L’Essentiel : Le 19 janvier 1999, Parabole Réunion a signé un protocole d’accord avec TPS pour la distribution exclusive de chaînes payantes dans l’Océan Indien. En 2006, un regroupement avec le Groupe Canal Plus a été autorisé, mais des litiges ont éclaté en 2009 et 2012 concernant des obligations contractuelles non respectées. En 2011, l’Autorité de la concurrence a sanctionné Canal Plus pour manquements, suivi d’un jugement en 2014 ordonnant une indemnisation à Parabole. Après plusieurs appels, l’affaire est actuellement en délibération, avec des audiences à venir pour explorer une solution négociée.
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Contexte de l’AffaireLe 19 janvier 1999, la société Parabole Réunion et ses filiales ont signé un protocole d’accord avec la société TPS pour la distribution exclusive de chaînes de télévision payantes dans plusieurs territoires de l’Océan Indien, avec une durée initiale jusqu’au 31 décembre 2009. Concentration des SociétésEn 2006, un regroupement des activités de télévision payante entre le Groupe Canal Plus et TPS a eu lieu, contrôlé par Vivendi Universal. Cette opération a été autorisée par le ministre de l’Économie sous certaines conditions, notamment la reconduction des contrats avec Parabole. Litiges et AssignationsLes sociétés du groupe Parabole ont assigné le Groupe Canal Plus en justice en 2009 et 2012, affirmant que ce dernier n’avait pas respecté ses obligations contractuelles, notamment en ce qui concerne l’attractivité des bouquets de chaînes. Sanctions de l’Autorité de la ConcurrenceEn septembre 2011, l’Autorité de la concurrence a constaté des manquements aux engagements pris par le Groupe Canal Plus, entraînant une sanction de 30 millions d’euros. Cette décision a été partiellement annulée par le Conseil d’État en décembre 2012. Jugements et ExpertisesUn jugement en avril 2014 a condamné le Groupe Canal Plus à indemniser Parabole pour la perte d’attractivité de ses chaînes. Une expertise a été ordonnée pour évaluer les préjudices subis, et la cour d’appel a confirmé ce jugement en juin 2016. Appels et Décisions UltérieuresLe pourvoi formé par le Groupe Canal Plus a été rejeté en janvier 2018. En 2022, la cour d’appel a statué sur les indemnités dues, mais cet arrêt a été cassé par la Cour de cassation en mars 2023, sauf pour certaines condamnations financières. Procédures de Renvoi et Nouvelles AudiencesAprès la cassation, l’affaire a été renvoyée à une cour d’appel différente pour réexamen. En mars 2024, des rectifications ont été apportées aux montants des indemnités, et des demandes supplémentaires ont été formulées par les sociétés du groupe Parabole. État Actuel de l’AffaireL’affaire est actuellement en cours de délibération, avec des audiences prévues pour recueillir les observations des parties sur une éventuelle solution négociée. Les demandes de dommages et intérêts continuent d’être contestées par le Groupe Canal Plus. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les obligations contractuelles de la société GCP envers les sociétés du groupe Parabole ?La société GCP avait des obligations contractuelles envers les sociétés du groupe Parabole, notamment en vertu des engagements pris lors de l’opération de concentration. L’engagement n° 34 stipule que GCP devait reconduire les contrats existants entre TPS et les sociétés du groupe Parabole dans des conditions au moins aussi favorables que celles en vigueur jusqu’au 31 décembre 2009. L’article L. 430-1 du Code de commerce précise que les opérations de concentration doivent être notifiées à l’Autorité de la concurrence, qui peut imposer des engagements pour garantir la concurrence. En cas de manquement à ces engagements, l’article L. 464-2 du même code permet à l’Autorité de la concurrence de prononcer des sanctions, ce qui a été le cas ici avec une amende de 30 millions d’euros infligée à GCP. Ainsi, la dégradation de l’attractivité des chaînes mises à disposition des sociétés du groupe Parabole constitue un manquement aux obligations contractuelles, entraînant la responsabilité de GCP. Comment la cour d’appel a-t-elle évalué le préjudice subi par les sociétés du groupe Parabole ?La cour d’appel a évalué le préjudice subi par les sociétés du groupe Parabole en se basant sur les rapports d’expertise judiciaire. Le jugement du 29 avril 2014 a confié à un expert la mission de déterminer les préjudices résultant de la perte d’attractivité des bouquets de chaînes. L’article 1382 du Code civil, qui impose une obligation de réparation en cas de faute, a été appliqué pour justifier l’indemnisation. La cour a constaté que la dégradation de l’offre de programmes avait entraîné une diminution du nombre d’abonnés, ce qui a eu un impact direct sur les revenus des sociétés Parabole. Les sommes allouées en réparation des préjudices d’exploitation et de la perte de valeur des fonds de commerce ont été calculées en tenant compte des intérêts au taux légal, conformément à l’article 1231-6 du Code civil, qui prévoit la capitalisation des intérêts. Quelles sont les conséquences de la décision de la Cour de cassation du 1er mars 2023 ?La décision de la Cour de cassation du 1er mars 2023 a eu pour effet de casser et annuler l’arrêt de la cour d’appel du 11 février 2022, sauf en ce qui concerne certaines condamnations financières. Cela signifie que la cour d’appel devra réexaminer les demandes des sociétés du groupe Parabole concernant les préjudices d’exploitation et les intérêts. L’article 624 du Code de procédure civile stipule que la cassation entraîne l’annulation de la décision attaquée, ce qui oblige la cour de renvoi à statuer à nouveau sur les points contestés. La cour devra également prendre en compte les arguments des parties concernant la recevabilité des demandes d’indemnisation pour les préjudices financiers subis après le 1er janvier 2013, en tenant compte des dispositions de l’article 638 du Code de procédure civile, qui régit les demandes en appel. Quels sont les enjeux liés à la publication des décisions judiciaires dans cette affaire ?La publication des décisions judiciaires est un enjeu important dans cette affaire, car elle vise à garantir la transparence et l’information du public sur les décisions de justice. L’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme protège la liberté d’expression, y compris le droit d’informer le public. La cour d’appel a ordonné la publication des contenus des décisions dans des journaux et magazines, ce qui est conforme à l’article 700 du Code de procédure civile, qui permet d’allouer des frais de publication à la partie gagnante. Cette publication vise également à restaurer la réputation des sociétés du groupe Parabole, qui ont subi un préjudice d’image en raison de la dégradation de l’attractivité de leurs offres. La cour a donc reconnu l’importance de la communication sur les décisions judiciaires pour la protection des droits des parties. |
AU NOM DU PEUPLE FRAN’AIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 10
ARRÊT DU 20 JANVIER 2025
RENVOI APRES CASSATION
(n° , 21 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 23/06193 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHMV2
Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 janvier 2017 du Tribunal de grande instance de Paris -RG 13/08582
Arrêt du 15 avril 2022 du Pôle 5-chambre 11 – RG n°22/00107
Arrët de la cour de cassation du 1er mars 2023 – cassation partielle – Pourvoi N°D 22-16.329
DEMANDEURS
S.A. PARABOLE REUNION agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Stéphane FERTIER de la SELARL JRF & TEYTAUD SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075
Représentée par Me Cyril BOURAYNE de la SELARL BOURAYNE & PREISSL, avocat au barreau de PARIS, toque : P050
Société MEDIACOM LTD PARABOLE MAURICE
agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 8] (ILE MAURICE)
Représentée par Me Stéphane FERTIER de la SELARL JRF & TEYTAUD SALEH, avocat Assistée par Me Cyril BOURAYNE de la SELARL BOURAYNE & PREISSL, avocat au barreau de PARIS, toque : P050 au barreau de PARIS, toque : L0075
S.A.R.L. RADIO TELEVISION PAR SATELLITE RTPS
agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 1]
Représentée par Me Stéphane FERTIER de la SELARL JRF & TEYTAUD SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075
Assistée par Me Cyril BOURAYNE de la SELARL BOURAYNE & PREISSL, avocat au barreau de PARIS, toque : P050
DEFENSEUR
Société GROUPE CANAL
Prise en la personne de son Président du directoire,
domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me Benjamin MOISAN de la SELARL BAECHLIN MOISAN Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : L34
Assistée par Me Pascal WILHELM de la SAS WILHELM & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0024
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 24 Juin 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente
Monsieur Xavier BLANC, Président
Monsieur Edouard LOOS, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur Xavier BLANC, Président, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MOLLÉ
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Christine SIMON-ROSSENTHAL, et par Sylvie MOLLÉ, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
1. Le 19 janvier 1999, la société Parabole Réunion et ses filiales, les sociétés Mediacom et Radio Télévision par Satellite (les sociétés du groupe Parabole), qui ont pour activité la commercialisation de bouquets de chaînes de télévision dans la zone de l’Océan Indien, ont conclu avec la société Télévision par satellite (la société TPS) un protocole d’accord, suivi de plusieurs avenants, pour l’exclusivité de la distribution, pour les territoires de La Réunion, l’Ile Maurice, Madagascar et Mayotte, de chaînes de télévisions payantes produites par les sociétés du groupe TPS, avec effet jusqu’au 31 décembre 2009, sauf tacite reconduction par période de trois ans.
