L’Essentiel : Le 8 avril 2021, la société [5] a signalé un accident du travail survenu le 6 avril, impliquant Mme [X], factrice. Lors de la collecte de sacs, elle a ressenti une douleur à l’arrière de la cuisse droite. Un certificat médical a diagnostiqué une radiculalgie L5 droite, entraînant un arrêt de travail. La caisse primaire d’assurance maladie a reconnu l’accident comme professionnel, mais la société a contesté cette décision. Le tribunal a finalement confirmé la prise en charge de l’accident, rejetant les arguments de la société concernant l’absence de témoins et le lien entre les lésions et l’activité professionnelle.
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Contexte de l’accidentLe 8 avril 2021, la société [5], spécialisée dans le travail temporaire, a déclaré un accident du travail survenu le 6 avril 2021 à 16h50, impliquant sa salariée, Mme [Z] [X], employée en tant que factrice. L’accident s’est produit lors de la collecte de sacs chez un client, où Mme [X] a ressenti une douleur à l’arrière de la cuisse droite en portant des charges lourdes. Déclaration et constatations médicalesLa déclaration d’accident mentionnait que la victime avait ressenti des douleurs en saisissant les sacs, sans aucune réserve de la part de la société [5]. Un certificat médical daté du 7 avril 2021 a diagnostiqué une radiculalgie L5 droite, prescrivant un arrêt de travail jusqu’au 14 avril 2021. Dans un courriel envoyé le 7 avril, Mme [X] a expliqué à son employeur les circonstances de l’accident, précisant qu’elle avait ressenti une douleur intense après avoir porté plusieurs sacs lourds. Reconnaissance de l’accident par la caisse d’assurance maladieLe 21 avril 2021, la caisse primaire d’assurance maladie de Loire Atlantique a reconnu le caractère professionnel de l’accident. En désaccord avec cette décision, la société [5] a saisi la commission de recours amiable le 15 juin 2021, qui a rejeté sa contestation le 21 septembre 2021. La société a ensuite porté l’affaire devant le tribunal judiciaire de Nantes le 18 novembre 2021. Arguments de la société [5]La société [5] a soutenu que l’absence de témoins et le manque de preuves établissant un lien entre les lésions et l’activité professionnelle de Mme [X] remettaient en question la reconnaissance de l’accident. Elle a également souligné que la salariée n’avait pas informé son responsable immédiatement après l’accident, ce qui, selon elle, excluait la présomption d’imputabilité. De plus, la société a fait valoir que les lésions étaient disproportionnées par rapport à l’effort décrit et qu’elles pouvaient résulter d’un état pathologique préexistant. Arguments de la caisse primaire d’assurance maladieLa caisse primaire d’assurance maladie a défendu sa décision en affirmant que la douleur soudaine ressentie par Mme [X] était suffisante pour établir un lien avec un accident du travail. Elle a souligné que la déclaration d’accident et le certificat médical corroborent la survenance d’une lésion due au port de charges lourdes. La caisse a également précisé que l’absence de réserves de la part de l’employeur lors de la déclaration d’accident ne nécessitait pas d’enquête préalable. Décision du tribunalLe tribunal a jugé que la société [5] était recevable dans son recours et a confirmé la décision de la commission de recours amiable, déclarant opposable la décision de prise en charge de l’accident au titre de la législation professionnelle. Le tribunal a également débouté la société de toutes ses demandes et l’a condamnée aux dépens, rappelant que les parties avaient un mois pour interjeter appel. |
Q/R juridiques soulevées :
