Liquidation judiciaire et perspectives de redressement : enjeux et conséquences pour un exploitant agricole.

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Liquidation judiciaire et perspectives de redressement : enjeux et conséquences pour un exploitant agricole.

L’Essentiel : Le GAEC [D], en difficulté financière, a été placé en redressement judiciaire en 2014. Un plan de continuation a été arrêté en 2015, mais en 2024, la SELARL MJ Synergie a demandé la résolution du plan pour non-paiement. Le tribunal a prononcé la liquidation judiciaire du GAEC [D] en novembre 2024. En réponse, le GAEC a interjeté appel et demandé l’arrêt de l’exécution provisoire, arguant avoir réglé une échéance et évoquant des difficultés dues à la hausse des coûts. Le tribunal a jugé les arguments sérieux et a suspendu l’exécution provisoire, laissant les parties à leurs dépens.

Contexte de l’affaire

Le GAEC [D], composé des associés MM. [T] [P] et [G] [D], gère une exploitation agricole de 400 hectares et un cheptel de vaches laitières d’environ cent têtes. En raison de difficultés financières, le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse a prononcé le redressement judiciaire du GAEC [D] le 6 février 2014.

Jugements et décisions judiciaires

Le 22 juin 2015, le tribunal a arrêté un plan de continuation pour le GAEC [D]. Cependant, le 27 février 2024, la SELARL MJ Synergie, commissaire à l’exécution du plan, a demandé au tribunal de statuer sur une éventuelle résolution du plan en raison du non-paiement d’une échéance. Le 4 novembre 2024, le tribunal a prononcé la résolution du plan et la liquidation judiciaire du GAEC [D], fixant la date de cessation des paiements au 5 avril 2024.

Appel et référé

Le GAEC [D] a interjeté appel de cette décision le 19 novembre 2024 et a assigné la SELARL MJ Synergie en référé pour demander l’arrêt de l’exécution provisoire. Le ministère public a donné un avis favorable à cette demande lors de l’audience du 13 janvier 2025.

Arguments du GAEC [D]

Dans son assignation, le GAEC [D] a soutenu avoir réglé le solde de l’échéance du 31 décembre 2023 et prévu de s’acquitter de nouvelles dettes envers deux fournisseurs. Il a également évoqué des difficultés financières dues à l’augmentation des coûts d’électricité et des charges, ainsi que des conséquences graves sur son activité si l’exécution provisoire était maintenue.

Position de la SELARL MJ Synergie

La SELARL MJ Synergie a confirmé qu’un acompte significatif avait été versé par le GAEC [D] et qu’un virement du solde avait été effectué le jour de la mise en délibéré de l’affaire. Elle a également souligné que l’exécution provisoire pourrait entraîner l’abattage du cheptel.

Décision du tribunal

Le tribunal a considéré que les moyens invoqués par le GAEC [D] paraissaient sérieux et a ordonné l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement du 4 novembre 2024. Les parties ont été condamnées à garder la charge de leurs propres dépens.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions d’arrêt de l’exécution provisoire d’un jugement prononçant la liquidation judiciaire ?

L’article R. 661-1 du Code de commerce stipule que « le jugement prononçant la liquidation judiciaire est exécutoire de plein droit à titre provisoire ».

Cela signifie que, par défaut, la liquidation judiciaire est immédiatement applicable, sans attendre l’issue d’un éventuel appel. Toutefois, l’article 514-3 du Code de procédure civile prévoit une dérogation à cette règle.

En effet, cet article précise que « le premier président de la cour d’appel statuant en référé ne peut arrêter l’exécution provisoire d’un tel jugement, que si les moyens invoqués à l’appui de l’appel paraissent sérieux ».

Un « moyen sérieux » est défini comme un argument suffisamment consistant pour mériter d’être pris en considération, et qui a des chances d’être retenu après discussion.

Dans le cas présent, le tribunal a reconnu que les parties, ainsi que le ministère public, s’accordaient sur la nécessité d’arrêter l’exécution provisoire, ce qui a conduit à la décision d’accéder à cette demande.

Quels sont les effets de la résolution d’un plan de redressement judiciaire ?

La résolution d’un plan de redressement judiciaire entraîne des conséquences significatives pour l’entreprise concernée. En vertu de l’article L. 631-19 du Code de commerce, « le tribunal peut prononcer la résolution du plan de redressement lorsque le débiteur ne respecte pas les engagements qui lui incombent ».

Dans ce cas, la résolution du plan a conduit à la liquidation judiciaire du GAEC [D], ce qui signifie que l’entreprise ne peut plus poursuivre son activité et que ses actifs seront liquidés pour rembourser les créanciers.

La date de cessation des paiements a été fixée au 5 avril 2024, ce qui marque le moment où l’entreprise a été déclarée incapable de faire face à ses dettes.