2. Au début de l’année 2006, des accords de concentration sont intervenus pour le regroupement au sein d’une nouvelle société dénommée Canal Plus France, contrôlée par la société Vivendi Universal, les activités de télévision payante de la société Groupe Canal Plus (la société GCP) et les activités de télévision payante de la société TPS, acquises par la société Vivendi Universal.
3. Par une décision du ministre chargé de l’économie du 30 août 2006, l’opération de concentration Canal Plus/TPS a été autorisée, sous la condition de la mise en ‘uvre de divers engagements par la société GCP et ses filiales. Parmi ceux-ci figuraient l’engagement n° 34, qui imposait à la société GCP de reconduire les contrats existant entre la sociétés TPS et les sociétés du groupe Parabole, expirant le 31 décembre 2009, dans des conditions de durée, commerciales et techniques, au moins aussi favorables que les conditions d’alors, et l’engagement n° 22, qui prévoyait que, d’une manière générale, la société GCP garantisse le maintien de la qualité des chaînes mises à disposition des tiers, sur la base de critères objectifs que cet engagement précisait.
4. Les 11 août 2009 et 26 avril 2012, soutenant que la société GCP, ainsi que les sociétés Canal Plus France et Canal Plus Distribution, aux droits desquelles est ensuite venue la société GCP, n’avaient pas respecté leurs obligations contractuelles, s’agissant plus particulièrement de l’attractivité des bouquets de chaînes mis à sa disposition, les sociétés du groupe Parabole les ont assignées en indemnisation devant le tribunal de grande instance de Paris.
5. Par une décision du 20 septembre 2011, l’Autorité de la concurrence a constaté l’inexécution de divers engagements figurant dans la décision du 30 août 2006, en particulier les engagements concernant les relations du groupe TPS avec les sociétés du groupe Parabole, retiré cette décision et prononcé une sanction pécuniaire d’un montant de 30 millions d’euros à l’encontre de la société Groupe Canal Plus et des filiales et sous-filiales qu’elle contrôle.
6. Par une décision du 23 juillet 2012, après que les sociétés Groupe Canal Plus et Vivendi Universal ont procédé à une nouvelle notification de l’opération de concentration, l’Autorité de la concurrence a autorisé l’opération, sous réserve de trente-trois injonctions prononcées par la décision.
7. Par un premier arrêt du 21 décembre 2012, le Conseil d’Etat a ramené à 27 millions d’euros le montant de cette sanction et rejeté pour le surplus la requête en annulation de la décision de l’Autorité de la Concurrence du 20 septembre 2011, présentée par notamment par la société GCP. Par un second arrêt du même jour, le Conseil d’Etat a rejeté les requêtes en annulation de la décision du 23 juillet 2012, présentées notamment par les sociétés GCP, Vivendi Universal et Parabole Réunion.
8. Par un jugement du 29 avril 2014, le tribunal a :
– condamné in solidum les sociétés du groupe Canal Plus à indemniser les sociétés du groupe Parabole « de leurs préjudices résultant de la perte d’attractivité du bouquet de chaînes mises à leur disposition, nés pendant la période du 19 juin 2008 au 31 décembre 2012 » ;
– avant dire droit sur l’évaluation de ces préjudices, confié à M. [W] [X] une mission d’expertise ayant pour objet de « fournir au tribunal tous éléments permettant de déterminer les préjudices subis par les sociétés [du groupe Parabole], résultant de la perte d’attractivité du bouquet de chaînes mises à leur disposition, nés pendant la période du 19 juin 2008 au 31 décembre 2012 » et de « présenter, le cas échéant, plusieurs variantes correspondant aux hypothèses envisageables d’évolution de la situation concurrentielle ».
9. Par arrêt du 3 juin 2016, cette cour d’appel a confirmé le jugement dans toutes ses dispositions.
10. Pour statuer ainsi, la cour d’appel a retenu, par motifs propres et adoptés, qu’il résulte des constatations auxquelles a procédé l’Autorité de la concurrence dans sa décision du 20 septembre 2011, qu’elle a faites siennes, qu’à compter de 2008 et jusqu’au début 2010, la méconnaissance par la société GCP des engagements n° 22 et 34, qui a entraîné la dégradation de l’offre premium mise à la disposition des sociétés du groupe Parabole, résultant plus particulièrement d’une réduction significative et continue des coûts des programmes diffusés sur TPS Star à compter de 2007, tant pour les programmes cinéma que pour les programmes sportifs, des séries américaines sensiblement moins attractives avec un taux d’abandon de diffusion à compter de la deuxième saison en augmentation très nette, ainsi que des dépenses visant à promouvoir TPS Star en diminution de soixante-quinze pour cent entre 2008 et 2009 cependant que les dépenses promotionnelles de Canal plus étaient stables.
11. La cour d’appel en a déduit que le contenu des chaînes proposées à la société Parabole Réunion dans le cadre de la commercialisation de bouquets de chaînes de télévision payante s’était dégradée de manière significative et continue, les programmes proposés aux sociétés du groupe Parabole ayant été progressivement vidés de leur substance, et que cette situation procèdait d’un comportement volontaire imputable à la société GCP.
12. La cour d’appel en a conclu que la dégradation volontaire de l’attractivité des offres proposées à la société Parabole Réunion et ses filiales, qui avait entraîné une diminution de leur parc d’abonnés, constituait non seulement un manquement aux engagements pris par la société GCP, lors de l’opération de concentration mais caractérisait également une exécution de mauvaise foi du protocole du 19 janvier 1999 et de ses avenants, et que la société GCP avait ainsi engagé sa responsabilité.
13. Le pourvoi formé contre l’arrêt du 3 juin 2016 a été rejeté par un arrêt de la Cour de cassation du 31 janvier 2018 (Com., 31 janvier 2018, n° 16-21.173).
14. Par une ordonnance du 7 juillet 2015, le juge de la mise en état avait auparavant complété la mission confiée à l’expert en l’invitant à « donner tous éléments utiles sur l’évaluation de la perte de valeur patrimoniale des sociétés » du groupe Parabole.
15. A la suite du dépôt du rapport de M. [X], le 17 février 2016, les sociétés du groupe Parabole ont notamment demandé au tribunal de condamner les sociétés du groupe Canal Plus à leur payer les sommes globales de :
– 145 100 000 euros en réparation de la perte de valeur de leurs fonds de commerce, avec intérêts au taux de 11 % par an depuis le 31 décembre 2012 et capitalisation annuelle de ces intérêts,
– 60 192 334 euros, en réparation de leurs pertes d’exploitation, avec intérêts au taux de 11 % par an depuis le 31 décembre 2012 et capitalisation annuelle de ces intérêts.
16. Par une ordonnance du 25 octobre 2016, le juge de la mise en état a alloué aux sociétés du groupe Parabole, à titre provisionnel, une indemnité d’un montant total de 4 millions d’euros, en en précisant la répartition entre les sociétés du groupe Parabole, soit 59,78 % au profit de la société Parabole Réunion, 37,92 % au profit de la société Mediacom et 2,3 % au profit de la société Radio Télévision par Satellite.
17. Par un jugement du 17 janvier 2017, le tribunal ensuite a statué comme suit :
« Déboute la société GROUPE CANAL PLUS de ses demandes tendant à ce que le rapport d’expertise judiciaire soit annulé ou écarté des débats, ainsi que de ses demandes de contre expertise ou de complément d’expertise.
Condamne la société GROUPE CANAL PLUS à payer aux sociétés demanderesses la somme de 37 720 000€ répartie comme suit:
– à la société PARABOLE REUNION , 59,78% de ce montant, soit 22 549 016€,
– à la société MEDIACOM Ltd, 37,92% de ce montant, soit 14 303 427€,
– à la société RTPS SARL, 2,3% de ce montant, soit 867 560€.
Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 1er janvier 2013.
Condamne la société GROUPE CANAL PLUS à verser aux sociétés PARABOLE REUNION, MEDIACOM Ltd et RTPS SARL une indemnité de 15 000€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement.
Déboute les parties de toutes leurs autres demandes.
