Isolement psychiatrique : évaluation de la nécessité et de la régularité des procédures

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Isolement psychiatrique : évaluation de la nécessité et de la régularité des procédures

L’Essentiel : M. [Z] [B] a été admis en soins psychiatriques sans consentement le 11 octobre 2024, décision confirmée par un magistrat et la cour d’appel. Placé à l’isolement le 6 janvier 2025, cette mesure a été prolongée à plusieurs reprises, justifiée par un comportement instable et des risques d’agression. L’avocat de M. [B] a interjeté appel le 10 janvier 2025, contestant la régularité de la procédure. Malgré l’absence de certains documents, la procédure a été jugée régulière. Le magistrat a finalement confirmé l’ordonnance d’isolement le 11 janvier 2025, laissant les dépens à la charge de l’État.

Admission en soins psychiatriques

M. [Z] [B] a été admis en soins psychiatriques sans consentement par décision du préfet le 11 octobre 2024. La poursuite de cette mesure a été confirmée par un magistrat le 29 octobre 2024, puis par la cour d’appel le 15 novembre 2024.

Isolement et prolongations

Le patient a été placé à l’isolement le 6 janvier 2025, avec plusieurs décisions de prolongation prises le même jour et les jours suivants. Le magistrat a prolongé cette mesure d’isolement le 10 janvier 2025, suite à une demande du directeur d’établissement.

Appel de la décision

L’avocat de M. [B] a interjeté appel de la décision le 10 janvier 2025, sans demander l’audition du patient. Il a contesté la régularité de la procédure en soulignant l’absence de plusieurs documents et l’atteinte aux droits de son client.

Observations du ministère public

Le ministère public a conclu à la confirmation de l’ordonnance, arguant que la mesure d’isolement était nécessaire et proportionnée.

Réglementation sur l’isolement

Selon le code de la santé publique, l’isolement doit être une mesure de dernier recours, justifiée par un risque immédiat pour le patient ou autrui, et doit faire l’objet d’une surveillance stricte.

Évaluation de la procédure

La procédure a été jugée régulière, malgré l’absence de certains documents, car les décisions de maintien avaient été contrôlées par le juge judiciaire. Les évaluations médicales avaient été effectuées, respectant ainsi les droits du patient.

Nécessité de l’isolement

Les décisions médicales indiquent que M. [Z] [B] présentait un comportement instable et des risques de passage à l’acte hétéroagressif, justifiant ainsi la mesure d’isolement.

Décision finale

Le magistrat a confirmé l’ordonnance autorisant la poursuite de l’isolement, laissant les dépens à la charge de l’État. La décision a été rendue le 11 janvier 2025.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions légales pour l’isolement d’un patient en soins psychiatriques ?

L’isolement d’un patient en soins psychiatriques est encadré par l’article L. 3222-5-1 du Code de la santé publique. Cet article stipule que l’isolement et la contention ne peuvent être utilisés que comme pratiques de dernier recours.

Il est précisé que ces mesures doivent être justifiées par la nécessité de prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui.

La décision d’isolement doit être motivée par un psychiatre et doit être adaptée, nécessaire et proportionnée au risque après une évaluation du patient.

De plus, la mise en œuvre de ces mesures doit faire l’objet d’une surveillance stricte, tant somatique que psychiatrique, et doit être consignée dans le dossier médical du patient.

L’isolement ne peut excéder une durée maximale de douze heures, renouvelable dans certaines conditions, et doit faire l’objet d’évaluations régulières.

Quels sont les droits du patient en matière d’audition lors de la prolongation de l’isolement ?

Le droit à l’audition du patient est un élément fondamental dans le cadre des mesures d’isolement. Cependant, l’article L. 3222-5-1 ne précise pas explicitement que le patient doit être entendu lors de chaque prolongation de l’isolement.

Dans le cas présent, il est noté que l’avocat du patient n’a pas demandé l’audition de ce dernier dans le dispositif de ses conclusions.

Cela soulève la question de savoir si l’absence de demande d’audition par le patient ou son avocat constitue une renonciation à ce droit.

Il est également important de considérer que le respect des droits du patient doit être mis en balance avec la nécessité de garantir sa sécurité et celle des autres, ce qui peut justifier des mesures d’isolement sans audition préalable.

Quelles sont les conséquences d’une absence de production de documents lors de la procédure d’isolement ?

L’absence de production de certains documents, tels que l’arrêté d’admission en hospitalisation complète ou le certificat médical, peut soulever des questions sur la régularité de la procédure.

