L’Essentiel : Mme [R] a été embauchée par la SARL ILEC en tant que technico-commerciale le 15 juin 2020, avec un contrat à durée indéterminée et une clause de non-concurrence. Elle a démissionné le 8 octobre 2021, mettant fin à son contrat le 13 novembre 2021. Après avoir signé un nouveau contrat avec CD Sud, elle a saisi le conseil de prud’hommes le 15 avril 2022 pour diverses demandes. Le 4 avril 2023, le conseil a débouté Mme [R] et l’a condamnée à rembourser 202,81 € pour la clause de non-concurrence. Elle a interjeté appel, soutenant que sa démission devait être requalifiée.
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Embauche et Démission de Mme [R]Mme [X] [R] a été embauchée par la SARL ILEC en tant que technico-commerciale à temps plein à partir du 15 juin 2020, avec un contrat de travail à durée indéterminée incluant une clause de non-concurrence. Elle a démissionné par courrier recommandé le 8 octobre 2021, mettant fin à son contrat le 13 novembre 2021 après un préavis d’un mois. Clause de Non-Concurrence et Nouvel EmploiLa SARL ILEC a maintenu la clause de non-concurrence et a versé à Mme [R] des sommes en contrepartie de cette clause. Le 15 novembre 2021, Mme [R] a signé un nouveau contrat avec la société CD Sud. La SARL ILEC a informé cette dernière de l’existence de la clause de non-concurrence. Litige et Saisine des Prud’hommesLe 15 avril 2022, Mme [R] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse pour diverses demandes, y compris le paiement d’heures supplémentaires et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. En réponse, la SARL ILEC a demandé le remboursement des sommes versées au titre de la clause de non-concurrence. Jugement du Conseil de Prud’hommesLe 4 avril 2023, le conseil de prud’hommes a débouté Mme [R] de toutes ses demandes et l’a condamnée à rembourser la somme de 202,81 € pour la clause de non-concurrence indûment perçue. Mme [R] a interjeté appel de ce jugement le 17 mai 2023. Appel et Conclusions de Mme [R]Dans ses conclusions d’appel, Mme [R] a demandé l’infirmation du jugement, soutenant que sa démission devait être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle a également réclamé des sommes importantes pour heures supplémentaires, travail dissimulé, et dommages et intérêts. Conclusions de la SARL ILECLa SARL ILEC a demandé la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, y compris le remboursement de la somme de 202,81 € et des frais d’appel. Elle a également demandé des condamnations supplémentaires à l’encontre de Mme [R]. Motifs de la DécisionLa cour a examiné les demandes de Mme [R] concernant les heures supplémentaires, les repos compensateurs, et le travail dissimulé, concluant qu’elle n’avait pas fourni de preuves suffisantes pour justifier ses demandes. La démission de Mme [R] a été considérée comme un acte unilatéral clair, sans éléments prouvant un vice du consentement. Clause de Non-Concurrence et ViolationLa cour a confirmé que Mme [R] avait violé la clause de non-concurrence en acceptant un emploi chez CD Sud, une entreprise concurrente. Par conséquent, elle a perdu son droit à la contrepartie financière liée à cette clause. Dépens et Article 700 du Code de Procédure CivileLa cour a décidé que Mme [R] supporterait les dépens de première instance et d’appel, sans application de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de la SARL ILEC. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de validité d’une clause de non-concurrence dans un contrat de travail ?La clause de non-concurrence doit respecter certaines conditions pour être considérée comme valide. Selon l’article L. 1121-1 du Code du travail, une clause de non-concurrence ne peut être mise en œuvre que si elle est justifiée par les intérêts légitimes de l’entreprise. Elle doit également être limitée dans le temps et dans l’espace, et prévoir une contrepartie financière pour le salarié. En l’espèce, la clause de non-concurrence stipule que Mme [R] s’engage à ne pas exercer des fonctions similaires ou concurrentes à celles exercées au sein de la SARL ILEC, et ce, pour une durée d’un an dans un périmètre géographique précis. La contrepartie financière est fixée à 25 % du salaire brut, versée mensuellement. Ces éléments montrent que la clause respecte les exigences légales, ce qui la rend opposable à Mme [R]. Comment se détermine la nature d’une démission par rapport à une prise d’acte de