Condamne la société GROUPE CANAL PLUS aux dépens, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile par la SELARL BOURAYNE & PREISSL. »
18. Par une déclaration remise au greffe le 23 février 2017, les sociétés du groupe Parabole ont fait appel de ce jugement. Par des conclusions du 19 juillet 2017, la société GCP a relevé un appel incident. L’affaire a été distribuée à la 11ème chambre du pôle 5 de la cour.
19. Par une ordonnance du 12 octobre 2017, le conseiller de la mise en état a ordonné une expertise ayant pour objet de « [c]hiffrer […] le préjudice résultant de la perte de valeur des fonds de commerce des sociétés [du groupe Parabole] entre le 18 juin 2008 et le 31 décembre 2012 consécutif à la perte d’attractivité des chaînes premium TPS STAR et TPS FOOT et des chaînes de cinéma CINECINEMA STAR CINECINEMA CLASSIC ET CINECINEMA CLUB mises à leur disposition entre ces deux dates par la société GROUPE CANAL PLUS et ses filiales, et à l’absence de 40.000 abonnés perdus ou non captés de ce fait. ». Par une ordonnance du 24 octobre 2017, cette mission a été confiée à M. [O] [F], en remplacement de l’expert initialement désigné.
20. M. [F] a déposé son rapport le 14 janvier 2021.
21. Devant la cour d’appel, les sociétés du groupe Parabole demandaient notamment l’annulation de ce rapport d’expertise, la confirmation du jugement en ce qu’il déboute la société GCP de sa demande d’annulation du rapport de M. [X] et de ses demandes de contre-expertise ou de complément d’expertise, la réformation du jugement pour surplus, la condamnation de la société GCP à leur payer les sommes globales de :
– 57,92 M€ au titre du préjudice correspondant aux résultats d’exploitation manqués, avec intérêts au taux annuel de 11 % depuis le 31 décembre 2012 et capitalisation annuelle de ces intérêts, jusqu’à parfait paiement,
– 62,4 M€ au titre du préjudice résultant de la perte de valeur de leur fonds de commerce et de leurs pertes d’exploitation futures constatées au 31 décembre 2012, avec intérêts au taux annuel de 11 % depuis le 31 décembre 2012 et capitalisation annuelle de ces intérêts, jusqu’à parfait paiement,
ainsi que la condamnation de la société GCP à lui payer les sommes respectives de 5 M€ au titre de leur préjudice d’image et de réputation et de 3 M€ au titre de leur préjudice moral, et l’autorisation de publier la décision dans des publications de son choix.
22. La société GCP demandait quant à elle à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il déboute les sociétés du groupe Parabole de leurs demandes d’indemnisation de la perte de valeur de l’entreprise, d’indemnisation d’un manque à gagner postérieur au 31 décembre 2012 et de capitalisation des intérêts jusqu’au 31 décembre 2019, de l’infirmer pour le surplus, de rejeter la demande d’annulation du rapport de M. [F], de juger que le préjudice des sociétés du groupe Parabole au titre de la dégradation de l’attractivité de l’offre de programmes des chaînes mises à leur disposition doit être limité au seul gain manqué pour ces sociétés au cours de la période du 20 juin 2008 au 31 décembre 2012, de juger que les dommages et intérêts à verser au titre de ce gain manqué ne sauraient excéder la somme de 4 M€, après capitalisation, au 31 décembre 2012, et que cette somme porterait intérêts au taux légal à compter du 17 janvier 2017, et de débouter les sociétés du groupe Parabole du surplus de ses demandes.
23. Par un arrêt du 11 février 2022, la cour d’appel a statué comme suit :
« CONFIRME le jugement en toutes en ses dispositions déférées, sauf sur le montant de l’indemnisation des pertes d’exploitation des sociétés Parabole Réunion, Mediacom ltd, et Radio télévision par satellite ;
Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,
CONDAMNE les sociétés Groupe Canal plus, Canal plus France et Canal plus distribution à payer les sommes de :
48,55 M € au titre du préjudice d’exploitation de juin 2008 à 2012,
29,50 M € au titre du préjudice d’exploitation de 2013 à 2016,
le tout avec capitalisation au taux d’intérêt de 11 % du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2016,
1 M € en réparation du préjudice de réputation,
500 K € en réparation du préjudice moral,
DIT que ces sommes seront réparties à raison de 59,78 % pour la société Parabole Réunion, 37,92 % pour la société Mediacom ltd. et 2,3 % pour la société Radio télévision par satellite ;
DIT que ces sommes sont assorties de l’intérêt au taux légal à compter du 11 février 2022 ;
ORDONNE la publication des contenus des dispositifs des décisions qui reconnaissent les droits des sociétés du groupe Parabole dans trois journaux quotidiens et trois magazines hebdomadaires au choix des sociétés du groupe Parabole, aux frais de la société Groupe Canal plus et dans la limite de 30.000 euros hors taxes ;
CONDAMNE les sociétés Groupe Canal plus, Canal plus France et Canal plus distribution aux dépens dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile ;
CONDAMNE les sociétés Groupe Canal plus, Canal plus France et Canal plus distribution à payer aux sociétés Parabole Réunion, Mediacom ltd, et Radio télévision par satellite la somme de 150.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires. »
24. Par un arrêt du 15 avril 2022, la cour d’appel a rectifié cet arrêt en remplaçant, dans ce dispositif, le mention « le tout avec capitalisation au taux d’intérêt de 11 % du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2016 » par « avec capitalisation au taux d’intérêt de 11 % de juin 2008 à décembre 2012 pour la première somme et du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2016 pour la seconde ».
25. Par un arrêt du 1er mars 2023 (Com., 1er mars 2023, n° 22-16.329), statuant sur des pourvois formé par la société GCP, d’une part, et par les sociétés du groupe Parabole, d’autre part, la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt du 11 février 2022, tel que rectifié par l’arrêt du 15 avril 2022, « sauf en ce qu’il condamne les sociétés Groupe Canal +, Canal + France et Canal + distribution à payer aux sociétés Parabole Réunion, Mediacom Ltd et Radio télévision par satellite les sommes de 48,55 millions d’euros en principal, au titre du préjudice d’exploitation de juin 2008 à 2012, et de 29,50 millions d’euros en principal, au titre du préjudice d’exploitation de 2013 à 2016, d’un million d’euros en réparation du préjudice moral et de 500 000 euros en réparation du préjudice de réputation, avec intérêts au taux légal à compter du 11 février 2022, et en ce qu’il ordonne la publication des contenus des dispositifs des décisions qui reconnaissent les droits des sociétés du groupe Parabole dans trois journaux quotidiens et trois magazines hebdomadaires au choix des sociétés du groupe Parabole, aux frais de la société Groupe Canal + et dans la limite de 30 000 euros hors taxes ».
26. Par une déclaration remise au greffe le 28 mars 2023, les sociétés du groupe Parabole ont saisi cette cour d’appel, autrement composée, désignée comme cour de renvoi. L’affaire a été distribuée à la 10ème chambre du pôle 5 de la cour.
27. Par un arrêt du 29 mars 2024, la 11ème chambre du pôle 5 a rectifié l’arrêt du 11 février 2022, tel que rectifié par l’arrêt du 15 avril 2022, en remplaçant dans le dispositif la mention « 48,55 M€ au titre du préjudice d’exploitation de juin 2008 à 2012 » par « 49.302.878 € au titre du préjudice d’exploitation de juin 2008 à 2012 ».
28. Aux termes de leurs dernières conclusions remises au greffe le 13 juin 2024, les sociétés du groupe Parabole demandent à la cour de :
« Déclarer recevables et bien fondées les sociétés Parabole Réunion, Mediacom Ltd et Radio Television Par Satellite RTPS en leur saisine de la Cour d’appel de renvoi après cassation et en leur appel.
Y faisant droit,
CONFIRMER le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 17 janvier 2017 en ce qu’il a retenu un taux annuel de capitalisation des intérêts sur les préjudices d’exploitation de 11% sur la période 2008/2012.
L’INFIRMER pour le surplus en ce qu’il a dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 1er janvier 2013 et débouté les société Parabole Réunion, Mediacom Ltd et Radio Télévision Par Satellite RTPS de leurs autres demandes et notamment de dommages et intérêts compensatoires capitalisés année par année pour la période postérieure au 31 décembre 2012, et en ce qu’il a limité l’indemnité au titre des frais irrépétibles à la somme de 15.000 €.