Cependant, l’article L. 3222-5-1 indique que la décision de maintien de l’isolement doit être fondée sur des éléments médicaux et juridiques.

Dans le cas présent, bien que l’arrêté d’admission n’ait pas été produit, l’arrêté de maintien et la décision de la cour d’appel ayant autorisé la poursuite de la mesure ont été fournis.

Cela signifie que la réalité de la mesure d’isolement a été contrôlée par le juge judiciaire, ce qui peut atténuer les conséquences de l’absence de certains documents.

Comment évaluer la proportionnalité de la mesure d’isolement ?

La proportionnalité de la mesure d’isolement est évaluée en fonction de l’état de santé du patient et des risques qu’il présente.

Les décisions médicales doivent démontrer que le patient est instable et présente des comportements pouvant mettre en danger sa sécurité ou celle d’autrui.

Dans le cas de M. [Z] [B], les éléments rapportés indiquent une agitation forte et des comportements paranoïaques, justifiant ainsi la nécessité de l’isolement.

L’article L. 3222-5-1 exige que la mesure soit adaptée et proportionnée au risque, ce qui implique une évaluation continue de l’état du patient et des décisions médicales appropriées.

Ainsi, si les éléments médicaux justifient la mesure, celle-ci peut être considérée comme proportionnée, même en l’absence de certaines pièces administratives.

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 12

SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT

MESURE D’ISOLEMENT ET DE CONTENTION

ORDONNANCE DU 11 JANVIER 2025

(n°00016/25, 5 pages)

N° du répertoire général : N° RG 25/00016 – N° Portalis 35L7-V-B7J-CKTCT

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Janvier 2025 – Tribunal Judiciaire d’EVRY (Juge des Libertés et de la Détention) – RG n° 2500103

COMPOSITION

Elise THEVENIN-SCOTT, conseillère à la cour d’appel, agissant sur délégation du premier président de la cour d’appel de Paris,

assistée de Camille LEPAGE, greffier lors des débats et de la mise à disposition de la décision

APPELANT

M. [Z] [B]

Actuellement hospitalisé à l’EPS [1]

Informé le 10 janvier 2025 à 17h28, de la possibilité de faire valoir ses observations, en application des dispositions de l’article R. 3211-38 du code de la santé publique et son conseil Me Marie-Laure MANCIPOZ, avocat commis d’office au barreau d’Evry, informé le 10 janvier 2025 à 17h28, et n’ayant pas transmis d’avis au greffe ;

INTIMÉ

LE DIRECTEUR DE L’HOPITAL [1]

Informé le 10 janvier 2025 à 17h28, de la possibilité de faire valoir ses observations, en application des dispositions de l’article R. 3211-38 du code de la santé publique.

LE MINISTERE PUBLIC

Représenté par Mme SCHLANGER, avocat général,

Informé le 10 janvier 2025 à 17h27, de la possibilité de faire connaître son avis, en application des dispositions de l’article 431al2 du code de procédure civile, et ayant transmis son avis au greffe par courriel le même jour à 18h25 ;

FAITS ET PROCÉDURE,

M. [Z] [B] a été admis en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d’une hospitalisation complète par décision du préfet du 11 octobre 2024. La poursuite de la mesure a été ordonnée par le magistrat du siège en charge du contrôle des mesures restrictives et privatives de liberté d’Evry, le 29 octobre 2024, après expertise, décision confirmée par la cour d’appel le 15 novembre 2024.

Il a été placé à l’isolement le 06 janvier 2025 à 16h42. Des décisions de prolongation ont été prises :

Le 06 janvier à 17h38

Le 06 janvier à 21h42

Le 07 janvier à 20h52

Le 08 janvier à 13h55

Le 08 janvier à 19h50

Le 09 janvier à 14h49

Saisi par le directeur d’établissement le 09 janvier 2025 à 15h43, le magistrat du siège du tribunal judiciaire a prolongé cette mesure d’isolement par une décision du 10 janvier 2025 à 9h30.

Son avocat a interjeté appel de la décision pour courriel du 10 janvier 2025 à 16h38.