Sur la recevabilité du recours contentieux de la société [5]La recevabilité du recours contentieux de la société [5] est régie par l’article R 142-1-A.III, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, qui stipule que, sauf disposition contraire, le délai de recours contentieux est de deux mois à compter de la notification de la décision contestée. En l’espèce, la décision de la commission de recours amiable a été notifiée à la société [5] par lettre du 24 septembre 2021. Ainsi, la société [5] a formé son recours le 18 novembre 2021, soit dans le délai imparti, ce qui rend son recours recevable. Sur l’opposabilité de la décision de la caisse primaire d’assurance maladie de Loire AtlantiqueL’article L 411-1 du code de la sécurité sociale définit un accident du travail comme un événement survenu par le fait ou à l’occasion du travail, entraînant une lésion corporelle. Dans cette affaire, le certificat médical du 7 avril 2021 indique que Mme [X] souffre d’une radiculalgie L5 droite suite à un effort de port de charges. Cette constatation médicale, qui ne se limite pas à une simple retranscription des déclarations de la salariée, soutient la thèse d’un accident du travail. Il est établi que le 6 avril 2021, à 16h50, Mme [X] a ressenti une douleur vive en portant des charges lourdes, ce qui a nécessité une consultation médicale le lendemain. Sur le respect du délai d’information de l’employeurLes articles L 441-1 et R 441-2 du code de la sécurité sociale stipulent que la victime d’un accident du travail doit informer son employeur dans la journée de l’accident ou, au plus tard, dans les vingt-quatre heures, sauf cas de force majeure. Mme [X] a informé son employeur par courriel le 7 avril 2021, soit 28 heures et 39 minutes après l’accident. Cependant, le non-respect de ce délai n’entraîne pas automatiquement la perte de la présomption d’imputabilité. Il n’existe pas d’éléments dans le dossier qui pourraient écarter cette présomption, permettant ainsi la prise en charge de l’accident. Sur l’obligation d’instruction de la caisse primaire d’assurance maladieL’article R 441-7 du code de la sécurité sociale précise que la caisse engage des investigations lorsqu’elle l’estime nécessaire ou lorsqu’elle a reçu des réserves motivées de l’employeur. Dans le cas présent, la société [5] n’a émis aucune réserve lors de la déclaration d’accident. Par conséquent, la caisse n’était pas tenue de mener une instruction préalable à sa décision de prise en charge. La décision de la caisse de reconnaître le caractère professionnel de l’accident est donc opposable à la société [5]. Sur la présomption d’imputabilité de l’accidentLa présomption d’imputabilité est un principe qui s’applique lorsque la lésion est survenue au temps et au lieu de travail. Dans cette affaire, le certificat médical et le courriel de Mme [X] corroborent la survenance d’une lésion en relation avec un fait accidentel survenu dans le cadre de son travail. La société [5] n’a pas apporté de preuve suffisante pour contester le lien de causalité entre l’accident et l’activité professionnelle de Mme [X]. Ainsi, la présomption d’imputabilité s’applique, et la décision de prise en charge de l’accident est justifiée. |
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTES
POLE SOCIAL
Jugement du 10 Janvier 2025
N° RG 21/01039 – N° Portalis DBYS-W-B7F-LKPG
Code affaire : 89E
COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :
Président : Hubert LIFFRAN
Assesseur : Frédéric JANNET
Assesseur : Sébastien HUCHET
Greffière : Julie SOHIER
DÉBATS
Le tribunal judiciaire de Nantes, pôle social, réuni en audience publique au palais de justice à Nantes le 9 Octobre 2024.
JUGEMENT
Prononcé par Hubert LIFFRAN, par mise à disposition au Greffe le 20 Décembre 2024 prorogé au 10 Janvier 2025.
Demanderesse :
Société [5]
Service AT/MP
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée lors de l’audience par M. [F] [Y], juriste muni à cet effet d’un pouvoir spécial
Défenderesse :
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LOIRE-ATLANTIQUE
Service contentieux
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Madame [J] [N], audiencière munie à cet effet d’un pouvoir spécial
Le Président et les assesseurs, après avoir entendu le NEUF OCTOBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE les parties présentes, en leurs observations, les ont avisées, de la date à laquelle le jugement serait prononcé, ont délibéré conformément à la loi et ont statué le VINGT DECEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE prorogé au DIX JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ, dans les termes suivants :
Le 8 avril 2021, la société [5], entreprise de travail temporaire, a a déclaré un accident du travail survenu le 6 avril 2021 à 16h50 à l’une de ses salariés, Mme [Z] [X], née en 1993, employée en qualité de factrice auprès de [6], entreprise utilisatrice.