rupture ?La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste clairement sa volonté de mettre fin à son contrat de travail. Selon la jurisprudence, si un salarié remet en cause sa démission en raison de manquements de l’employeur, le juge doit examiner si la démission était équivoque. Si des circonstances antérieures ou contemporaines à la démission montrent que celle-ci était ambivalente, elle peut être requalifiée en prise d’acte de rupture, entraînant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Dans le cas de Mme [R], sa lettre de démission ne mentionne aucun manquement de l’employeur et respecte le préavis d’un mois. Ainsi, la cour a considéré qu’il s’agissait d’une démission claire et non équivoque, déboutant Mme [R] de ses demandes liées à la rupture. Quelles sont les obligations de l’employeur en matière de preuve des heures supplémentaires ?L’article L. 3171-4 du Code du travail impose à l’employeur de fournir des éléments justifiant les horaires de travail en cas de litige sur l’existence ou le nombre d’heures effectuées. Le juge se base sur ces éléments ainsi que sur ceux fournis par le salarié pour former sa conviction. Il appartient au salarié de présenter des éléments suffisamment précis concernant les heures non rémunérées pour permettre à l’employeur de répondre. Dans le cas présent, Mme [R] a fourni des tableaux détaillant ses heures de travail, mais la SARL ILEC a produit des éléments contraires, notamment des attestations et des feuilles de présence. La cour a jugé que Mme [R] n’avait pas prouvé l’existence d’heures supplémentaires, confirmant ainsi le jugement de première instance. Quels sont les droits du salarié en cas de travail dissimulé ?L’article L. 8221-5 du Code du travail définit le travail dissimulé comme le fait pour un employeur de ne pas respecter les formalités de déclaration d’embauche ou de mentionner un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué. En cas de rupture de la relation de travail, l’article L. 8223-1 prévoit que le salarié a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire. Mme [R] a demandé une indemnité pour travail dissimulé, mais la cour a débouté sa demande, considérant qu’elle n’avait pas prouvé l’existence de travail dissimulé dans son cas. Quelles sont les conséquences d’une violation de la clause de non-concurrence ?En cas de violation de la clause de non-concurrence, le salarié perd son droit à la contrepartie financière prévue par cette clause. Dans le cas de Mme [R], elle a été embauchée par une société concurrente, ce qui constitue une violation de la clause. La cour a donc décidé qu’elle devait rembourser la somme perçue au titre de la clause de non-concurrence, confirmant ainsi la décision du conseil de prud’hommes. Cette décision souligne l’importance pour les salariés de respecter les engagements pris dans leur contrat de travail, notamment en ce qui concerne les clauses de non-concurrence. |
ARRÊT N°25/7
N° RG 23/01800
N° Portalis DBVI-V-B7H-PONF
FCC/ND
Décision déférée du 04 Avril 2023 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Toulouse
( 22/00584)
MME BOST
SECTION COMMERCE
[X] [R]
C/
S.A.R.L. ILEC
CONFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
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COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 2
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ARRÊT DU DIX JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ
***
APPELANTE
Madame [X] [R]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Laurence DUPUY-JAUVERT, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMEE
S.A.R.L. ILEC, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Julien POURQUIE-KESSAS de l’AARPI KOOP AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 Novembre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant F. CROISILLE-CABROL, conseillère, chargée du rapport. Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BRISSET, présidente
F. CROISILLE-CABROL, conseillère
AF. RIBEYRON, conseillère
Greffière, lors des débats : M. TACHON
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par C. BRISSET, présidente, et par M. TACHON, greffière de chambre
Mme [X] [R] a été embauchée selon un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein à compter du 15 juin 2020 en qualité de technico-commerciale/employée polyvalente par la SARL ILEC. Le contrat contenait une clause de non-concurrence.
