L’Essentiel : La SAS Europe Services Déchets et la SASU Suez RV Ile-de-France sont en litige concernant la reprise des salariés après un transfert de marché de collecte des déchets. Suez a initialement refusé de reprendre les employés, arguant que la convention collective ne s’appliquait pas. Cependant, le conseil de prud’hommes a ordonné le transfert des contrats, que Suez a finalement accepté. Europe Services Déchets a ensuite réclamé des dommages-intérêts pour les salaires versés durant la période de transition. La cour a confirmé la responsabilité de Suez, évaluant le préjudice à 20 000 euros et condamnant Suez à payer des frais de procédure.
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Contexte de l’affaireLa SAS Europe Services Déchets et la SASU Suez RV Ile-de-France sont engagées dans la collecte et la gestion des déchets pour des collectivités publiques, sous la convention collective nationale des activités du déchet. Europe Services Déchets a géré le marché de collecte des déchets ménagers de la ville de [Localité 4] du 1er mars 2016 au 30 avril 2022, avant que Suez ne prenne le relais à partir du 1er mai 2022, suite à un appel d’offres. Refus de reprise des salariésLe 4 avril 2022, Suez a informé Europe Services Déchets qu’elle ne reprendrait pas les salariés affectés à la gestion des bacs, arguant que la convention collective ne s’appliquait pas. Cependant, le 22 juillet 2022, le conseil de prud’hommes de Bobigny a ordonné le transfert des contrats de travail de ces salariés à Suez, qui a effectivement repris ces contrats en août 2022. Litige et demande d’indemnisationEurope Services Déchets a assigné Suez devant le tribunal de commerce de Nanterre le 21 février 2023, réclamant des dommages-intérêts pour avoir payé les salaires des salariés entre le 1er mai et le 19 août 2022. Le 10 janvier 2024, le tribunal a condamné Suez à verser 47 250,93 euros à Europe Services Déchets, tout en déboutant cette dernière de sa demande de préjudice moral. Appel de SuezLe 8 février 2024, Suez a interjeté appel de ce jugement, demandant l’infirmation de la condamnation au paiement des dommages-intérêts et des frais de procédure, tout en confirmant le jugement pour le reste. Europe Services Déchets a également déposé des conclusions en appel, cherchant à confirmer la décision initiale et à obtenir des dommages-intérêts supplémentaires. Arguments des partiesSuez a contesté sa responsabilité pour les salaires versés par Europe Services Déchets, affirmant que le transfert des contrats de travail n’était pas rétroactif et que les salariés avaient travaillé pour Europe Services Déchets durant la période litigieuse. De son côté, Europe Services Déchets a soutenu que Suez avait une obligation conventionnelle de reprendre les salariés à la date d’effet du marché, soit le 1er mai 2022. Décision de la courLa cour a confirmé que Suez avait méconnu son obligation conventionnelle en ne reprenant pas les salariés à la date d’effet du marché. Elle a évalué le préjudice économique d’Europe Services Déchets à 20 000 euros, en tenant compte des salaires versés pour des prestations réalisées. La cour a également statué sur les frais de procédure, condamnant Suez à verser 2 500 euros à Europe Services Déchets en application de l’article 700 du code de procédure civile. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la nature de l’obligation de reprise des contrats de travail en cas de changement de titulaire d’un marché public ?La question de l’obligation de reprise des contrats de travail en cas de changement de titulaire d’un marché public est régie par l’article L. 1224-1 du Code du travail, qui stipule : « En cas de changement de propriétaire d’une entreprise, les contrats de travail en cours sont transférés au nouvel employeur. » Cette disposition vise à protéger les droits des salariés lors d’un transfert d’activité. Dans le cadre de la convention collective des activités du déchet, le préambule de l’annexe V précise que : « Les partenaires sociaux conviennent que les changements de prestataires qui caractérisent les activités de déchet commandent l’existence d’un dispositif conventionnel de transfert des contrats de travail lorsque les conditions de l’article L. 1224-1 du code du travail ne sont pas réunies. » Ainsi, même si les conditions de l’article L. 1224-1 ne sont pas remplies, la convention collective impose un transfert des contrats de travail, ce qui a été confirmé par le conseil de prud’hommes de Bobigny. Comment évaluer le préjudice économique subi par la société Europe Services Déchets ?L’évaluation du préjudice économique doit se faire en tenant compte des salaires, charges, cotisations et indemnités versés par la société Europe Services