Cette situation est particulièrement préoccupante pour les exploitations agricoles, où la continuité de l’activité est essentielle pour la survie de l’entreprise et le bien-être des animaux, comme le souligne le GAEC [D] dans ses arguments.

Comment le tribunal évalue-t-il les conséquences manifestement excessives d’une exécution provisoire ?

L’évaluation des conséquences manifestement excessives d’une exécution provisoire n’est pas un critère déterminant pour l’arrêt de l’exécution, comme le précise le jugement.

En effet, le tribunal a noté que « l’existence d’un risque de conséquences manifestement excessives ne constitue pas un critère conduisant à l’arrêt de l’exécution provisoire ».

Cependant, le GAEC [D] a fait valoir que l’exécution de la liquidation judiciaire entraînerait des conséquences graves, notamment l’abattage de son cheptel de vaches à lait.

Bien que ces conséquences aient été reconnues, elles n’ont pas été suffisantes pour justifier l’arrêt de l’exécution provisoire, car le tribunal a jugé que les moyens de réformation étaient sérieux et que l’échéance du plan avait été intégralement payée.

Quelles sont les implications de la décision d’arrêt de l’exécution provisoire pour les parties ?

La décision d’arrêter l’exécution provisoire a des implications importantes pour les parties impliquées.

En premier lieu, cela permet au GAEC [D] de continuer son activité sans la pression immédiate de la liquidation judiciaire, ce qui est crucial pour la gestion de son cheptel et la poursuite de ses opérations agricoles.

De plus, le tribunal a décidé que « chaque partie garde la charge de ses propres dépens », ce qui signifie qu’aucune des parties ne sera tenue de payer les frais de justice de l’autre.

Cette décision reflète une volonté de ne pas aggraver la situation financière du GAEC [D] tout en reconnaissant les difficultés rencontrées par les agriculteurs dans le contexte économique actuel.

Ainsi, l’arrêt de l’exécution provisoire offre une opportunité pour le GAEC [D] de redresser sa situation financière et de respecter ses engagements envers ses créanciers.

N° R.G. Cour : N° RG 24/00236 – N° Portalis DBVX-V-B7I-QBNH

COUR D’APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRESIDENT

ORDONNANCE DE REFERE

DU 20 Janvier 2025

DEMANDERESSE :

G.A.E.C. [D] représenté par Messieurs [T] [P] [D] et [G] [D]

cogérants

[Adresse 4]

[Localité 2]

avocat postulant : Me Jean-philippe BELVILLE de la SELARL JEAN PHILIPPE BELVILLE, avocat au barreau de LYON (toque 3030)

avocat plaidant : Me Dominique MANY, avocat au barreau de MACON

DEFENDERESSE :

SELARL MJ SYNERGIE prise en la personne de Maître [J] [I] agissant en qualité de commissaire à l’exécution du plan de continuation de GAEC [D]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON (toque 475)

Audience de plaidoiries du 13 Janvier 2025

DEBATS : audience publique du 13 Janvier 2025 tenue par Pierre BARDOUX, Conseiller à la cour d’appel de Lyon, délégataire du Premier Président dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées selon ordonnance du 2 septembre 2024, assisté de Sylvie NICOT, Greffier.

ORDONNANCE : contradictoire

prononcée le 20 Janvier 2025 par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile;

signée par Pierre BARDOUX, Conseiller et Sylvie NICOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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EXPOSE DU LITIGE

Le GAEC [D], dont les associés sont MM. [T] [P] et [G] [D], exploitent une activité agricole d’environ 400 hectares de terre et ils gèrent un cheptel de vaches à lait d’environ cent têtes.

Par jugement du 6 février 2014, le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse a prononcé le redressement judiciaire du GAEC [D].

Par jugement du 22 juin 2015, le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse a arrêté le plan de continuation présenté par le GAEC [D].

Suivant requête du 27 février 2024, la SELARL MJ Synergie, commissaire à l’exécution du plan a demandé au tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse qu’il soit statué sur une éventuelle résolution du plan suite au non-paiement de l’échéance du 31 décembre 2023.

Par jugement contradictoire du 4 novembre 2024, le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse a notamment :

– prononcé la résolution du plan de redressement judiciaire arrêté par jugement du 1er décembre 2011,

– prononcé la liquidation judiciaire du GAEC [D],

– fixé la date de la nouvelle cessation des paiements au 5 avril 2024,

– désigné la SELARL MJ Synergie en qualité de liquidateur judiciaire.

Le GAEC [D] a interjeté appel de la décision le 19 novembre 2024.

Par acte du 27 novembre 2024, le GAEC [D] a assigné en référé la SELARL MJ Synergie devant le premier président aux fins d’arrêt de l’exécution provisoire.

Dans ses observations du 8 janvier 2025, régulièrement portées à la connaissance des parties notamment lors de l’audience, le ministère public a donné un avis favorable à l’arrêt de l’exécution provisoire.