Dans le dispositif de la déclaration d’appel, il ne sollicite pas l’audition du patient. Il demande à la cour d’infirmer l’ordonnance, et d’ordonner la mainlevée de la mesure au regard des irrégularités suivantes :

Absence de production des pièces suivantes :

Arrêté d’admission en hospitalisation complète

Certificat médical fondant l’arrêté de maintien, seul produit

Certificat médical au « nom duquel la mesure a été décidée »

Certificat médical sur lequel se fonde la décision la plus récente de maintien

Atteinte aux droits de son client en raison d’une non-audition par la cour alors que le certificat médical visant un état de santé incompatible n’est pas produit

Absence des évaluations médicales par 12h

Vu les observations écrites du ministère public, transmises le 10 janvier 2025 à 18h25, concluant à la confirmation de l’ordonnance entreprise au motif que la mesure d’isolement est nécessaire et proportionnée.

MOTIVATION,

Selon l’article L. 3222-5-1 du code de la santé publique, l’isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours pour des patients en hospitalisation complète sans consentement.

Le texte de cet article prévoit notamment qu’il ne « peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision motivée d’un psychiatre et uniquement de manière adaptée, nécessaire et proportionnée au risque après évaluation du patient. Leur mise en ‘uvre doit faire l’objet d’une surveillance stricte, somatique et psychiatrique, confiée par l’établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin et tracée dans le dossier médical.

La mesure d’isolement est prise pour une durée maximale de douze heures. Si l’état de santé du patient le nécessite, elle peut être renouvelée, dans les conditions et selon les modalités prévues au premier alinéa du présent I, dans la limite d’une durée totale de quarante-huit heures, et fait l’objet de deux évaluations par vingt-quatre heures.

La mesure de contention est prise dans le cadre d’une mesure d’isolement pour une durée maximale de six heures. Si l’état de santé du patient le nécessite, elle peut être renouvelée, dans les conditions et selon les modalités prévues au même premier alinéa, dans la limite d’une durée totale de vingt-quatre heures, et fait l’objet de deux évaluations par douze heures.

II. – A titre exceptionnel, le médecin peut renouveler, au-delà des durées totales prévues au I, les mesures d’isolement et de contention, dans le respect des conditions prévues au même I. Le directeur de l’établissement informe sans délai le magistrat du siège du renouvellement de ces mesures. Le magistrat du siège peut se saisir d’office pour y mettre fin. Le médecin informe du renouvellement de ces mesures au moins un membre de la famille du patient, en priorité son conjoint, le partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité ou son concubin, ou une personne susceptible d’agir dans son intérêt dès lors qu’une telle personne est identifiée, dans le respect de la volonté du patient et du secret médical.

Le directeur de l’établissement saisit le magistrat du siège avant l’expiration de la soixante-douzième heure d’isolement ou de la quarante-huitième heure de contention, si l’état de santé du patient rend nécessaire le renouvellement de la mesure au-delà de ces durées.

Le magistrat du siège statue dans un délai de vingt-quatre heures à compter du terme des durées prévues au deuxième alinéa du présent II.

Si les conditions prévues au I ne sont plus réunies, il ordonne la mainlevée de la mesure. Dans ce cas, aucune nouvelle mesure ne peut être prise avant l’expiration d’un délai de quarante-huit heures à compter de la mainlevée de la mesure, sauf survenance d’éléments nouveaux dans la situation du patient qui rendent impossibles d’autres modalités de prise en charge permettant d’assurer sa sécurité ou celle d’autrui. Le directeur de l’établissement informe sans délai le magistrat du siège, qui peut se saisir d’office pour mettre fin à la nouvelle mesure.

Si les conditions prévues au même I sont toujours réunies, le magistrat du siège autorise le maintien de la mesure d’isolement ou de contention. Dans ce cas, le médecin peut la renouveler dans les conditions prévues audit I et aux deux premiers alinéas du présent II. Toutefois, si le renouvellement d’une mesure d’isolement est encore nécessaire après deux décisions de maintien prises par le magistrat du siège, celui-ci est saisi au moins vingt-quatre heures avant l’expiration d’un délai de sept jours à compter de sa précédente décision et le médecin informe du renouvellement de ces mesures au moins un membre de la famille du patient, en priorité son conjoint, le partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité ou son concubin, ou une personne susceptible d’agir dans son intérêt dès lors qu’une telle personne est identifiée, dans le respect de la volonté du patient et du secret médical. Le magistrat du siège statue avant l’expiration de ce délai de sept jours. Le cas échéant, il est à nouveau saisi au moins vingt-quatre heures avant l’expiration de chaque nouveau délai de sept jours et statue dans les mêmes conditions. Le médecin réitère l’information susmentionnée lors de chaque saisine du magistrat du siège.

