Isolement psychiatrique : irrégularité de procédure et protection des droits du patient

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Isolement psychiatrique : irrégularité de procédure et protection des droits du patient

L’Essentiel : Madame [S] [B] [K] est hospitalisée depuis le 3 janvier 2025 sous une mesure d’isolement ordonnée par le docteur [Y] [I]. Le maintien de cette mesure a été examiné par un magistrat, avec des prolongations successives jusqu’au 11 janvier. Cependant, une irrégularité a été relevée : le tuteur de Mme [B] [K] n’a pas été convoqué lors de la procédure. Cette omission a conduit la cour à infirmer la décision du magistrat et à ordonner la levée immédiate de l’isolement, stipulant qu’aucune nouvelle mesure ne peut être prise avant 48 heures, sauf nouveaux éléments.

Contexte de l’affaire

Madame [S] [B] [K] est hospitalisée au centre hospitalier de [Localité 5] [Localité 4] et fait l’objet d’une mesure d’hospitalisation psychiatrique complète depuis le 3 janvier 2025. Son placement en isolement a été ordonné par le docteur [Y] [I] à cette même date.

Procédures judiciaires

Le 6 janvier 2025, un magistrat a été saisi pour statuer sur le maintien de la mesure d’isolement, qui a été autorisée jusqu’au 9 janvier 2025. Le directeur du centre hospitalier a de nouveau saisi le magistrat le 9 janvier, entraînant une prolongation de l’isolement jusqu’au 11 janvier 2025. Un appel a été interjeté par le conseil de Mme [B] [K] le 10 janvier 2025.

Évaluation médicale et audition

Un avis médical du docteur [Y] [I] a confirmé la nécessité de maintenir l’isolement. Mme [B] [K] a demandé une audition devant la cour, qui a eu lieu par téléphone en raison de l’impossibilité d’utiliser un moyen de communication audiovisuelle.

Réglementation sur l’isolement

Selon l’article L 3222-5-1 du code de la santé publique, l’isolement ne peut être appliqué qu’en dernier recours pour prévenir un dommage immédiat. La mesure doit être proportionnée et faire l’objet d’une surveillance stricte. Elle peut être renouvelée sous certaines conditions, avec un contrôle judiciaire.

Irregularité de la procédure

Il a été constaté que le tuteur de Mme [B] [K], désigné par ordonnance du juge des tutelles, n’avait pas été convoqué lors de la saisine du magistrat pour le maintien de l’isolement. Ce défaut de convocation constitue une irrégularité de fond, entraînant l’infirmation de la décision du magistrat.

Décision finale

La cour a donc infirmé l’ordonnance du magistrat du 10 janvier 2025 et a ordonné la mainlevée immédiate de la mesure d’isolement. Il a été rappelé qu’aucune nouvelle mesure ne peut être prise avant un délai de 48 heures, sauf en cas de nouveaux éléments justifiant une prise en charge différente.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions légales pour le placement en isolement d’un patient en hospitalisation psychiatrique ?

Le placement en isolement d’un patient en hospitalisation psychiatrique est régi par l’article L 3222-5-1 du code de la santé publique. Cet article stipule que :

« I.- L’isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours et ne peuvent concerner que des patients en hospitalisation complète sans consentement.

Il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision motivée d’un psychiatre et uniquement de manière adaptée, nécessaire et proportionnée au risque après évaluation du patient.

Leur mise en œuvre doit faire l’objet d’une surveillance stricte, somatique et psychiatrique, confiée par l’établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin et tracée dans le dossier médical. »

La mesure d’isolement est limitée à une durée maximale de douze heures, renouvelable dans certaines conditions.

Si l’état de santé du patient le nécessite, elle peut être prolongée, mais cela doit être justifié par des évaluations régulières.

Il est également précisé que le directeur de l’établissement doit informer le magistrat du siège du tribunal judiciaire du renouvellement de ces mesures.

Quelles sont les conséquences du défaut de convocation du tuteur dans le cadre d’une hospitalisation sans consentement ?

