Expertise médicale ordonnée suite à complications post-opératoires d’un accouchement.

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Expertise médicale ordonnée suite à complications post-opératoires d’un accouchement.

L’Essentiel : Madame [E] a assigné Messieurs [K], [C], [V] et la CPAM de la Gironde pour obtenir une expertise médicale suite à une césarienne d’urgence ayant entraîné une plaie vésicale. Elle a souffert de symptômes graves, justifiant sa demande. Le juge a admis cette demande, considérant qu’elle reposait sur des motifs légitimes selon l’article 145 du code de procédure civile. L’expert désigné, le docteur [O] [Z], devra évaluer la qualité des soins et déterminer s’il y a eu faute médicale. Les frais d’expertise seront avancés par le Trésor Public, tandis que Madame [E] conservera la charge des dépens.

I – FAITS, PROCEDURE ET DEMANDES DES PARTIES

Madame [E] épouse [L] a assigné Messieurs [K], [C], [V] et la CPAM de la Gironde devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux le 03 octobre 2024, demandant une expertise médicale en vertu de l’article 145 du code de procédure civile. Elle a été admise à la maternité de la Polyclinique [Localité 6] Nord pour accoucher le 06 mars 2023, où une césarienne d’urgence a été pratiquée par le docteur [K] en raison d’une anomalie du rythme cardiaque foetal. Au cours de l’opération, une plaie vésicale de 5 cm a été causée, nécessitant l’intervention du docteur [C]. Après l’accouchement, Madame [E] a souffert de divers symptômes, dont une perte de sensibilité dans la région pubienne et vaginale, ainsi qu’une perte de sensation du besoin mictionnel, justifiant ainsi sa demande d’expertise.

II – MOTIFS DE LA DECISION

La demande d’expertise est fondée sur l’article 145 du code de procédure civile, qui permet d’ordonner des mesures d’instruction en cas de motif légitime. Madame [E] a fourni des éléments suffisants pour justifier cette demande, sans que les responsabilités des parties soient préjugées. La CPAM de la Gironde, bien que régulièrement assignée, n’a pas comparu mais a informé le juge de sa prise en charge de Madame [E] au titre du risque maladie. Les frais d’expertise seront avancés par le Trésor Public, étant donné que la demanderesse bénéficie de l’aide juridictionnelle totale.

III – DECISION

Le juge des référés a ordonné une mesure d’expertise, désignant le docteur [O] [Z] pour réaliser cette mission. L’expert devra examiner les soins et interventions subis par Madame [E], déterminer la qualité des soins, et évaluer s’il y a eu faute médicale ou aléa thérapeutique. Il devra également décrire les préjudices subis, évaluer l’incapacité temporaire ou permanente, et examiner les conséquences sur la vie quotidienne de la victime. L’expert devra déposer son rapport dans un délai de six mois, et les frais d’expertise seront pris en charge par le Trésor Public. Madame [E] conservera la charge des dépens, qui seront intégrés dans son préjudice matériel ultérieurement.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la portée de l’article 145 du code de procédure civile dans le cadre d’une demande d’expertise médicale ?

L’article 145 du code de procédure civile stipule que :

« S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. »

Dans le cas présent, Madame [E] a justifié d’un motif légitime pour demander une expertise médicale, en raison des complications survenues après son accouchement.

Elle a exposé que, malgré les soins reçus, elle souffre de symptômes persistants, ce qui constitue un élément essentiel pour établir la nécessité d’une expertise.

Le juge des référés a donc ordonné cette mesure d’instruction, sans préjuger des responsabilités, conformément à l’article 145.

Cette disposition permet ainsi de garantir la préservation des preuves avant un éventuel procès, ce qui est crucial dans les affaires médicales où les délais peuvent affecter la qualité des preuves.

Quelles sont les implications de l’aide juridictionnelle sur les frais d’expertise ?

L’aide juridictionnelle est régie par le code de l’aide juridictionnelle, qui prévoit que les frais d’expertise peuvent être avancés par le Trésor Public lorsque le bénéficiaire est admis à cette aide.

Dans le cas de Madame [E], il a été mentionné qu’elle a été admise au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par décision du 18 décembre 2023.

Cela signifie que les frais d’expertise, qui peuvent être significatifs dans des affaires médicales, seront pris en charge par le Trésor Public.

Cette prise en charge permet à la demanderesse de ne pas être dissuadée de faire valoir ses droits en raison de considérations financières.