Pour l’application des deux premiers alinéas du présent II, lorsqu’une mesure d’isolement ou de contention est prise moins de quarante-huit heures après qu’une précédente mesure d’isolement ou de contention a pris fin, sa durée s’ajoute à celle des mesures d’isolement ou de contention qui la précèdent. Les mêmes deux premiers alinéas s’appliquent lorsque le médecin prend plusieurs mesures dont la durée cumulée sur une période de quinze jours atteint les durées prévues auxdits deux premiers alinéas.

Les mesures d’isolement et de contention peuvent également faire l’objet d’un contrôle par le magistrat du siège en application du IV de l’article L. 3211-12-1. »

Sur la régularité de la procédure

Il y a lieu de mettre en balance, lors de l’appréciation de la régularité des procédures, le droit au respect de la régularité formelle et les conditions de sauvegarde de la sécurité incluant la sécurité pour la personne elle-même et sa santé.

La requête saisissant le juge du 09 janvier 2025 est motivée et signée pour le directeur d’établissement par délégation, par Mme [S] [E], adjointe au directeur. Sa compétence n’est pas discutée.

Si l’arrêté d’admission en hospitalisation complète du 11 octobre 2024 n’est pas produit, celui de maintien l’est, de même que la décision de la cour d’appel ayant autorisé la poursuite de la mesure au-delà de douze jours et s’étant prononcé sur la notification des décisions d’admission et de maintien, ce dont ils se déduit que ces dernières ont été contrôlées par le juge judiciaire et que leur réalité ne peut être remise en cause à ce stade.

Le même raisonnement doit être appliqué s’agissant du certificat médical fondant l’arrêté de maintien.

S’agissant des évaluations médicales, il doit être rappelé que Monsieur [Z] [B] a été prolongé régulièrement par un médecin et a, donc, fait l’objet d’un examen médical à chacune de ces prolongations. Si ces évaluations n’ont pas été faites à un intervalle précis de 12h à chaque fois, il y a eu six évaluations sur une période de moins de 72 heures avant la saisine du juge, de sorte que les droits de Monsieur [Z] [B] ont été respectés et qu’il n’existe aucun grief.

Enfin, la cour constate que si des critiques sont faites sur une non-audition de Monsieur [Z] [B], celle-ci n’est sollicitée à aucun moment ni par lui, ni par son conseil dans le dispositif de ses conclusions.

La critique de la régularité de la saisine n’est pas fondée.

Sur le bien-fondé et la proportionnalité de la mesure d’isolement

S’agissant de la nécessité et de la proportionnalité de la mesure, il est relevé que les décisions médicales produites font état d’un patient instable, avec des moments de forte agitation, ayant conduit à une dégradation de sa chambre, intolérant à la frustration, paranoïaque.

Ces éléments caractérisent la nécessité du maintien à l’isolement pour risque de passage à l’acte hétéroagressif.

En conséquence, il y a lieu de rejeter les moyens présentés par M. [B] et de confirmer l’ordonnance qui autorise la poursuite de l’isolement.

PAR CES MOTIFS,

Le délégué du premier président, statuant dans le cadre de la procédure écrite sans audience, en dernier ressort, publiquement, par décision réputée contradictoire et mise à disposition au greffe,

CONFIRME l’ordonnance critiquée ;

LAISSE les dépens à la charge de l’Etat.

Ainsi fait et jugé par le magistrat délégué soussigné, le 11 JANVIER 2025 à 11h00,

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DÉLÉGATAIRE

Notification ou avis fait à :

X patient à l’hôpital

ou/et ‘ par LRAR à son domicile

X avocat du patient

X directeur de l’hôpital

‘ tiers par LS

‘ préfet de police

‘ avocat du préfet

‘ tuteur / curateur par LRAR

X Parquet près la cour d’appel de Paris

AVIS IMPORTANTS :

Je vous informe qu’en application de l’article R.3211-23 du code de la santé publique, cette ordonnance n’est pas susceptible d’opposition. La seule voie de recours ouverte aux parties est le pourvoi en cassation . Il doit être introduit dans le délai de 2 mois à compter de la présente notification, par l’intermédiaire d’un avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation.

Le pourvoi en cassation est une voie extraordinaire de recours qui exclut un nouvel examen des faits ; il a seulement pour objet de faire vérifier par la Cour de Cassation si la décision rendue est conforme aux textes législatifs en vigueur.

Ce délai est augmenté d’un mois pour les personnes qui demeurent dans un département ou territoire d’outre-mer et de deux mois pour celles qui demeurent à l’étranger.

RE’U NOTIFICATION LE :

SIGNATURE DU PATIENT :


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