Le défaut de convocation du tuteur dans le cadre d’une hospitalisation sans consentement constitue une irrégularité de fond, comme le stipule l’article 119 du code de procédure civile :

« Le défaut d’information et de convocation du curateur ou du tuteur par le greffier du juge en charge du contrôle de l’hospitalisation sans le consentement de la personne sous curatelle ou tutelle, constitue une irrégularité de fond qui ne requiert pas la preuve d’un grief. »

Cette irrégularité n’est pas couverte par le fait que le patient a été assisté par un avocat et peut être soulevée à tout moment, y compris pour la première fois en appel.

Dans le cas de Mme [B] [K], il a été établi qu’elle était sous tutelle, mais son tuteur n’a pas été convoqué lors de la saisine du magistrat pour le maintien de la mesure d’isolement.

Cela a conduit à l’infirmation de la décision et à l’ordonnance de la mainlevée de la mesure d’isolement.

Quels sont les droits du patient en matière d’isolement et de contention ?

Les droits du patient en matière d’isolement et de contention sont protégés par plusieurs dispositions légales, notamment l’article L 3222-5-1 du code de la santé publique.

Cet article précise que :

« L’isolement et la contention doivent être justifiés par une évaluation du patient et ne peuvent être appliqués que si les conditions de sécurité pour le patient ou autrui le nécessitent. »

De plus, le magistrat du siège du tribunal judiciaire a pour mission de contrôler la régularité de la mesure et son bien-fondé, ce qui implique un respect strict des droits du patient.

Le patient a également le droit d’être informé de la situation et de la mesure qui le concerne, ainsi que d’être assisté par un avocat.

En cas de non-respect de ces droits, comme dans le cas de Mme [B] [K], la décision de maintien de l’isolement peut être annulée, entraînant la mainlevée immédiate de la mesure.

COUR D’APPEL

DE VERSAILLES

Chambre civile 1-7

Code nac : 14P

N° RG 25/00163 – N° Portalis DBV3-V-B7J-W6HJ

(article L.3222-5-1 du Code de la santé publique modifié par la loi n°2022-46 du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique)

Copies délivrées par mail le :

à :

– [S] [B] [K]

– la SELARL CABINET LANDAIS

– LE DIRECTEUR DU CENTRE HOSPITALIER DE [Localité 5] [Localité 4]

– Min. Public

Copies délivrées par LRAR le :

à :

– Association UDAF DES YVELINES, tuteur

ORDONNANCE

ISOLEMENT ET CONTENTION

Le 11 Janvier 2025

prononcé par mise à disposition au greffe,

Nous Madame Delphine BONNET, à la cour d’appel de Versailles, déléguée par ordonnance de monsieur le premier président pour statuer en matière d’hospitalisation sous contrainte (article L.3222-5-1 du Code de la santé publique modifié par la loi n°2022-46 du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique) assistée de Madame Marie-Emeline BAILLIF, Greffière, avons rendu l’ordonnance suivante :

ENTRE :

Madame [S] [B] [K]

Actuellement hospitalisée au centre hospitalier

De [Localité 5] [Localité 4]

[Localité 4]

Représentant : Me Vanessa LANDAIS de la SELARL CABINET LANDAIS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 648

APPELANTE

ET :

Monsieur LE DIRECTEUR DU CENTRE HOSPITALIER DE [Localité 5] [Localité 4]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

non représenté

Association UDAF DES YVELINES, tuteur

[Adresse 2]

[Localité 3]

INTIMES

ET COMME PARTIE JOINTE :

M. LE PROCUREUR GENERAL DE LA COUR D’APPEL DE VERSAILLES

ayant rendu un avis écrit

Vu l’article 17 de la loi n°2022-46 du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique ;

Vu le décret n°2022-419 du 23 mars 2022 relatif à la procédure applicable devant le magistrat du siège du tribunal judiciaire en matière d’isolement et de contention mis en ‘uvre dans le cadre de soins psychiatriques sans consentement ;

Vu l’hospitalisation psychiatrique complète dont fait l’objet Mme [S] [B] [K]. née le 25 avril 2005;

Vu le placement en isolement le 3 janvier 2025 à 12 heures 30, par le docteur [Y] [I] psychiatre du Pôle psychiatrie du centre hospitalier de [Localité 5]-[Localité 4] ;

Vu la saisine du magistrat statuant en application du code de la santé publique en date du 6 janvier 2025 aux fins de maintien d’une mesure d’isolement ;