La convention collective applicable est celle du commerce de gros.
Par courrier daté du 8 octobre 2021, adressé par LRAR à la SARL ILEC, Mme [R] a démissionné. Le contrat de travail a pris fin au 13 novembre 2021, à l’issue d’un préavis d’un mois. La SARL ILEC n’a pas libéré Mme [R] de la clause de non-concurrence ; elle a émis des bulletins de paie mentionnant le paiement des sommes de 233,45 € bruts à titre de contrepartie de la clause de non-concurrence, outre congés payés de 23,35 € bruts (soit 202,81 € nets) en novembre 2021, et 411,97 € bruts outre congés payés de 41,20 € bruts (soit 457,90 € nets) en décembre 2021.
Le 15 novembre 2021, Mme [R] a signé un contrat à durée indéterminée avec la société CD Sud pour un poste de technico-commerciale.
Par LRAR du 9 décembre 2021, le conseil de la SARL ILEC a informé la société CD Sud de l’existence d’une clause de non-concurrence liant Mme [R] ; par LRAR du même jour, il a également rappelé cette clause à Mme [R].
Par lettre remise en main propre le 30 décembre 2021, la société CD Sud a rompu la période d’essai de Mme [R], avec effet au 14 janvier 2022.
Le 15 avril 2022, Mme [R] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse aux fins notamment de paiement d’heures supplémentaires, de repos compensateurs, de l’indemnité pour travail dissimulé, de la rémunération variable, de l’indemnité de licenciement, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de la contrepartie la clause de non-concurrence, de dommages et intérêts pour non paiement de cette contrepartie et de dommages et intérêts pour atteinte à la liberté de travailler.
A titre reconventionnel, la SARL ILEC a demandé le remboursement de la somme payée au titre de la clause de non-concurrence.
Par jugement du 4 avril 2023, le conseil de prud’hommes de Toulouse a :
– débouté Mme [R] de l’ensemble de ses demandes,
– condamné Mme [R] à payer à la SARL ILEC la somme de 202,81 € au titre de l’indemnité de non-concurrence indûment perçue,
– débouté la SARL ILEC de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné Mme [R] aux entiers dépens.
Mme [R] a interjeté appel de ce jugement le 17 mai 2023, en énonçant dans sa déclaration d’appel les chefs critiqués.
Par conclusions n°3 notifiées par voie électronique le 30 septembre 2024, auxquelles il est fait expressément référence, Mme [R] demande à la cour de :
– infirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [R] de sa demande de requalification de la prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse et jugé que la prise d’acte de Mme [R] produit les effets d’une démission, débouté Mme [R] de ses demandes d’heures supplémentaires, repos compensateurs, indemnité pour travail dissimulé, dommages et intérêts au titre de la rémunération variable, indemnité de licenciement, dommages et intérêts, jugé que Mme [R] n’avait pas respecté la clause de non-concurrence et l’a condamnée au paiement de la somme de 202,81 € au titre de la clause de non-concurrence,
Et, statuant à nouveau des chefs de jugement infirmés,
– juger que la prise d’acte de Mme [R] est imputable à l’employeur et produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– condamner la SARL ILEC à payer à Mme [R] les sommes suivantes :
* 5.564,83 € au titre des heures supplémentaires outre 556,48 € de congés payés afférents,
* 336,66 € pour la contrepartie obligatoire en repos, outre 33,66 € de congés payés afférents,
* 12.145,8 € pour travail dissimulé,
* 4.789,75 € à titre de rappel de rémunération variable, outre 478,97 € de congés payés afférents,
* 716,83 € d’indemnité de licenciement,
* 4.048 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 4.740,95 € de contrepartie à la clause de non-concurrence, outre 470 € de congés payés afférents,
* 5.000 € pour inexécution par l’employeur de son obligation de verser la contrepartie financière à la clause de non concurrence,
* 10.000 € de dommages et intérêts pour atteinte à la liberté fondamentale de travailler,
À titre subsidiaire, si la réalisation d’heures supplémentaires n’était pas reconnue,
– condamner la SARL ILEC au paiement des sommes suivantes :
* 5.564,83 € au titre des heures supplémentaires outre 556,48 € de congés payés afférents,