Déchets pour les salariés concernés entre le 1er mai et le 19 août 2022. La société Europe Services Déchets a produit un tableau détaillant ces éléments, ainsi que les bulletins de salaires des mois concernés. Il est important de noter que, selon la jurisprudence, le préjudice doit être évalué de manière à ne pas permettre à la victime de tirer profit de la situation. La cour a donc considéré que, bien que les salariés aient été rémunérés par Europe Services Déchets, ils ont également réalisé des tâches pour cette société durant la période litigieuse. Ainsi, la cour a décidé d’évaluer le préjudice à la somme forfaitaire de 20 000 euros, en tenant compte des prestations réalisées par les salariés pour la société Europe Services Déchets. Quelles sont les conséquences de l’absence de demande de dommages-intérêts pour préjudice moral ?La question de l’absence de demande de dommages-intérêts pour préjudice moral est régie par le principe selon lequel une partie ne peut pas demander réparation d’un préjudice qu’elle n’a pas expressément soulevé. Dans ce cas, la société Europe Services Déchets n’a pas interjeté appel concernant le chef de dispositif portant sur son préjudice moral pour désorganisation. La cour a donc conclu qu’elle n’était pas saisie de cette question, ce qui signifie que la société Europe Services Déchets ne pourra pas obtenir réparation pour ce préjudice dans le cadre de cette procédure. Cela souligne l’importance pour les parties de formuler clairement toutes leurs demandes lors des procédures judiciaires, afin de ne pas perdre le droit à réparation pour des préjudices subis. Quelles sont les implications de l’article 700 du Code de procédure civile dans ce litige ?L’article 700 du Code de procédure civile stipule que : « La partie qui succombe peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. » Dans le cadre de ce litige, la cour a condamné la société Suez à payer à la société Europe Services Déchets la somme de 2 500 euros en application de cet article. Cette décision vise à compenser les frais engagés par la société Europe Services Déchets pour sa défense dans le cadre de la procédure. Il est important de noter que cette indemnisation est distincte des dommages-intérêts et vise à couvrir les frais de justice, ce qui souligne l’importance de l’article 700 dans les litiges commerciaux. |
DE
VERSAILLES
Code nac : 59E
Chambre commerciale 3-2
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 14 JANVIER 2025
N° RG 24/00844 – N° Portalis DBV3-V-B7I-WKXX
AFFAIRE :
S.A.S.U. SUEZ RV ILE-DE-FRANCE
C/
S.A.S. EUROPE SERVICE DECHETS,
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Janvier 2024 par le Tribunal de Commerce de Nanterre
N° RG : 2023F00420
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Elisa FREDJ
Me Ondine CARRO
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUATORZE JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
APPELANT
S.A.S.U. SUEZ RV ILE-DE-FRANCE La société SUEZ RV ILE-DE-FRANCE, société par actions simplifiée à associé unique N° SIRET : 662 014 489 RCS PARIS
Ayant son siège
[Adresse 6]
[Localité 3]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
Représentant : Me Elisa FREDJ, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 603 – N° du dossier 240006
Plaidant : Me Jean-christophe HYEST, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0672 –
****************
INTIMEE
S.A.S. EUROPE SERVICE DECHETS
Société par actions simplifiée,
Prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège
N° SIRET : 453 711 905 RCS EVRY
Ayant son siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
Représentant : Me Ondine CARRO, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C212
Plaidant : Me Sébastien CAP substitué par Me Stéphanie LAJOUS de l’AARPI 57 RIVOLI AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1460
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 12 Novembre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Ronan GUERLOT, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Ronan GUERLOT, Président de chambre,
Monsieur Cyril ROTH, Président de chambre,
Madame Gwenael COUGARD, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,
La SAS Europe Services Déchets et la SASU Suez RV Ile-de-France (la société Suez) assurent la collecte, le tri et la gestion des déchets au bénéfice des collectivités publiques. Les deux sociétés sont soumises à la convention collective nationale des activités du déchet.
Du 1er mars 2016 au 30 avril 2022, la société Europe Services Déchets a été attributaire du marché de collecte des déchets ménagers de la ville de [Localité 4]. La société Suez a ensuite repris l’activité, suite à un appel d’offres et à sa désignation le 11 octobre 2021.