STATUANT A NOUVEAU de ces chefs et y ajoutant,
A titre principal,
CONDAMNER la société Groupe Canal Plus à payer aux sociétés Parabole Réunion, Mediacom Ltd et Radio Television Par Satellite RTPS Sarl ensemble, à titre de dommages et intérêts compensatoires en réparation de leurs préjudices financiers, de trésorerie et d’investissement, les intérêts capitalisés année par année de 2008 à 2012 au taux annuel de 11 % et subsidiairement au taux ARCEP (activités fixes) de 10,70% pour les années 2008 et 2009, 10,40% pour les années 2010 et 2011, et 8,90% pour l’année 2012, sur les préjudices d’exploitation subi de juin 2008 au 31 décembre 2012 (total 49,3M€), soit sur les sommes en principal de:
– 4.019.875 € à compter du 30 juin 2009
– 5.145.758 € à compter du 30 juin 2010,
– 8.150.361 € à compter du 30 juin 2011,
– 9.564.989 € à compter du 30 juin 2012,
– 361.000 € à compter du 31 décembre 2008,
– 2.540.000 € à compter du 31 décembre 2009,
– 3.052.000 € à compter du 31 décembre 2010,
– 4.959.000 € à compter du 31 décembre 2011.
– 4.873.779 € à compter du 31 décembre 2012
– 5.901.000 € à compter du 31 décembre 2012
– 394.129 € à compter du 30 juin 2012
– 353.997 € à compter du 31 décembre 2012
CONDAMNER la société Groupe Canal Plus à payer aux sociétés Parabole Réunion, Mediacom Ltd et Radio Television Par Satellite RTPS Sarl, ensemble, à titre de dommages et intérêts compensatoires en réparation de leurs préjudices financier de trésorerie et d’investissement subi du 1er janvier 2013 au 1er janvier 2014, une somme en principal de 190.200.000 euros, et subsidiairement de ce chef, à payer les intérêts capitalisés au taux de 334,04% et subsidiairement 339,95 % ou tout autre taux qu’il plaira à la Cour de fixer pour cette période, sur les préjudices d’exploitation de 49,3 millions d’euros après capitalisation jusqu’au 1er janvier 2013.
CONDAMNER la société Groupe Canal Plus à payer aux sociétés Parabole Réunion, Mediacom Ltd et Radio Television Par Satellite RTPS Sarl, ensemble, à titre de dommages et intérêts compensatoires en réparation de leurs préjudices financier de trésorerie et d’investissement postérieurs au 1er janvier 2014, les intérêts capitalisés année par année sur les préjudices d’exploitation 2008/2012 capitalisés à cette date, aux taux ARCEP (moyenne activités fixe/mobile) de 10% en 2014 et 2015, 9,1% en 2016 et 2017, 7,6% en 2018, 2019 et 2020, et de 4,80 % pour les années 2021,2022,2023 et 2024, et subsidiairement un taux uniforme de 9,8% sur cette durée et ce, dans tous les cas jusqu’à l’arrêt à intervenir.
Subsidiairement pour l’ensemble des chefs précédents relatifs au préjudice d’exploitation subi de juin 2008 au 31 décembre 2012 (total 49,3M€),
CONDAMNER la société Groupe Canal Plus à payer aux sociétés Parabole Réunion, Mediacom Ltd et Radio Television Par Satellite RTPS Sarl, ensemble, à titre de dommages et intérêts compensatoires en réparation de leurs préjudices financier, de trésorerie et d’investissement, les intérêts capitalisés année par année sur les sommes en principal de :
– 4.019.875 € à compter du 30 juin 2009
– 5.145.758 € à compter du 30 juin 2010,
– 8.150.361 € à compter du 30 juin 2011
– 9.564.989 € à compter du 30 juin 2012
– 361.000 € à compter du 31 décembre 2008,
– 2.540.000 € à compter du 31 décembre 2009
– 3.052.000 € à compter du 31 décembre 2010,
– 4.959.000 € à compter du 31 décembre 2011
– 4.873.779 € à compter du 31 décembre 2012
– 5.901.000 € à compter du 31 décembre 2012
– 394.129 € à compter du 30 juin 2012
– 353.997 € à compter du 31 décembre 2012
(soit un total de 49,3 M€), au taux ARCEP (activités fixes) de 10,70% pour les années 2008 et 2009, 10,40% pour les années 2010 et 2011, et 8,90% pour l’année 2012, et au taux WACC Vivendi de 9,80% en 2013, 9,50% en 2014, 9,30% en2015, 9,40% en 2016, 9,50% en 2017, 8% en 2018, 7,70% en 2019, 7,7% en 2020,7,80% en 2021, 7,6% en 2022, 7,60% en 2023, 7.45% en 2024 et plus subsidiairement au taux hybride ARCEP (activités fixes)/TV payante Vivendi de 9,65% en 2013, 9,50% en 2014, 9,40% en 2015, 9,05 % en 2016, 9,10% en 2017, 7,80% en 2018, 7,65% en 2019 et 2020, 6,30% en 2021 et 6, 20% en 2022,6.13% en 2023,6.48% en 2024 ou tout autre taux approprié qu’il plaira à la Cour de fixer, et ce jusqu’à l’arrêt à intervenir.
A titre principal,
CONDAMNER la société Groupe Canal Plus à payer aux sociétés Parabole Réunion, Mediacom Ltd et Radio Television Par Satellite RTPS Sarl, ensemble, à titre de dommages et intérêts compensatoires en réparation de leurs préjudices financier, de trésorerie et d’investissement, les intérêts capitalisés année par année sur les sommes en principal de 29,5 millions d’euros, à compter du 31 décembre 2012, aux taux WACC Vivendi de 9,80% en 2013, 9,50% en 2014, 9,30% en 2015, 9,40% en 2016, 9,50% en 2017, 8% en 2018, 7,70% en 2019, 7,7% en 2020,7,80% en 2021, 7,6% en 2022, 7,60% en 2023, 7.45% en 2024 et plus subsidiairement au taux hybride ARCEP (activités fixes)/TV payante Vivendi de 9,65% en 2013, 9,50% en 2014, 9,40% en 2015, 9,05 % en 2016, 9,10% en 2017, 7,80% en 2018, 7,65% en 2019 et 2020, 6,30% en 2021 et 6, 20% en 2022,6.13% en 2023,6.48% en 2024 ou tout autre taux approprié qu’il plaira à la Cour de fixer, et ce jusqu’à l’arrêt à intervenir.
En tout état de cause,
Dire que ces sommes seront réparties à raison de 59,78 % pour la société Parabole Réunion, 37,92 % pour la société Mediacom ltd. et 2,3 % pour la société Radio télévision Par satellite RTPS.
Déduire du montant des condamnations le montant des intérêts calculés au taux légal sur les sommes versées par la société Groupe Canal Plus au titre des condamnations en première instance et en appel en réparation des préjudices d’exploitation, entre la date de leur versement et la date à laquelle elles sont devenues définitives le 1er mars 2023.
Autoriser les sociétés Parabole Réunion, Mediacom LTD et Radio Television Par Satellite RTPS à publier la décision à intervenir en entier ou par extraits dans 3 journaux quotidiens et 3 magazines hebdomadaires au choix des appelantes et aux frais de la société Groupe Canal Plus, dans la limite globale de 30.000 € H.T.
Débouter la société Groupe Canal Plus de toutes ses demandes.
Condamner la société Groupe Canal Plus, en équité, à payer aux sociétés Parabole Réunion, Mediacom Ltd et Radio Television Par Satellite RTPS Sarl ensemble une somme de 12.500.000 €, au titre de l’article 700 du Code de procédure civile en première instance et en appel, ainsi qu’aux entiers dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire qui seront recouvrés par Maître Stéphane FERTIER conformément aux dispositions de l’article 699 du CPC. »
29. Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 24 juin 2024, la société Groupe Canal Plus demande à la cour de :
« Vu l’article 21-3 de la loi n°95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative,
Vu les articles 564, 633, 638 et 910-4 du Code de procédure,
Vu les articles 1153 (nouvel article 1231-6) et 1153-1 (nouvel article 1231-7) du Code civil
Vu l’arrêt du Tribunal de Grande Instance de Paris du 17 janvier 2017,
Vu l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 11 février 2022, tel que rectifié par l’arrêt du 15 avril 2022,
Vu l’arrêt de la Cour de cassation du 1 er mars 2023
Vu le rapport d’expertise du 29 février 2016 et l’ensemble de ses annexes,
Vu le rapport d’expertise du 14 janvier 2021 et l’ensemble de ses annexes, […]
INFIRMER le jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris du 17 janvier 2017 en ce qu’il a :
– Retenu un taux annuel de capitalisation des intérêts sur les préjudices d’exploitation de 11% sur la période 2008/2012
– Dit que les sommes dues par GROUPE CANAL PLUS porteront intérêts au taux légal à compter du 1 er janvier 2013 ;
– Condamné GROUPE CANAL PLUS au paiement d’une indemnité de 15.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à l’intégralité des dépens.