Il est important de noter que, même si les frais sont avancés, la demanderesse conserve la charge des dépens, qui pourront être intégrés dans son préjudice matériel ultérieurement.

Comment se déroule la mission de l’expert désigné par le tribunal ?

La mission de l’expert est encadrée par les articles 263 et suivants du code de procédure civile.

L’expert doit procéder à une série d’actions, notamment :

– Entendre contradictoirement les parties et tous sachants,
– Se faire remettre tout document, y compris les dossiers médicaux,
– Examiner la patiente et décrire les lésions ou affections.

L’expert doit également évaluer la qualité des soins reçus par Madame [E] et déterminer s’il y a eu une faute médicale ou un aléa thérapeutique.

Il doit analyser si les actes médicaux étaient justifiés et conformes aux données acquises de la science médicale au moment des faits.

En cas de manquement, l’expert doit établir un lien de causalité entre ces manquements et le dommage subi par la patiente.

Enfin, l’expert doit rendre un rapport détaillé au greffe du tribunal dans un délai de six mois, ce qui est essentiel pour la suite de la procédure.

Cette procédure garantit que toutes les parties ont la possibilité de faire valoir leurs observations et que l’expertise est réalisée de manière rigoureuse et impartiale.

TRIBUNAL JUDICIAIRE

DE BORDEAUX

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

63A

N° RG 24/02088 – N° Portalis DBX6-W-B7I-ZOD5

7 copies

EXPERTISE

GROSSE délivrée
le 13/01/2025
à Me Marie-emilie BERGES
Maître Anne CADIOT-FEIDT de la SELARL CADIOT-FEIDT
Me Marine LEONARD
Me Myriam ROUSSEAU
Maître Renan BUDET de la SCP APEX AVOCATS
Me Chrystelle BOILEAU
Maître Laure SOULIER de la SELARL CABINET AUBER

COPIE délivrée
le 13/01/2025
au service expertise

Rendue le TREIZE JANVIER DEUX MIL VINGT CINQ

Après débats à l’audience publique du 02 décembre 2024

Par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Par Elisabeth FABRY, Première Vice-Présidente au tribunal judiciaire de BORDEAUX, assistée de Karine PAPPAKOSTAS, Greffière.

DEMANDERESSE

Madame [I] [E] épouse [L]
[Adresse 2]
[Localité 6]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro du 18/12/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de BORDEAUX)
représentée par Me Marie-emilie BERGES, avocat au barreau de BORDEAUX

DÉFENDEURS

Monsieur [S] [K]
[Adresse 8]
[Localité 6]
représenté par Me Myriam ROUSSEAU, avocat au barreau de BORDEAUX, Me Chrystelle BOILEAU, avocat au barreau de PARIS

Monsieur [H] [C]
[Adresse 4]
[Localité 6]
représenté par Maître Renan BUDET de la SCP APEX AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, Me Marine LEONARD, avocat au barreau de BORDEAUX

Monsieur [W] [V]
[Adresse 1]
[Localité 6]
représenté par Maître Anne CADIOT-FEIDT de la SELARL CADIOT-FEIDT, avocats au barreau de BORDEAUX, Maître Laure SOULIER de la SELARL CABINET AUBER, avocats au barreau de PARIS

I – FAITS, PROCEDURE ET DEMANDES DES PARTIES

Par actes du 03 octobre 2024, Madame [E] épouse [L] a fait assigner Messieurs [K], [C] et [V] et la CPAM de la Gironde devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux, afin, au visa de l’article 145 du code de procédure civile, de voir ordonner une expertise médicale.

Madame [E] expose qu’elle a été admise à la maternité de la Polyclinique [Localité 6] Nord afin d’y accoucher le 06 mars 2023 ; qu’en raison d’une anomalie du rythme cardio foetal, elle a subi une césarienne en urgence réalisée par le docteur [K], sous péridurale posée par le docteur [V] ; que selon le compte-rendu opératoire, au cours de l’intervention, elle a été victime d’une plaie vésicale de 5 cm sur le dôme qui a nécessité l’intervention du docteur [C] pour la suturer ; que dans les suites opératoires elle a porté une sonde vésicale retirée le 13 mars 2023 ; qu’elle est restée hospitalisée jusqu’au 15 mars 2023 ; que depuis l’accouchement elle souffre d’une perte de sensibilité de la région pubienne, inguinale et vaginale, ainsi que d’une perte de la sensation du besoin mictionnel, malgré les séances de rééducation ; qu’elle justifie ainsi d’un motif légitime à voir ordonner une expertise afin de déterminer la cause de l’apparition de ses symptômes qui n’évoluent pas favorablement plus d’un an après son accouchement.