Le 4 avril 2022, la société Suez a informé la société Europe Services Déchets qu’elle ne reprenait pas les salariés affectés à l’entrée et à la sortie des bacs car la convention collective des activités du déchet ne serait pas de nature à s’appliquer.
Le 22 juillet 2022, par quatre ordonnances, le conseil de prud’hommes de Bobigny a ordonné le transfert des contrats de travail des salariés concernés au sein de la société Suez. Dans le courant du mois d’août 2022, la société Suez a repris les contrats de travail de ces salariés.
Alléguant avoir subi un préjudice au motif qu’elle a rémunéré entre le 1er mai et le 19 août 2022 ces salariés, la société Europe Services Déchets a, le 21 février 2023, assigné la société Suez devant le tribunal de commerce de Nanterre.
Le 10 janvier 2024, par jugement contradictoire, ce tribunal a :
– condamné la société Suez à payer à la société Europe Services Déchets la somme de 47 250,93 euros au titre de dommages-intérêts ;
– débouté la société Europe Services Déchets de sa demande de dommages-intérêts en raison du préjudice moral ;
– condamné la société Suez à payer à la société Europe Services Déchets la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la société Suez aux dépens.
Le 8 février 2024, la société Suez a interjeté appel de ce jugement en tous ses chefs de disposition, à l’exception de ce qu’il a débouté la société Europe Services Déchets de sa demande de dommages-intérêts en raison du préjudice moral.
Par dernières conclusions du 4 octobre 2024, elle demande à la cour de :
– la recevoir en ses présentes écritures et l’y déclarer bien fondée ;
En conséquence,
– infirmer le jugement du 10 janvier 2024 en ce qu’il l’a condamnée à verser à la société Europe Services Déchets la somme de 47 250,93 euros au titre de dommages et intérêts, la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;
– le confirmer pour le surplus ;
Statuant à nouveau,
– débouter la société Europe Services Déchets de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– condamner la société Europe Services Déchets à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– la condamner aux entiers dépens.
Par dernières conclusions du 31 juillet 2024, la société Europe Services Déchets demande à la cour de :
– la recevoir en ses écritures, la déclarer bien fondée, ce faisant :
– confirmer le jugement du 10 janvier 2020 en ce qu’il a condamné la société Suez à lui verser :
la somme de 47 250,93 euros au titre des dommages-intérêts en réparation de son préjudice économique ;
la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens ;
– infirmer le jugement du 10 janvier 2020 précité en ce qu’il l’a déboutée du surplus de sa demande indemnitaire en réparation de son préjudice économique ;
Statuant à nouveau,
– condamner la société Suez à lui verser (outre la somme de 47 250,93 euros précitée qui sera confirmée) la somme de 4 300 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice économique consécutif aux frais engagés pour assurer la défense de ses droits devant le conseil de prud’hommes de Bobigny ;
– condamner la société Suez à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile (en cause d’appel) ;
– condamner la société Suez aux entiers dépens.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 10 octobre 2024.
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux conclusions susvisées.
Sur le préjudice économique
La société Suez conteste devoir supporter la charge des salaires, cotisations versées par la société Europe Déchets Services entre le 1er mai et le 19 août 2022 pour les quatre salariés
Elle observe que les quatre ordonnances rendues par le conseil de prud’hommes de Bobigny le 22 juillet 2022 ont ordonné le transfert de MM. [O], [L], [I] et [S] à compter du 15ème jour suivant la notification de la décision et non à compter du 1er mai 2022. Elle fait valoir qu’elle s’était d’ailleurs opposée devant la juridiction prud’homale à la demande de transfert des contrats de travail à effet au 1er mai 2022 et qu’en tout état de cause, elle ne peut être déclarée débitrice pour des prestations non réalisées pour son compte.
Elle souligne que l’intimée n’a pas subi de perte économique puisque les quatre salariés ont, durant la procédure prud’homale, réalisé des tâches pour le compte de la société Europe Services Déchets. Elle prétend qu’une confirmation de la décision du premier juge aboutirait à ce que l’intimée tire profit de la présence de ces salariés dans ses effectifs puisqu’elle bénéficierait gratuitement du fruit de leur travail.