Cette déclaration comportait, notamment, les indications suivantes :
‘‘Activité de la victime lors de l’accident : Collecte chez un client – port de charge lourde ;
‘‘Nature de l’accident : En saisissant les sacs, douleur dans l’arrière de la cuisse droite ;
‘‘Objet dont le contact a blessé la victime : Sacs ;
‘‘Siège des lésions : Jambe droite ;
‘‘Nature des lésions : Douleurs’’.
Cette déclaration n’était accompagnée d’aucune réserve de la société [5].
Le certificat médical initial, en date du 7 avril 2021, faisait état d’une « Radiculalgie L5 droite suite à effort de port de charge » et prescrivait un arrêt de travail jusqu’au 14 avril 2021.
Dans un courriel émis le 7 avril 2021 à 21h29, Mme [X] a informé son employeur qu’elle avait été victime la veille d’un accident en allant dans une entreprise charger huit sacs que celle-ci avait « beaucoup chargés » dans le camion postal ; qu’ayant alors ressenti une forte douleur dans l’arrière de la cuisse, elle avait néanmoins poursuivi son travail, mais qu’à la fin de sa journée de travail elle avait senti continuellement cette douleur qui rendait impossible la pose de son pied.
Par lettre du 21 avril 2021, la caisse primaire d’assurance maladie de Loire Atlantique a notifié à la société [5] sa décision de reconnaître le caractère professionnel de cet accident.
Estimant que cette décision lui était inopposable, la société [5] a, par lettre du 15 juin 2021, saisi la commission de recours amiable
Par lettre du 24 septembre 2021, la caisse primaire d’assurance maladie de Loire Atlantique a notifié à la société [5] la décision de la commission de recours amiable du 21 septembre 2021 de rejeter sa contestation.
Contestant le bien-fondé de cette décision, la société [5] a saisi le Pôle social du tribunal judiciaire de Nantes, le 18 novembre 2021.
Les parties ont été régulièrement convoquées devant le pôle social du tribunal judiciaire de Nantes pour l’audience du 9 octobre 2024 et y étaient présentes ou représentées. Le présent jugement est donc contradictoire.
Par conclusions écrites visées par le greffier, déposées et soutenues à l’audience, la société [5] demande au tribunal de :
– Déclarer recevable et bien fondée la société [5] en son recours ;
– Infirmer en toutes ses dispositions la décision de la commission de recours amiable du 21 septembre 2021 ;
En conséquence,
– Déclarer inopposable à la société [5] la décision de prise en charge de l’accident de Mme [X] ;
– Débouter la caisse primaire d’assurance maladie de Loire Atlantique de toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées contre la société [5].