L’affaire a été appelée et retenue à l’audience du 02 décembre 2024.

Les parties ont conclu pour la dernière fois :

– Madame [E], dans son acte introductif d’instance,

– Monsieur [V] le 18 octobre 2024, Monsieur [C] le 28 octobre 2024 et Monsieur [K] le 27 novembre 2024, par des écritures dans lesquelles ils formulent toutes protestations et réserves d’usage quant à la mesure d’instruction sollicitée.

La présente décision se rapporte à ces écritures pour un plus ample exposé des demandes et des moyens des parties.

Bien que régulièrement assignée par acte remis à personne habilitée, la CPAM de la Gironde n’a pas comparu et ne s’est pas fait représenter. Elle a toutefois adressé un courrier au juge des référés le 11 octobre 2024 dans lequel elle indique avoir pris en charge Madame [E] au titre du risque maladie. Il sera statué par décision réputée contradictoire.

II – MOTIFS DE LA DECISION

La demande d’expertise

Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, “s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé”.

En l’espèce, Madame [E], par les pièces qu’elle verse aux débats, justifie d’un motif légitime pour obtenir qu’une mesure d’instruction soit, dans les termes et conditions figurant au dispositif de la présente décision, ordonnée au contradictoire des parties défenderesses, sans aucune appréciation des responsabilités et garanties encourues.

La demanderesse ayant été admise au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par décision du 18 décembre 2023, les frais d’expertise seront avancés par le Trésor Public.

Les dépens

Les dépens de l’instance seront provisoirement laissés à la charge de la demanderesse, comme en matière d’aide juridictionnelle, à charge pour elle de les intégrer ultérieurement dans son préjudice matériel le cas échéant.

III – DECISION

Le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux statuant par une ordonnance réputée contradictoire, prononcée publiquement par mise à disposition au greffe et à charge d’appel;

Vu l’article 145 du code de procédure civile,

ORDONNE une mesure d’expertise et désigne pour y procéder le docteur [O] [Z],
(expert en chirurgie gynécologique et obstétrique)
Clinique [9] [Adresse 5]
[Localité 3]
courriel : [Courriel 7]

DIT que l’expert répondra à la mission suivante :

– Entendre contradictoirement les parties et tous sachants, se faire remettre tout document et notamment tout dossier médical, recueillir au besoin l’avis de tout technicien de son choix d’une spécialité distincte de la sienne ;

– Décrire les soins, interventions et traitements pratiqués sur Madame [E], en précisant par qui ils ont été pratiqués et s’il y a lieu dans quel établissement ;

– Examiner Madame [E] et décrire les lésions ou affections imputées à ces soins; préciser si les lésions ou affections sont bien en relation directe ou indirecte avec les soins reçus par le patient ;

Dans l’affirmative :

1°) sur la qualité des soins, l’existence d’une éventuelle faute médicale ou d’un aléa thérapeutique

* dire si tous les actes, investigations, interventions et traitements médicaux étaient pleinement justifiés ; formuler toute observation quant aux actes qui auraient été faits sans nécessité ou utilité et dire si les lésions ou affections imputées aux soins sont en lien avec l’un ou plusieurs d’entre eux ;

* dire si les actes, investigations, interventions et traitements médicaux ont été réalisés de manière attentive, diligente, et conformément aux données acquises de la science médicale, telle qu’elle se définissait au moment où ils sont intervenus ; préciser notamment si l’établissement du diagnostic, le choix de la thérapie, la délivrance des éléments d’information au patient, la réalisation des soins et leur surveillance, ont été réalisés dans des conditions conformes aux données acquises de la science médicale ;

* dans la négative,
– analyser de manière motivée la nature des erreurs, imprudences, manques de précautions, négligences, maladresses ou autres manquements qui pourraient être relevés ;
– donner son avis sur le lien de causalité entre ces manquements et le dommage dénoncé par le patient ;

* pour le cas où aucun manquement ne serait relevé mais que le dommage serait effectivement en lien avec les soins reçus par le patient,
– dire s’il s’agit d’une complication documentée de la pathologie à l’origine des faits ; préciser le degré de probabilité de cette complication d’une manière générale, et préciser si ce degré de probabilité peut être accru par l’existence d’un état antérieur ou d’un traitement médical ;
– préciser si le patient se trouvait dans l’un des cas d’augmentation du risque, et dans ce cas indiquer si cet état ou ce traitement ont été portés à la connaissance du praticien, si celui-ci a mené les investigations nécessaires pour le découvrir, et préciser le degré de probabilité de survenue de complication de ce patient précisément ;