Et statuant à nouveau :
JUGER irrecevables les demandes des sociétés PARABOLE REUNION, MEDIACOM Ltd et RTPS SARL visant à :
– « CONDAMNER GROUPE CANAL PLUS à payer aux sociétés Parabole Réunion, Mediacom Ltd et Radio Television Par Satellite RTPS Sarl, ensemble, à titre de dommages et intérêts compensatoires en réparation de leurs préjudices financier de trésorerie et d’investissement subi du 1er janvier 2013 au 1er janvier 2014, une somme en principal de 190.200.000 euros, et subsidiairement de ce chef, à payer les intérêts capitalisés au taux de 338,43% ou tout autre taux qu’il plaira à la Cour de fixer pour cette période, sur les préjudices d’exploitation de 49,25 millions d’euros après capitalisation jusqu’au 1er janvier 2013 ;
– AUTORISER la publication de la décision à intervenir en entier ou par extraits dans 3 journaux quotidiens et 3 magazines hebdomadaires au choix des appelantes et aux frais de la société Groupe Canal Plus, dans la limite globale de 30.000 € H.T. »
En tout état de cause,
JUGER que la capitalisation des sommes dues par GROUPE CANAL PLUS au titre du préjudice d’exploitation des sociétés PARABOLE REUNION, MEDIACOM Ltd et RTPS SARL sur la période 2008/2012 et sur la période 2013/2016 n’est pas due ;
JUGER que la capitalisation des sommes due par GROUPE CANAL PLUS, au titre du préjudice d’exploitation des sociétés PARABOLE REUNION, MEDIACOM Ltd et RTPS SARL devra s’arrêter au 11 août 2009, à défaut au jour du paiement des sommes principales intervenu le 12 avril 2023 le par GROUPE CANAL PLUS ;
DEBOUTER les sociétés PARABOLE REUNION MEDIACOM Ltd et RTPS SARL de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions, sauf en ce qu’elles demandent de déduire du montant des condamnations le montant des intérêts calculés au taux légal sur les sommes versées par la société Groupe Canal Plus au titre des condamnations en première instance et en appel en réparation des préjudices d’exploitation, entre la date de leur versement et la date à laquelle elles sont devenues définitives le 1er mars 2023 ;
CONDAMNER les sociétés PARABOLE REUNION, MEDIACOM Ltd et RTPS SARL au paiement de 500 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens. »
30. L’affaire a été plaidée à l’audience du 24 juin 2024.
31. Par un message du 25 novembre 2024, les parties ont été invitées à faire valoir, par une note en délibéré, leurs éventuelles observations, notamment :
– sur l’applicabilité à l’appel formé le 23 février 2017 par les sociétés du groupe Parabole des dispositions de l’article 910-4, alinéa 1, du code de procédure civile, au regard de la date d’entrée en vigueur de ce texte ;
– dans l’hypothèse où ce texte ne serait pas applicable, sur la recevabilité, au regard des dispositions de l’article 638 du code de procédure civile, des demandes de condamnation de la société GCP à payer aux sociétés du groupe Parabole la somme de 190,2 millions d’euros ou, subsidiairement, d’intérêts capitalisés au taux de 333,04 % ou 339,95 % sur les préjudices d’exploitation de 2008 à 2012, en réparation de « préjudices financier de trésorerie et d’investissement subi[s] du 1er janvier 2013 au 1er janvier 2014 », dans la mesure où il serait considéré que l’indemnisation ainsi demandée par les sociétés du groupe Parabole est incompatible avec l’indemnisation allouée, de manière irrévocable, par l’arrêt du 11 février 2022 au titre des préjudices d’exploitation de 2013 à 2016.
32. Par ce même message, les parties ont été également invitées à faire connaître leur position sur l’organisation d’une éventuelle mesure de médiation ou de procédure participative.
33. Les sociétés du groupe Parabole ont remis au greffe une note en délibéré le 13 décembre 2024. La société GCP a remis au greffe une note en délibéré le 14 décembre 2024.
34. En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence à l’ensemble des écritures des parties visées ci-dessus quant à l’exposé du surplus de leurs prétentions et moyens.
35. Il sera observé, à titre liminaire, que, dans le corps de ses dernières conclusions (p. 37), la société GCP demande à la cour de juger irrecevable la demande des sociétés du Groupe Parabole tendant à obtenir sa condamnation au paiement, « à titre de dommages et intérêts compensatoires en réparation de leurs préjudices financiers, de trésorerie et d’investissement, les intérêts capitalisés année par année de 2008 à 2012 au taux annuel de 11 % ». Cependant, en application de l’article 954, alinéa 3, du code de procédure civile, la cour ne statuera pas sur cette fin de non-recevoir, qui n’est pas énoncée au dispositif de ces conclusions.
Sur la recevabilité de la demande formée à titre principal en réparation de « préjudices financier de trésorerie et d’investissement subi[s] du 1er janvier 2013 au 1er janvier 2014 »
Moyens des parties
36. Dans ses dernières conclusions, au soutien des fins de non-recevoir qu’elle oppose aux demandes des sociétés du groupe Parabole tendant à l’indemnisation d’un préjudice de trésorerie subi au cours de l’année 2013 et à la publication de la présente décision, la société GCP fait notamment valoir que :
– en application de l’article 564 du code de procédure civile, après qu’une cassation a été prononcée, hormis les cas dérogatoires expressément prévus par ces dispositions, une partie ne peut former devant la cour de renvoi des prétentions nouvelles qui n’avaient pas été soulevées devant la première cour d’appel ;
– cette solution est cohérente avec le principe de concentration des moyens et de l’unicité de l’instance consacré par l’article 910-4 du code de procédure civile ;
– en vertu de ce principe, composante de l’autorité de la chose jugée, il incombe à une partie de présenter dès l’instance relative à la première demande l’ensemble des moyens qu’elle estime de nature à fonder celle-ci ;
– ainsi, il n’est pas permis d’invoquer devant la juridiction de renvoi des moyens tendant à remettre en cause l’autorité de la chose jugée en présentant sur un nouveau fondement des prétentions qui ont été irrévocablement rejetées ou de revêtir une demande d’une qualification juridique différente de celle précédemment soumise pour en faire une demande nouvelle et distincte ;
– au regard de l’impératif de concentration temporelle des demandes résultant de l’article 910-4 du code de procédure civile, la cour de renvoi doit considérer le dispositif des premières conclusions remises par l’appelant à la cour dont la décision a été cassée ;
– la sanction de la formulation de demandes nouvelles, présentées pour la première fois en cause d’appel ou en cause d’appel sur renvoi après cassation, est l’irrecevabilité de ces demandes ;
– devant la cour d’appel dont l’arrêt a été cassé, les sociétés du groupe Parabole ne formulaient aucune demande visant à obtenir l’indemnisation d’un préjudice spécifique qui résulterait de la perte de chance d’avoir réalisé une opération de rapprochement avec la société Outremer Telecom ;
– les dispositions de l’arrêt du 11 février 2022, rectifié, leur allouant les sommes de 48,55 millions d’euros, au titre du préjudice d’exploitation subi de juin 2008 à décembre 2012, et de 29,5 millions d’euros, au titre du préjudice d’exploitation subi de 2013 à 2016, revêtent l’autorité de la chose jugée, de façon irrévocable ;
– c’est uniquement sur la question de l’application à ces indemnités d’un taux de capitalisation spécifique que porte la cassation prononcée le 1er mars 2023 et c’est uniquement de cette question dont est saisie la cour, statuant sur renvoi ;
– tant la nature des préjudices subis par les sociétés du groupe Parabole Réunion que le montant de leur indemnisation sont donc devenus définitifs ;
– en demandant l’indemnisation d’un préjudice supplémentaire qui résulterait de la perte de chance de réalisation l’opération de rapprochement avec la société Outremer Telecom, d’un montant évalué à 190,2 millions d’euros ou, subsidiairement, d’intérêts capitalisés au taux de 338,43 %, sans commune mesure avec les indemnités au paiement desquelles elle a déjà été condamnées, les sociétés du groupe Parabole ne se limitent pas à demander l’application d’un taux de capitalisation spécifique sur le montant de l’indemnisation de leurs pertes d’exploitation, mais cherche en réalité à obtenir la réparation de préjudices distincts de ceux déjà indemnisés, et ce par l’octroi d’indemnités supplémentaires ;
– les sociétés du groupe Parabole tentent ainsi d’obtenir l’indemnisation d’un préjudice additionnel résultant de l’échec de cette opération, qu’elle attribue elle-même, non pas à une privation de trésorerie en tant que telle, mais aux effets anticoncurrentiels des pratiques litigieuses, ce qui a déjà fait l’objet d’une réparation indemnitaire ;
– pour admettre la réparation tirée de l’indisponibilité du capital, il est nécessaire d’identifier un préjudice distinct du préjudice principal et ayant pour cause directe la privation de trésorerie et l’écoulement du temps ;
– le préjudice des sociétés du groupe Parabole causé par l’échec de l’opération Outremer Telecom a déjà été réparé par l’attribution des sommes au principal dans l’arrêt du 11 février 2022 et ne peut faire l’objet d’une double réparation au titre de la privation de trésorerie ;
– si le préjudice allégué à hauteur de 190,2 millions d’euros, correspondant selon les sociétés du groupe Parabole à des intérêts compensatoires au taux de 338,43 %, se confond avec ceux dont le droit à réparation a été définitivement consacré par l’arrêt du 1er mars 2023, la demande d’indemnisation de ce préjudice par l’allocation de sommes supplémentaires, qui tendrait alors à l’augmentation des dommages et intérêts dus au titre d’un poste de préjudice dont l’indemnisation a été arrêtée par un chef de cet arrêt non touché par la cassation partielle, se heurterait à l’autorité de la chose jugée ;
– si ce préjudice est distinct de ceux dont la réparation avait été demandée en appel, il ne peut être invoqué pour la première fois devant la cour de renvoi, en raison de l’obligation faite aux parties de présenter, en appel, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond dans leurs premières conclusions ;
– enfin, dans l’hypothèse où ce préjudice correspondrait à la perte de valeur du fonds de commerce des sociétés du groupe Parabole, le rejet de la demande d’indemnisation d’un tel préjudice est également couvert par l’autorité de la chose jugée ;
– en conséquence, les sociétés du groupe Parabole ne peuvent, sous couvert de l’application d’un taux de capitalisation spécifique, chercher à obtenir de la cour qu’elle rejuge le fond et la nature du préjudice pour lequel elles ont déjà été indemnisées au principal, la cassation n’ayant été prononcée que sur le taux de capitalisation applicable aux indemnités mises à sa charge.