* 336,66 € pour la contrepartie obligatoire en repos, outre 33,66 € de congés payés afférents,
* 10.092 € pour travail dissimulé,
* 4.789,75 € à titre de rappel de rémunération variable, outre 478,97 € de congés payés afférents,
* 595,7 € d’indemnité de licenciement,
* 3.364 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 4.740,95 € de contrepartie à la clause de non-concurrence, outre 470 € de congés payés afférents,
* 5.000 € pour inexécution par l’employeur de son obligation de verser la contrepartie financière à la clause de non concurrence,
* 10.000 € de dommages et intérêts pour atteinte à la liberté fondamentale de travailler,
En tout état de cause,
– condamner la SARL ILEC à payer à Mme [R] la somme de 4.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la SARL ILEC aux entiers dépens,
– ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l’article 1343-2 du code civil,
– ordonner qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées et qu’en cas d’exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l’huissier instrumentaire, en application des dispositions de l’article A 444-32 du code de commerce, sur les sommes n’étant pas dues en exécution du contrat de travail devront être supportées par la société défenderesse en application des dispositions de l’article R 631-4 du code de la consommation en sus de l’indemnité mise à sa charge sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions n° 4 notifiées par voie électronique le 21 octobre 2024, auxquelles il est fait expressément référence, la SARL ILEC demande à la cour de :
– confirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a débouté la société ILEC de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [R] de l’ensemble de ses demandes et en ce qu’il l’a condamnée au paiement de la somme de 202,81 € au titre de l’indemnité de non-concurrence indument perçue ainsi qu’aux dépens,
Et statuant à nouveau,
– débouter Mme [R] de l’ensemble de ses demandes,
– condamner Mme [R] à payer à la société ILEC la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, au titre de la première instance,
– condamner Mme [R] à payer à la société ILEC la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, au titre de la procédure d’appel,
– condamner Mme [R] aux entiers dépens.
La clôture de la procédure a été prononcée selon ordonnance du 22 octobre 2024.
1 – Sur les demandes liées à l’exécution du contrat de travail :
Sur les heures supplémentaires, les repos compensateurs et le travail dissimulé :
Aux termes de l’article L 3171-4, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Aux termes de l’article L 3121-30, en sa version applicable lors de la relation de travail, des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d’un contingent annuel défini par une convention ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou à défaut de branche ; cette convention ou cet accord fixe l’ensemble des conditions d’accomplissement d’heures supplémentaires au-delà du contingent et les caractéristiques et conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos compensateur.
L’article D 3121-24 fixe le contingent annuel d’heures supplémentaires à 220 heures par salarié.
L’article 18 IV de la loi du 20 août 2008 prévoit une contrepartie obligatoire due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent égale à 100 % pour les entreprises de 20 salariés et plus.
En vertu de l’article L 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement des formalités de déclaration préalable à l’embauche, ou de délivrance des bulletins de paie, ou de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, ou de se soustraire intentionnellement aux déclarations de salaires et cotisations sociales auprès des organismes de recouvrement des cotisations sociales.
En application de l’article L 8223-1, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l’employeur a eu recours en commettant les faits prévus à l’article L 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaire.
Mme [R] réclame le paiement de 436,5 heures supplémentaires effectuées entre la semaine 25 de 2020 (semaine du 15 juin) et la semaine 41 de 2021 (semaine du 11 octobre).