* en cas de pluralité d’événements à l’origine du dommage, dire quelle a été l’incidence de chacune dans sa réalisation

* Préciser si toutes les précautions nécessaires en matière d’asepsie des locaux et du matériel médical ont été prises sur le lieu de l’intervention et son environnement, et si le personnel impliqué dans l’intervention a respecté toutes les règles applicables en matière d’asepsie et formuler toute observation en cas de manquement constaté ;

2°) sur les préjudices

-Décrire les conséquences dommageables imputables à chacun des manquements constatés ; préciser en particulier quelle incidence ont eu chacun de ces manquements sur l’évolution de la pathologie à l’occasion de laquelle les soins ont été dispensés, s’ils ont aggravé les chances de guérison, et en ce cas dans quelle proportion ;

– Déterminer la durée de l’incapacité temporaire de travail, totale ou partielle et la quantifier (Déficit Fonctionnel Temporaire – DFT) et proposer la date de consolidation des blessures; à défaut, indiquer dans quel délai la victime devra être à nouveau examinée, en évaluant, si possible, l’importance prévisible des dommages,

– Indiquer si, du fait des mêmes lésions ou affections, il existe une atteinte permanente (Déficit Fonctionnel Permanent -DFP ) d’une ou plusieurs fonctions à ventiler, en spécifiant les actes, gestes et mouvements rendus difficiles ou impossibles ;

– Donner son avis sur le taux du déficit physiologique qui résulte au jour de l’examen de la différence entre la capacité antérieure, dont le cas échéant les anomalies devront être discutées et évaluées, et la capacité actuelle ;

-Rechercher si, malgré son incapacité permanente, la victime est au plan médical physiquement et intellectuellement apte à reprendre dans les conditions antérieures, ou autres, l’activité qu’elle exerçait (Incidence Professionnelle – IP – préjudice scolaire, universitaire ou de formation) ;

-Rechercher si l’état de la victime est susceptible de modifications en aggravation ou amélioration; dans l’affirmative, fournir toutes précisions utiles sur cette évolution, son degré de probabilité; dans le cas où un nouvel examen serait nécessaire, indiquer le délai dans lequel il devra y être procédé ;

– Préciser si l’état de la victime nécessite des soins spéciaux, un traitement ou un appareil de prothèse; dans l’affirmative, déterminer leur durée ou leur fréquence de renouvellement et leur coût ;

– Donner son avis sur l’importance des souffrances endurées, des atteintes esthétiques et du préjudice d’agrément, préciser notamment si la victime subit une gêne dans sa vie affective et familiale ainsi que dans ses activités de sport et de loisir ; assortir le cas échéant la description de photographies datées et commentées ;

– Dire, le cas échéant, si l’aide d’une tierce personne à domicile est nécessaire, s’il existe un besoin d’appareillage et si des soins postérieurs à la consolidation des blessures sont à prévoir ; dans l’affirmative, donner tous éléments permettant d’en chiffrer le coût ;

– Etablir une note de synthèse communiquée aux parties et les inviter à formuler leurs dires et observations ; répondre aux dires et observations qui auraient été formulés dans les délais impartis ;

DIT que l’expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du nouveau code de procédure civile.

DIT que l’expert devra déposer son rapport au greffe du tribunal judiciaire, dans le délai de 6 mois à compter de la consignation, ou, en cas de dispense de consignation, à compter de l’acceptation de sa mission ;

DESIGNE le magistrat chargé du contrôle des expertises, pour suivre le déroulement de la présente instruction.

Dit que les frais d’expertise et honoraires de l’expert seront avancés par le Trésor Public en application de la loi sur l’aide juridictionnelle ;

DECLARE la présente ordonnance commune et opposable à la CPAM de la Gironde ;

DIT que Madame [E] conservera provisoirement la charge des dépens, qui seront recouvrés conformément aux règles de l’aide juridictionnelle, à charge pour elle de les intégrer ultérieurement dans son préjudice matériel.

La présente décision a été signée par Elisabeth FABRY, Première Vice-Présidente, et par Karine PAPPAKOSTAS, Greffière.

Le Greffier, Le Président,


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