours.
Sur l’indemnisation
– Sur le préjudice moral
Le requérant soutient qu’il n’avait pas d’antécédents judiciaires puisque son casier judiciaire était vierge. L’éloignement de sa compagne avec laquelle il s’est marié le [Date mariage 1] 2015 et a eu deux enfants nés en 2015 et 2016, son isolement en détention du fait de sa profession dans l’armée française, mal considérée par certains détenus, l’exposant à un réel danger, son éloignement avec sa famille qu’il n’a pas prévenu par crainte de perturber sa mère ont aggravé son préjudice moral. De même, les conditions de détention particulièrement éprouvantes au sein de la maison d’arrêt de [Localité 5] en raison de la surpopulation de celle-ci qui était de 150% en juin 2016, et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a également constaté cette surpopulation dans ses rapports de 2010 et de 2018. Le requérant fait également mention d’un état dépressif majeur attesté par l’expert psychiatre et une psychanalyste. Il a également souffert d’une atteinte à son image et à sa réputation. C’est pourquoi, M. [V] sollicite une somme de 25 000 euros en réparation de son préjudice moral.
L’agent judiciaire de l’Etat indique que l’absence de passé carcéral est un élément de base du préjudice moral subi. S’agissant de l’éloignement familial, le requérant sa compagne et sa famille mais c’était son souhait de ne pas les prévenir de son incarcération. Cet élément ne pourra pas être pris en compte. Dans la mesure où les rapports évoqués du Contrôleur général ne sont pas concomitants à la période où il a été placé en détention provisoire, les conditions de détention ne pourront pas être retenues au titre de l’aggravation du préjudice moral. L’état de santé de M. [V] ne pourra pas non plus être retenu car il est dû aux faits poursuivis et non pas au placement en détention provisoire. La médiatisation de l’affaire ne saurait être un facteur d’aggravation du préjudice moral du requérant. C’est ainsi que l’AJE se propose d’allouer une somme de 7 400 euros en réparation du préjudice moral.
Le Ministère Public soutient qu’il ne s’agissait de la première incarcération du requérant qui n’avait jamais été incarcéré auparavant. Son choc carcéral a été plein et entier. S’agissant de l’éloignement familial, ses enfants sont nés postérieurement à son placement en détention provisoire et c’est ainsi que seul l’éloignement d’avec sa compagne pourra être pris en compte. L’isolement du fait de sa profession n’est justifié que par les propres dires du requérant à l’expert judiciaire et ne peut être retenu. Les différents rapports relatifs aux conditions de détention difficiles sont tous réalisés entre deux et quatre ans après son incarcération et ne peuvent être retenus. L’atteinte à l’image et à la réputation ne résultent que des seules déclarations de M. [V] auprès de l’expert judiciaire et ne constitue pas un élément de preuve. Cet élément ne sera pas retenu au titre de l’aggravation du préjudice moral.
Il ressort des pièces produites aux débats qu’au moment de son incarcération M. [V] était âgé de 27 ans, était célibataire et sans enfant. Le bulletin numéro 1 de son casier judiciaire ne porte trace d’aucune condamnation pénale. C’est ainsi que le choc carcéral initial de M. [V] est important.
Il y a lieu de retenir également le fait qu’il a été séparé de sa compagne, mais pas de ses deux enfants qui sont nés après sa remise en liberté. La séparation d’avec sa famille est de son fait puisqu’il n’a pas voulu que celle-ci soit au courant de son incarcération.
Concernant le préjudice d’atteinte à son image et à sa réputation, ce dernier ne résulte que des seules déclarations du requérant devant l’expert judiciaire et la médiatisation de l’affaire est liée à la procédure pénale elle-même et non pas au placement en détention provisoire.et c’est ainsi que cet élément ne sera donc pas retenu au titre de l’aggravation du préjudice moral.
Par contre, concernant les conditions de détention indignes, le requérant produit deux rapports de 2010 et de 20189 du Contrôleur général des lieux de privation de liberté qui ne sont pas concomitants à la période où il a été placé en détention provisoire, et il en est de même de l’article de presse produit aux débats. Cet élément ne pourra donc être retenu au titre de l’aggravation du préjudice moral du requérant.