Au soutien de ses prétentions, la société [5] fait notamment valoir qu’aucun témoin n’ayant assisté au fait accidentel, il y a lieu de s’interroger sur les éléments ayant permis à la caisse de prendre en charge ce sinistre au titre de la législation professionnelle ; qu’aucun élément de preuve ne permet d’établir un lien entre les lésions constatées et l’activité professionnelle de Mme [X] ; qu’ainsi, le jour du prétendu accident du travail, la salariée a travaillé normalement jusqu’à la fin de sa journée de travail à 18h et a quitté son poste sans rien dire à son responsable ni à qui que ce soit ; que Mme [X] travaillant principalement en station debout et ses tâches nécessitant une bonne condition physique, il lui aurait été impossible de continuer à travailler avec des douleurs invalidantes à la jambe ; que cela exclut la présomption d’imputabilité ; que la salariée n’a pas respecté les directives de l’entreprise utilisatrice prescrivant d’informer immédiatement son responsable de tout accident, ce qui laisse à penser que ses lésions ne sont pas survenues comme elle le prétend ; que s’agissant d’une déclaration tardive à l’employeur, effectuée au-delà du délai de vingt-quatre heures prévu à l’article R 441-2 du code de la sécurité sociale, la jurisprudence considère que la présomption d’imputabilité ne s’applique pas ; qu’il convient par ailleurs de relever que Mme [X] n’a déclaré aucun fait accidentel mais simplement avoir ressenti une douleur au niveau de l’arrière-cuisse droite en saisissant un sac ; que force est dès lors de constater l’absence de choc soudain et violent qui serait générateur des lésions déclarées ; que les seules allégations de la salariée sont, en toute hypothèse, insuffisantes à établir la réalité de l’accident allégué s’être produit au temps et au lieu de travail ; qu’il y a lieu, en outre, de s’interroger sur l’existence d’un lien de causalité entre les lésions déclarées et le travail de Mme [X] ; qu’en effet, le certificat médical initial n’a été établi que le lendemain du prétendu accident, soit le 7 avril 2021 ; qu’il est de jurisprudence constante que la constatation médicale des lésions survenue le lendemain d’un prétendu fait accidentel constitue un élément objectif permettant d’écarter la présomption d’imputabilité ; que les lésions dont s’est trouvée atteinte la salariée ont très bien pu survenir durant le laps de temps écoulé entre le 6 avril 2021 et le 7 avril 2021, date du certificat médical initial ; qu’en tout état de cause, le certificat médical initial ne permet nullement d’établir de façon évidente un lien entre les lésions constatées et l’activité professionnelle de Mme [X], dès lors qu’il ne fait que reprendre les déclarations de la salariée sans poser aucun diagnostic ; qu’en l’absence d’élément objectif venant corroborer les déclarations de Mme [X] et prouver la matérialité de la survenance de l’accident ainsi que l’existence d’un lien de causalité certain entre les lésions déclarées et son activité professionnelle, la présomption d’imputabilité ne saurait s’appliquer ; que, par ailleurs, les lésions déclarées par Mme [X], à savoir une radiculagie L5 droite, sont manifestement disproportionnées par rapport au geste décrit et ne peuvent être que le prolongement d’un état pathologique préexistant ; qu’il convient de relever à cet égard que si Mme [X] a déclaré avoir ressenti une douleur à l’arrière de la cuisse droite à la suite du port de sacs, elle n’a déclaré aucun choc soudain ou violent, ni aucun fait générateur qui pourrait expliquer l’apparition de telles lésions ; que les lésions présentées par Mme [X] ne peuvent, dès lors, que s’inscrire dans le prolongement d’un état pathologique indépendant préexistant ; qu’au demeurant, la salariée avait informé la société [5] que d’après son médecin, elle n’aurait jamais dû accepter le poste de factrice eu égard à sa qualité de travailleuse handicapée, dont son employeur n’a jamais été informé ; qu’il ne fait guère de doute que l’état pathologique préexistant de Mme [X] constitue la cause