37. Dans sa note en délibéré remise au greffe le 14 décembre 2024, la société GCP ajoute que :
– sur l’applicabilité de l’article 910-4 du code de procédure civile
– en application de l’article 53 du décret du 6 mai 2016, modifié par le décret du 2 août 2017, l’article 910-4 du code de procédure civile est applicable aux instances consécutives à un renvoi après cassation, lorsque la juridiction de renvoi est saisie à compter du 1er septembre 2017 ;
– cette applicabilité aux instances sur renvoi après cassation introduites après le 1er septembre 2017, y compris lorsque l’appel a été interjeté avant cette date, s’inscrit dans le cadre d’un choix délibéré du législateur de contraindre les parties à lister dès leurs premières écritures l’ensemble de leurs prétentions au fond afin d’éviter des échanges multiples et d’écourter la procédure d’appel et tend également à priver de tout effet d’aubaine une partie qui profiterait d’une instance consécutive à un renvoi après cassation afin de soulever de nouvelles prétentions au fond qu’elle n’aurait pas pris la peine de soulever devant la première cour d’appel ;
– ce principe a été appliqué par la Cour de cassation dans un arrêt du 12 janvier 2023, dans une espèce dans laquelle les dispositions de l’article 910-4 n’étaient pas entrées en vigueur lors du dépôt des premières conclusions au fond de l’appelant devant la cour dont l’arrêt a été cassé ;
– la Cour de cassation juge avec constance que le principe de concentration des prétentions résultant de l’article 910-4 du code de procédure civile s’appliquer devant la cour d’appel de renvoi, non pas au regard des conclusions remises devant elle par l’appelant, mais en considération des premières conclusions devant la cour d’appel dont l’arrêt a été cassé ;
– une telle application de l’article 910-4 du code de procédure civile est d’ailleurs conforme au principe d’application immédiate des lois de procédure et des lois relatives à l’organisation judiciaire ;
– la cour d’appel de renvoi ayant été saisie par une déclaration du 28 mars 2023, l’applicabilité de l’article 910-4 du code de procédure civile ne fait aucun doute, peu important que la première instance d’appel ait été initiée par une déclaration du 24 février 2017 ;
– cette solution est conforme à la volonté du législateur et permet de garantir l’effectivité et la sécurité des droits à un procès équitable dont elle est titulaire, alors que la société Parabole Réunion avait la faculté, tout au long de la première instance d’appel, de faire état de l’ensemble des prétentions qu’elle entendait soulever et avait connaissance, lorsqu’elle a saisi la Cour de cassation, près de cinq ans après la parution du décret du 6 mai 2017, qu’elle ne pourrait pas invoquer des prétentions au fond qu’elle n’aurait pas invoquées devant la première cour d’appel, en cas d’une éventuelle cassation ;
– sur la recevabilité au regard des dispositions de l’article 638 du code de procédure civile de la demande de réparation présentée au titre de l’année 2013
– il n’est pas permis d’invoquer devant la juridiction de renvoi des moyens tendant à remettre en cause l’autorité de la chose jugée en présentant sur un nouveau fondement des prétentions qui ont été irrévocablement rejetées ou de revêtir une demande d’une qualification juridique différente de celle précédemment soumise à justice pour en faire une demande nouvelle et distincte ;
– la demande d’indemnisation spécifique formulée par les sociétés du groupe Parabole relative à l’échec de l’opération de rapprochement avec la société Outremer Telecom est incompatible avec l’indemnisation dont elle a déjà bénéficié au titre du préjudice d’exploitation subi sur la période de 2013 à 2016, laquelle est couverte par l’autorité de la chose jugée et s’inscrit hors du champ de la saisine de la cour de renvoi ;
– c’est uniquement de la question relative à l’octroi d’un taux de capitalisation spécifique des indemnités dues au titre du préjudice d’exploitation des sociétés du groupe Parabole qu’est saisie la cour d’appel de renvoi ;
– l’ensemble des demandes visant à obtenir l’indemnisation de préjudices additionnels, telle la demande formée par ces sociétés au titre de l’échec du rapprochement avec la société Outremer Telecom, consistant en la perte de chance de céder le fonds de commerce de la société Parabole Réunion en 2013, doivent être jugées irrecevables en application de l’article 638 du code de procédure civile ;
– le prétendu préjudice découlant de ce rapprochement manqué procède d’un scénario contrefactuel contradictoire avec celui adopté par l’arrêt du 11 février 2022, lequel a réparé une perte d’exploitation de 29,5 millions d’euros pour la période allant de 2013 à 2016, ce dont il résulte que, dans ce scénario, la société Parabole Réunion n’aurait pas cédé son fonds de commerce ;
– la demande de réparation du préjudice résultant de l’échec du rapprochement avec la société Outremer Telecom dépasse le seul litige restant à purger après la cassation ;
– l’arrêt du 11 février 2022 admettant le principe de l’indemnisation des préjudices d’exploitation subis par la société Parabole Réunion, principe sur lequel n’a pas porté la cassation partielle, de sorte qu’il est désormais irrévocable, toutes demandes issues de la perte de valeur du fonds de commerce sont irrecevables ;
– les sociétés du groupe Parabole sont parfaitement consciences de cette irrecevabilité, puisqu’à titre subsidiaire, elle formule cette demande d’indemnisation en la convertissant sous la forme d’intérêts capitalisés à hauteur de plus de 330 %, alors que devant la première cour d’appel, elle demandait l’application d’un taux de capitalisation de 11 % ;
– ces demandes, présentées sous la forme d’une condamnation au paiement d’un indemnité de plus de 190 millions d’euros ou d’une application d’un taux de capitalisation de plus de 330 % constituent de grossières man’uvres des appelantes pour tenter d’occulter le fait qu’elles cherchent à obtenir la réparation d’un préjudice redondant, nouvellement invoqué, et non la capitalisation d’une indemnisation déjà reçue, contournant l’autorité de chose jugée attachée aux chefs de l’arrêt du 11 février 2022 non atteints par la cassation.