A l’audience du 13 janvier 2025 devant le délégué du premier président, les parties, comparantes et régulièrement représentées, s’en sont remises à leurs écritures qu’elles ont soutenues oralement.

Dans son assignation, le GAEC [D] soutient au visa de l’article R. 661-1 du code de commerce l’existence de moyens sérieux de réformation puisqu’il explique avoir procédé au règlement du solde de l’échéance du plan du 31 décembre 2023 et qu’il va régler les deux nouvelles dettes au profit de deux fournisseurs, la société Agridiffusion et la société Paillet dans les prochaines semaines.

Il indique avoir connu des difficultés, comme tous les agriculteurs, liées à l’augmentation du prix de l’électricité et des charges courantes alors qu’ils se consacrent totalement à leur exploitation sept jours sur sept et quatorze heures par jour.

Il fait également valoir l’existence de conséquences manifestement excessives au motif que l’exécution provisoire du jugement entraînerait immédiatement sa cessation d’activité avec une situation très fâcheuse pour le cheptel puisque les vaches à lait doivent faire l’objet d’une traite deux fois par jour.

Dans ses conclusions déposées au greffe le 6 décembre 2024, la SELARL MJ Synergie demande au délégué du premier président de lui donner acte de ce qu’elle entend s’associer à la demande tendant à voir ordonner l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement.

Elle affirme que dans l’intervalle du renvoi de l’audience au fond en première instance, un acompte significatif avait été versé par le GAEC [D] et qu’un virement du solde avait été constaté le jour même où le président du tribunal judiciaire avait mis l’affaire en délibéré, soit le 4 novembre 2024.

Elle rappelle que M. [D] s’était présenté à l’audience sans que le président du tribunal judiciaire estime nécessaire d’entendre l’intéressé.

Elle indique disposer actuellement d’une somme de 77 324,09 € qui permet de régler l’échéance du 31 décembre 2023.

Elle fait état de conséquences manifestement excessives attachées à l’exécution provisoire qui conduirait même à l’abattage du cheptel d’environ 100 vaches à lait.

Pour satisfaire aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties, à la décision déférée, aux conclusions régulièrement déposées et ci-dessus visées, comme pour l’exposé des moyens à l’énoncé qui en sera fait ci-dessous dans les motifs.

MOTIFS

Attendu qu’aux termes de l’article R. 661-1 du Code de commerce, le jugement prononçant la liquidation judiciaire est exécutoire de plein droit à titre provisoire ;

Attendu que par dérogation aux dispositions de l’article 514-3 du Code de procédure civile, le premier président de la cour d’appel statuant en référé ne peut arrêter l’exécution provisoire d’un tel jugement, que si les moyens invoqués à l’appui de l’appel paraissent sérieux ;

Qu’un moyen sérieux est un moyen suffisamment consistant pour mériter d’être allégué ou soutenu, pris en considération et avoir des chances d’être retenu après discussion et réflexion et qui doit en tout état de cause conduire à l’annulation ou à la réformation ;

Attendu que les parties comme le ministère public conviennent de la nécessité d’un arrêt de l’exécution provisoire et le GAEC [D] n’est pas discuté en ce qu’il indique se trouver en capacité de faire face à l’échéance de son plan d’apurement adopté le 22 juin 2015 comme aux dettes des fournisseurs Agridiffusion et Paillet ;

Qu’il est actuellement acquis que l’échéance du plan au 31 décembre 2023 a été intégralement payée ;

Attendu que les parties convergent en outre à considérer que les premiers juges n’ont pas entendu entendre le représentant du GAEC [D] ;

Attendu que ces éléments non contestés conduisent à retenir des moyens paraissant sérieux de réformation et à faire droit à la demande d’arrêt de l’exécution provisoire, sans que soit appréciée l’existence d’un risque de conséquences manifestement excessives, qui ne constitue pas un critère conduisant à l’arrêt de l’exécution provisoire ;

Attendu que les dépens de la présente instance ne peuvent être réservés comme correspondant à une instance distincte de celle d’appel, les parties se devant de saisir la cour le cas échéant de l’inclusion de ces derniers à ceux d’appel ;

Attendu que compte tenu des positions prises par les parties et des événements qui ont conduit la saisine du tribunal judiciaire en résolution du plan (silence gardé par le GAEC aux demandes du commissaire à l’exécution du plan), elles doivent chacune garder la charge de leurs propres dépens ;

PAR CES MOTIFS

Nous, Pierre Bardoux, délégué du premier président, statuant publiquement, en référé, par ordonnance contradictoire,

Vu la déclaration d’appel du 19 novembre 2024,

Ordonnons l’arrêt de l’exécution provisoire attachée de plein droit au jugement rendu le 4 novembre 2024 par le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse,

Disons que chaque partie garde la charge de ses propres dépens.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE


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