exclusive des lésions déclarées ; que ces dernières s’apparentent clairement à une maladie se caractérisant par une apparition progressive des lésions ; qu’elles ne peuvent donc être la conséquence d’une action soudaine survenue lors de son activité professionnelle ; qu’il ressort de ses propres déclarations que c’est en effectuant ses tâches quotidiennes que ses lésions sont apparues, ce qui ne peut caractériser la soudaineté d’un fait accidentel ; que les lésions déclarées par Mme [X] relèvent manifestement d’une pathologie préexistante avérée qui lui a valu une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé qu’elle avait par ailleurs cachée à son employeur ; que par ailleurs, elle exerçait ses missions de factrice alors même que son médecin les lui avait contre-indiquées ; qu’au demeurant, les pathologies en lien avec des ports de charge, comme c’est le cas en la présente espèce de la « radiculalgie L5 droite suite à l’effort de port de charges », sont expressément visées au tableau n°98 des maladies professionnelles ; qu’avant d’envisager la prise en charge des lésions au titre de la législation professionnelle, la caisse primaire d’assurance maladie de Loire-Atlantique aurait clairement dû réorienter Mme [X] vers une déclaration de maladie professionnelle afin que les lésions soient, le cas échéant, pour le cas où les conditions prévues au tableau n°98 seraient réunies, reconnues en tant que telles ; qu’en conséquence, les éléments ci-dessus développés ne permettent pas d’établir l’origine professionnelle de l’accident invoqué, étant précisé que dans ses rapports avec l’employeur c’est à la caisse qu’il incombe de rapporter la preuve de la réalité de l’accident et de sa survenue au temps et au lieu de travail ; que le fait pour la société [5] de ne pas avoir émis de réserves dans la déclaration d’accident du travail ne vaut pas de sa part reconnaissance tacite du caractère professionnel de l’accident ; que faute pour la caisse primaire d’assurance maladie de Loire Atlantique d’avoir apporté la preuve d’une lésion traumatique survenue au temps et au lieu de travail, sa décision de prise en charge de l’accident du 6 avril 2021 est inopposable à la société [5] ; qu’enfin, les articles R 441-7 et R 441-8 du code de la sécurité sociale, applicables au 1er décembre 2019, ont renforcé l’obligation d’information de l’employeur ainsi que le caractère contradictoire de la procédure d’instruction menée par la caisse ; que l’employeur doit être informé loyalement des différentes étapes de l’instruction diligentée par la caisse ; que la société [5] n’a jamais rien reçu de la part de la caisse préalablement à la décision prise par cette dernière de prendre en charge le sinistre du 6 avril 2021 au titre de la législation professionnelle ; que cette décision est intervenue sans aucune enquête, alors qu’elle ne pouvait être prise d’emblée, même en l’absence de réserves de l’employeur, dès lors que la caisse ne disposait pas d’éléments suffisamment précis et concordant permettant d’apprécier la matérialité de l’accident ; qu’il suit de tout ce qui précède que la procédure de reconnaissance du caractère professionnel de l’accident n’a pas été respecté par la caisse, de sorte que sa décision de prendre en charge l’accident du 6 avril 2021 doit être déclarée inopposable à la société [5].
Par conclusions écrites visées par le greffier, déposées et soutenues à l’audience, la caisse primaire d’assurance maladie de Loire-Atlantique demande au tribunal de :
– Donner acte à la caisse primaire d’assurance maladie de Loire Atlantique de ce qu’elle a fait une exacte application des textes en vigueur ;
– Confirmer purement et simplement la décision de rejet de la commission de recours amiable en sa séance du 21 septembre 2021 ;
– Déclarer opposable à la société [5] la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l’accident subi par Mme [X] le 6 avril 2021 ;
– Débouter la société [5] de toutes conclusions, fins et prétentions plus amples ou contraires ;
– Condamner la société [5] aux dépens.