La société Europe Services Déchets soutient que la société Suez était soumise à une obligation conventionnelle pour le transfert des quatre salariés. Elle estime que ce transfert s’est effectué de plein droit à la date à laquelle le marché a pris effet, soit le 1er mai 2022, peu important que le conseil de prud’hommes n’ait pas expressément décidé que la reprise devait être rétroactive.
Elle fait valoir que Suez a engagé sa responsabilité en ne respectant l’obligation conventionnelle de reprise des contrats de travail à laquelle elle était tenue.
Elle observe que la société Suez a attendu six mois pour lui faire part de son refus d’accepter le transfert des quatre salariés alors qu’elle avait été destinataire des documents utiles pour le transfert dès le 21 octobre 2021, ce qu’il l’a empêchée d’agir en justice avant le mois d’avril 2022.
Elle expose que si la société Suez n’avait pas tant attendu pour la fixer sur son refus de reprendre les salariés, le conseil des prud’hommes aurait pu trancher le litige avant la reprise du marché par la société Suez, de sorte qu’elle a été contrainte de maintenir la rémunération de ces quatre salariés jusqu’à la décision du conseil des prud’hommes.
Elle ajoute qu’elle a dû mettre en place une nouvelle organisation pour affecter certains de ces salariés sur un autre poste ; qu’ils n’ont pas été constamment occupés durant cette période.
Réponse de la cour
Le préambule de l’annexe V de la convention collective des activités du déchet prévoit :
« Les partenaires sociaux conviennent que les changements de prestataires qui caractérisent les activités de déchet commandent l’existence d’un dispositif conventionnel de transfert des contrats de travail lorsque les conditions de l’article L. 1224-1 du code du travail ne sont pas réunies. »
L’article 2 intitulé « personnel concerné » de l’avenant 67 du 8 décembre 2020 relatif aux conditions de transfert des contrats de travail en cas de changement de titulaire d’un marché public prévoit :
« Le présent accord s’applique aux salariés, quel que soit leur contrat de travail dès lors qu’ils sont positionnés sur un coefficient inférieur ou égal à 167 (‘) et affecté sur le marché transféré depuis au moins depuis 9 mois continus à la date de reprise du marché (‘).
L’article 5 intitulé « transfert des contrats de travail » prévoit :
« En application du présent accord, le contrat de travail des personnels qui satisfont aux conditions fixées par les articles 2 et suivants est transféré, sous réserve du respect des formalités visées à l’article 4, au nouveau titulaire du marché. »
Il est constant que le marché de la collecte des déchets ménagers assimilés et prestations annexes de la Plaine Commune détenu par la société Europe Services Déchets a été attribué à la société Suez à compter du 1er mai 2022 et que ces sociétés sont soumises à la convention collective des activités du déchet.
Il n’est pas discuté que la convention collective des activités de déchet est d’application obligatoire et qu’elle impose en cas de changement de titulaire d’un marché la reprise des contrats de travail au sein de la société nouvellement titulaire du marché.
C’est d’ailleurs ce qui ressort du courrier du 11 octobre 2021 de la société Suez dans lequel elle réclame à la société Europe Service Déchets un état du personnel à reprendre ainsi que des éléments relatifs à ce personnel, étant observé que par lettre du 21 octobre 2021, la société Europe Service Déchets lui a notamment la liste complète de l’effectif du site concerné par le transfert.
Le litige porte sur quatre salariés, à savoir MM. [S], [O], [L] et [I].
Or, par quatre ordonnances de référé, le conseil de prud’hommes de Bobigny a considéré que chacun de ces salariés devait bénéficier du mécanisme de transfert prévu par la convention collective des activités du déchet et a ordonné le transfert de leurs contrats de travail « à compter du 15ème jour de la réception de la notification de la décision. »
De là, il résulte que la société Suez a méconnu une obligation conventionnelle ; son refus d’accepter le transfert des quatre salariés constitue donc une faute à l’égard de la société Europe Déchets Services.
Dès lors que les contrats de travail de MM. [S], [O], [L] et [I] auraient dû être transférés à la date de prise d’effet du marché conformément à la convention précitée, la date à prendre en compte pour l’évaluation du préjudice allégué par la société Europe Services Déchets est cette date, soit le 1er mai 2022, la date retenue par le conseil de prud’hommes pour ordonner le transfert des quatre contrats litigieux étant nécessairement postérieure à celle de la prise d’effet du marché du fait du contentieux initié à la suite du refus de la société Suez de reprendre ces salariés.