Dans ses conclusions, elle soutient qu’elle travaillait habituellement 44 heures par semaine, du lundi au jeudi de 7h30 à 12h30 et de 13h30 à 17h30, et le vendredi de 7h30 à 12h30 et de 13h30 à 16h30, et qu’en sus elle assurait souvent des rendez-vous clients et fournisseurs et faisait des livraisons sur les chantiers, tôt le matin ou tard le soir.
Elle verse aux débats, notamment :
– un tableau sur la période visée, mentionnant jour par jour ses heures de début de travail (7h30, 8h, 8h15 ou 8h30) et de fin de travail (16h30, 17h30 ou 18h), ses temps de pause (généralement une heure), sa durée de travail, avec le récapitulatif hebdomadaire (pièce n° 11) ;
– un tableau de calcul des heures supplémentaires majorées à 25 % ou à 50 % pour 5.564,83 € (pièce n° 12) ;
– des attestations d’un client, M. [T], disant que Mme [R] venait régulièrement le soir (après 19h, ou entre 17h30 et 20h) ;
– une attestation d’un client, M. [C], disant que Mme [R] venait régulièrement le soir pour des livraisons entre 18h et 20h ; toutefois la SARL ILEC souligne que l’écriture sur la page 2 ne correspond pas à celle de la page 1 mais à l’écriture de Mme [R] ; Mme [R] est muette sur ce point et elle ne produit pas l’original de l’attestation, qui sera donc écartée.
Indépendamment de la dernière attestation, Mme [R] fournit donc des éléments suffisamment précis pour que la SARL ILEC puisse répondre.
Il importe peu que Mme [R] ait établi les tableaux pour les besoins de la cause et qu’elle n’ait rien réclamé pendant la relation de travail, celle-ci conservant le droit de demander le paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l’accord au moins implicite de l’employeur, soit s’il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées ; à cet égard, il est indifférent que M. [S], le prédécesseur de Mme [R], et M. [J] vendeur comptoir n’aient pas accompli d’heures supplémentaires, et que M. [S] ait été autonome dans la gestion de son temps de travail ; en outre, contrairement aux affirmations de la SARL ILEC, Mme [R] ne confond pas amplitude de travail et temps de travail puisqu’elle soustrait ses temps de pause.
Ceci étant, la SARL ILEC, qui nie l’existence d’heures supplémentaires et affirme que Mme [R] faisait des journées de 8h-17h, 8h30-17h30 ou 9h-18h avec une pause méridienne d’au moins une heure et souvent plus lorsqu’elle faisait du sport, que la société disposait de prestataires pour effectuer les livraisons de sorte que celles effectuées par Mme [R] étaient rares, que les quelques jours où Mme [R] commençait à 7h30 elle finissait plus tôt le soir, et qu’elle avait des activités personnelles pendant ses journées de travail, produit :
– une attestation de M. [L] technico-commercial indiquant que Mme [R] prenait régulièrement des pauses supérieures à une heure, rentrant déjeuner chez elle ou allant à la salle de sport ; M. [L] ajoute qu’elle allait également à la salle le soir et partait alors plus tôt, qu’elle n’était pas matinale et arrivait à l’agence à sa convenance ; cette attestation ne peut être écartée au seul motif qu’elle émane d’un salarié de la SARL ILEC ;
– les agendas de Mme [R] de juin 2020 à octobre 2021 (pièces n° 23 et 24), mentionnant des ‘RV perso’ à des heures où dans sa pièce n° 11 elle affirmait travailler ; dans ses conclusions, Mme [R] affirme que les extraits d’agendas a posteriori ont pu être modifiés par l’employeur, et que, lorsqu’elle avait des rendez-vous personnels, alors elle ne prenait pas de pause déjeuner ou bien elle revenait travailler après son rendez-vous ; toutefois, Mme [R] ne fournit pas d’éléments concrets rendant crédible une falsification d’agenda ; par ailleurs, dans sa pièce n° 11, les jours concernés par les rendez-vous personnels elle mentionne des pauses et ne décale pas ses heures de fin ;
– des feuilles de présence mensuelles pour les mois de juin, août, septembre, octobre, novembre et décembre 2020, janvier, février, mars, avril, mai, juillet, août et octobre 2021 (pièce n° 11) ; ces feuilles comportaient diverses colonnes à renseigner dont les heures supplémentaires, absences et congés ; or, si ces feuilles comportent des mentions, notamment sur des absences et congés, il n’y en a aucune sur des heures supplémentaires ; ces documents ont été contresignés par Mme [R] sans réserves ; même s’il manque les mois de juillet 2020, juin et septembre 2021, ils constituent des documents établis de manière contradictoire.