38. En réponse, dans leurs dernières conclusions, les sociétés du groupe Parabole soutiennent pour l’essentiel que :
– la société CGP se contredit en soutenant, à la fois, que cette demande serait nouvelle en cause d’appel et que ce préjudice aurait déjà été réparé par l’attribution des sommes au principal ;
– la demande indemnitaire d’octroi capitalisés à un taux donné en réparation d’un préjudice financier distinct résultant en particulier de l’échec de l’opération Outremer Telecom est dans les débats depuis l’origine et concerne un chef atteint par la cassation, à savoir la réparation du préjudice financier, sans la moindre entorse au principe de la concentration des moyens ou de l’impossibilité de présenter des prétentions nouvelles, dès lors que cette demande est étrangère à la demande de réparation du préjudice résultant de la perte de valeur du fonds de commerce, définitivement écartée par l’arrêt du 11 février 2022 ;
– ainsi, la demande de condamnation de la société GCP à payer des intérêts capitalisés au taux de 11 %, sur une période longue comprenant celle du 1er janvier 2013 au 1er janvier 2014, procédait en particulier de la perte d’opportunité d’un rapprochement avec la société Outremer Telecom ;
– le fait que ce préjudice fasse l’objet d’un chiffrage devant la cour de renvoi, en raison de l’évolution du litige amenant à devoir apporter plus de précisions sur la capitalisation des intérêts et la pluralité des taux sollicités en fonction d’un scénario contrefactuel complexe, ne rend pas la demande nouvelle ;
– l’indemnisation demandée à hauteur de 190,2 millions d’euros peut être alternativement octroyée sous la forme d’un taux capitalisé à 334,04 % sur l’année 2013, ce qui ne concerne en réalité que les modalités de la réparation, qui tend aux mêmes fins que les prétentions soumises aux premiers juges ;
– dès lors qu’il est désormais acquis, compte tenu de l’évolution du litige, que c’est une somme de près de 80 millions d’euros qui leur manquait au 31 décembre 2012 et que l’appréciation du préjudice peut se faire ex post sur la base de la rentabilité connue de l’investissement Outremer Telecom manqué, ce qui se traduit en cause d’appel par une élévation très sensible du montant de la demande initiale à ce titre, celle-ci, qui tend aux même fins, est recevable ;
– les condamnations déjà définitivement prononcées concernent les seuls préjudices d’exploitation, à savoir les revenus actualisés au 31 décembre 2012 qu’auraient générés jusqu’en 2016 les abonnés détournés et des prix non impactés par les remises, et sont exclusives de toute réparation des préjudices dits financiers, de trésorerie ou d’investissement, constitués notamment par l’impossibilité d’évoluer en fonction des progrès technologiques et l’échec de l’opération Outremer Telecom ;
– la demande de réparation du préjudice de trésorerie au titre de l’année 2013 n’est pas présentée comme une perte de plus-value pour les actionnaires de la société Parabole Réunion et elle n’a pas été rejetée par l’arrêt du 15 février 2022 ;
– la demande de réparation du préjudice additionnel de trésorerie sur tous les préjudices d’exploitation, formulée dès la première instance et en appel sous la forme d’un taux capitalisé, est totalement distincte de la demande de réparation formulée au titre de la perte de valeur du fonds de commerce, peu important que celle-ci ait également été formulée avec une demande de taux capitalisé identique ;
– la demande indemnitaire au titre du préjudice de trésorerie, entre autres pour l’année 2013 avec la spécificité de la perte de chance de réaliser l’opération Outremer Telecom, n’a donc seulement rien de nouveau et a fait l’objet d’une cassation, de sorte qu’elle entre dans le champ de la saisine de la cour de renvoi ;
– ce préjudice additionnel n’a pas été réparé par les sommes octroyées par la cour d’appel à titre principal, qui compensent des pertes de revenus mais pas des pertes d’opportunité causées par l’absence de ces revenus dans le patrimoine des victimes des pratiques à bonne date ;
– dans un scénario contrefactuel, il existait une probabilité certaine pour les sociétés du groupe Parabole de réaliser en 2013 un apport d’actif leur faisant directement réaliser dans le cadre de la structuration de l’opération un produit brut de cession de 219,7 millions d’euros, et il est cohérent d’en soustraire pour l’évaluation du préjudice en résultant la somme de 29,5 millions d’euros qui n’a plus lieu d’être dans un scénario contrefactuel de rapprochement sans pratiques anticoncurrentielles.
39. Dans leur note en délibéré remise au greffe le 13 décembre 2024, les sociétés du groupe Parabole ajoutent que :
– sur l’applicabilité de l’article 910-4 du code de procédure civile
– au regard des dispositions de l’article 53 du décret du 6 mai 2017, modifié par le décret du 2 août 2017, l’appel qu’elles ont formé le 23 février 2017 n’est pas concerné par la création de l’article 910-4 du code de procédure civile, qui ne peut lui être appliqué rétroactivement ;
– en tout état de cause, la première cour d’appel a été valablement saisie d’une demande de capitalisation des intérêts à 11 % des sommes allouées à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice d’investissement à laquelle il a été partiellement fait droit avant cassation et, dans le cadre du renvoi, cette cour d’appel a été également valablement saisie, par leurs premières conclusions du 26 juin 2013, de cette demande de réparation de ce préjudice, tant sous la forme d’intérêts capitalisés que sous celle d’une somme chiffrée au titre de l’année 2013 ; les dispositions de l’article 910-4 du code de procédure civile, applicables uniquement à l’instance consécutive devant la juridiction de renvoi saisie postérieurement au 1er septembre 2017, ont donc été parfaitement respectées ;
– sur la recevabilité au regard des dispositions de l’article 638 du code de procédure civile de la demande de réparation présentée au titre de l’année 2013
– dans son arrêt du 11 février 2022, statuant sur leur demande d’indemnisation du préjudice du perte d’exploitation future, concrétisé par la perte de valeur de leur fonds commercial, avant capitalisation à compter du 31 décembre 2012, chiffrée selon la méthode des flux de trésorerie contrefactuels corrigée et validée par une approche contrefactuelle, la cour d’appel a simplement écarté la seule qualification juridique de ce chef de préjudice, en estimant qu’elle ne réparerait pas une perte de valeur des fonds de commerce, mais a indemnisé ce poste qu’elle a qualifié de pertes d’exploitation futures ou de préjudice rémanent sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2016, en le calculant sur la base de 40 000 abonnés manquants ;
– le calcul de ces pertes d’exploitation futures est totalement indépendant du préjudice d’investissement constitué par l’échec de l’opération Outremer Telecom, peu important que ce préjudice soit une conséquence des effets anticoncurrentiels des pratiques fautives ;
la demande de réparation de ce préjudice, qui a été formée devant la cour d’appel initialement saisie sous la forme d’intérêts capitalisés puis, devant la cour de renvoi pour la seule année 2013, sous la forme de dommages et intérêts chiffrés, ne se confond en aucune manière avec les demandes indemnitaires formulées et jugées définitivement, relatives exclusivement aux pertes d’exploitation passées et futures, qui ont été reconnues, et à la perte de valeur du fonds de commerce, qui ne l’a pas été ;
– il n’est pas possible de soutenir que cette demande de réparation du préjudice d’investissement résultant de l’échec de cette opération, en rapport avec l’indisponibilité d’un capital de plus de 80 millions d’euros, se substituerait artificiellement à une demande qui aurait été définitivement admise ou rejetée par la cour d’appel ou qu’elle ne concernerait pas les chefs atteints par la cassation ;
– le fait qu’il a été jugé définitivement que le préjudice d’exploitation futur au 31 décembre 2012 était de 29,5 millions d’euros n’affecte pas la faculté de la cour de renvoi de se prononcer sur un autre chef de préjudice dont l’objet est distinct et la méthode d’évaluation autonome ;
– le choix de la méthode de calcul de ce préjudice, qui nécessite de soustraire le montant de 29,5 millions d’euros du résultat obtenu du 219,7 millions d’euros, n’implique pas qu’il s’agisse d’une réitération d’une même demande autrement chiffrée ;
– la concordance dans le temps de la négociation avec la société Outremer Telecom fin 2012 et de l’actualisation au 31 décembre 2012 des pertes d’exploitation subies sur la période de 2013 à 2016 ne doit pas porter à confusion, cette correspondance de dates n’ayant pas pour effet de fusionner les préjudices ;
– le calcul de 29,5 millions d’euros représente exclusivement la valeur des flux de trésorerie futurs de 40 000 abonnés manquants, actualisés au 31 décembre 2012, et celui de 219,7 millions d’euros la valeur de l’opportunité d’investissement perdue du seul fait de l’absence de ces 40 000 abonnés fin 2012.