La société Europe Services Déchets évalue son préjudice à la somme de 47 250,93 euros, représentant les salaires, charges, cotisations et indemnités versés pour les quatre salariés entre le 1er mai et le 19 mai 2022, soit la date du transfert effectif de leurs contrats de travail au sein de Suez.
Elle produit à cet égard un tableau établi par elle-même précisant pour la période concernée la part du salaire brut, des cotisations employeur, des indemnités casse-croûtes, des indemnités de transport et de salissure (pièce 15-1) ainsi que les bulletins de salaires de mai, juin, juillet et d’août (pièce 15-2).
Ces bulletins de salaires font état, pour les mois de mai, de juin et de juillet de 151,67 heures de travail mensuel, soit 35 heures par semaine.
Elle verse une attestation en pièce 17 de M. [F], responsable de contrat pour la région Nord chez Europe Services Déchets aux termes de laquelle les quatre salariés concernés par le refus de transfert ont continué à être rémunérés par Europe Services Déchets et où l’on peut lire :
« Durant cette période, nous avons essayé au mieux de faire travailler lors d’absence diverses de titulaires ces salariés. Malheureusement, il n’était pas possible de les placer conformément à leur statut de 35 heures hebdomadaire tout le temps imparti à la régularisation de leur situation. »
Les attestations des quatre salariés concernés produites par la société Suez selon lesquelles ces derniers ont été affectés à des tâches de collectes sur le dépôt de [Localité 5] ne sont pas contradictoires avec celle de M. [F].
Il résulte de ces éléments que si les quatre salariés ont été rémunérés par la société Europe Services Déchets durant la période entre le 1er mai et le 19 août sur la base de 35 heures par semaine, il est indéniable qu’ils ont été payés au moins en partie en contrepartie de prestations accomplies pour la société Europe Services Déchets.
S’il est certain que durant cette période, ils auraient dû être rémunérés par Suez, la rémunération de prestations accomplies pour Europe Services Déchets ne peut être considérée comme un préjudice pour cette dernière dès lors qu’elle a profité de l’activité de ces salariés. Seule la rémunération sans contrepartie peut être analysée comme un préjudice économique. C’est à juste titre que l’appelante rappelle que le la réparation du préjudice doit être intégrale sans perte ni profit pour la victime.
Les attestations versées aux débats ne permettent pas d’établir avec précision la répartition des périodes d’activité et d’inactivité de ces salariés, il convient, par voie d’infirmation, d’évaluer le préjudice d’Europe Services Déchets à la somme forfaitaire de 20 000 euros.
La cour relève que la société Europe Services Déchets n’a pas interjeté du chef de dispositif portant sur son préjudice moral pour désorganisation. La cour n’est donc pas saisie de cette question.
Sur l’indemnisation des frais de procédure engagés par la société Europe Services Déchets devant le conseil de prud’hommes
C’est par de justes motifs que la cour adopte que le premier juge a estimé que les ordonnances du 22 juillet 2022 ont déjà fixé la prise en charge des frais consécutifs à la procédure engagées par la société Europe Services Déchets auprès du conseil de prud’hommes.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a limité l’indemnisation du préjudice économique au remboursement des salaires, cotisations et indemnités.
Sur les demandes accessoires
En application de l’article 700 du code de procédure civile, la société Suez sera condamnée à payer à la société Europe Services Déchets, la somme de 2 500 euros.
La cour, statuant par arrêt contradictoire et dans les limites de sa saisine,
Confirme le jugement sauf en ce qu’il a condamné la société Suez au titre du préjudice économique de la société Europe Services Déchets à payer à cette dernière la somme de 47 250,93 euros
Statuant à nouveau du chef infirme,
Condamne la société Suez à payer à la société Europe Services Déchets la somme de 20 000 euros au titre de son préjudice économique ;
Condamne la société Suez aux dépens d’appel ;
Condamne la société Suez à payer à la société Europe Services Déchets en application de l’article 700 du code de procédure civile la somme de 2 500 euros.
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Monsieur Ronan GUERLOT, Président, et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
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