Au vu des éléments fournis par l’employeur, la cour considère donc que Mme [R] n’a pas accompli d’heures supplémentaires, et confirmera le jugement qui l’a déboutée de sa demande de ce chef.
Par suite, il y a lieu également de débouter Mme [R] de ses demandes relatives aux repos compensateurs et à l’indemnité pour travail dissimulé, sur lesquelles le conseil de prud’hommes ne s’est pas spécialement prononcé, se bornant à un débouté de l’ensemble des demandes dans le dispositif.
Sur le rappel de rémunération variable :
L’article 3 du contrat de travail stipule :
– une rémunération fixe de 1.539,42 € bruts ;
– une commission brute sur marge réalisée en fonction du chiffre d’affaires mensuel HT, selon un tableau avec les tranches de chiffre d’affaires (25.000 € – 45.000 € ; 45.000 € – 60.000 € ; au-delà de 60.000 €), la base (chiffre d’affaires – 35.000 €, 45.000 € ou 60.000 € selon la tranche) et la commission brute (base x taux de marge x 1,5 %, 2,5 % ou 4 % selon la tranche) ; le chiffre d’affaires devant respecter une condition de marge moyenne de 28 % ou une marge cohérente en fonction du marché, étant comptabilisé à la réalisation de la livraison et de la facturation, et faisant l’objet d’un ajustement (récupération en cas de facture impayée plus de 4 mois, ou en cas de créance irrecouvrable ; régularisation tardive par le client entraînant la restitution de la commission) ; et la commission étant versée avec un différé d’un mois ;
– une prime d’assiduité client de 4 € par client et par mois, sur les comptes clients réalisant un chiffre d’affaires mensuel d’au moins 800 € HT ;
– un bonus ‘nouveau client’ de 12 €.
Suivent deux exemples de calcul de commissions : pour un chiffre d’affaires de 55.000 € HT et un taux de marge de 31 %, sont dues des commissions de 170,50 € ; pour un chiffre d’affaires de 70.000 € HT et un taux de marge de 30 %, sont dues des commissions de 393 €.
Mme [R] affirme que le calcul mentionné dans le contrat de travail était injuste et incompréhensible, que des sommes lui étaient versées sans explications, que les objectifs étaient inatteignables ainsi qu’en atteste M. [M] de sorte qu’elle n’a perçu en tout et pour tout que des primes de 401,12 €, et que l’employeur ne justifie pas de la non-atteinte des objectifs. Elle sollicite un rappel de rémunération sur 17 mois qu’elle calcule sur la moyenne des commissions de 170,50 € et 393 € mentionnées à titre d’exemples soit 281,75 €.