Appréciation de la cour
40. L’article 910-4, alinéa 1, du code de procédure civile, dans sa rédaction issue de l’article 22, alinéas 5 et 6, du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, publié le 10 mai 2017, dispose :
« A peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures. […] »
41. Dans sa version initiale, l’article 53 du décret du 6 mai 2017 dispose :
« I.- Les dispositions du présent décret s’appliquent à compter du 1er septembre 2017. […]»
42. Le décret n° 2017-227 du 2 août 2017, publié le 4 août 2017, a inséré dans cet article 53 un II bis rédigé en ces termes :
« II bis.- Les dispositions […] des second, cinquième et sixième alinéas de l’article 22 […] s’appliquent aux appels formés à compter du 1er septembre 2017. Ces dispositions et celles de l’article 40 s’appliquent aux instances consécutives à un renvoi après cassation lorsque la juridiction de renvoi est saisie à compter du 1er septembre 2017. »
43. Par un arrêt du 12 janvier 2023 (2e Civ., 12 janvier 2023, n° 21-18.762), la Cour de cassation a jugé que lorsque la connaissance d’une affaire est renvoyée à une cour d’appel par la Cour de cassation, ce renvoi n’introduit pas une nouvelle instance, de sorte que, la cour d’appel de renvoi demeurant saisie des conclusions remises à la cour d’appel initialement saisie, le principe de concentration des prétentions résultant de l’article 910-4, ancien, du code de procédure civile s’applique devant la cour d’appel de renvoi, non pas au regard des premières conclusions remises devant elle par l’appelant, mais en considération des premières conclusions de celui-ci devant la cour d’appel dont l’arrêt a été cassé.
44. La disposition de l’article 53 du décret du 6 mai 2017, modifié par le décret du 2 août 2017, selon laquelle l’article 910-4, ancien, du code de procédure civile s’applique aux « instances consécutives à un renvoi après cassation » lorsque la juridiction de renvoi est saisie à compter du 1er septembre 2017, bien qu’elle semble induire qu’une telle saisine entraînerait l’ouverture d’une nouvelle instance devant la juridiction de renvoi, n’apparaît cependant pas justifier d’adopter une solution différente de celle retenue par l’arrêt du 12 janvier 2023.
45. Il s’en déduit qu’en cas de saisine d’une juridiction de renvoi après le prononcé d’une cassation, pour l’application de l’article 910-4, ancien, du code de procédure civile, c’est au regard des conclusions remises dans les délais prévus aux articles 908 à 910 de ce code devant la cour d’appel dont la décision a été cassée que s’apprécie la recevabilité des demandes formées dans les conclusions remises devant la cour d’appel saisie sur renvoi.
46. En cet état, sauf à porter une atteinte excessive au droit d’accès au juge, l’irrecevabilité édictée par l’article 910-4, ancien, du code de procédure civile ne peut être opposée à une partie lorsque le délai qui lui était imparti par les articles 908 à 910 de ce code pour conclure devant la juridiction dont la décision a été cassée a commencé à courir à une date à laquelle cette partie ne pouvait prévoir que cette irrecevabilité pourrait être opposée aux demandes qu’elle formerait après l’expiration de ce délai.
47. En l’espèce, les sociétés du groupe Parabole ayant fait appel du jugement du 17 janvier 2017 par une déclaration du 23 février 2017, le délai qui leur était imparti pour conclure par l’article 908, ancien, du code de procédure civile a commencé à courir à cette date, soit antérieurement à la publication du décret du 6 mai 2017, de sorte que l’irrecevabilité qu’encourraient les demandes qu’elles présenteraient après l’expiration de ce délai, comme le prévoit l’article 910-4 de ce code créé par ce décret, n’était alors pas prévisible.
48. Le moyen tiré du caractère tardif au regard des dispositions de l’article 910-4, ancien, du code de procédure civile, dont l’application doit dès lors être écartée, de la demande de condamnation de la société GCP au paiement de la somme de 190,2 millions d’euros ou, subsidiairement, d’intérêts capitalisés au taux de 333,04 % ou 339,95 % sur la somme de 56,94 millions d’euros ou de 55,96 millions d’euros en réparation de « préjudices financier de trésorerie et d’investissement subi[s] du 1er janvier 2013 au 1er janvier 2014 » est donc inopérant.
49. Cela étant, l’article 122 du code de procédure civile dispose :
« Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. »
50. Les articles 631 et 638 de ce code disposent :
– article 631 : « Devant la juridiction de renvoi, l’instruction est reprise en l’état de la procédure non atteinte par la cassation. »
– article 633 : « La recevabilité des prétentions nouvelles est soumise aux règles qui s’appliquent devant la juridiction dont la décision a été cassée. »
– article 638 : « L’affaire est à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi à l’exclusion des chefs non atteints par la cassation. »
51. Les articles 564 et 565 de ce code, relatifs à l’effet dévolutif de l’appel, disposent :
– article 564 : « A peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait. »
– article 565 : « Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent. »
52. L’article 1355 du code civil, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 10 février 2016, dispose :
« L’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité. »
53. Il résulte de ces dispositions qu’en cas de renvoi à une cour d’appel de la connaissance d’une affaire par la Cour de cassation, lorsque les dispositions de l’article 910-4, devenu 915-2, du code de procédure civile ne sont pas applicables, la recevabilité devant la cour d’appel de renvoi de prétentions qui n’avaient pas été formées devant la cour d’appel dont la décision a été cassée n’est pas soumise à d’autres règles que celles qui s’appliquaient devant cette juridiction, notamment celles résultant des articles 564 et suivants de ce code, sous réserve, cependant, que ces demandes ne se heurtent pas à l’autorité de la chose jugée attachée aux dispositions non atteintes par la cassation.
54. En l’espèce, par l’arrêt du 11 février 2022, rectifié par l’arrêt du 15 avril 2022, cette cour, autrement composée, a notamment condamné les sociétés du groupe Canal Plus, aux droits desquelles est venue la société GCP, à payer aux sociétés du groupe Parabole la somme de 48,55 millions d’euros, portée à 49,3 millions d’euros par l’arrêt rectificatif du 29 mars 2024, au titre du préjudice d’exploitation de juin 2008 à 2012, avec capitalisation au taux d’intérêt de 11 % de juin 2008 à décembre 2012, et la somme de 29,5 millions d’euros au titre du préjudice d’exploitation de 2013 à 2016, avec capitalisation au taux d’intérêt de 11 % du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2016.
55. Pour justifier la condamnation de la société GCP à payer aux sociétés du groupe Parabole la somme de 29,5 millions d’euros, cet arrêt retient, comme le relève la Cour de cassation dans son arrêt du 1er mars 2023 pour rejeter un grief dirigé contre cette condamnation, que la perte d’attractivité des offres des bouquets de programme des secondes liée aux comportements de la première s’est poursuivie après le 31 décembre 2012, lorsque le groupe Parabole a perdu, de droit, le bénéfice de la distribution des programmes de la société TPS ou de qualité équivalente, cependant que ces abonnements aux bouquets de programmes audiovisuels ont été souscrits à durée déterminée tacitement reconductible, de sorte que les pertes d’exploitation du groupe Parabole, dérivées des manquements de la société GCP à son obligation de fourniture des programmes de TPS, ou équivalents, jusqu’au 31 décembre 2012, ont perduré après cette date et jusqu’en 2016. La disposition de l’arrêt prononçant cette condamnation au paiement d’une indemnité d’un montant de 29,5 millions d’euros précise que cette indemnité répare le « préjudice d’exploitation de 2013 à 2016 ».
56. Pour ce qui concerne plus particulièrement les modalités d’évaluation de ce préjudice d’exploitation, l’arrêt du 11 février 2022 se réfère au rapport de M. [F], en relevant que celui-ci, sur la base d’un nombre d’abonnés manquants de 40 000 en décembre 2012, a adopté une durée moyenne d’abonnem
Déclare irrecevable la demande des sociétés Parabole Réunion, Mediacom et Radio Télévision par Satellite de condamnation de la société Groupe Canal plus à leur payer « à titre de dommages et intérêts compensatoires en réparation de leurs préjudices financier de trésorerie et d’investissement subi[s] du 1er janvier 2013 au 1er janvier 2014, une somme en principal de 190.200.000 euros, et subsidiairement de ce chef, à payer les intérêts capitalisés au taux de 334,04% et subsidiairement 339, 95 % […], sur les préjudices d’exploitation de 49,3 millions d’euros après capitalisation jusqu’au 1er janvier 2013 » ;
Avant dire droit sur les autres demandes,
Ordonne la réouverture des débats à l’audience de plaidoirie du 20 février 2025 à 11 heures, qui sera tenue par le magistrat chargé du rapport, en présence d’un représentant, dûment habilité, de chacune des parties en personne, pour recueillir les observations de celles-ci sur la recherche d’une solution négociée à leur litige ;
Réserve les dépens ;
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,
S.MOLLÉ C.SIMON-ROSSENTHAL
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