Au soutien de ses prétentions, la caisse primaire d’assurance maladie de Loire Atlantique fait notamment valoir que la survenance d’une brusque douleur suffit à faire présumer l’apparition d’une lésion ou à en révéler l’existence ; que la soudaineté de la lésion permet de lui donner une date certaine qui fait présumer l’intervention d’un facteur traumatisant lié au travail ; qu’en conséquence, un accident du travail peut être qualifié en tant que tel lorsqu’il y a, d’une part, la survenue d’un fait accidentel au temps et au lieu de travail, d’autre part, l’apparition d’une lésion en relation avec le fait accidentel ; qu’en la présente espèce, la déclaration d’accident du travail établie le 8 avril 2021 précise que l’assurée était en train de collecter chez un client des sacs et qu’en saisissant ceux-ci, elle a ressenti une douleur dans l’arrière de la cuisse droite ; que dans son courriel à l’employeur en date du 7 avril 2021, l’assurée avait expliqué que le client avait beaucoup chargé les sacs, ce qui les avait rendus très lourds ; qu’elle avait indiqué à cet égard qu’elle avait dû porter 8 sacs à bout de bras et les mettre dans le camion ; qu’ainsi, le port de charges lourdes effectué le 6 avril 2021 constituait un événement certain nettement identifié ; que dès le lendemain, Mme [X] avait expliqué à son employeur le contexte particulier de cette collecte en insistant sur le fait qu’elle avait beaucoup forcé sur le port de charges lourdes et qu’elle avait ressenti une douleur forte dans l’arrière de la cuisse, mais que ne voulant pas gêner ses collègues, elle avait quand même poursuivi son travail ; que le lendemain 7 avril 2021, ne pouvant pas poser le pied, elle avait dû se rendre aux urgences où un arrêt de travail lui avait été prescrit jusqu’au 14 avril suivant ; que le certificat médical initial corrobore la survenance d’une lésion due au port de charges lourde, puisqu’il fait état d’une radiculalgie consécutive à un effort de port de charges ; qu’ainsi, il ressort des pièces concomitantes à la date sinistre que l’assurée a été victime d’une brusque douleur survenue au temps et au lieu de travail ; que cette lésion ne peut être qualifiée de maladie professionnelle, dès lors que cette dernière se distingue d’un accident du travail en ce que l’on ne peut assigner une date précise et certaine à l’événement ou à la série d’événements à l’origine de la lésion, laquelle au surplus est apparue de manière lente et progressive ; que c’est donc à bon droit que la caisse a retenu, en la présente espèce, la qualification d’accident du travail ; que, par ailleurs, en l’absence de témoin direct du fait accidentel, la preuve de la matérialité de l’accident du travail peut être rapportée par des éléments concordants et objectivement vérifiables ; qu’en la présente espèce, le fait accidentel s’est produit le 6 avril 2021 à 16h50, l’assurée travaillant ce jour-là de 7h à 10h12 et de 14h50 à 18h ; que la déclaration d’accident du travail mentionne que Mme [X] était sur son lieu de travail et n’a donné lieu à aucune réserve de l’employeur ; que l’assurée a fait constater médicalement ses lésions le 7 avril 2021, soit dans un temps voisin des faits ; que par ailleurs, elle a envoyé un courriel à son employeur le 7 avril 2021 expliquant les circonstances de son accident ; que c’est de manière inexacte que la société [5] soutient que cette information serait intervenue tardivement au regard de la date de survenue du fait accidentel ; qu’en effet, Mme [X] a avisé son employeur dans le délai légal de 24 heures, lui permettant ainsi de bénéficier de la présomption d’imputabilité ; que si, le 6 avril 2021, l’assurée a continué à travailler après la survenue du fait accidentel, la durée n’était que d’ 1h10 entre ce fait et la fin de la journée de travail ; qu’elle a été incapable de terminer sa journée de travail le lendemain, ainsi qu’elle l’indique dans son courriel du 7 avril 2021 à son employeur ; que pour démontrer la survenance d’un accident au temps et au lieu de travail, la caisse peut s’appuyer sur des preuves suffisamment graves, précises et concordantes ; que tel est le cas en la présente espèce, compte tenu du courriel d’explications du 7 avril 2021 de Mme [X] à son employeur et du certificat médical initial rédigé par un médecin urgentiste ; que cet élément permet de répondre au critère de gravité ; que, de plus, la déclaration d’accident du travail vient rappeler à la fois le lieu de l’accident, l’heure, la date et les circonstances, sachant à cet égard que la société [5] ne conteste pas que la salariée se trouvait en action de