Or :
– Mme [R] a bien signé son contrat de travail ;
– le mode de calcul détaillé dans ce contrat était clair ;
– les bulletins de paie mentionnaient le type de rémunération versée autre que le salaire de base (primes d’assiduité client, prime ouverture compte client, prime exceptionnelle, primes sur le chiffre d’affaires – ces dernières s’étant élevées à un total de 147,12 €) ;
– les feuilles de présence mentionnaient également les rémunérations variables dues, en précisant le chiffre d’affaires et le taux de marge ;
– M. [M], qui est un client et se borne à rapporter les propos de Mme [R], n’explicite pas en quoi les objectifs de Mme [R] étaient inatteignables ;
– M. [N], ancien technico-commercial au sein de la SARL ILEC entre 2015 et 2018, atteste que les objectifs de chiffre d’affaires étaient réalisables, et que lui-même est passé d’un chiffre d’affaires annuel de 80.000 € à un chiffre de 500.000 € ;
– Mme [R] ne saurait prétendre avoir droit automatiquement à la moyenne des commissions mentionnées dans le contrat à titre de simples exemples.
Confirmant le jugement, la cour estime donc que Mme [R] ne peut prétendre à aucun rappel de rémunération variable sur le chiffre d’affaires.
2 – Sur la démission :
La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail. Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l’annulation de la démission, remet en cause sa démission en raison de faits ou manquements imputables à l’employeur, le juge doit, s’il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu’à la date à laquelle elle a été donnée celle-ci était équivoque, l’analyser en une prise d’acte de la rupture qui entraîne immédiatement la rupture du contrat de travail et produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les manquements reprochés à l’employeur sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail, ou dans le cas contraire, d’une démission.
Le courrier daté du 8 octobre 2021 émanant de Mme [R] était rédigé ainsi :
‘Je vous informe par cette lettre de ma décision de démissionner de mes fonctions (technico-commerciale) exercées depuis le 15 juin 2020 au sein de l’entreprise. J’ai bien noté que les termes de mon contrat de travail prévoient un préavis de 1 mois.’
Ainsi, la lettre n’était pas motivée et ne faisait référence à aucun manquement imputable à la SARL ILEC, et Mme [R] entendait respecter le préavis d’un mois applicable en cas de démission, sans mettre un terme immédiat au contrat de travail comme en matière de prise d’acte de la rupture du contrat de travail.
Si, dans ses conclusions, Mme [R] affirme qu’il s’agissait d’une prise d’acte de la rupture du contrat de travail, elle ne mentionne aucune circonstance antérieure ou contemporaine de la démission rendant celle-ci équivoque, et ne produit aucune pièce à ce sujet. Ce n’est que le 15 avril 2022, soit 6 mois après sa lettre, qu’elle a saisi le conseil de prud’hommes en remettant en cause sa démission.
Par suite, il ne s’agissait pas d’une prise d’acte de la rupture du contrat de travail mais bien d’une démission non équivoque, et, sans même qu’il soit besoin d’évoquer les griefs énoncés par Mme [R] à l’appui d’une prise d’acte de la rupture du contrat de travail, il convient de débouter la salariée de ses demandes liées à la rupture (indemnité de licenciement et dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse) par confirmation du jugement.
3 – Sur la clause de non-concurrence :
La clause de non-concurrence était ainsi libellée : « Melle [X] [R] s’engage, postérieurement à la cessation de son contrat de travail quelle qu’en soit la cause et à quelque époque que ce soit, y compris pendant la période d’essai, à ne pas exercer directement ou indirectement de fonctions similaires ou concurrentes de celles exercées au sein de la SARL ILEC.
Elle s’engage donc à ne pas travailler en qualité de salarié ou de non salarié pour une entreprise concurrente et à ne pas créer, directement ou indirectement, par personne interposée, d’entreprise ayant des activités concurrentes ou similaires à celles de la SARL ILEC, c’est-à-dire le commerce de gros de matériel électrique.
Cet engagement est limité au département de la Haute-Garonne (31) et à ses départements limitrophes : l’Ariège (09), l’Aude (11), le Tarn (81), le Tarn-et-Garonne (82), le Gers (32), et les Hautes Pyrénées (65) et à une durée d’un an.