Le sentiment d’injustice d’être accusé à tord alors qu’il a toujours clamé son innocence est imputable à la procédure pénale et non pas au placement en détention provisoire. Cela ne constitue donc pas un facteur d’aggravation du préjudice moral.
L’état de santé du requérant qui a été considéré comme étant un état dépressif majeur résulte du rapport d’expertise judiciaire pénal, mais l’état antérieur de M. [V] n’est pas connu, de sorte que cet élément ne peut être que partiellement pris en compte.
Au vu de ces différents éléments, il sera alloué une somme de 8 000 euros à M. [V] en réparation de son préjudice moral.
– Sur le préjudice matériel
1 – Sur la perte de revenus
M. [V] sollicite une somme de 2 500 euros en réparation de son préjudice moral lié à sa perte de revenus dans la mesure où il n’a pas perçu sa solde de légionnaire durant la période où il a été en détention provisoire, ni ses primes diverses.
L’agent judiciaire de l’Etat souligne que le requérant ne produit aucun élément, aucun contrat de travail et aucun bulletin de paies faisant état de la réalité du préjudice allégué. Aussi, à défaut de justificatif, ce poste de préjudice n’est absolument pas démontré et la demande sera rejetée.
Le Ministère Public considère que le requérant démontre bien qu’il était légionnaire mais ne produit aucun document officiel relatif à sa rémunération et donc d’attester du bien-fondé de la somme sollicitée. Il conclut donc au rejet de la demande.
En l’espèce, s’il est établi que le requérant était bien militaire au sein de la légion étrangère au jour de son placement en détention provisoire, aucun élément ne permet de savoir si sa solde a continué à lui être versée durant son incarcération. De plus, en l’absence de bulletins de paie, il n’est pas possible de savoir quel était le montant mensuel de cette solde et des différentes primes qui lui étaient allouées. Dans ces conditions, en l’absence de tout justificatif, la demande de réparation d’une perte de revenu sera rejetée.
2 – Sur la perte de chance
Le requérant indique que ses bulletins de notation annuelle étaient excellents et qu’il suivait une formation pour devenir mécanicien. C’est ainsi que s’il n’avait pas été incarcéré il aurait eu de fortes chances d’être promu au sein même de son régiment. Or, à l’issue de sa libération, il a été contraint de quitter la légion étrangère. C’est pourquoi, il sollicite l’allocation d’une somme de 9 000 euros en réparation de ce poste de préjudice.
L’agent judiciaire de l’Etat et le Ministère Public estiment qu’aucun justificatif n’est produit aux débats concernant le suivi d’une formation de mécanicien. En outre, à l’issue de sa détention le requérant est retourné vivre en caserne et est passé par la suite caporal. Rien ne permet d’affirmer que c’est l’incarcération qui a empêché M. [V] de poursuivre sa carrière au sein de l’armée. Ils concluent tous les deux au rejet de la demande.
En l’espèce, si M. [V] produit le rapport du colonel [F] faisant état de la très grande implication du requérant et de ses qualités lui permettant de faire une très belle carrière, ainsi que ses bulletins de notation, aucun document n’est versé aux débats attestant que c’est à cause de cette incarcération que le requérant a dû quitter la légion étrangère .C’est ainsi que la cause de ce départ de la légion étrangère n’est pas connue et il n’est pas non plus démontré que M. [V] suivait une formation de mécanicien au jour de son placement en détention provisoire.
Dans ces conditions, l’existence d’une perte de chance sérieuse n’est pas démontrée et la demande de M. [V] sera rejetée.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [V] ses frais irrépétibles et une somme de 1 500 euros lui sera allouée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Déclarons la requête de M. [C] [V] recevable ;
Lui allons les sommes suivantes :
– 8 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
– 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboutons M. [C] [V] du surplus de ses demandes ;
Laissons les dépens à la charge de l’Etat ;
Décision rendue le 18 Novembre 2024, prorogée au 20 janvier 2025 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
LA GREFFI’RE LE MAGISTRAT DÉLÉGUÉ
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