Vu l’ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Versailles, statuant en application du code de la santé publique, en date du 6 janvier 2025, autorisant le maintien de la mesure d’isolement de Mme [B] [K] au plus tard jusqu’au 9 janvier 2025 à 12 heures 30 ;

Vu la saisine du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Versailles statuant en application du code de la santé publique en date du 9 janvier 2025 émanant du directeur du centre hospitalier de [Localité 5]-[Localité 4] ;

Vu la décision du 10 janvier 2025 par laquelle le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Versailles a autorisé le maintien de la mesure d’isolement de Mme [B] [K] au plus tard jusqu’au 11 janvier 2025 à 12 heures 30 ;

Vu l’appel interjeté par le conseil de Mme [B] [K] le 10 janvier 2025 à 14 h 06 ;

Vu l’avis du procureur général qui s’en rapporte à la sagesse de la cour en l’absence d’information du tuteur ;

Vu l’avis médical rédigé par le docteur [Y] [I] le 10 janvier à 16 h 09 aux termes duquel elle conclut à la nécessité du maintien en isolement la nuit ;

Mme [B] [K] a sollicité une audition devant la cour et après audition de cette dernière par le truchement d’une communication téléphonique à laquelle elle a consenti, vu l’impossibilité de recourir à un moyen de communication audio-visuelle, la décision suivante a été rendue.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes des dispositions nouvelles de l’article L 3222-5-1 du code de la santé publique :

« I.- L’isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours et ne peuvent concerner que des patients en hospitalisation complète sans consentement. Il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision motivée d’un psychiatre et uniquement de manière adaptée, nécessaire et proportionnée au risque après évaluation du patient. Leur mise en ‘uvre doit faire l’objet d’une surveillance stricte, somatique et psychiatrique, confiée par l’établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin et tracée dans le dossier médical.

La mesure d’isolement est prise pour une durée maximale de douze heures. Si l’état de santé du patient le nécessite, elle peut être renouvelée, dans les conditions et selon les modalités prévues au premier alinéa du présent I, dans la limite d’une durée totale de quarante-huit heures, et fait l’objet de deux évaluations par vingt-quatre heures.

II. – A titre exceptionnel, le médecin peut renouveler, au-delà des durées totales prévues au I, les mesures d’isolement ou de contention, dans le respect des conditions prévues au même I. Le directeur de l’établissement informe sans délai le magistrat du siège du tribunal judiciaire du renouvellement de ces mesures. Le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut se saisir d’office pour y mettre fin. Le médecin informe du renouvellement de ces mesures au moins un membre de la famille du patient, en priorité son conjoint, le partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité ou son concubin, ou une personne susceptible d’agir dans son intérêt dès lors qu’une telle personne est identifiée, dans le respect de la volonté du patient et du secret médical.

Le directeur de l’établissement saisit le magistrat du siège du tribunal judiciaire avant l’expiration de la soixante-douzième heure d’isolement ou de la quarante-huitième heure de contention, si l’état de santé du patient rend nécessaire le renouvellement de la mesure au-delà de ces durées.

Le magistrat du siège du tribunal judiciaire statue dans un délai de vingt-quatre heures à compter du terme des durées prévues au deuxième alinéa du présent II.

Si les conditions prévues au I ne sont plus réunies, il ordonne la mainlevée de la mesure. Dans ce cas, aucune nouvelle mesure ne peut être prise avant l’expiration d’un délai de quarante-huit heures à compter de la mainlevée de la mesure, sauf survenance d’éléments nouveaux dans la situation du patient qui rendent impossibles d’autres modalités de prise en charge permettant d’assurer sa sécurité ou celle d’autrui. Le directeur de l’établissement informe sans délai le magistrat du siège du tribunal judiciaire, qui peut se saisir d’office pour mettre fin à la nouvelle mesure.