En contrepartie de l’engagement de Melle [X] [R], la SARL ILEC s’engage à lui verser 25 % de son salaire brut à l’issue du contrat de travail. Cette indemnité sera versée mensuellement. »
Il ressort des pièces versées aux débats que :
– la SARL ILEC ayant son siège social à [Localité 10] exerce en région toulousaine ; elle a pour activités la distribution de matériel électrique : câbles, conduits, équipements d’installations électriques, éclairage, génie climatique (chauffage, climatisation, régulation), sécurité, outillage ;
– la société CD Sud ayant son siège social à [Localité 8] a diverses agences, notamment à [Localité 5], [Localité 6], [Localité 7] et [Localité 10] [Localité 9] ; Mme [R] relevait de l’agence de [Localité 7] ; la société a pour activités la distribution en énergies renouvelables : climatisation- chauffage (pompes à chaleur, ventilo-convecteurs, planchers chauffants), ventilation, systèmes photovoltaïques, accessoires, outillage ;
– Mme [R] occupait le même poste au sein des deux sociétés (technico-commerciale) ;
– les deux sociétés appliquent la même convention collective nationale (la convention collective du commerce de gros) ;
– MM. [W], [G] et [Y], électriciens, attestent être clients de la SARL ILEC et avoir été démarchés par la société CD Sud via Mme [R].
Mme [R] affirme qu’il n’y a eu aucune violation de la clause de non-concurrence car cette clause ne concernait que le commerce de gros de matériel électrique et la société CD Sud ne commercialise pas de matériel électrique, mais seulement des produits de chauffage et climatisation, et qu’en outre elle n’a pas démarché ses anciens clients mais leur a seulement, à leur demande, dit qu’elle allait travailler au sein de la société CD Sud. Elle demande le paiement des sommes de :
411,98 € (bruts) par mois x 12 mois = 4.943,76 €
à déduire somme déjà payée (en net) au titre de la période du 13 au 30 novembre 2021 et des congés payés : – 202,81 €
soit un solde de 4.740,95 €
outre congés payés de 470 €.
Néanmoins, les deux sociétés commercialisent bien du matériel électrique et notamment des produits de chauffage et climatisation – les pompes à chaleur, les convecteurs et les systèmes de ventilation étant des appareils électriques même si la société CD Sud les présente sur son site comme des produits éco-responsables – dans la région toulousaine, et elles avaient les mêmes clients (des électriciens). Elles étaient donc bien concurrentes, et, en se faisant embaucher par la société CD Sud le 15 novembre 2021, Mme [R] a violé sa clause de non-concurrence, et elle a définitivement perdu son droit à la contrepartie, même si son contrat de travail a été rompu par la société CD Sud pendant la période d’essai au 14 janvier 2022.
Il convient donc de la débouter de sa demande en paiement et de la condamner au remboursement de la somme déjà perçue, en net, pour le mois de novembre 2021, comme demandé par la SARL ILEC qui ne réclame rien au titre du mois de décembre 2021, le jugement étant confirmé.
La clause de non-concurrence était licite et c’est à bon droit que la SARL ILEC a informé la société CD Sud et Mme [R] des risques qu’elles encouraient au regard de la concurrence. Mme [R] sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour atteinte à la liberté de travailler liée à la rupture du contrat de travail avec la société CD Sud, étant précisé que le conseil de prud’hommes ne s’est pas spécialement prononcé sur ce chef, se bornant à débouter la salariée de l’ensemble de ses demandes.
4 – Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile :
La salariée partie perdante supportera les entiers dépens de première instance et d’appel, et ses frais irrépétibles non compris dans les dépens. L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la SARL ILEC.
La cour,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
Condamne Mme [X] [R] aux dépens d’appel.
Le présent arrêt a été signé par C. BRISSET, présidente, et par M. TACHON, greffière.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
M. TACHON C. BRISSET
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