travail au moment des faits ; que cet autre élément permet de répondre au critère de précision ; qu’enfin, la déclaration d’accident du travail mentionne une douleur à l’arrière de la cuisse droite et le certificat médical initial mentionne une radiculagie faisant ressentir une douleur à la cuisse et à la jambe ; que ces deux pièces font ainsi état d’une même lésion ; que ce dernier élément répond ainsi au critère de concordance ; que le certificat médical initial ayant été établi dès le lendemain du fait accidentel, les lésions ont ainsi été déclarées dans un temps voisin du sinistre ; que dans ces conditions, force est de constater que les circonstances exactes de l’accident déclaré par Mme [X] sont corroborées par un ensemble d’éléments extérieurs constituant un faisceau de présomptions suffisantes permettant d’établir la preuve de la survenue d’un fait soudain au temps et au lieu de travail ; que la présence d’un témoin de l’accident, qui fait défaut en la présente espèce, ne constitue pas à elle seule une condition stricte pour établir la matérialité de l’accident ; que c’est à tort que la société [5] reproche à la caisse primaire d’assurance maladie de Loire-Atlantique d’avoir pris d’emblée en charge l’accident déclarée par Mme [X], alors que cette dernière aurait la qualité de travailleuse handicapée pour des problèmes de dos ; qu’en effet, la simple mention d’un état pathologique antérieur, sans explication ni circonstances détaillées ne peut suffire à écarter l’existence d’un lien de causalité entre la lésion et le fait accidentel ; que, de plus, la société [5] n’a émis aucune réserve sur la survenue de l’accident du travail de Mme [X] ; qu’en tout état de cause, force est de constater que la société [5] n’apporte aucun élément de preuve démontrant que le travail de l’assurée n’aurait eu aucune incidence sur la lésion constatée et que l’accident a une cause totalement étrangère au travail ; que par ailleurs, il ressort de l’article R 441-7 du code de la sécurité sociale que la caisse primaire d’assurance maladie a la possibilité de mener des investigations, si elle l’estime nécessaire ou si l’employeur a émis des réserves ; qu’il s’ensuit que seule la réception de réserves motivées de l’employeur oblige la caisse à engager des investigations ; que la caisse primaire d’assurance maladie de Loire-Atlantique disposant d’éléments suffisamment probants pour établir la matérialité de l’accident, n’a pas estimé nécessaire de diligenter des investigations ; qu’il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir respecté, ce faisant, le principe du contradictoire.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, le tribunal, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie expressément aux conclusions déposées au greffe et soutenues à l’audience, ainsi qu’à l’ensemble des pièces communiquées et aux prétentions orales telles qu’elles sont rappelées ci-dessus.
La décision a été mise en délibéré au 20 décembre 2024. Cette date a été prorogée au 17 janvier 2025.
Sur la recevabilité du recours contentieux de la société [5] :
Selon l’article R 142-1-A.III, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, s’il n’en est disposé autrement, le délai de recours contentieux est de deux mois à compter de la notification de la décision contestée.
La décision de la commission de recours amiable lui ayant été notifiée par lettre du 24 septembre 2021, la société [5] est recevable en son recours contentieux formé le 18 novembre 2021 devant le Pôle social du tribunal judiciaire de Nantes.
Sur l’opposabilité de la décision de la caisse primaire d’assurance maladie de Loire Atlantique de prendre en charge au titre de la législation professionnelle l’accident du 6 avril 2021, contestée par la société [5] :
Selon l’article L 411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail un événement ou une série d’événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l’occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d’apparition de celle-ci.
Le certificat médical initial du 7 avril 2021 établi par un médecin du service des urgences du Centre hospitalier de [Localité 7] indique que le praticien a constaté que Mme [X] présentait une radiculalgie L5 droite à la suite d’un effort de port de charges. Cette indication, qui n’est pas la retranscription des déclarations de Mme [X] mais relève d’un diagnostic médical effectué par le praticien, vient corroborer le courriel envoyé par la salariée à son employeur, le 7 avril 2021, faisant état du port de huit sacs lourdement chargés et de la douleur à la cuisse qui s’en est suivie.