Si les conditions prévues au même I sont toujours réunies, le magistrat du siège du tribunal judiciaire autorise le maintien de la mesure d’isolement ou de contention. Dans ce cas, le médecin peut la renouveler dans les conditions prévues audit I et aux deux premiers alinéas du présent II. Toutefois, si le renouvellement d’une mesure d’isolement est encore nécessaire après deux décisions de maintien prises par le magistrat du siège du tribunal judiciaire, celui-ci est saisi au moins vingt-quatre heures avant l’expiration d’un délai de sept jours à compter de sa précédente décision et le médecin informe du renouvellement de ces mesures au moins un membre de la famille du patient, en priorité son conjoint, le partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité ou son concubin, ou une personne susceptible d’agir dans son intérêt dès lors qu’une telle personne est identifiée, dans le respect de la volonté du patient et du secret médical. Le magistrat du siège du tribunal judiciaire statue avant l’expiration de ce délai de sept jours. Le cas échéant, il est à nouveau saisi au moins vingt-quatre heures avant l’expiration de chaque nouveau délai de sept jours et statue dans les mêmes conditions. Le médecin réitère l’information susmentionnée lors de chaque saisine du magistrat du siège du tribunal judiciaire.

Pour l’application des deux premiers alinéas du présent II, lorsqu’une mesure d’isolement ou de contention est prise moins de quarante-huit heures après qu’une précédente mesure d’isolement ou de contention a pris fin, sa durée s’ajoute à celle des mesures d’isolement ou de contention qui la précèdent.

Les mêmes deux premiers alinéas s’appliquent lorsque le médecin prend plusieurs mesures dont la durée cumulée sur une période de quinze jours atteint les durées prévues auxdits deux premiers alinéas.

Les mesures d’isolement et de contention peuvent également faire l’objet d’un contrôle par le magistrat du siège du tribunal judiciaire en application du IV de l’article L. 3211-12-1″.

Il est rappelé que l’office du magistrat du siège du tribunal judiciaire consiste à opérer un contrôle de la régularité de la mesure et de son bien-fondé, ce qui suppose d’exercer un contrôle du respect des droits du patient.

Mme [B] [K] a été placée sans son consentement sous le régime de l’hospitalisation psychiatrique complète depuis le 3 janvier 2025 ;

Le 3 janvier 2025, le docteur [Y] [I], psychiatre de l’établissement d’accueil, a prescrit le placement du patient sous le régime de l’isolement, renouvelé dans la limite maximale de 48 heures sur une période de 15 jours ;

Sont versées au dossier les deux évaluations par 24 heures.

Sur le défaut de convocation du tuteur

L’application combinée des articles 468 et 475 du code civil impose que, lorsque le patient bénéficie d’une mesure de protection, le curateur ou le tuteur doit être convoqué.

Il résulte de l’article 119 du code de procédure civile que le défaut d’information et de convocation du curateur ou du tuteur par le greffier du juge en charge du contrôle de l’hospitalisation sans le consentement de la personne sous curatelle ou tutelle, constitue une irrégularité de fond qui ne requiert pas la preuve d’un grief, n’est pas couverte par le fait que le patient a été assisté par un avocat et peut être soulevée en tout état de cause, y compris pour la première fois en appel.

En l’espèce, il ressort du dossier que Mme [B] [K] fait l’objet d’une mesure de tutelle en cours confiée par ordonnance du juge des tutelles du tribunal de proximité de Poissy du 21 mai 2024 à l’UDAF des Yvelines ; il n’est pas justifié de la convocation du tuteur de Mme [B] [K] dans le cadre de la saisine du magistrat du siège pour le maintien de la mesure d’isolement.

Par conséquent, la procédure est irrégulière ; il convient d’infirmer la décision entreprise et d’ordonner la mainlevée de la mesure d’isolement.

PAR CES MOTIFS

INFIRME l’ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Versailles en date du 10 janvier 2025;

statuant de nouveau ;

ORDONNE la mainlevée immédiate de la mesure d’isolement ordonnée dans le cadre de l’hospitalisation psychiatrique complète dont fait l’objet Mme [S] [B] [K] ;

RAPPELLE qu’aucune nouvelle mesure ne peut être prise avant l’expiration d’un délai de 48 heures à compter de la mainlevée de la mesure, sauf survenance d’éléments nouveaux dans la situation du patient qui rendent impossibles d’autres modalités de prise en charge permettant d’assurer sa sécurité ou celle d’autrui ;

RAPPELLE que dans cette hypothèse le directeur de l’établissement informe sans délai le magistrat du siège du tribunal judiciaire, qui peut se saisir d’office pour mettre fin à la nouvelle mesure.

Fait à Versailles, le 11 janvier 2025 à Heures

La Greffière La Conseillère


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