Il apparaît ainsi établi, compte tenu de l’absence de réserves émises par la société [5] et à la lumière des explications respectives des parties et en l’absence de preuve contraire apportée par la société [5], qu’au cours de son travail, le 6 avril 20021, à 16h50, Mme [X] a été soudainement victime d’une vive douleur provoquée par le port de charges lourdes, ce qui l’a amené à devoir consulter le lendemain un médecin du service des urgences du Centre hospitalier de [Localité 7].
Il s’ensuit que l’accident dont a été victime Mme [X], le 6 avril 2021, constitue un accident du travail.
Selon les dispositions combinées des articles L 441-1 et R 441-2 du code de la sécurité sociale, la victime d’un accident du travail doit, dans la journée où l’accident s’est produit ou au plus tard dans les vingt-quatre heures, sauf le cas de force majeure, d’impossibilité absolue ou de motifs légitimes, en informer ou en faire informer l’employeur ou l’un de ses préposés.
Toutefois, le seul non-respect de ce délai par la victime n’est pas sanctionné.
Si Mme [X] a informé son employeur de l’accident du travail dont elle a été victime le 6 avril 2021 à 16h50 par un courriel envoyé à sa responsable hiérarchique le lendemain 7 avril à 21h 29, soit 28 heures et 39 minutes plus tard, il ne résulte du dossier aucun élément qui permettrait d’écarter la présomption d’imputabilité de l’accident du travail et donc sa prise en charge au titre de la garantie des risques professionnels.
Enfin, il résulte des dispositions de l’article R 441-7 du code de la sécurité sociale qu’au reçu de la déclaration d’accident du travail, la caisse engage des investigations lorsqu’elle l’estime nécessaire ou lorsqu’elle a reçu des réserves motivées émises par l’employeur.
Il s’ensuit que lorsque la caisse prend d’emblée la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle au vu de la déclaration d’accident du travail transmise sans réserves par l’employeur, elle n’est pas obligée de mettre en oeuvre la procédure d’instruction et n’est donc pas tenue d’assurer l’information de l’employeur préalablement à sa décision.
C’est donc à tort que la société [5], qui n’avait émis aucune réserve lors de la transmission de la déclaration d’accident du travail à la caisse primaire d’assurance maladie de Loire-Atlantique, soutient que cette dernière avait l’obligation de mener une instruction.
C’est dès lors à bon droit que la commission de recours amiable a rejeté le recours de la société [5] tendant à ce que lui soit déclarée inopposable la décision de la caisse primaire d’assurance maladie de Loire-Atlantique du 21 avril 2021 de reconnaître le caractère professionnel de l’accident survenu à Mme [X] le 6 avril 2021.
Le tribunal, statuant publiquement et en premier ressort, par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe :
DÉCLARE la société [5] recevable en son recours contentieux ;
CONFIRME la décision de la commission de recours amiable du 21 septembre 2021 ayant rejeté le recours de la société [5] tendant à ce que lui soit déclarée inopposable la décision de la caisse primaire d’assurance maladie de Loire-Atlantique du 21 avril 2021 ;
DÉCLARE opposable à la société [5] la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l’accident subi par Mme [Z] [X] le 6 avril 2021 ;
DÉBOUTE la société [5] de toutes ses demandes ;
CONDAMNE la société [5] aux dépens ;
RAPPELLE que conformément aux dispositions des articles 34 et 538 du code de procédure civile et R. 211-3 du code de l’organisation judiciaire, les parties disposent d’un délai d’UN MOIS à compter de la notification de la présente décision pour en INTERJETER APPEL ;
AINSI JUGÉ ET PRONONCÉ par mise à disposition du jugement au greffe du tribunal le 10 janvier 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, la minute étant signée par M. Hubert LIFFRAN, Président, et par Mme Julie SOHIER, Greffière.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
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